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Des cadavres au musée

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Naluue

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Membre, 23ans Posté(e)
Naluue Membre 1 148 messages
Mentor‚ 23ans‚
Posté(e)

Aujourd'hui, après avoir bu une citronnade avec mes amis de la faculté, nous avons décidé d'aller voir l'exposition au musée d'à côté.

Une section, la dernière, indiquant : attention, contenus pouvant heurter les âmes sensibles. Nous arrivons devant un paragraphe imprimé sur un mur, la thématique : la mort et ses cadavres. Des corps morts, qui ne forment qu'un chiffre inconcevable sans visage. Aujourd'hui, nous allions voir la mort. 

Aussi bateau que ce soit, la mort, c'est l'origine des plus grandes questions de l'homme, elle fait presque notre histoire. Banale, presque, les discussions sur la mort ça n'intéresse pas toujours. Moi, je découvre, c'est ma seule vie, lire mes prédécesseurs en parler c'est… troublant. Je pense à Albert camus, décédé, voiture contre un arbre, 49 ans. Quelle mort idiote et matinale.

Moi, j'ai l'impression que la mort m'attend demain. Elle me regarde à chaque coin de rue, un regard creux et une bouche béante. La vie comme un étau, qui se referme à une vitesse exponentielle. Je dis demain, non pas parce que je crains un malheureux accident, mais parce que j'ai 21 ans aujourd'hui, hier pourtant, j'en avais 11.

Ceci dit, en arrivant, je suis frappée par ses "portraits", des photographies d'une qualité palpable dans des cadres noirs d'environ ma taille, tout autour de la pièce, les murs sont blancs neige, il y a peu de monde et je perds vite le rythme de mes amis : je reste des minutes, de longues minutes, sur le premier portrait. Un fond noir, toujours des fonds noirs, un visage nécrosé et terne dont les yeux sont drapés par ce qui semble être un tissu de velour bleu roi. Je distingue un bandeau médical qui entoure la tête en passant par la mâchoire. Le second tableau est un homme, il n'a pas l'air mort, mais je me souviens que l'on pouvait deviner son œil fermé derrière le bandeau blanc déposé légèrement sur ses yeux. Perturbant, un visage mort. Les deux suivant furent pires.

Une gorge, grossièrement recousue, du menton sur ce que j'imagine aller jusqu'au pelvis, après une autopsie. J'ai senti ma propre gorge me gêner à l'image d'une peau ainsi disposée. Je marche le long des photographies, enfin, un visage. Un œil, grand ouvert, l'autre bandé, une bouche entrouverte, la trace d'un liquide jaunâtre le long du nez. 

Je regardais cette photographie, longtemps, je me demandais pourquoi. Je savais que je cherchais à ressentir quelque chose, à trouver une réponse, à effleurer la mort et me familiariser avec elle, une mort inconcevable et vertigineuse. Je n'aimais pas regarder ces photos, mais je voulais pouvoir crier eurêka ! Je crois qu'en fait, je ne pourrai jamais comprendre la mort en étant vivante, je crois qu'en fait, il n'y a rien à comprendre de la mort. C'est une dure réalité à côtoyer. Non pas qu'elle soit triste, bien qu'elle le soit, elle est surtout incompréhensible et désagréable, parfaitement glauque. Moi, la mort me donne envie de vomir. D'ailleurs, j'y viens.

Avec les oeuvres de fiction, j'en ai vu des choses gores, non pas que j'aime ça… Au contraire. L'artiste proposait la vidéo d'une autopsie, d'une durée de 5 minutes, à la colorimétrie bizarre et glauque. J'ai rejoins mes amis après avoir finalement lâché le portrait de la dame à l'œil ouvert, puis nous sommes entrés dans une petite salle noire dans laquelle se trouvait un banc. Au mur, une projection. Dans cette même volonté de comprendre je ne sais trop quoi franchement, j'ai regardé. C'était affreux, des organes dégoulinants, un corps vidé, des côtes… Ce n'est déjà pas un spectacle agréable, et puis j'ai vu. J'ai vu les plis de peau de l'homme qu'on avait ouvert, ses jambes poilus étendus à gauche de l'écran, son menton sur la séquence suivante. Oui, je pouvais regarder, comme tous mes amis l'ont fait d'ailleurs, mais j'étais terrifiée et écœurée. Je n'ai pas vu un cadavre, ni un mort, j'ai vu une carcasse, un tas de cher. Ce qui fut un homme et devenu : ça. Et mon corps à moi c'est aussi "ça". J'avais des hauts le cœur à cette idée.

Je ne veux pas avoir l'air de me donner des airs. J'ai bien conscience que certains me trouveront simplement trop naïve ou puérile, ou que ce que je dis est une évidence commune qu'il faut que je digère. Mais je ne comprends pas ! Comment mes amis ont pu resté indifférents par la suite quand j'aurais pu y réfléchir avec eux pendant des heures (certainement sans jamais crier eurêka). Je n'ai pas le sentiment de me prendre la tête j'ai le sentiment de toucher du doigt l'incompréhensible !

Oui, la mort fait peur mais elle ne fait pas que ça. L'idée de la mort est une chose si dense et indiscernable.

Un jour en balade j'ai vu la carcasse d'un bouc, bien rongée déjà. Le squelette ressortait, notamment les côtes encore rougeâtres comme une cage à organes… sans organe. Ce corps d'homme dans la vidéo, était exactement comme ce bouc. Répugnant.

Naluue.

Modifié par Naluue
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Membre, 58ans Posté(e)
lysiev Membre 9 930 messages
Maitre des forums‚ 58ans‚
Posté(e)

Quand même certains artistes , ont de drôle d’idées :hum:

Je trouve cela déjà  affreux de prendre la photo d’une personne morte et de montrer l’autopsie d’une personne , comme si la mort était une œuvre d’art. Bref un peu trop chelou à mon goût.

Mais bon chacun voit l’art à sa façon.

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Membre, Docteur Honoris Causa es "Patati & Patata ...", 62ans Posté(e)
BadKarma Membre 14 798 messages
62ans‚ Docteur Honoris Causa es "Patati & Patata ...",
Posté(e)

Une réflexion intéressante, personnellement j'affronte quotidiennement cette indiscernable grande faucheuse rôdant en tous temps et tous lieux, en procédant scrupuleusement au rangement du contenu de mes armoires de famille, afin de bien s'assurer qu'il n'y ait pas quelques cadavres ayant élu domicile à l'insu de mon plein gré ...

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 471 messages
Forumeur confit,
Posté(e)
Il y a 12 heures, Naluue a dit :

Une section, la dernière, indiquant : attention, contenus pouvant heurter les âmes sensibles. Nous arrivons devant un paragraphe imprimé sur un mur, la thématique : la mort et ses cadavres. Des corps morts, qui ne forment qu'un chiffre inconcevable sans visage. Aujourd'hui, nous allions voir la mort. 

Bonjour Naluue,

Votre compte rendu de cette visite de musée est parfaitement synthétisé, bravo à vous.

J’en venais à penser au corps médical, qui par sa profession est confronté tous les jours à la réalité de la souffrance et de la mort, mais aussi à la guérison et la rémission temporaire des vies humaines, qui à n’en pas douter doit leur donner un espoir renouvelé.

J’admire le personnel qui travaille dans le secteur hospitalier et médical.

Philosophiquement parlant, serions-nous en mesure d’apprécier les joies de l’existence si nous n’avions pas conscience de notre fin de vie ?

Bref, j’ai eu du plaisir à vous lire.

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Membre, 77ans Posté(e)
hybridex Membre 9 892 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 13 heures, Naluue a dit :

Aujourd'hui, après avoir bu une citronnade avec mes amis de la faculté, nous avons décidé d'aller voir l'exposition au musée d'à côté.

Une section, la dernière, indiquant : attention, contenus pouvant heurter les âmes sensibles. Nous arrivons devant un paragraphe imprimé sur un mur, la thématique : la mort et ses cadavres. Des corps morts, qui ne forment qu'un chiffre inconcevable sans visage. Aujourd'hui, nous allions voir la mort. 

Aussi bateau que ce soit, la mort, c'est l'origine des plus grandes questions de l'homme, elle fait presque notre histoire. Banale, presque, les discussions sur la mort ça n'intéresse pas toujours. Moi, je découvre, c'est ma seule vie, lire mes prédécesseurs en parler c'est… troublant. Je pense à Albert camus, décédé, voiture contre un arbre, 49 ans. Quelle mort idiote et matinale.

Moi, j'ai l'impression que la mort m'attend demain. Elle me regarde à chaque coin de rue, un regard creux et une bouche béante. La vie comme un étau, qui se referme à une vitesse exponentielle. Je dis demain, non pas parce que je crains un malheureux accident, mais parce que j'ai 21 ans aujourd'hui, hier pourtant, j'en avais 11.

Ceci dit, en arrivant, je suis frappée par ses "portraits", des photographies d'une qualité palpable dans des cadres noirs d'environ ma taille, tout autour de la pièce, les murs sont blancs neige, il y a peu de monde et je perds vite le rythme de mes amis : je reste des minutes, de longues minutes, sur le premier portrait. Un fond noir, toujours des fonds noirs, un visage nécrosé et terne dont les yeux sont drapés par ce qui semble être un tissu de velour bleu roi. Je distingue un bandeau médical qui entoure la tête en passant par la mâchoire. Le second tableau est un homme, il n'a pas l'air mort, mais je me souviens que l'on pouvait deviner son œil fermé derrière le bandeau blanc déposé légèrement sur ses yeux. Perturbant, un visage mort. Les deux suivant furent pires.

Une gorge, grossièrement recousue, du menton sur ce que j'imagine aller jusqu'au pelvis, après une autopsie. J'ai senti ma propre gorge me gêner à l'image d'une peau ainsi disposée. Je marche le long des photographies, enfin, un visage. Un œil, grand ouvert, l'autre bandé, une bouche entrouverte, la trace d'un liquide jaunâtre le long du nez. 

Je regardais cette photographie, longtemps, je me demandais pourquoi. Je savais que je cherchais à ressentir quelque chose, à trouver une réponse, à effleurer la mort et me familiariser avec elle, une mort inconcevable et vertigineuse. Je n'aimais pas regarder ces photos, mais je voulais pouvoir crier eurêka ! Je crois qu'en fait, je ne pourrai jamais comprendre la mort en étant vivante, je crois qu'en fait, il n'y a rien à comprendre de la mort. C'est une dure réalité à côtoyer. Non pas qu'elle soit triste, bien qu'elle le soit, elle est surtout incompréhensible et désagréable, parfaitement glauque. Moi, la mort me donne envie de vomir. D'ailleurs, j'y viens.

Avec les oeuvres de fiction, j'en ai vu des choses gores, non pas que j'aime ça… Au contraire. L'artiste proposait la vidéo d'une autopsie, d'une durée de 5 minutes, à la colorimétrie bizarre et glauque. J'ai rejoins mes amis après avoir finalement lâché le portrait de la dame à l'œil ouvert, puis nous sommes entrés dans une petite salle noire dans laquelle se trouvait un banc. Au mur, une projection. Dans cette même volonté de comprendre je ne sais trop quoi franchement, j'ai regardé. C'était affreux, des organes dégoulinants, un corps vidé, des côtes… Ce n'est déjà pas un spectacle agréable, et puis j'ai vu. J'ai vu les plis de peau de l'homme qu'on avait ouvert, ses jambes poilus étendus à gauche de l'écran, son menton sur la séquence suivante. Oui, je pouvais regarder, comme tous mes amis l'ont fait d'ailleurs, mais j'étais terrifiée et écœurée. Je n'ai pas vu un cadavre, ni un mort, j'ai vu une carcasse, un tas de cher. Ce qui fut un homme et devenu : ça. Et mon corps à moi c'est aussi "ça". J'avais des hauts le cœur à cette idée.

Je ne veux pas avoir l'air de me donner des airs. J'ai bien conscience que certains me trouveront simplement trop naïve ou puérile, ou que ce que je dis est une évidence commune qu'il faut que je digère. Mais je ne comprends pas ! Comment mes amis ont pu resté indifférents par la suite quand j'aurais pu y réfléchir avec eux pendant des heures (certainement sans jamais crier eurêka). Je n'ai pas le sentiment de me prendre la tête j'ai le sentiment de toucher du doigt l'incompréhensible !

Oui, la mort fait peur mais elle ne fait pas que ça. L'idée de la mort est une chose si dense et indiscernable.

Un jour en balade j'ai vu la carcasse d'un bouc, bien rongée déjà. Le squelette ressortait, notamment les côtes encore rougeâtres comme une cage à organes… sans organe. Ce corps d'homme dans la vidéo, était exactement comme ce bouc. Répugnant.

Naluue.

Je dénie par avance à mon cadavre le droit de représenter quoi que ce soit de ma personne.

La mort n'existe pas, seule existent la vie et sa fin

Qui a envie de se satisfaire d'images glauques c'est bien son droit. De là à en tirer des enseignements, la démarche me parait bien vaine.

Je ne sais si la vie est courte, en tous cas on en a une qu'on aimerait bien ne pas gâcher ni gâcher celle des autres d'ailleurs.

Je te souhaite de vivre en paix, d'abord avec toi-même

Lis donc Simone de Beauvoir    Tous les hommes sont mortels

Aussi triste qu'il paraisse le point final à une vie remplie est une bénédiction

 

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 126 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)
Il y a 13 heures, Naluue a dit :

la mort, c'est l'origine des plus grandes questions de l'homme,

C'est parce que l'humain a acquis la conscience de soi. Il obéit à son instinct de conservation et défense comme tout autre animal. Mais il est le seul à savoir que sa fin est inéluctable. Mais, heureusement qu'il ne connaît pas la date de l'événement.

"La préméditation de la mort est préméditation de la liberté. Qui a appris à mourir, il a désappris à servir."

Montaigne

 

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Membre, 23ans Posté(e)
Naluue Membre 1 148 messages
Mentor‚ 23ans‚
Posté(e)
Il y a 2 heures, hybridex a dit :

Qui a envie de se satisfaire d'images glauques c'est bien son droit. De là à en tirer des enseignements, la démarche me parait bien vaine.

C'est bien ce que je dis : c'est vain. En revanche, je n'ai pas parlé de satisfaction, bien au contraire.

Belle vie à vous aussi ! En paix.

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Passiflore Membre 22 683 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
Il y a 6 heures, lysiev a dit :

Quand même certains artistes ont de drôle d’idées. 

Je trouve cela déjà  affreux de prendre la photo d’une personne morte et de montrer l’autopsie d’une personne, comme si la mort était une œuvre d’art. Bref un peu trop chelou à mon goût.

Mais bon chacun voit l’art à sa façon.

 

Je te rejoins dans ce que tu dis là.

Non pas que la mort en elle-même me fasse peur mais au-delà de cette considération-là, je trouve passablement glauque et outrancier une telle exposition de cadavres.

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