Le sac à main
« Chéri, j'ai oublié ma clé USB avec mon Powerpoint pour ma putain de réunion, il me la faut absolument ! J'arrive, je suis sur le chemin, mais je suis carrément à la bourre...
— OK, j'ai compris. Dis-moi juste où chercher.
— Dans mon grand sac à main. Je serai là d'ici 10-15 minutes.
— Si on t'arrête pas pour portable au volant.
— Ou excès de vitesse.
— Je t'attendrai dehors. »
Merde ! je viendrais pas de lui promettre,
Non pas seulement de fouiller son sac,
Ce qui est honteux, mais surtout de mettre
La main sur sa clé dans pareil bric-à-brac ?
Et en un temps record, bonjour le trac !
Autrement, ça aurait pu me ravir...
Des mois que je me retiens d'assouvir
Ma curiosité quasi maladive,
Voilà qu'elle m'invite à me servir,
Qu'elle s'étonne pas si je récidive !
Qui sait ce que je vais y découvrir ?
(Elle le sait, mais c'est une question rhétorique,)
Toute une boîte de Pandore à ouvrir,
J'imagine des gadgets excentriques
Qui prêtent à sourire ou à souffrir,
De la pince à épiler aux cosmétiques,
En passant par les serviettes hygiéniques...
Une photo de nous, une agrafeuse,
Des mouchoirs, une boîte de tic-tac,
La brosse disparue de sa coiffeuse,
Un cal'pin, un sachet de thé en vrac,
Un parapluie et un plus petit sac.
Merde, la clé ! va falloir se presser,
Je reste planté à tergiverser
Et à mesure que le temps défile
Un bien mauvais quart d'heure se profile.
Je veux même pas imaginer sa tête
Si je suis bredouille à son arrivée :
« Désolé, chérie, je l'ai pas trouvée,
Enfin, pas cherchée, occupé à... serre-tête,
J'ai oublié serre-tête dans la liste »,
Un coup à dormir seul sur le divan,
Dans le scénario le plus optimiste,
Celui où je suis encore vivant.
Bon, il est où ce sac pour commencer ?
Là, y a ni placard ni même de place
Au sol qui soit dit en passant est dégueulasse,
Bref, et si je me sortais des WC ?
J'ai une intuition, direction la piaule,
Je cours et manque écraser le greffier,
« Fais voir un peu gaffe où je mets les pieds,
Qu'est-ce que t'as, Snowball, pouquoi tu miaules ?
Quand on a éparpillé sa litière,
On fait profil bas, la ramène pas,
Je vais devoir sévir, te mettre au pas,
Dis adieu au saumon et au gruyère...
À qui je veux faire croire ça ?
Allez, boule de poils, viens dans mes bras ! »
Après câlins et livraison de croquettes,
Ouf ! j'ai le sac à main entre les pognes,
Il était sous le pieu et on s'en cogne
Mais j'y ai retrouvé une socquette,
Sous le lit, pas dans le sac, j'entends bien,
De toute façon, c'était pour la rime.
Venons-en au sac si ça vous fait rien,
Ça y est, je plonge les mains dans l'abîme,
Je tâte, je palpe... aïe ! le faux croco
Vient de m'entailler le doigt, c'est la guerre ;
Me laissant pas miner par un vulgaire
Criterium, je surmonte cet accroc,
Poursuis, conscient de revenir de loin.
C'est mal barré, le sac a maints recoins,
J'ai l'impression de chercher une aiguille
Sur l'écran d'une montre digitale,
Essayons plutôt la méthode brutale,
Aucune chance que la clé resquille
Car hop, je le retourne et le secoue
Au-dessus du lit, il pleut des babioles,
Attends, c'est quoi ce truc, du fard à joues ?
Merde ! j'entends le bruit d'une bagnole.
« Je t'attendrai dehors, hein ?
— Désolé, j'ai pas trouvé.
— Je t'avais dit mon grand sac à main. Bref, je t'engueulerai ce soir, là j'ai pas le temps. »
Aurevoir lit moelleux, je suis tricard,
Au mieux on se trouve dès demain ;
Furax et déçue, elle ouvre un placard,
Prend un sac, le fameux grand sac à main,
Et en y glissant une main experte,
En un clin d'œil sort l'objet de la perte.
C'est donc vrai, le fourbi organisé,
Bluffant, pour elle ça a l'air fastoche,
Il me faut un remontant anisé,
C'est tout juste si je connais ma poche.
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