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chirona

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chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
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La Chanson du mal-aimé

à Paul Léautaud.

Et je chantais cette romance

En 1903 sans savoir

Que mon amour à la semblance

Du beau Phénix s'il meurt un soir

Le matin voit sa renaissance.

Un soir de demi-brume à Londres

Un voyou qui ressemblait à

Mon amour vint à ma rencontre

Et le regard qu'il me jeta

Me fit baisser les yeux de honte

Je suivis ce mauvais garçon

Qui sifflotait mains dans les poches

Nous semblions entre les maisons

Onde ouverte de la Mer Rouge

Lui les Hébreux moi Pharaon

Oue tombent ces vagues de briques

Si tu ne fus pas bien aimée

Je suis le souverain d'Égypte

Sa soeur-épouse son armée

Si tu n'es pas l'amour unique

Au tournant d'une rue brûlant

De tous les feux de ses façades

Plaies du brouillard sanguinolent

Où se lamentaient les façades

Une femme lui ressemblant

C'était son regard d'inhumaine

La cicatrice à son cou nu

Sortit saoule d'une taverne

Au moment où je reconnus

La fausseté de l'amour même

Lorsqu'il fut de retour enfin

Dans sa patrie le sage Ulysse

Son vieux chien de lui se souvint

Près d'un tapis de haute lisse

Sa femme attendait qu'il revînt

L'époux royal de Sacontale

Las de vaincre se réjouit

Quand il la retrouva plus pâle

D'attente et d'amour yeux pâlis

Caressant sa gazelle mâle

J'ai pensé à ces rois heureux

Lorsque le faux amour et celle

Dont je suis encore amoureux

Heurtant leurs ombres infidèles

Me rendirent si malheureux

Regrets sur quoi l'enfer se fonde

Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes voeux

Pour son baiser les rois du monde

Seraient morts les pauvres fameux

Pour elle eussent vendu leur ombre

J'ai hiverné dans mon passé

Revienne le soleil de Pâques

Pour chauffer un coeur plus glacé

Que les quarante de Sébaste

Moins que ma vie martyrisés

Mon beau navire ô ma mémoire

Avons-nous assez navigué

Dans une onde mauvaise à boire

Avons-nous assez divagué

De la belle aube au triste soir

Adieu faux amour confondu

Avec la femme qui s'éloigne

Avec celle que j'ai perdue

L'année dernière en Allemagne

Et que je ne reverrai plus

Voie lactée ô soeur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

Et des corps blancs des amoureuses

Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

Ton cours vers d'autres nébuleuses

Je me souviens d'une autre année

C'était l'aube d'un jour d'avril

J'ai chanté ma joie bien-aimée

Chanté l'amour à voix virile

Au moment d'amour de l'année

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

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Membre+, 51ans Posté(e)
chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Mignonne, allons voir si la rose

A Cassandre

Mignonne, allons voir si la rose

Qui ce matin avoit desclose

Sa robe de pourpre au Soleil,

A point perdu ceste vesprée

Les plis de sa robe pourprée,

Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,

Mignonne, elle a dessus la place

Las ! las ses beautez laissé cheoir !

Ô vrayment marastre Nature,

Puis qu'une telle fleur ne dure

Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,

Tandis que vostre âge fleuronne

En sa plus verte nouveauté,

Cueillez, cueillez vostre jeunesse :

Comme à ceste fleur la vieillesse

Fera ternir vostre beauté.

Pierre de Ronsard (1524-1585), Les Odes

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Membre+, 51ans Posté(e)
chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
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Et j'ai revu l'enfant unique : il m'a semblé

Que s'ouvrait dans mon coeur la dernière blessure,

Celle dont la douleur plus exquise m'assure

D'une mort désirable en un jour consolé.

La bonne flèche aiguë et sa fraîcheur qui dure !

En ces instants choisis elles ont éveillé

Les rêves un peu lourds du scrupule ennuyé.

Et tout mon sang chrétien chanta la Chanson pure.

J'entends encor, je vois encor ! Loi du devoir

Si douce ! Enfin, je sais ce qu'est entendre et voir,

J'entends, je vois toujours ! Voix des bonnes pensées,

Innocence, avenir ! Sage et silencieux,

Que je vais vous aimer, vous un instant pressées,

Belles petites mains qui fermerez nos yeux !

Paul Verlaine, Sagesse I - XVIII

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Invité
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Invité
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Posté(e)

Bonjour Chirona et tous! Alors, une poétesse que j'aime, beaucoup....(je n'emploie pas le mot "préfère" le trouvant trop limitatif)

Alejandra Pizarnik – Salut (Salvación, 1956)

L’île s’enfuit

Et encore une fois la fille gravit le vent

et découvre la mort de l’oiseau prophète

A présent

c’est le feu soumis

A présent

c’est la chair

la feuille

la pierre

égarés dans la source du tourment

comme le navigateur dans l’horreur de la civilisation

qui purifie la tombée de la nuit

A présent

la fille trouve le masque de l’infini

et casse le mur de la poésie.

...........

Quelqu’un rentre dans le silence et m’abandonne

Maintenant la solitude n’est pas seule

Tu parles comme la nuit

T’annonces comme la soif...

Pizarnik1.jpg

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Invité ella voyage
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Invité ella voyage
Invité ella voyage Invités 0 message
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Bonjour Chirona et tous

Ce n'est pas un poème mais de la prose, que je trouve poétique aussi et qui me plaît . Je mets deux extraits.

Edouard Glissant

Tout-monde

" BANIANS

LE LIEU - Il est incontournable. Mais si vous désirez profiter dans ce lieu qui vous a été donné, réfléchissez que désormais tous les lieux du monde se rencontrent, jusqu'aux espaces sidéraux. Ne projetez plus dans l'ailleurs l'incontrôlable de votre lieu. Concevez l'étendue et son mystère si abordable. Ne partez pas de votre rive comme pour un voyage. Ou plutôt, partez de l'ailleurs et remontez ici, où s'ouvrent votre maison et votre source. Circulez par l"imaginaire, autant que par les moyens les plus rapides ou confortables de locomotion. Plantez des espèces inconnues et faites se rejoindre les montagnes. Descendez dans les volcans et les misères, visibles et invisibles. Ne croyez pas à votre unicité, ni que votre fable est la meilleure, ou plus haute votre parole.

- Alors, tu en viendras à ceci, qui est de très forte connaissance: que le lieu s'agrandit de son centre irréductible, tout autant que de ses bordures incalculables."

" BEZAUDIN

L'IDENTIQUE - Ce n'est pas distraire l'identité que de questionner l'identique. Nous observons combien d'anciens maîtres, et à penser surtout, se délectent de la parole de leurs anciens opprimés, quand cette parole se renferme vaillamment, que vous calculez votre être. Ne craignez point qu'ils vous accusent d'être intellectuel. C'est qu'ils craignent que vous le soyez, que vous en soyez un. Ce qu'ils ont en commun, ancien maître et ancien opprimé de cette sorte, c'est la croyance précisément que l'identité est souche, que la souche est unique, et qu'elle doit prévaloir. Allez au devant de tout ça. Allez! Faites exploser les morceaux de cette roche. Ramassez-en les morceaux et les distribuez sur l'étendue. Nos identités se relaient, et par là seulement tombent en vaine prétention ces hiérarchies cachées, ou qui forcent par subreptice à se maintenir sous l'éloge. Ne consentez pas à ces manoeuvres de l'identique ... Ouvrez au monde le champ de votre identité. "

(il y a d'autres extraits qui me plaisent tout autant, mais j'ai maintenant la flemme de continuer à recopier)

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Invité Mad_World
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Invité Mad_World
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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 52ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
52ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
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Le poison de Charles Baudelaire (1821-1867)

Recueil "Les fleurs du Mal"

Le vin sait revêtir le plus sordide bouge

D'un luxe miraculeux,

Et fait surgir plus d'un portique fabuleux

Dans l'or de sa vapeur rouge,

Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.

L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes,

Allonge l'illimité,

Approfondit le temps, creuse la volupté,

Et de plaisirs noirs et mornes

Remplit l'âme au delà de sa capacité.

Tout cela ne vaut pas le poison qui découle

De tes yeux, de tes yeux verts,

Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...

Mes songes viennent en foule

Pour se désaltérer à ces gouffres amers.

Tout cela ne vaut pas le terrible prodige

De ta salive qui mord,

Qui plonge dans l'oublie mon âme sans remord,

Et, charriant le vertige,

La roule défaillante aux rives de la mort !

le-poison.jpg

Ce tableau de pastel est inspiré du poème "le poison de Charles Baudelaire"

Résumé

Le poète parle des différentes manières qu’il a expérimentées pour s’évader de la réalité. Il évoque tout d’abord le vin puis l’opium, avant d’évoquer la femme qu’il aime et qui est pour lui comparable à un poison.

Il s’exprime à la première personne du singulier mais n’intervient que lorsqu’il parle de la femme à laquelle il s’adresse directement (tes yeux). Il utilise le présent et montre ainsi qu’il s’exprime sur ses sentiments actuels.

---

Introduction

Baudelaire tente ici d'échapper au spleen " c'est la quintessence de profonds sentiments de découragement, d'isolement, d'angoisse et d'ennui existentiels que le poète des Fleurs du Mal exprime dans plusieurs de ses poèmes." grâce aux paradis artificiels.

La présence de la mort

Le champs lexical de la mort est présent tout au long du texte. On assiste ici à une progression depuis une morne tristesse jusqu'à la mort elle-même : on s'enfonce dans le spleen à mesure que l'on essaye d'y échapper.

1ère tentative : Le vin

Ici prime la luxure, la beauté et le rêve. Le vin amène alors des hallucinations.

Première allusion à la mort et premier échec avec le "soleil couchant" déjà annoncé par le rouge de la vapeur alors que nous sommes en pleine vision miraculeuse. Apparemment, l'effet du vin est positif mais une note sordide apparait en arrière plan.

2ème tentative : l'opium

Ici c'est le champ lexical de l'agrandissement. L'opium est un extenseur de l'espace dans les trois dimensions : "Allonge" en longueur, "approfondit" et "agrandit" en volume. C'est un domaine de non-espace et de volupté, étiré à l'infini. Mais les plaisirs sont "mornes et noirs". La chute est brusque, bien plus terrible que celle du vin, à peine esquissée. On retombe ici brutalement dans le spleen.

3ème tentative : la femme

Domaine de l’érotisme et de la sensualité, la femme prend d'emblée de l'importance : "Tout cela ne vaut pas" mais déjà les yeux de la femme, qui la représente métonymiquement, ces yeux, partie la plus immatérielle du corps de la femme troublent l'auteur et le fait "trembler". Le champ lexical de l'eau à relever présente la femme comme source de mort. Cette eau ne désaltère pas l'auteur, la salive qui "mord" n'est pas sans rappeler la mort. Le "remord" évoque le péché, "l'âme" "défaillante" qui était plongée dans l'oubli en arrive jusqu'aux portes de la mort.

Conclusion

Les paradis artificiels débouchent sur la mort de l'âme. La gradation très Baudelairienne vin->opium->femme n'aboutit qu'à la mort.

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Membre+, 51ans Posté(e)
chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Bonsoir à tous, merci pour vos contributions :).

Il n'y a pas d'amour heureux

Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force

Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit

Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix

Et quand il croit serrer son bonheur il le broie

Sa vie est un étrange et douloureux divorce

Il n'y a pas d'amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes

Qu'on avait habillés pour un autre destin

A quoi peut leur servir de se lever matin

Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains

Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes

Il n'y a pas d'amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure

Je te porte dans moi comme un oiseau blessé

Et ceux-là sans savoir nous regardent passer

Répétant après moi les mots que j'ai tressés

Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent

Il n'y a pas d'amour heureux

Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard

Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson

Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson

Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson

Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare

Il n'y a pas d'amour heureux

Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur

Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri

Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri

Et pas plus que de toi l'amour de la patrie

Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs

Il n'y a pas d'amour heureux

Mais c'est notre amour à tous les deux

Louis Aragon, La Diane française, 1944

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lendehors Membre 372 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

.... en lisant Alejandra Pizarnik via lucy ... un petit ricochet sur (et dans) le "silence" ...

Silence.Il s’étale, effrayant : c’est la mer murmurante,

C’est un champ infini de toutes parts neigeux.

C’est la Mort déguisé attrapant mes cheveux,

Chagrine et qui fait peur. La Mort caracolante.

Je dépose à ses pieds mon âme pantelante.

Mon cœur bat-il encor ? Je l’écoute, anxieux.

Musique monotone… et pourtant - justes cieux ! -

J’aime l’entendre vivre au sein de ma tourmente.

Je marche, dirait-on, sur un frêle terrain.

Quand le sol se défait sous mon pied incertain,

Je prétends résister comme fou qui s’éveille.

Puis je baisse la tête au comble de l’émoi.

Car la vase, déjà, vient boucher mon oreille.

Interdit, je me rends. Qu’adviendra-t-il de moi ?

Attila József.

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Invité ella voyage
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Prévert

Un monde fou

Pas du tout

Un monde raisonnant de raisonnabilité

un monde arraisonné

Et toutes les vieilles arrière-pensées à l'avant-garde

des idées

Le monde de la terre

la Terre qu'ils oublient

Et les grandes voix de la mer en colère

hurlant sans cesse: Arrière Pays !

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Laisse-moi fuir,

Etre libre (Du vent pour mon arbre !

De l’eau pour ma fleur !)

Vivre de soi à soi

Et noyer les dieux en moi

Ou écraser leurs têtes vipérines sous mon pied.

Pas d’espace, dis-tu, pas d’espace,

Mais tu ne m’y incluras pas

Même si ta cage est robuste.

Ma force sapera ta force ;

Je déchirerai l’obscur nuage

Pour voir moi-même le soleil

Pâle et déclinant, pousse atroce.

Dylan Thomas - Laisse-moi fuir (let me escape)

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Invité ella voyage
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Chanson

Quel jour sommes-nous

Nous sommes tous les jours

Mon amie

Nous sommes toute la vie

Mon amour

Nous nous aimons et nous vivons

Nous vivons et nous nous aimons

Et nous ne savons pas ce que c'est que la vie

Et nous ne savons pas ce que c'est que le jour

Et nous ne savons pas ce que c'est que l'amour.

Prévert, Jacques

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Que nous écrivions, parlions ou simplement regardions

Nous sommes toujours inapparents. Ce que nous sommes

Ne peut être transfusé dans un mot, dans un livre.

Notre âme est infiniment de nous-mêmes éloignée

Même si nous nantissons nos pensées du pouvoir

D’être notre âme et de la manifester au dehors

Nos cœurs restent encore incommunicables.

Nous sommes ignorés en ce que nous

montrons comme nous-mêmes

L’abîme d’âme à âme ne peut être comblé

Par aucune adresse de pensée ni aucune ruse d’apparence

Nous sommes restreints jusqu’au fond de nous-mêmes

Quand nous tentons d’exprimer notre être à notre pensée.

Songes de nous-mêmes, tels nous sommes, lueurs d’âmes,

Les uns pour les autres songes de songes rêvés par d’autres. *

Fernando Pessoa – Que nous écrivions, parlions ou simplement regardions (1918)

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Membre+, 51ans Posté(e)
chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Les mains d'Elsa

Donne-moi tes mains pour l'inquiétude

Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé

Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude

Donne-moi te mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon pauvre piège

De paume et de peur de hâte et d'émoi

Lorsque je les prends comme une eau de neige

Qui fond de partout dans mes mains à moi

Sauras-tu jamais ce qui me traverse

Ce qui me bouleverse et qui m'envahit

Sauras-tu jamais ce qui me transperce

Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage

Ce parler muet de sens animaux

Sans bouche et sans yeux miroir sans image

Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent

D'une proie entre eux un instant tenue

Sauras-tu jamais ce que leur silence

Un éclair aura connu d'inconnu

Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme

S'y taise le monde au moins un moment

Donne-moi tes mains que mon âme y dorme

Que mon âme y dorme éternellement.

Louis Aragon, Le Fou d'Elsa, 1963

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Invité ella voyage
Invités, Posté(e)
Invité ella voyage
Invité ella voyage Invités 0 message
Posté(e)

Comme une flamme

Une île de flammes

Passion braises de compassion

Le monde

Faisceau de tes images

Fondues de ta musique

Ton corps

Déversé dans mon corps

Vu

Evanoui

Donne réalité au regard

Octavio Paz, Versant Est 1960-68

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Membre, 50ans Posté(e)
jean ghislain Membre 1 084 messages
Baby Forumeur‚ 50ans‚
Posté(e)

Il est terrible

le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain

il est terrible ce bruit

quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim

elle est terrible aussi la tête de l'homme

la tête de l'homme qui a faim

quand il se regarde à six heures du matin

dans la glace du grand magasin

une tête couleur de poussière

ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde

dans la vitrine de chez Potin

il s'en fout de sa tête l'homme

il n'y pense pas

il songe

il imagine une autre tête

une tête de veau par exemple

avec une sauce de vinaigre

ou une tête de n'importe quoi qui se mange

et il remue doucement la mâchoire

doucement

et il grince des dents doucement

car le monde se paye sa tête

et il ne peut rien contre ce monde

et il compte sur ses doigts un deux trois

un deux trois

cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé

et il a beau se répéter depuis trois jours

Ça ne peut pas durer

ça dure

trois jours

trois nuits

sans manger

et derrière ce vitres

ces pâtés ces bouteilles ces conserves

poissons morts protégés par les boîtes

boîtes protégées par les vitres

vitres protégées par les flics

flics protégés par la crainte

que de barricades pour six malheureuses sardines..

Un peu plus loin le bistrot

café-crème et croissants chauds

l'homme titube

et dans l'intérieur de sa tête

un brouillard de mots

un brouillard de mots

sardines à manger

oeuf dur café-crème

café arrosé rhum

café-crème

café-crème

café-crime arrosé sang !...

Un homme très estimé dans son quartier

a été égorgé en plein jour

l'assassin le vagabond lui a volé

deux francs

soit un café arrosé

zéro franc soixante-dix

deux tartines beurrées

et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.

Prévert, Paroles.

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Membre+, 51ans Posté(e)
chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

L'Albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !

L'un agace son bec avec un brûle-gueule,

L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l'archer,

Exilé sur le sol au milieu des huées

Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1859

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Invité VilTheory
Invités, Posté(e)
Invité VilTheory
Invité VilTheory Invités 0 message
Posté(e)

La mort, pour Oscar Wilde, dans le récit du fantôme de Canterville Chase que je viens de terminer :

"Pauvre, pauvre fantôme, murmura-t-elle ; n'avez-vous nul endroit où vous puissiez dormir ?

- Au loin, là-bas, au-delà des bois de pins, répondit-il, d'une voix lente et rêveuse, il y a un petit jardin. L'herbe y croît, longue et drue ; il y a là les grosses étoiles blanches de la fleur de ciguë, et le rossignol y chante toute la nuit. Toute la nuit, il chante, et la lune froide, pareille à un globe de cristal, penche ses regards sur ce jardin ; et l'if étend ses bras géants au-dessus des dormeurs.", c'est d'un cimetière dont il est question...

Voici l'âme de la poésie.

Modifié par VilTheory
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