Accepter sans proposition (petit texte :) )

"- Oh, je sais.

Tu vas me dire que je suis branché, branché sur le négatif. Que dans mes plus grandes peines je me damne, solitaire... que dans un bonheur je cherche mon malheur et que j'y dessine le filtre de la mort, du grand final.

Tu dis oui, je dis non. 

Moi, cette peine, c'est une grande caresse qui toujours m'a tenu compagnie. Ma prudence ne me protégera pas plus de la fin que ton insouciance, bien, ce n'est pas de ma faute si mes yeux sont plus grands que les tiens. Enfin, tu as déjà des cheveux gris, ça ne te fait rien ?"

Ce monde est vain, et tu me secoues parce que je me complais mal dans l'absurde. Je suis si bien là. Alors oui, je les vois. Les fantômes, le vide, l'absence, les hurlements, les peaux arrachées, et bientôt ma fin...

"- Eh, écoute bien chaque touche du clavier que j'ébranle pour te dire en quelques mots que... Tu pourras frapper toutes les briques de ton étau, tu ne feras que respirer plus de poussières pendant ton séjour."

"- Alors c'est ça, hein ?"

"- Oui, ça n'a pas changé, il faut imaginer Sisyphe heureux."

Ils se turent un instant.

Il craignait d'aller dormir. Il craignait de craindre et d'avoir du mal à respirer, là, sous ses draps. Son colocataire, lui, faisait envie tant il regardait les flocons de neige avec légèreté. Il avait avec lui le pouvoir d'accepter. En regardant les flocons fondre il acceptait que sans cesse, entre chaque battement de coeur, son corps attendait dans un silence de cathédrale le prochain boum. Boum. Boum. Encore un boum ?

Accepter.

Accepter.

Accepter.

Il n'y avait pas de proposition.

Je te conseille la vie éternelle.

Un peu trop morose à 6h30 du matin...

Moi, je suis le colocataire, je suis heureux du présent et je prendrai l'avenir comme il vient, un jour à la fois. Comme disait je ne sais plus qui, "On verra bien quand on y sera." 

Ce que je trouve marrant dans cet échange d’impression entre @Naluueet @Phylou, ayant respectivement 23 ans et 70 ans. C’est ce contraste de perception entre le vécu d’une époque révolue et celle du temps présent ?

A 23 ans c’est normal, on est inquiet de l’avenir, pour soi, pour nos proches, ceux qu’on aime, on est focalisé sur le développement de notre existence personnelle de l’instant, avec toutes les menaces que l’ignorance du lendemain fait peser sur nos sentiments et en conséquence sur la perception de nos jugements.

A 70 ans, on a vécu, l’instant présent est meublé de nos souvenirs heureux et malheureux.

En 1930, c’est une période de vie collective socialement très menaçante, alors que les gueules cassées de la dernière guerre disparaissaient peu à peu, la montée du nazisme préparait la guerre suivante, l’économie générale était largement plus angoissante que celle d’aujourd’hui, et pour défier le sort Albert Préjean chantait « Dans la vie faut pas s’en faire » comme pour faire un pied de nez à son époque.

Notre amie Naluue, malaxe ses angoisses à n’en plus finir depuis sa présence sur le fofo, alors que nous vivons encore dans un pays en paix, nous ne souffrons pas de la faim, ni du froid, ni du manque de lumière la nuit, suffit juste d’avoir une petite pensée pour les Ukrainiens ou les Gazaouis pour relativiser la gravité de nos petits bobos me semble-t-il ?

Ma remarque n'est aucunement d'ordre morale ou bien pensante, c'est ce contraste que je trouve comique quelque part !