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chirona

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Tequila Moor Membre 16 213 messages
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À l’usage des humbles

A l’usage des humbles, de ceux qui s’aiment, j’écris que la terre est dure, que tout passe, hormis l’amour.
J’écris ce que je sais et ce que nous savons, mais que nous avons à mieux connaître pour vivre,
Que la fougère épouse le houblon,
Que l’amour n’est jamais malheureux.
J’écris à longue haleine parce qu’au bout du souffle il y a le rire à délivrer.
J’écris le monde qui sera.
Ce n’est pas en un jour qu’il viendra, mais après un long respect, une longue connaissance.
J’écris pour assumer le bonheur. 
Et que m’importe comment si l’herbe au crépuscule a un langage stellaire.
Si je dis que tout est familier, ceux qui s’aiment entrent sans hésiter dans le système des gravitations.
M’entendez-vous ? La mer est à ma porte et je ne la retiens que par un tout petit peu d’imagination.
M’entendez-vous lorsque j’accorde audience aux grands thèmes de passage ?
Je me bats avec les éclats de rire, les armes de la jeunesse, avec la centaurée sauvage, la bourrache et le lotier.
J’appelle au nom de la santé des prés, de la houle des sainfoins, de la sueur des hommes.
J’appelle au nom des cheveux de l’aimée, d’une main prise sur l’épaule, d’un avenir commencé à deux.
Avec les armes du plaisir, avec les larmes du désir.
J’écris le bonheur sur la table.

 

Jean Malrieu

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 Une larme

Tombez, larmes silencieuses,
Sur une terre sans pitié ;
Non plus entre des mains pieuses,
Ni sur le sein de l'amitié !

Tombez comme une aride pluie
Qui rejaillit sur le rocher,
Que nul rayon du ciel n'essuie,
Que nul souffle ne vient sécher.

Qu'importe à ces hommes mes frères
Le cœur brisé d'un malheureux ?
Trop au-dessus de mes misères,
Mon infortune est si loin d'eux !

Jamais sans doute aucunes larmes
N'obscurciront pour eux le ciel ;
Leur avenir n'a point d'alarmes,
Leur coupe n'aura point de fiel.

Jamais cette foule frivole
Qui passe en riant devant moi
N'aura besoin qu'une parole
Lui dise: " Je pleure avec toi ! "

Eh bien ! ne cherchons plus sans cesse
La vaine pitié des humains ;
Nourrissons-nous de ma tristesse,
Et cachons mon front dans mes mains.

À l'heure où l'âme solitaire
S'enveloppe d'un crêpe noir,
Et n'attend plus rien de la terre,
Veuve de son dernier espoir ;

Lorsque l'amitié qui l'oublie
Se détourne de son chemin,
Que son dernier bâton, qui plie,
Se brise et déchire sa main ;

Quand l'homme faible, et qui redoute
La contagion du malheur,
Nous laisse seul sur notre route
Face à face avec la douleur ;

Quand l'avenir n'a plus de charmes
Qui fassent désirer demain,
Et que l'amertume des larmes
Est le seul goût de notre pain ;

C'est alors que ta voix s'élève
Dans le silence de mon coeur,
Et que ta main, mon Dieu ! soulève
Le poids glacé de ma douleur.

On sent que ta tendre parole
À d'autres ne peut se mêler,
Seigneur ! et qu'elle ne console
Que ceux qu'on n'a pu consoler.

Ton bras céleste nous attire
Comme un ami contre son cœur,
Le monde, qui nous voit sourire,
Se dit : " D'où leur vient ce bonheur ? "

Et l'âme se fond en prière
Et s'entretient avec les cieux,
Et les larmes de la paupière
Sèchent d'elles-mêmes à nos yeux,

Comme un rayon d'hiver essuie,
Sur la branche ou sur le rocher,
La dernière goutte de pluie
Qu'aucune ombre n'a pu sécher.

Alphonse de Lamartine.

ca2d.jpg

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Ballade contre les ennemis de la France

Rencontré soit de bêtes feu jetant
Que Jason vit, quérant la Toison d’or ;
Ou transmué d’homme en bête sept ans
Ainsi que fut Nabugodonosor ;
Ou perte il ait et guerre aussi vilaine
Que les Troyens pour la prise d’Hélène ;
Ou avalé soit avec Tantalus
Et Proserpine aux infernaux palus ;
Ou plus que Job soit en grieve souffrance,
Tenant prison en la tour Dedalus,
Qui mal voudroit au royaume de France !

Quatre mois soit en un vivier chantant,
La tête au fond, ainsi que le butor ;
Ou au grand Turc vendu deniers comptants,
Pour être mis au harnais comme un tor ;
Ou trente ans soit, comme la Magdelaine,
Sans drap vêtir de linge ne de laine ;
Ou soit noyé comme fut Narcissus,
Ou aux cheveux, comme Absalon, pendus,
Ou, comme fut Judas, par Despérance ;
Ou puist périr comme Simon Magus,
Qui mal voudroit au royaume de France !

D’Octovien puist revenir le temps :
C’est qu’on lui coule au ventre son trésor ;
Ou qu’il soit mis entre meules flottant
En un moulin, comme fut saint Victor ;
Ou transglouti en la mer, sans haleine,
Pis que Jonas ou corps de la baleine ;
Ou soit banni de la clarté Phébus,
Des biens Juno et du soulas Vénus,
Et du dieu Mars soit pugni à outrance,
Ainsi que fut roi Sardanapalus,
Qui mal voudroit au royaume de France !

Prince, porté soit des serfs Eolus
En la forêt où domine Glaucus,
Ou privé soit de paix et d’espérance :
Car digne n’est de posséder vertus,
Qui mal voudroit au royaume de France !

François Villon, Poésies diverses

ye50.jpg

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Le dernier poème

J'ai rêvé tellement fort de toi,
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi,
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres
D'être cent fois plus ombre que l'ombre
D'être l'ombre qui viendra et reviendra
dans ta vie ensoleillée.


Robert Desnos
Domaine public, 1953

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Bacchus

 

Viens, ô divin Bacchus, ô jeune Thyonée,

Ô Dionyse, Évan, Iacchus et Lénée ;

Viens, tel que tu parus aux déserts de Naxos,

Quand ta voix rassurait la fille de Minos.

Le superbe éléphant, en proie à ta victoire,

Avait de ses débris formé ton char d’ivoire.

De pampres, de raisins mollement enchaîné,

Le tigre aux lares flancs de taches sillonné,

Et le lynx étoilé, la panthère sauvage,

Promenaient avec toi ta cour sur ce rivage.

L’or reluisait partout aux axes de tes chars.

Les Ménades couraient en longs cheveux épars

Et chantaient Évius, Bacchus et Thyonée,

Et Dionyse, Évan, Iacchus et Lénée,

Et tout ce que pour toi la Grèce eut de beaux noms.

Et la voix des rochers répétait leurs chansons ;

Et le rauque tambour, les sonores cymbales,

Les hautbois tortueux, et les doubles crotales

Qu’agitaient en dansant sur ton bruyant chemin

Le faune, le satyre et le jeune sylvain,

Au hasard attroupés autour du vieux Silène,

Qui, sa coupe à la main, de la rive indienne,

Toujours ivre, toujours débile, chancelant,

Pas à pas cheminait sur son âne indolent.

(inachevé)

André Chénier, Poésies Antiques

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Invité Etaine
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Invité Etaine
Invité Etaine Invités 0 message
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Où Poe se promena jadis

Eternellement méditent les ombres sur ce sol,

Rêvant aux siècles qui se sont enfuis ;

De grands ormes se dressent solennellement près des dalles et des tertres,

Abritant de leur voûte le monde caché d’autrefois.

Sur ce paysage joue la lumière du souvenir,

Et les feuilles mortes chuchotent, évoquant les jours révolus,

Regrettant les images et les sons qui ont disparu.

Triste et solitaire, un spectre se glisse le long

Des allées où ses pas l’ont conduit, de son vivant ;

Un regard ordinaire ne peut l’apercevoir, bien que son chant

Résonne à travers le Temps, empreint d’un charme mystérieux.

Seules les rares personnes connaissant les secrets de la sorcellerie

Entrevoient parmi ces tombes l’ombre de Poe.

H. P. Lovecraft

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Globure Membre 6 471 messages
Maitre des forums‚ 53ans‚
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La cause et l’effet

 

les meilleurs meurent souvent de leur propre main
juste pour se libérer
et ceux qui restent
ne comprennent jamais vraiment
pourquoi
on voudrait
se libérer
d’eux

Charles Bukowski

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goods Membre+ 35 581 messages
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Envers et contre tous

Montre à tes amis ton cœur et ta bonne foi,

Montre ton front à tous tes adversaires.

Fidèle à ta nature et conforme à ta loi :

Laisse dire les sots, écoute les sincères,

Consulte les sensés et marche devant toi.

Henri-Frédéric Amiel (1821-1881)

La part du rêve

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Invité
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Perséides

Un vent léger,
Tard le soir,
La danse des ombres.

En regardant le ciel
Je ne sais plus
Pourquoi j’étais en colère.

Nuit des étoiles filantes -
Moi aussi, sur Terre,
Je ne suis que de passage.

[S. Moysan]

.

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Invité Etaine
Invités, Posté(e)
Invité Etaine
Invité Etaine Invités 0 message
Posté(e)

Féerie

Noir val — et cours d’eau ombreux — et bois pareils à des nuages, dont on ne peut découvrir les formes, à cause des larmes qui s’égouttent partout, — là croissent et décroissent d’énormes lunes — encore — encore — encore à tout moment de la nuit — changeant à jamais de lieu, — elles éteignent la lumière des étoiles avec l’haleine de leurs faces pâles. Vers minuit au cadran lunaire, une plus nébuleuse que le reste (d’une espèce qu’à l’épreuve elles ont trouvé être la meilleure) descend, — bas, plus bas, et son centre à la cime d’une éminence de montagnes, pendant que la vaste circonférence retombe en draperies aisées sur les hameaux, sur les résidences (partout où il y peut y en avoir), sur les bois étranges — sur la mer — sur les esprits au vol — sur toute chose assoupie, — et les ensevelit dans un labyrinthe de lueur. Profonde, oh ! profonde alors la passion de leur sommeil. Au matin Elles se lèvent, et le voile lunaire prend vers les Cieux un essor, avec les tempêtes qui s’y agitent, comme… presque comme tout — ou un pâle Albatros. Elles n’emploient plus cette lune aux mêmes fins que devant, videlicet une tente — ce que je crois extravagant : ses atomes donc se séparent en une averse, dont ces papillons de la Terre, qui cherchent les Cieux et redescendent (êtres jamais satisfaits !) apportent un spécimen par leurs ailes frissonnantes.

Edgar Allan Poe

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Invité Etaine
Invités, Posté(e)
Invité Etaine
Invité Etaine Invités 0 message
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il y a 3 minutes, Tequila Moor a dit :

Oubli de traduction ? :)

Je l'ai bien cherché celle là ^^

Du latin, sans doute...

Modifié par Etaine
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Membre, `, Posté(e)
Tequila Moor Membre 16 213 messages
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Posté(e)
il y a 9 minutes, Etaine a dit :

Je l'ai bien cherché celle là ^^

Du latin, sans doute...

Oui : https://www.dicolatin.com/Latin/Lemme/0/VIDELICET/index.html

Je propose cela :

Elles n'emploient plus cette lune
Aux mêmes fins qu'auparavant,
À savoir, une chape —
Ce que je trouve extravagant...

Modifié par Tequila Moor
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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 1 heure, Tequila Moor a dit :

Oubli de traduction ? :)

Meuh non ! Videlicet, j'emploie ça tous les jours ! :o°

"Un escalier en vissette, videlicet en colimaçon ! :smile2:

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Membre, 53ans Posté(e)
Globure Membre 6 471 messages
Maitre des forums‚ 53ans‚
Posté(e)

Écoute la palpitation de l’espace
ce sont les pas de la saison en chaleur
sur les braises de l’année

Rumeur d’ailes et de crotales
tambours lointains de l’averse
crépitation halètement de la terre
sous son vêtement d’insectes et de racines

La soif éveille et construit
ses grandes cages de verre
où ta nudité est eau enchaînée
eau qui chante et se déchaîne

Avec les armes de l’été
tu entres dans ma chambre entres dans mon front
et détaches le fleuve du langage
regarde-toi dans ces promptes paroles

Le jour brûle peu à peu
sur le paysage aboli
ton ombre est un pays d’oiseaux
que le soleil d’un geste dissipe

 

Octavio Paz _ Les armes de l'été

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Membre+, Posté(e)
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C'est presque l'invisible qui luit

C'est presque l'invisible qui luit
au-dessus de la pente ailée ;
il reste un peu d'une claire nuit
à ce jour en argent mêlée.

Vois, la lumière ne pèse point
sur ces obéissants contours
et, là-bas, ces hameaux, d'être loin,
quelqu'un les console toujours.
 

Rainer Maria Rilke 

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Invité
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Loin, dans les bois, j’ai coupé une branche noire,
assoiffé j’ai porté son murmure à mes lèvres :
était-ce donc la voix de la pluie qui pleurait,
une cloche brisée ou un coeur mis en pièces?

Quelque chose qui de si loin m’est apparu,
enfoui dans sa lourdeur, recouvert par la terre,
ce sont cris assourdis par d’immenses automnes,
par la nuit entrouverte, humide des feuillages.

Alors, se réveillant du rêve végétal,
la branche du coudrier a chanté sous ma bouche
et son errante odeur grimpa dans mon esprit

comme si tout d’un coup me cherchaient les racines
abandonnées, la terre perdue, mon enfance,
et je restai, blessé du parfum vagabond.

Loin, dans les bois-Pablo Neruda

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goods Membre+ 35 581 messages
Posté(e)

Marie

Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C’est la maclotte qui sautille
Toutes les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie

Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu’elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux

Les brebis s’en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d’argent
Des soldats passent et que n’ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encor que sais-je

Sais-je où s’en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l’automne
Que jonchent aussi nos aveux

Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s’écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913.

ne7l.jpg

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Quand je perdrai ma voix

non seulement par ma faute 

et que tu seras la seule à m'entendre

alors je te dirai

ce que ne dit que le muet

et celui que le silence

avait prévenu.

Jan Skacel

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