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Jedino

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Billets posté(e)s par Jedino

  1. Jedino
    Quelqu'un qui est arrogant est un con. Quelqu'un qui est arrogant et a de bonnes idées, de temps à autre, est un génie. Quelqu'un qui est intelligent est un homme intéressant. Quelqu'un qui est intelligent et bien habillé est un homme d'avenir. Si celui-là est en plus travailleur, il sera en plus un homme important. Quelqu'un qui ne sourit pas est un dépressif. Quelqu'un qui ne sourit pas et a des propos délirants est un philosophe. Quelqu'un qui ne sourit pas, a des propos délirants et une haute estime de soi se traduisant par une certaine autorité est un homme providentiel. Quelqu'un qui sait lire l'avenir est un charlatan. Quelqu'un qui sait lire l'avenir avec des calculs est un scientifique. Quelqu'un qui passe ses soirées à se piquer est un drogué. Quelqu'un qui passe ses soirées à se bourrer la gueule est un être social. Quelqu'un qui aime manger dans un restaurant étoilé est un homme distingué. Quelqu'un qui aime manger dans un macdo est un névrosé diabétique en puissance. Quelqu'un qui ne travaille pas est un pauvre. Quelqu'un qui travaille est un riche. Quelqu'un qui a un langage commun est de la masse. Quelqu'un qui use de la rhétorique est un homme cultivé. Quelqu'un qui dit aimer le sexe est un pervers. Quelqu'un qui n'en parle pas est un coincé. Quelqu'un qui n'a pas d'argent et vole est un voleur. Quelqu'un qui en a et vole est un homme sensé préférant ne pas être écrasé par l'impôt. Quelqu'un qui ment est un menteur. Quelqu'un qui ne ment jamais est un menteur aussi. Quelqu'un qui veut est un matérialiste. Quelqu'un qui ne veut rien est une bizarrerie. Quelqu'un qui cherche du sens est un naïf. Quelqu'un qui n'en cherche pas est un nihiliste. Etc.
  2. Jedino
    Je rêve de toi, tu rêves de lui.
    Il rêve d'elle, elle découvre l'ennui.
    Pendu du haut de mon bonheur
    J'attends qu'enfin revienne l'heur
    Celle où tu arraches mon cœur
    Et écœure ma douce aigreur
    Je voulais un flingue, j'ai déniché l'oubli
    A en devenir dingue, niant le souci
    Devins ce baltringue, celui dont tu fis fi
    J'ai vu ce bastringue, touché à l'infini
    Perdu sous l'art de ma laideur
    Je goûte aux forces de l'erreur
    Là même qui fait ma torpeur
    Et pousse dans l'heure à l'horreur
    Je rêve de toi, tu rêves de lui.
    Il rêve d'elle, elle finit dans l'étui.
    Note : cela n'a pas le moindre sens!



  3. Jedino
    Etrangement, son univers ne ressemblait pas à ce que j'imaginais. Tout n'y était pas que de blanc, de pureté, d'aveuglement au point de ne pouvoir lever le regard droit en face. Pas non plus trace des anges, des hommes du passé. Rien qu'un ordinaire apparent, comme si j'allais rencontrer un homme isolé dans les bois qui faisait sa petite vie au bord du monde, c'est-à-dire en dehors. Mais peut-être que je m'étais trompé. Comment croire que le Créateur, celui qui avait tout fait, tout ordonné, tout agencé, puisse vivre dans un endroit pareil? Je devais être dans un mauvais film, un de ceux qui partagent une nouvelle vision banale de ce qui nous échappait.
    Alors que je me questionnais et m'étonnais, mes pieds avançaient malgré tout et, bientôt, j'arrivais devant la porte. L'hésitation atteignait son paroxysme : je paraitrais bien ridicule si jamais je délirais et en venais à demander à la personne qui m'ouvrirait si j'étais bien chez Dieu quand elle ne serait qu'une espèce d'ascète solitaire. Peut-être qu'il se moquerait de moi ou me chasserait, même en l'étant. Peut-être aussi que derrière cette barrière se terrait quelque chose de terrifiant. Car au fond, je ne savais rien, sinon que je m'apprêtais, à en croire la Carte, à visiter l'être du Tout.
    - Entrez, Hada.
    Cela ne me surprît pas. A présent, je savais, n'hésitais plus à entrer. Ce que je fis. La décoration n'avait rien de resplendissant, au contraire : ne s'y trouvait là que des utilitaires très communs que je connaissais globalement, même si les formes ne correspondaient pas forcément à ce qui se faisait là où je venais. Lui, car il ressemblait curieusement à un homme, se tenait debout et cuisinait vraisemblablement un dîner.
    - Excusez mon impolitesse. Vous devez sûrement avoir faim? Tenez, asseyez-vous.
    Le couvert était posé pour deux. Il vînt s'installer à l'autre chaise et servît un ragoût des plus sommaires.
    - Du faon. J'espère que vous aimez cela.
    - Mais... Pourquoi?
    - Vous vous demandez sans doute pourquoi, alors que je suis Dieu, je me nourris d'un repas frugal dans une maison perdue en pleine forêt? La réponse est très simple : si je peux créer, je ne le peux qu'à mon image. Ma foi, je ne suis qu'un homme pouvant en engendrer d'innombrables autres. Certes, le premier, et c'est la raison pour laquelle les autres m'adorent, à tort. J'avais pourtant envoyé mon fils, créé exprès pour l'occasion, corriger cela. Je crains que le fait d'être en mauvais terme avec lui l'ait amené à vouloir me maudire en me pointant du doigt pour l'éternité. Car, oui, je suis aussi condamné à vivre jusqu'à la nuit des temps, ce qui ne veut pas dire que mon temps soit plaisant. Je suis contraint par le troisième droit stipulant la finitude.
    - Quelque chose m'échappe. De quoi me parlez-vous? Vous êtes Dieu, bon sang. Vous êtes le Dieu. Celui qui peut tout et qui, par bonté, protège ses créatures des maux et de la peine.
    - Je suis désolé.
    - Désolé?
    - Vous vous faîtes une mauvaise image de ce que je suis, et tout ceci est ma faute. Jamais je n'aurais dû vous forcer à croire. Plus jeune, je cherchais à me faire aimer. C'est pour cela que vous êtes. Maintenant, je me rends compte de mon erreur. Je veux dire, de ma vanité. Mes pairs ne m'ont jamais accordé l'attention que j'exigeais, et j'ai cherché à les impressionner. En vain. Cela explique que vous me trouviez dans un tel lieu.
    - Vos pairs? Excusez-moi, je ne comprends absolument pas. Vous n'êtes donc pas seul?
    - Bien entendu que non. Vous auriez dû le savoir depuis longtemps. Vous en douter, dû moins. Pensez-vous sincèrement que j'aurais laissé les gens se massacrer s'il était en mon pouvoir de décider de ce qui se passe chez vous? Allons, nous sommes tous la poupée russe d'un autre.
    - C'est décevant.
    - Seulement parce que vous rêviez de trouver ici un être infiniment supérieur à vous qu'il vous aurait fallu raisonner pour qu'il retourne sur le monde qu'il aurait abandonné afin d'y régler les problèmes de haine et de désespoir. Ce n'est pas si évident. En réalité, je suis votre égal. Si je vous parais éternel, ce n'est qu'en raison d'un temps qui diffère. Moi-même je suis le pion d'un autre. Il est possible que lui soit en mesure de me contrôler. Je l'ignore. Tout se définit par son existence dans un ensemble plus grand et par le fait qu'il fasse exister des ensembles plus petits. Pour le reste, je n'en sais pas davantage.
    - Vous n'êtes donc pas Dieu?
    - Je suis le vôtre. Le mien est ailleurs. Le sien est probablement plus loin encore. Quant à savoir si, finalement, il y a bien un être, une entité, qui soit à l'origine de Tout, je ne peux vous aider. Néanmoins, cela m'étonnerait.
    - Alors tout est infini? Les limites ne sont qu'illusions?
    - Vous avez vos intuitions. L'infini reste toutefois aussi absurde que la limite. Votre taille fait votre perception. Votre univers, par exemple, me paraît tout à fait minuscule. Vous ne l'avez pas remarqué, mais votre venue vous a métamorphosé. Non dans la forme, mais dans la taille de cette forme : actuellement, vous mesurez approximativement votre univers.
    - Incroyable.
    - Venez, je vous montre.
    Et en effet, il me montra. Les galaxies, les étoiles, les planètes, et tout le reste. Mes yeux fixaient, ébahis, le monde d'où je venais coincé dans une espèce de gros bocal comme des poissons dans l'eau.
    - Comment vous y êtes vous pris pour le créer?
    - Une grande curiosité, c'est une bonne chose. Il faut néanmoins que je limite mes réponses. Je n'ai pas à vous éclairer là-dessus. Chaque monde a ses droits. Il va de soi que plus nous descendons dans l'échelle, plus ils se réduisent, tout en restant immense. En fait, je m'exprime mal : ils diffèrent. Je peux créer un monde sans y toucher, vous pouvez modifier le vôtre sans jamais en créer. Cela appartient à la règle du jeu.
    Un bruit se fît entendre. On ouvrait la porte. "Vous, tenez-le. Et apportez des neuroleptiques, il hallucine."
  4. Jedino
    Ô temps ! Toi l’insaisissable. Toi le monstre. Pourquoi rôdes-tu ici? Autour de moi? Pourquoi es-tu fini? Pourquoi comme ça? Tu es l'art et la manière des événements. Celui qui orchestre les amours et les sangs. Cette tension, que trop subtile, entre l'avant et l'après. Mais, de l'instant, qu'en fais-tu? Qu'en laisses-tu? Pas une miette, pas une once d'espoir. Tu abandonnes les malheureux. Tu m'abandonnes. Où vas-tu donc ainsi? Où cours-tu inlassablement? Est-ce vraiment cet avenir qui, chaque seconde, t'attire et te pousse à continuer? Ou, est-ce l'horreur d'un passé qui, désespérément, te poursuit? Je n'en puis plus. De mes veines s'écoulent lentement la vie. Mon coeur, lui, ne trouve plus foi. Il ne sait plus que battre. Ni comment. Ses battements se font plus rares. Plus difficilement. Paradoxe de l'existence que voici : j'inspire, j'expire. J'insuffle en moi l'usure de mon corps. Le déraillement de mes sens. Et, pourtant, il ne faut point s'oublier, s'adonner au mal être. Si la partie doit terminer, un jour, le principe même est d'en accepter les règles et de jouer. Le plaisir ne se trouve pas dans l'attente inextinguible de l'ultime instant, de cette rupture qui inspire à la fois la crainte et la fascination. Seulement, quelle carte déposer? En ce monde, nulle place à la certitude. D'assurance, je n'en ai aucune. Je ne sais seulement que ce que homme m'a appris.
    Ô temps ! Tes meurtrissures ne sont visibles qu'aux yeux alertes et guéris. Guéris de ton poignard. Guéris de ton mensonge. Ils ne meurent pas tous. Ils ne font que choisir d'autres chemins. Celui de la poussière ou de l'éternité. Je resterai cependant ignare. Esclave de tes humeurs. L'un de ces êtres qu'aveugle la lumière. Nous ne décidons pas de nos états d'âme. C'est à peine si nous décidons de nos vies. Qui suis-je, moi, si de mon temps, je ne puis faire ce que je souhaite? Si de mon temps, je ne dois pas en gâcher? Car des minutes que je n'occupe pas, jamais je ne pourrai les rattraper. Il y a quelque chose d'immuable en cette réalité. Une sorte de vérité. L'inchangeable. Comme si, bien innocemment, j'étais la craie qui, sur un tableau, écrivait. Comme si, une fois l'histoire racontée, elle finirait par être effacée. Sans disparaître. Devenue souvenirs. Devenue pensées. Je me sens abattu. Voilà qu'il m'a assassiné. De ce ressenti naîtra une cruelle fatalité. Une sotte conscience. Celle d'avoir été, et de n'être plus.
  5. Jedino
    Je me souviens, j'étais heureux. C'était un soir d'été, un soir plutôt frais. Il fallait que j'aille chercher du pain, j'en avais manqué mon train. Et il est vrai qu'à force de vouloir toujours en avoir davantage, le risque de dérailler grandit. Pourtant, je ne cherchais qu'un petit morceau, un rien du tout éphémère que je portais dans l'achat d'un plaisir. J'allais le trouver, mais je l'ignorais encore, ce moment qui bouleverserait ma carcasse mouvante.
    Ayant loupé la dernière ligne qui allait jusque chez moi, et ne souhaitant pas attendre plusieurs heures pour prendre celui des tous derniers travailleurs, je pris la décision de rentrer à pieds. Je ne savais pas exactement quel temps il me faudrait. Les rails me mèneraient d'ailleurs très précisément là où je souhaitais aller, n'habitant qu'à une centaine de mètres de la gare du village. Ce ne fût pas le cas.
    Le soleil s'éclipsait lentement, au loin. Il offrait un paysage flamboyant, faisant nuance à l'azur bleu de cette journée et à son souvenir qui s'éteignait avec lui. Je ne voyais plus les maisons qui défilaient au gré de mes pas. Uniquement la fin, cette limite entre le monde des hommes et le monde de la nuit. Le chemin courait dans la campagne, taquinant mon goût pour la beauté et la solitude. Et moi je le poursuivais, à la fois anxieux et charmé, ne réfléchissant pas un instant à ce qui pourrait bien se passer. Il y a de ces jours où nous faisons, allons, sans nous préoccuper d'où et de pourquoi.
    Mais de la suite, je ne connaissais à présent que très peu de choses. Quelques images me revenaient de temps à autre, comme des répliques d'une histoire passée, d'une histoire jamais vécue. Peut-être avais-je rêvé? Car je n'étais pas homme à me lancer dans une si longue promenade, embourbé que j'étais dans l'habitude et la facilité.
    Je sentais néanmoins que l'une de ces images, la plus récurrente, portait un peu de vérité en elle. La voici : alors que plus aucune lumière ne se montrait, ni celle du monde, ni celle de la vie, je continuais à marcher, brisant le silence d'un univers que je méconnaissais. Le sentiment de ne pas être à ma place montait en moi. Et cela ne cessa que lorsque je rencontra le Diable. Il m'attendais, gai comme un Dieu, sur le rocher qui bordait la route cabossée. Il n'en avait pas l'apparence, ni l'air, mais je le reconnus malgré tout, ce qui me sembla bien étrange plus tard. Il me regardait fixement, presque innocemment. Me salua. Me tendît la main. Pas la moindre parole ne fût prononcée. Rien de plus qu'un geste de courtoisie, qu'une entente cordiale entre un inconnu et son maître.
    Je ne sais si cette rêverie est vraie. Je sais seulement que j'ai toujours encore à l'annulaire une légère trace, invisible à tout oeil pressé, du démon. Ce qu'elle représentait, ce qu'elle devait permettre, je n'en avais cure. En revanche, je m'étais enfin trouvé, investi par une mission que je ne formulais pas encore mais que je pensais déjà.
  6. Jedino
    - Oh miséricorde! André, viens voir ça!
    - J'arrive, j'arrive, Gertrude! Qu'est-ce qu'il y a?
    - Regarde! Cette chose est sortie de mon ventre!
    Il s'approcha, observa un instant et attentivement la créature, commença à s'inquiéter.
    - Tu es bien sûre qu'il est sorti de ton ventre?
    - Certaine! Tu crois que ça m'amuse, de me faire une frayeur pareille?
    - Mais...
    - Oui, je sais! C'est impossible! Va me chercher tu sais qui, abruti, au lieu de dire n'importe quoi!
    Et il s'en alla quérir l'Homme. C'est alors que l'Inconnu entra :
    - André m'a dit...
    - Quel abruti. Abruti! Tu m'entends?! Abruti!
    - C'est vrai?
    - Bien entendu, voyons. Et si quelqu'un pouvait m'en débarrasser, ça m'arrangerait bien.
    - Il va chercher...
    - Oui, je l'ai envoyé moi-même! Mais je ne peux plus le voir. Vire-le de là, de chez moi.
    Il saisît une serviette en tissu, hésita une seconde, et tendît ses doigts pour le prendre du bout du bout. C'est alors qu'elle se mît à crier terriblement, ce qui le fît sursauter et reculer bien loin.
    - Ma parole! Tu vois ce que je vois, Gertrude!
    Elle n'eut pas le temps de répondre car André revenait déjà avec l'Homme. Il ne manifesta aucun signe de surprise.
    - Vous pouvez nous expliquer ce que c'est que ça?
    Il continuait à fixer ce qui hurlait tout prêt de Gertrude, songeur, puis marmonna à lui-même quelque chose comme un est-ce possible ou un comment cela se peut-il. C'est qu'en effet, l'homme était érudit et avait vécu. Certains prétendaient même qu'il vivait déjà alors que le monde se tourmentait à propos de questions que personne ne comprenait vraiment aujourd'hui, telles que la mort, les idées ou les maladies.
    - Ceci est ce qu'ils appelaient, par le passé, un bébé.
    - Quelle horreur! s'exclama Gertrude
    - Et ça se soigne? se demandait André.
    L'Homme envoya l'Inconnu chercher celui qui le secondait au quotidien.
    - Que devons-nous faire? reprît Gertrude, pas tout à fait rassurée non plus.
    - Il faudrait le nourrir, le laisser se développer, l'y aider, lui apprendre ce que nous savons, ce que nous devons, et...
    - Impossible! s'indigna André. Je ne le veux pas, elle ne le veut pas, nous n'en voulons pas.
    - Mangeons-le, suggéra-t-elle, d'ailleurs. Qu'il soit au moins utile à quelque chose!
    - Certainement pas! Je ne mangerai pas un seul morceau de ce truc!
    L'Homme fît mine de s'en aller. Gertrude lui demanda où il partait ainsi.
    - Je ne sais comment cela est possible. Mais je ne suis pas en mesure d'assurer ce dont il a besoin, et vous ne semblez pas non plus le souhaiter. En ce cas, agissez comme bon vous semble. Sachez seulement que ce que vous avez sous les yeux, que cette boule minuscule ensanglantée et bruyante, ce petit être que vous pourriez écraser d'un doigt, est notre passé, bien que vous l'ignoriez.
    Il sortît.
    - Il se moque de nous, pensa-t-il tout haut.
    - Je le crois aussi. Va me chercher le couteau. Je compte bien reprendre les forces qu'il m'a volé, et dès ce soir.
    Et ils le mangèrent, non sans un peu d'herbe pour en relever le goût, même si André n'en risqua qu'une petite bouchée. Sait-on jamais, au cas où il ferait une indigestion de l'Histoire qu'il méconnaissait. C'était un brave homme, vous savez.
  7. Jedino
    J'me lève le matin, tout enjoué. Chouette! me dis-je, encore une journée à m'amuser! Entre les conneries à avaler et les esclaves à côtoyer. Allez savoir pourquoi, je me sens comme le prisonnier qui accoure devant son maître répondre un oui à tout ce qu'il va délirer. Et, c'est vrai, nous avons tellement besoin des autres. Quand tu les vois aussi en toi, comme toi, tu te dis que ça ne peut qu'être justifié, que cette mascarade n'est qu'une blague de ton esprit dépravé par la bêtise qu'il s'est lui-même infligé. Enfin. Fort heureusement, notre conscience est toujours alerte, prête à se manifester : un ça, un là, un petit quelque chose histoire de se montrer. Enragée, elle l'est. Cela ne l'empêche pas de s'asseoir gentiment dans le rang.
    Alors me faire entendre que nous, ces gentilshommes, ces saints des temps ordinaires, sommes dotés d'une conscience, de ce truc qui ferait de nous des êtres infiniment libres, infiniment beaux, infiniment tout, je m'en marre. Ou en vomis, je ne sais trop. Voyons plutôt : au commencement, il y avait l'enfant, rêveur, abruti, que chacun voile un peu davantage pour le rendre tout à fait candide et débile. Celui-là pousse, s'endurcit comme un arbre, devient un autre. Il apprend, se forge et se trouve, devenant quelqu'un sans importance, au mieux, et quelqu'un d'important, au pire. Puis vient l'âge où, dans tous les cas, la routine met en sourdine tous les éclats qui essayaient vainement, depuis longtemps, de nous éveiller quelque peu. C'est que le siège n'est plus dur comme une chaise mais moelleux comme le confort. Bien sûr, qu'il faut le changer, le monde! Mais enfin, j'ai oublié de le faire au beau milieu. Les suivants y songeront sans doute. A quoi bon? Mais enfin! J'ai des regrets! Voilà quatre-vingt piges que je m'adonne à tout. Et pourquoi? Pour rien. J'accumule, je cumule, je voyage, je vois du neuf, toutes sortes de choses qui font que mon esprit se gonfle et mon coeur s'embellit. Et quoi? Au final, je crains la mort? Je crains de laisser ce que j'ai entassé? De ne pas en avoir déposé dans un coin, au regard de tous, vu par personne?
    Une vie n'a pas grand intérêt si nous n'apprenons pas, au moins un peu, à mourir. Quelqu'un qui se met à regretter le comprend. Trop tard, mais il le comprend. Bien sûr, que je le pourrais. Abuser de mon corps pour apprendre ce qu'il ne veut pas apprendre sans effort, abuser des autres pour me constituer un empire personnel, abuser de chaque élément pour avoir davantage. Serais-je dans le faux lorsque j'estime que je suis moins un meuble qu'une bâtisse mouvante? Evidemment, je pourrais garder mille souvenirs sous la main. Des photos, des objets. Remettre au présent ce qui est passé. Quel paradoxe pour un monde qui se prétend à l'outrance marcher vers l'avant. Sincèrement, je crois qu'il existe une fracture, une sorte d'abysse entre ce que nous sommes et ce que nous aimerions être. Un homme du présent? Allons, quelle chose désuète. Aujourd'hui, notez-le bien, nous sommes des hommes d'avenir. Le présent n'a de valeur qu'en la marche qu'il va mettre pour demain.
    Parlons-en, de cet escalier. Car oui, nous montons. Montons. Montons. Toujours. Encore. Vers où? Nul ne le sait. Nous savons seulement que nous montons. Droit vers l'avant, vers l'en haut. Et pourtant, que nous en coûterait-il de nous retourner, un soir au moins, et de regarder l'horizon? A quoi bon construire une bâtisse si ce n'est que pour y enfermer nos biens? Qu'ai-je à gagner d'en avoir plus qu'un autre? Sa reconnaissance? La flatterie de mon égo? Notre destination me paraît obscure et claire à la fois : obscure, car je suis ignorant également ; claire, car je crains de savoir vers quoi nous courons. Il nous suffirait pourtant de voler. Si ce n'est en fait, c'est en rêve. Le rêve n'est pas la vie, mais la vie est faite de rêve. Qui ne rêve pas est comme mort. Qui rêve de trop aimerait mourir. J'ai connu les deux états. Et si je peux comprendre que certains rêvent de magnificence et de pouvoir, d'argent et de gloire, je ne comprends pas, en revanche, pourquoi nous érigeons cela aux côtés des dieux. Peut-être apprécions-nous d'être commandés? Je n'ai pas voeu, en tous les cas, de finir parmi les meubles de ma possible maison. Que celle-ci soit en mon pays ou en ce monde. Il est une chose d'être homme, il en est une autre d'être humain.
    Plus j'y réfléchis, moins je m'étonne de mon mépris pour ce qui est en ordre, ce qui est esthétique et ce qui est digne d'intérêt. Les hommes d'en bas ne sont peut-être pas meilleurs que les autres, mais au moins, ils sont fréquentables. Au moins, oui, il est possible de parler à quelqu'un qui me voit comme un égal, et non comme un porte-monnaie.
  8. Jedino
    Le Philosophe s'en allait rencontrer son ami l'Historien au café du coin. Il croisa un canard qui se dandinait, ce qui l'amusa beaucoup. Une fois arrivé, il salua l'Historien déjà installé à leur table. Quoi de plus normal pour un homme du passé que d'être là avant les autres? Il lui raconta comment, ce matin, il s'était demandé d'où le canard avait tiré cette façon de se déplacer. L'Historien répondit qu'il n'en savait rien. Ceci acheva tout lancement dans un débat, bien que le Philosophe, par nature, songeait encore inconsciemment à ce particularisme qui l'avait étonnement frappé.
    Il fallut la venue du troisième, le Biologiste, pour que l'affaire qui aurait dû les occuper les occupa. Il annonça, non sans fierté, avoir découvert "une nouvelle espèce de canard se déplaçant comme une dinde". Le Philosophe ironisa sur la gaité du Biologiste. Ce dernier ne comprenant pas ce qui l'y poussait, sinon la jalousie, s'assît et décrit avec éloquence l'allure de cette espèce qui, pour peu, aurait semblé divine. L'Historien, quant à lui, s'ennuyait grandement d'un sujet si bas dans une discussion qu'il espérait si haute. Pour lui, le seul endroit où mériterait de se trouver un canard, normal ou non, serait dans son assiette, accompagné par du vin, alors qu'il discutait lui-même Mérovingien et dynastie. Le Biologiste perdit son entrain lorsque le Philosophe, qui l'écoutait d'une oreille, lui expliqua comment, en venant ce matin, il avait croisé un canard tout à fait particulier.
    A partir de là, le Biologiste parlait espèce quand le Philosophe parlait besoin métaphysique et déterminisme. L'Historien, toujours, survolait la pièce assommée par le ridicule de la conversation. L'arrivée de la Sociologue acheva le tout en ajoutant une dose d'imitation comportementale. Heureusement, se dit l'Historien, le Géographe arrivait, ce qui lui donnerait sûrement quelqu'un avec qui discuter. Mais il se trompa. En effet, le Géographe apporta de sa Science en amenant l'hypothèse qu'il pouvait y avoir une cause géographique à un tel comportement, tout comme la vache du Sud n'est pas la vache du Nord.
    L'Historien, exténué, se leva et prit congé de tous ces charlatans. Il se disait au retour qu'il y avait probablement une Histoire qui rendait compte de l'attitude de ce canard et, à ce moment-là même, il rencontra l'objet de toutes les attentions plus tôt. Il s'en approcha et, après avoir d'abord été intéressé, il rît. Il venait de retirer l'épine que portait douloureusement le canard sous sa patte gauche.
  9. Jedino
    Tu dégueules. Miam miam. Et tu bouffes tout ça, une seconde fois. C'est pour le style, que tu dis. Le côté original, un truc dans ce goût-là. Mais pas grand monde te croit, même s'ils t'accompagnent tous, dans l'autre sens. Et t'expliques qu'avant de faire entrer, il faut déjà faire sortir. Qu'au fond ça se fait ailleurs dans la nature de manger sa merde, que ça permet d'économiser, de consommer jusqu'à plus possible.
    Je crois que c'est à ce moment-là que j'ai commencé à dérailler. Je veux dire, complètement. Ouai, c'est quand j'ai cessé de partir dans ce délire, quand celui-ci ne me rapportait plus rien du tout, que ça a mal fini. C'est que les trucs glauques, ça plaît un temps, mais ça a le défaut de demander sans cesse de l'innovation. C'est comme tout : le nouveau s'essouffle si tu ne le renouvelles pas continuellement. Ca a un côté plutôt renaissance, d'ailleurs, à mon avis.
    Alors je me suis mis à agrémenter les repas des clients du restaurant où je bossais. Et je filmais l'après, quand ils apprenaient, à voix haute, qu'ils avaient vraiment avalés une fraîche semence. Garantie naturelle et sans pesticide. Pas de quoi se plaindre. Le patron n'a pas trop apprécié, vous imaginez. Ca m'a valu un petit séjour, après lequel j'ai finalement été déclaré sain d'esprit. Qui en doutait?
    Forcément, l'idée m'est venue d'être plus discret, dès lors. J'avais pris conscience que les gens aimaient uniquement les trucs portés sur les autres et les trucs subtils et ignorés. Bref, baise-toi ou baise-moi sans me le dire. C'est une philosophie de vie, me direz-vous. Puis j'ai pigé qu'il fallait me donner en spectacle, me vendre devant un public qui cracherait des billets pour se vider devant ce qu'ils ne feront jamais. C'est le côté idole, que de se faire admirer pour des choses que les autres ne feront pas parce qu'ils se croient trop nuls pour y arriver. Quand ce taré est marrant, il s'appelle bizarre. Quand il est dangereux, fou. Au fond, nous dépendons tous des abrutis qui nous fréquentent. Rien que pour s'attirer leur mépris.
    J'ai donc monté ma petite affaire, avec une salle, et tout le bordel. J'ai eu du mal à trouver un partenaire, mais ça s'est fait. Suffisait d'aller au bon endroit, celui où les ambitieux, les vrais, savent la valeur du prix à payer pour le devenir. Nous avons monté un concours, celui qui parviendrait à boire le plus de la pisse recueillie auparavant parmi nos admirateurs, et ceci, sans gerber. Essayez, vous verrez : quand l'habitude n'est pas là, ce n'est pas simple. Vous verrez aussi qu'à force, ça passe. Faut juste pas trop être regardant. Parce qu'effectivement, à mesure que nos prestations passent, nos performances suivaient.
    Là encore, tout a fini par perdre. Les gens se lassaient. Une fois, ça les emporte. Deux fois, c'est démodé. Ca va vite, vous savez. Faut pas manquer d'imagination, dans cette situation. Ca ne nous a pas manqué, d'ailleurs, et nous avons enchainé d'autres chefs d'oeuvre étonnants. Sans aucune prétention, ni rien. Nous restions modestes, sans chercher à créer aucun record. Et un beau jour, il s'est dégonflé. Des douleurs à l'estomac, qu'il disait. Excuse à la con. Comment ce qui sort de toi pourrait te faire du tort à toi? C'est complètement con, que je lui répondais, pour insister. Sinon, t'aurais déjà crevé d'avoir trop sucé ton sang.
    Ca m'a vraiment désespéré, cette affaire-là. Et je me suis dit qu'il était temps que je fasse ma sortie aussi, que je devais faire le machin qui marquerait les esprits et ferait de moi une espèce de légende, au moins dans le coin. Vous l'ignorez peut-être, mais quand un type qui passe de la célébrité à rien, il ne rêve que d'un truc, c'est de pigeonner autrement les idiots qui venaient le voir. Pour ma part, ce n'était pas tant un problème d'argent que de renommée. Etre inconnu lorsque tu tournes, ça te dérange pas. Crever comme tu as vécu, en revanche, c'est autre chose.
    En général, c'est là que débarque l'idée géniale. Débile, mais géniale. D'abord, tu appâtes les proies. Suffit de dire qu'ils ne peuvent pas savoir pour qu'ils se jettent tous histoire de. En l'occurrence, de taire ce qui se passera, et de l'annoncer, très logiquement, comme grandiose, unique, et tout le baratin qui fait l'excellent imbu de sa personne et de son talent. Le problème, c'est que le prix de l'entrée, tu ne sais pas exactement si tu peux l'augmenter, ou non. Ca dépend pour beaucoup de ta réputation et de l'état de ta réputation à l'heure qu'il est. T'as plutôt intérêt à modérer sur les zéros si tu souhaites ameuter des rats. Surtout les plus gros. Enfin, il vaut mieux que l'annonce concorde avec ce qui suivra : si vous décevez, vous n'y gagnerez rien, tout au contraire.
    Je suis face à des milliers de tête. De toutes les teintes de l'abrutissement et de la bêtise. Ah ça ! Pour sûr que tout le monde est différent. Certains ne s'en doutent pas, cependant. Du coup, ils beuglent gentiment, comme les autres. Faut pas s'étonner que les gens se piétinent pour aller écouter des types qui chantent harmonieusement. C'est qu'ils s'y retrouvent, là-dedans, vous savez. Bref, ils me regardent tous. Genre, t'attends quoi, du con? Ne jamais faire patienter tout ce gratin. S'ils attendent, s'arrêtent, ils finissent comme les requins, et ils crèvent. Ca s'appelle l'activité, ou quelque chose comme ça. Paraît que c'est bien, et que si tu le fais pas, tu es d'une race haïssable. J'ai pourtant du mal à voir ce qui est actif dans la passivité d'une redondance journalière. Pas pour rien que les accidents les plus nombreux se font au plus proche de chez nous. Une fois que tu te crois comme tu es, tu restes comme tu crois être, et tu n'es jamais comme tu es.
    Pour ne pas jouer sur le suspens, parce que je ne suis pas dans un foutu bouquin, j'ai donc sorti mon couteau. N'allez pas penser n'importe quoi, néanmoins. J'ai pris quelque chose de solide, quelque chose de sûr. L'outil fait l'artisan. Ils ont tous sorti un "oh" faussement surpris. Une fois flirtant sur ma gorge, ils l'ont reproduit, avec une nuance d'inquiétude. Je me sentais comme à l'opéra, le siège en moins. Pas longtemps, car j'ai bien fini par devoir m'asseoir au sol. La conscience est si lâche. Un cou et puis s'en va.
    J'ai gravé mon image dans ces mémoires, et dans celles qui ont lu respectueusement le torchon de papier du lendemain censé les instruire. Rassurez-vous, malgré tout : ça n'a duré qu'un week-end, avant que je finisse classé dans l'histoire. La petite, l'humble, celle des anormaux qui ont eu l'espoir d'un jour tenter de bouger ce merdier. Dans une semaine, d'autres ajouteront que ce mort n'a jamais vécu. Et tout sera réglé. L'Histoire fût, mais n'a jamais été. Irréfutable.
  10. Jedino
    A l'aune de tes élucubrations,
    Alors que disparaît toute considération,
    Je me suis laissé emporter
    Et hésite à me décider.
    C'est nul, et sans intérêt. Pas de fond, encore moins de forme. Juste un semblant de quelque chose qui n'en est pas.
    Malgré mille factions,
    Après autant en condamnation,
    Comment ne pas succomber,
    S'abandonner pour mieux voguer?
    Mauvais. C'est le mot. Tout ceci est très mauvais. Si cela avait du sens, ce serait même à recommencer. Mais, tu ne recommenceras pas.
    Les fils te grattent les ganglions,
    Quelle drôle de damnation!
    Que d'aller te dodeliner
    Sans jamais t'arrêter.
    Vous reconnaissez cet air? Celui de l'absurde. Celui d'une répétition infinie qui, à force d'user le vent, en devient un air.
  11. Jedino
    Vite. Il faut faire vite. Tracer ton chemin, ne jamais faire un écart. Tout droit, toujours dans la même direction. Elle ne peut qu'être la meilleure.
    C'est ça, que je ne saisis pas : pourquoi voulons-nous toujours aller de l'avant alors que l'expérience nous apprend tout le contraire? Lorsque je suis sur la route, je fais de nombreux virages. Parfois aussi, je ralentis. Ailleurs, j'accélère ou continue. Pire, il m'arrive de faire un détour, de me tromper. Qu'importe? Cela se corrige, inutile de paniquer.
    Mais la vie, ce n'est pas ça. C'est différent. C'est complexe. C'est le truc que, tu vois, tu expérimentes tous les jours mais ne connais pas. Parce que la vie, ouai, ça n'est rien de tout ces trucs-là. Une espèce d'au-delà, d'idéal à idolâtrer. Les philosophes me font un peu penser à ces célébrités qui peuvent se taper les nanas les mieux roulées sur le marché : chacun aimerait la meilleure place, rares sont ceux qui peuvent y siéger. Sauf que personne n'envie les faiseurs de pensée.
    Là est tout le problème, selon eux : en considérant notre existence comme autre chose que ce qu'elle est au premier abord, nous devrions nous y précipiter. Pourtant, rien. Eux réfléchissent dans un coin bien discret, et les autres poursuivent comme si de rien n'était. Qui a raison? La minorité clame fort que la majorité a trop souvent tort. La majorité ignore cette minorité qui aimerait se donner raison. Conclusion? La solution n'est nulle part car le problème n'est pas. Penser un idéal, c'est déjà créer un carcan. Imposer une vérité, c'est ensuite réduire la réalité. Je crois que cette erreur provient de ce désir d'universalité : nous aimerions tant trouver, comme en la mathématique, le "x" qui manquerait à l'équation. Nous aimerions, oui, que d'une brique dépende tout le reste. Mais le fait est qu'une bâtisse, qu'elle soit modeste ou sublime, se fait de plusieurs briques, toutes aussi nécessaires, et que chacune trouve et use de nouvelles briques. Qui irait penser que pour construire sa maison, il déconstruirait celle du voisin? De même qu'il est absurde de partager en moitié : que faire d'un bâtiment à moitié fini?
    Donc j'avance, sans vraiment savoir vers où. J'avance, parce que je ne sais faire que ça. Aujourd'hui seulement j'ai compris à quel point mon raisonnement, mes actions, ma réflexion, et toutes ces belles choses que je cherche depuis longtemps à exercer et aiguiser, souffrent d'un virus à ce point caché et évident qu'il m'a toujours échappé. Il aura fallu que je songe à mes journées, un soir de fatigue, pour m'en rendre compte : dès le matin, je calcule, j'organise les heures qui me sont imparties pour gérer les exigences et les devoirs, les plaisirs et les besoins. Ce poison qui défait toute surprise et détruite toute magie s'impose à moi comme une immense horloge qui, face à moi, tournerait lentement pour me rappeler en chaque instant que je dois optimiser ces secondes, les rendre efficaces et rentables. Il me faut faire vite, il me faut faire tout, il me faut faire bien. Le monde est si pressé qu'il s'empresse et se met en pression. Et de la pression naît nécessairement la réaction.
    Alors oui, nous allons. Nous le faisons tantôt bien, tantôt mal. L'essentiel n'est pas là. Viser une fin est honorable, et l'atteindre est admirable. Tout comme la cause doit mener à son effet. Mais aussi noble soit cette mesure, tout est dans son dépassement, dans la démesure. Asseyez-vous un instant, un unique, inutilement, et demandez-vous : est-ce vivre que de vivre pour le temps?
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