tison2feu
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Tout ce qui a été posté par tison2feu
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Des freesias de toutes les couleur :
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Merci pour cette info importante, car sans cela il n'était plus possible de poster sur le forum.
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« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
De mon côté, j'avais cherché aussi parmi le répertoire de chanteurs de renom tel que le très populaire Camarón de la Isla, mort à 41 ans, dont l'album "La Leyenda del Tiempo" fut entièrement dédié à Lorca. A ce propos, il existe une courte video de présentation Camarón/Lorca, avec musique de fond très prenante... Je me fais plaisir !!!! Le morceau qui accompagne cette video est un extrait de taranta - encore un style flamenco très profond ! - interprétée magnifiquement par le talentueux Rafael Riqueni. Je trouve judicieux le choix de cette musique car elle nous plonge d'emblée dans le monde lorquien de "la peine andalouse qui, selon Lorca, est une lutte de l'intelligence amoureuse avec le mystère qui l'entoure et ne peut comprendre" : -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Ce poème de Lorca continue d'inspirer les chanteurs actuels, comme par exemple Carmen Linares qui chante cette "Baladilla" avec beaucoup de sentiment ; ici le chant est une bulería, considérée parfois comme faisant partie des cantes chicos (petits chants) par opposition aux cantes grandes (grands chants ou chants profonds), mais la "Dame du chant" fait des prodiges. Pour l'analyse de ce poème, voici une étude très intéressante (mais en espagnol) : https://cvc.cervantes.es/literatura/criticon/PDF/087-088-089/087-088-089_695.pdf avec des trouvailles parfois surprenantes, comme par exemple l'inversion de l'anagramme formé en partie avec les mots espagnols GRANATES / SANGRE ("grenat" / "sang") dans la deuxième strophe du poème ! -
Joie de découvrir ce matin une fleur éclose de ciste (petit plant ramené l'an dernier de la colline provençale) ! Les freesias se cachent derrière la lavande. Premières fleurs enivrantes ! Des osteospermums resplendissants.
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« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Dans la version américaine tout est surréalité, comme dans un conte pour petit dont le conteur souligne les passages effrayants. Par son côté excessif et fantaisiste, qui me fait penser terriblement à Salvador Dalí et aux dadaïstes !, je crois que cette version musicale n'aurait pas déplu à Lorca. Car même les berceuses espagnoles se distinguent des autres berceuses européennes par leur côté excessif : " la beauté de l’Espagne n’est pas sereine, douce, apaisée, mais ardente, à vif, excessive » (Conférence de Lorca sur "Les berceuses"). -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Ces compositions musicales de Paco Ibańez et Isabel Parra sont très belles, en effet, et traduisent bien l'immense tendresse qui inonde la plupart des poèmes de Lorca. Mais quid du thème obsessif et obsédant de l'évocation de la mort qui, une fois encore, est au coeur de ce poème ? Cette mort effrayante qui nous guette et peut nous dévorer à chaque instant tel un ogre ? Pour une autre interprétation musicale, bien plus suggestive, de ce thème lorquien de la mort, le musicien américain George Crumb (musique contemporaine) est parvenu, me semble-t-il, à traduire de façon originale ces aspects autrement plus déstabilisants, capricieux et effrayants de la mort dans son Songs, Drones, et Refrains of Death (1968), pour baryton, en s'inspirant de 4 poèmes de Lorca, dont la fameuse Casida de las palomas oscuras (précédé de La Guitarra, et suivi de Canción del jinete, 1960 et Casida del herido por el agua) : Dans un style musical plus reposant, il existe aussi une interprétation de ce poème Casida de las palomas oscuras en russe : -
Un petit coin de jardin ce matin
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Comme cette revue est intéressante à plus d'un titre (elle suit de très près l'actualité génétique et anthropologique, et tous les exemplaires de cette revue publiée tous les deux mois sont disponibles gratuitement), c'est l'occasion de rappeler l'adresse du site de la collection Current Opinion in Genetics & Development : https://www.sciencedirect.com/journal/current-opinion-in-genetics-and-development/issues
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« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Rectification : En réécoutant le morceau turc mentionné plus haut, je me suis rendu compte qu'il s'agit non pas d'une rumba, mais d'une version très modernisée de tango gitan. Pour me faire pardonner, et afin de mieux faire connaître le rythme traditionnel des tangos gitans ou des tientos (= tangos lents), voici des tangos & tientos interprétés par la phénoménale Paquera de Jerez. Un "¡ ay !" d'une puissance hors du commun est repérable entre la minute 0: 53 et 1: 23 ; on y note 3 types d'interjections : ay , anda et ole ! https://www.youtube.com/watch?v=lb5ooM27GQk -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Rectification : il fallait lire "musique juive séfarade" et non "séphardique" (je me suis fait piéger par la titre anglais de la video où est utilisé le terme "sephardic" !). -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Merci pour ces deux exemples de chants qui attestent en effet la présence de nombreuses modulations, notamment grâce à l'allongement des voyelles ou même des syllabes, si abondant dans la musique flamenca. Néanmoins, le "cri" à proprement parler des chants profonds gitano-andalous figure quant à lui dès le début du chant, ce qui n'est pas le cas dans ces deux exemples. Dans le cas de la très riche musique arabo-andalouse, et plus généralement de la musique arabe ou juive, il est à noter que le chant et la musique instrumentale sont au service du texte et entièrement conditionné par lui, et tout excès d'ornementation est à proscrire (1); il s'agit d'une conception religieuse commune qui s'oppose absolument à l'esprit beaucoup plus libre et mélismatique du flamenco de base. Cette ornementation de type oriental, très présente dans la musique gitano-andalouse, mais aussi parfois dans la musique folklorique espagnole, semblerait donc remonter, selon le musicologue Bernard Leblon, à une période antérieure à l'Islam ; cela n'a pas empêché la musique flamenca de faire appel à la musique arabe, et vice-versa. L'exemple de ce groupe musical turc me semble une belle réussite dans la mesure où les canons de la rumba gitane (d'origine cubaine) sont ici parfaitement respectés. Ce style festif constitue une image standardisée abondamment diffusée hors d'Espagne; c'est d'ailleurs pratiquement l'unique style flamenco qui passe en France avec quelques succès (groupe des Gipsy King). Aux yeux de Bernard Houblon, cet aspect mélismatique très élaboré est la caractéristique majeure du chant gitano-andalou et nous le retrouvons également dans la musique tsigane (loki dili de Hongrie ou chant long non mesuré). Houblon propose d'appeler "lalie" la suite de syllabes mélodiques sans significations particulières (B. Houblon, Musiques tsiganes et flamenco) ; une lalie peut se trouver soit en début, soit à la fin d'un vers, ou encore au milieu. (1) Voici un exemple de musique juive séphardique du Maroc qui montre bien à quel point les ornementations mélismatiques y sont absentes. Les paroles sont en espagnol ancien, mais tout à fait compréhensibles. Ce chant me fait penser avant tout à une musique médiévale : https://www.youtube.com/watch?v=1tLwuFFMIgg Afin de bien saisir en quoi consiste une "lalie", on peut écouter les paroles d'une chanson française (entendue hier soir lors d'une émission TV !), interprétée par le sympathique Jérémy Frérot. Une "lalie" est identifiable à la minute 0: 25, et porte sur la voyelle È du mot "caresse" : https://www.youtube.com/watch?v=bSVB3pSxqH0 -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Nous sentons également que Lorca exerce plus que jamais son talent de dramaturge. Le lecteur, ou le spectateur, est placé d'emblée - in media res - au milieu d'une action mystérieuse, les événements qui précèdent n'étant relatés qu'ultérieurement (dans les poèmes qui suivront). Un cri terrible occupe tout l'espace extérieur, visuel et auditif, mais ne dit rien pourtant du monde intérieur du chanteur. La parenthèse figurant à la fin du poème, qui renferme une indication scénique, comme lors d'une représentation théâtrale, tente de suppléer partiellement à cet aspect elliptique du cri : des gitans sortent leurs lampes, témoins muets d'une tragédie. Ce cri primitif de la siguiriya, qui chante la "Peine" du peuple gitano-andalou, obéit à l'accumulation de faits historiques séculaires qui se déroulèrent avant même l'arrivée des Gitans dans la péninsule ibérique. Il se trouve que le caractère intime de ce cri a coincidé avec celui du peuple gitan si éloigné géographiquement. Je me demande si un phénomène musical semblable ne s'est pas produit, dans une certaine mesure, de l'autre côté de la Méditerranée, en Grèce, Turquie, Anatolie, avec l'apparition au XVIIe s. des "amanedes" (ou "manedes") qui sont généralement qualifiés de complaintes. L’"amanes" (ou "manes") est un solo vocal improvisé. Aman est un mot turco-persan d’origine arabe qui signifie "miséricorde, grâce, pitié". L’interjection aman exprime la passion (pathos), essentiellement la souffrance et la compassion, tout comme le "¡ ay !" andalou. De même, La siguiriya était appelée à l'origine playera, signifiant "la plaintive". * * * Illustrations musicales : - Une siguiriya interprétée par l'illustre Manuel Torres, il y a une centaine d'années, du temps de la jeunesse de Lorca. Le fameux "cri" introductif de ce chant profond est repérable entre la minute 0 :34 et 0: 46. https://www.youtube.com/watch?v=skLjjzw8aH8 - Une compilation d'anciennes "complaintes" de Grèce-Turquie", qui commencent toutes par l'interjection "aman !" https://www.youtube.com/watch?list=PLi1ChJUtSaiokDxm2yiyJSu81TpHyKXgM&time_continue=7&v=sC5jzgY37qI -
Philosophie versus Sciences - Réalité - Stephen Hawking
tison2feu a répondu à un(e) sujet de zenalpha dans Philosophie
Je n'ai jamais dit que tu aurais défendu l'idée qu'Hawking aurait apporté la réponse définitive. Je dis simplement que tu n'avais pas compris le sens de ma phrase : "Hawking a apporté une réponse théorique. Il n'a en aucun cas donné "la" réponse." Pour preuve, tu m'as répondu : "Bien sûr qu'il y apporte une réponse mais qui n'est pas dans sa conclusion, elle est dans le coeur du livre.", montrant ainsi que tu n'avais pas du tout saisi la nuance de taille que je tenais à apporter entre réponse spéculative et une réponse définitive (= "la" réponse). C'est ton intervention récente qui m'a incité à revenir sur ce point, lorsque tu écris : "Il y a ce concept d'univers fini sans bord chez Hawking qui est une réponse, une parfaite réponse théorique et qui reste encore malgré tout spéculatif faute de vérifications suffisantes". Car cette phrase formule exactement ce que je voulais signifier en p. 13. Ce qui me surprend, c'est ton refus d'aller jeter un coup d'oeil à la page 13, que j'ai indiquée, pour essayer de comprendre d'où est venu le malentendu. Cela ne prend guère plus de 3 secondes. Pour ma part, j'ai toujours été courtois avec toi, et je comprends mal ta réaction intempestive. Cela me semble pourtant important de toujours chercher à comprendre d'où peuvent surgir les malentendus, question éthique de la discussion. Je n'appelle pas cela "jouer avec les mots". Philosopher c'est, entre autres choses, l'art de discerner, d'établir des distinctions, de toujours mieux définir les mots que l'on emploie et non point de se gargariser de généralisations. Point final. -
Philosophie versus Sciences - Réalité - Stephen Hawking
tison2feu a répondu à un(e) sujet de zenalpha dans Philosophie
J'avais pourtant été contredit par toi lorsque j'avais écrit : "Hawking a apporté une réponse théorique. Il n'a en aucun cas donné "la" réponse." (p. 13 du topic). Je tenais par là à établir une distinction entre deux sens possibles à donner au mot "réponse" : 1/ soit une réponse théorique, si parfaite soit-elle, mais aux vérifications insuffisantes 2/ soit une réponse non spéculative et totalement vérifiée. J'entendais donc qu'il sera possible d'affirmer, sans abus de langage, qu'Hawking a apporté "la" réponse seulement le jour où toutes les vérifications nécessaires auront été opérées avec succès. Voilà ce que signifiait, dans ma bouche, apporter "la" réponse à une question posée. -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Ces deux nouveaux poèmes montrent à quel point Lorca fut le grand poète de l'amour-passion. Amour total qui emporte tout ("Deseo"). Mais passion démesurée qui dévaste tout en cas d'amour contrarié ("Llagas de amor"). Certaines métaphores du poème "Plaies d'amour" sont absolument saisissantes ("ce scorpion qui vit, lové dans ma poitrine"). Alors que l'amour mystique - ainsi que l'amour courtois - verse ses délices sur toutes choses, l'amour contrarié éprouvé par Lorca produit des effets diamétralement opposés. Imprégné de poésie mystique, Lorca se souvient du "Cantique spirituel" du poète mystique Juan de la Cruz, mais il l'interprète en inversant du tout au tout les effets positifs de l'amour contemplatif : CÁNTICO ESPIRITUAL Allí me dio su pecho, allí me enseñó ciencia muy sabrosa, y yo le dí de hecho a mí, sin dejar cosa ; allí le prometí de ser su esposa. (traduction) CANTIQUE SPIRITUEL Là, il me donna son coeur, Là, il m'enseigna science très savoureuse, Et moi me suis donnée A lui, sans rien garder, Là, je lui promis d'être son épousée. Comme dans le "Cantique spirituel", Lorca a donné lui aussi sa poitrine d'un amour total (son coeur) et il pensait atteindre les sommets de la "prudence" (= la "science très savoureuse" évoquée par Juan de la Cruz, à savoir l'amour enseigné en retour) ; mais le coeur de la personne aimée ne lui rendit "que des vallées envahies / de ciguës et la passion de l’amère science", c'est-à-dire un amour contrarié ayant la saveur de ciguë. Chez Lorca, l'amour est sensuel, il se goûte au palais, pour le meilleur ou pour le pire (en espagnol, sabroso, "savoureux", a la même étymologie latine que saber qui signifie "savoir" mais aussi "avoir le goût de ", "avoir l'odeur de"). (Voilà juste quelques réflexions, n'ayant le temps hélas de m'investir davantage, faute de temps. Mais, à défaut d'intervenir plus souvent, je continuerai de lire d'autres poèmes avec plaisir). -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Ce poème La muerte de la petenera vient s'intégrer dans un ensemble intitulé "Graphique de la petenera", et force est de constater à nouveau que l'ensemble de ces huit poèmes suggère, par étapes successives, l'exécution progressive d'un seul et même cante por petenera, selon un schéma presque identique à celui que j'avais identifié intuitivement à propos de la siguiriya. Je viens de mettre la main, à ma grande joie, sur une étude qui confirme tout-à-fait ce schéma valable non seulement pour la siguiriya et la petenera mais pour les 4 styles figurant dans le recueil les "Poèmes du cante Jondo", à savoir la siguiriya, la soleá, la saeta et la petenera. "Par ailleurs, il est intéressant d’observer que chacune de ces quatre sections ou histoires semble suivre un schéma et une progression relativement semblables : a) un début qui coïncide avec une vision panoramique, un paysage, une atmosphère et un décor b) une plainte ou un cri c) un silence d) l’apparition de la forme poétique et musicale e) l’éloignement de cette figure poétique et musicale f) une nouvelle vision panoramique." (Henry Gil, Poema del cante jondo, réevaluation d'une poétique en devenir, paragraphe 24) https://journals.openedition.org/bulletinhispanique/636#bodyftn25 * * * Notre poème La muerte de la petenera correspond donc à l'étape de "l'apparition de la forme poétique et musicale" (étape d) et au surgissement du "coeur" de la petenera. Pour quelques éléments d'analyse très clairs de ce poème, voici ce qu'écrit Henry Gil (paragraphe 29) : "Quant à la 4e section, Gráfico de la petenera, si nous nous fixons sur le scénario imprécis mais néanmoins présent que semblent nous proposer les différents poèmes – c’est-à-dire sur leur ordre, leur évolution et la répétition de certains mots ou de certaines images –, il semble nous raconter l’histoire de cien jinetes. Une histoire constamment rythmée par la présence de la guitare. Ces cavaliers semblent, dès le début, porter le deuil anticipé de la Petenera, voire leur propre deuil, car, à l’affût, un certain maléfice prêt à frapper à tout instant entoure cette forme musicale, plus flamenca que jonda, et dont l’incarnation féminine est surnommée la perdición de los hombres. Et c’est ainsi que dans le poème « La muerte de la Petenera » (p. 179), la veillée funèbre de la défunte se conclut avec la mort des cien jinetes enlutados du poème « Camino » (p. 176) dont on ignorait alors la destination (Cien jinetes enlutados/¿Dónde irán,/ por el cielo yacente/del naranjal?). C’est pour cette raison que dans « La muerte de la petenera » se répète implacablement le refrain : cien jacas caracolean./ Sus jinetes están muertos. (p. 179). Or, le thème du cheval qui emporte son cavalier mort vers son destin est une image fréquente chez Lorca car il suffit de se rappeler les vers de « Canción de jinete » : Caballito negro/¿Dónde llevas tu jinete muerto? Nous comprenons alors que el laberinto de las cruces où devaient achever leur course les cienjinetes endeuillés et déboussolés du poème « Camino » (p. 176) – Esos caballos soñolientos/los llevarán,/ al laberinto de las cruces – n’était autre que le cimetière avec ses multiples croix et allées. Les protagonistes semblent succomber, une fois de plus, à cause d’une passion sensuelle décrite comme cécité car ils ne conduisent ni ne dirigent leurs jacas, image de la passion dite sur le mode de l’animalité. En réalité, tout laisse supposer que ces cien jinetes lancés au galop étaient déjà potentiellement morts, car incapables de se soustraire à leur destin tragique. La logique poétique de cette section amène ensuite avec « Falseta » (p. 181), l’enterrement de cette femme de mauvaise vie que fut la petenera (Tu entierro no tuvo niñas/buenas) puis dans le poème suivant, « De profundis » (p. 182), l’enterrement des cien jinetes, clairement désignés désormais comme des amoureux (Los cien enamorados/duermen para siempre). Comme toujours l’histoire est énigmatique et par conséquent ouverte à différentes interprétations comme le laisse supposer l’amour passionné et tragique des cien jinetes dont le chiffre fonctionne comme une formule populaire et hyperbolique. Quant au dernier poème de cette 4esection, « Clamor » (p. 183), on peut observer qu’il se présente comme une nouvelle version plus étendue et plus élaborée du poème initial « Campana » (p. 174), ce qui ne doit pas nous surprendre puisque le mot clamor peut avoir le sens en espagnol de toque de campanas por los difuntos, autrement dit de « glas ». Cette signification funèbre justifiée par les nombreuses morts antérieures est confirmée par le passage du singulier campana, dans le premier poème, au pluriel campanas utilisé à présent pour clore cette section. Une section dominée donc par le champ lexical du son avec un final crescendo et fortissimo qui ne s’éteint que pour laisser place au silence et au passage visuel des proras de plata." -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
En tant qu'hispanisant, je déconseille la traduction de Gilles de Seze qui dénature complètement certains termes employés par Lorca. Le vers lorquien "ta douleur de chaux et de laurier-rose" est traduit de façon fantaisiste par "ta douleur de citron et de bouton de rose" ! Lorca emploie le mot "chaux" à dessein car cela permet de souligner la prédominance de la couleur blanche dans ce poème. Tel autre vers "va une fille brune" devient, toujours dans la bouche de ce traducteur à l'imagination fertile, "va une brunette moresque", avec rajout fantaisiste de "moresque", alors que tout indique qu'il s'agit d'une gitane (les habitants des lieux "vivant dans des grottes" et chantant des siguiriyas "gitanas" ne peuvent être que des Gitans, cf. cet autre poème intitulé "Le cri"). En revanche, il semble important de conserver le terme siguiriya, et de ne pas le remplacer par "séguedille" comme le font aussi bien le traducteur anonyme que Pierre Darmangeat (traduction de Poésies II). Même si ce mot siguiriya a été formé sur le castillan seguedilla, il s'agit de deux styles musicaux distincts, la siguiriya gitana d'une part et la "séguedille castillane" d'autre part, qui ont des formes musicales différentes. La seule difficulté véritable réside dans la traduction du titre : "El paso de la siguiriya", puisqu'en espagnol, paso peut signifier "pas" (pas de danse, etc.) ou "passage". Rien ne semble indiquer qu'il s'agisse d'un pas de danse flamenca, mais bien plutôt du résultat d'une progression dans le temps. En effet, si nous lisons les sept poèmes de Lorca consacrés à la siguiriya, nous constatons que le poète semble décrire pas à pas, sous forme de tableaux successifs, les phases qui se succèdent lors de l'exécution d'un cante por siguiriya. Phase 1 "Paysage" : lieu et moment de la journée où va être chantée la siguiriya. Phase 2 "La guitare" : Intervention initiale de la guitare. Le chanteur (ou la chanteuse) doit écouter la guitare et se concentrer. Phase 3 "Le cri" : Le chanteur introduit le chant par une série de ay. Phase 4 "Le silence" : Bref instant de silence avant d'attaquer le chant proprement dit. Phase 5 "Le passage de la siguiriya" : Le chant est exposé avec de nombreuses modulations (melismas), nous sommes au "coeur" du chant ; c'est le moment d'intense émotion, puis chute après le paroxysme dramatique qui permet au chanteur de reprendre souffle, avant de remonter vers un deuxième sommet tragique, puis nouvelle chute (remate). Phase 6 "Après le passage" : Silence du chanteur, dernières notes de la guitare. Phase 7 "Et après" : Disparition des protagonistes (guitariste, chanteur, spectateurs). -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Je vous remercie sincèrement de l'attention portée à chacune de ces références, ainsi que de cet échange permettant à chacun de donner le meilleur de soi-même (C'est la seule chose, à dire vrai, qui m'intéresse sur un forum généraliste). La petenera serait en effet l'un de ces chants flamencos de ida y vuelta ("d'allée et venue" entre l'Espagne et le continent américain). J'ai retrouvé le morceau complet de la "Petenera Son Jaroche", mentionnée par Claude Worms dans son article sur la petenera : https://www.youtube.com/watch?v=zSGi1glnM5w La Niña de los Peines, qui admirait également Lorca, a composé un disque intitulé "Lorqueñas". Ces grands artistes s'influençaient mutuellement. Ici, un traditionnel - et magnifique ! - cante por bulerías, c'est-à-dire un style de musique flamenca plus festif et plus enlevé, interprété par La Niña de los Peines : https://www.youtube.com/watch?v=hGdFm10_tzs Le chant de ce gitan Falo me semble à l'image du peuple gitano-andalou tout entier, qui a terriblement souffert et qui est parvenu à exprimer cette souffrance par un chant profond accompagné, le plus souvent, par un jeu de guitare aux "sons noirs". A moins d'être doté d'une très grande sensibilité artistique (comme l'était Lorca), il est impossible d'accéder à ce type de musique gitano-andalouse si l'on n'a pas souffert, si l'on n'a pas connu la faim - c'est ce que disent bon nombre d'artistes flamencos. -
Pour les Grecs, psyche signifie "esprit" et "papillon". Pour d'autres peuples, il y a souvent un seul mot pour signifier "âme/esprit" et "fantôme". Et si cette légèreté de l'âme, mobilité, volatilité, transparence, etc., était la qualité opposée et complémentaire à la profondeur de l'âme, qui va au fond des choses au-delà des apparences ?
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tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
La petenera est un chant flamenco à part, tout baigné d'atmosphère légendaire, sulfureuse et maudite. C'est aussi le nom d'une femme d'une grande beauté, issue d'une bonne famille, qui fait courir les hommes à leur perte. Les textes écrits la disent juive aux yeux verts. Pour les Gitans, en général, le simple fait d'interpréter une petenera porte malheur ! L'origine de ce chant est controversée même si une origine latino-américaine n'est pas impossible, étant donné l'existence d'un répertoire ancien de peteneras mexicaines (Cf. Article très détaillé consacré à la petenera sur le meilleur site flamenco en France http://www.flamencoweb.fr/spip/spip.php?article371). Le flamencologue Mario Bois ne croit pas quant à lui à cette source et il se demande si cette femme maudite n'était pas atteinte d'une maladie contagieuse, ce qui expliquerait beaucoup de choses... Par l'intermédiaire de La Argentinita, Lorca rencontra la chanteuse gitane La Niña de Los Peines (Pastora Pavón) pour qui il voua une très grande admiration. Il disait qu'"elle jouait de sa voix d'ombre, de sa voix d'étain en fusion, de sa voix recouverte de mousse". Une archive video permet d'apprécier la profondeur du cante por petenera (= chant sur le rythme de la petenera) interprété par l"'impératrice du cante" : https://www.youtube.com/watch?v=ft6VLO6iK54&list=PLQ_CIwlggYMBpk_xncj1N-jy1XZKiCE5M&index=17 Lorsque les Gitans arrivèrent en Espagne vers le milieu du XVe s., c'était l'époque de l'apogée du romance. Ils en conservèrent la musique et le rythme, agrémentés d'une saveur toute gitane, comme une relique sacrée transmise de père en fils. C'est l'occasion d'écouter le Romance de la monja (env. 1550), qui raconte l'histoire d'une femme devenue religieuse contre sa volonté ; ce romance est chanté sur le rythme de la petenera, dont la cadence (el compás) imprime un dramatisme presque insurmontable. Ce chant, qui me fait monter les larmes aux yeux chaque fois que je l'écoute, fut interprété en 1999 par le grand chanteur gitan Rafael Jiménez Falo, dans une synagogue de New York, en commémoration des victimes d'Auswitch : https://www.youtube.com/watch?time_continue=14&v=IetQX2XTpEc -
Un ultime soupir écarlate
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tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Grâce et élégance... face à la force brute ou à la mort. Pour s'en persuader, il suffit d'observer les gestes élégants et gracieux d'un toréador (Ignacio) ou ceux d'une danseuse de flamenco (La Argentinita). Lorca lui-même, si apte à faire un tour avec la grâce andalouse, douta quelques instants de sa capacité artistique à surmonter pareille tragédie et à parvenir à composer un chant élégiaque digne de ce nom. Cette leçon d'humanisme pouvait sembler quelque peu surrréaliste à l'époque, quand on sait l'explosion de brutalités qui affectait alors l'Espagne. En 1934, La révolte des mineurs, dans les Asturies, fit près de 4000 morts, 7000 blessés et 30 000 arrestations et incarcérations, ce qui conduisit Lorca à annuler aussitôt son spectacle de la Barraca en signe de protestation. La Argentinita interprétant une vieille chanson populaire, accompagnée au piano par Lorca : https://www.youtube.com/watch?v=MLiK8NtQElc -
Rose de décembre
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tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
J'aimerais néanmoins insister sur le fait que, en dépit de l'appréhension spatio-temporelle diamétralement opposée d'un Chinois et d'un Occidental, le monde dont il est en question dans le poème de Chen Zi-ang est pourtant exactement le même monde vécu qui peut s'offrir à un Occidental ! C'est cela qui me bouleverse chez ce poète chinois : sa capacité à inscrire son expérience existentielle dans l'horizon de l'humanité toute entière, et à constater l'impuissance de toutes les sagesses du monde passées et à venir face aux guerres passées et à venir, aux sempiternelles injustices et à la barbarie toujours triomphante. Que le Chinois voit le passé devant lui, ou que l'Occidental voit le passé derrière lui ne change rien à l'affaire. La destinée de l'humanité n'en est pas moins désespérante aux yeux du poète, comme elle peut l'être aux yeux d'un Occidental. Ce poème acquiert ici une dimension universelle vraiment extraordinaire, et quelles que soient les représentations ponctuelles du monde de tout un chacun.
