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L'Homme n'est pas utilitariste


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Le 15/11/2021 à 19:56, CAL26 a dit :

Nous sommes enclins à juger vite, estimer rapidement une situation selon nos automatismes acquis. La priorité pour notre cerveau est la rapidité (nécessité reçue de l'évolution nous dit la science) et si on ne fait pas d'effort cognitif on est par la pente irrationnels.

Ce qui inhibe cette tendance, c'est la culture qui nous permet ou nous incite à contrôler nos automatismes.

L'inhibition (cognitive) recouvre assez bien ce que tu désignes comme "une violence à la nature humaine". Parmi les fonctions exécutives elle est celle qui conceptualise la contrôle de nos automatismes acquis pour une meilleure adaptation.

Nous sommes des êtres sociaux et nous savons que pour nous le bénéfice immédiat et égoïste est rarement supérieur à l'intérêt général. Nos automatismes ne disent pas cela et la société nous apprend à les contrôler pour notre bien.

Etre social, urbi et orbi, est-ce moins la nature humaine que le "tout de suite pour moi" ? Conflit intrapsychique à l'horizon.

Tout à fait, le fait de vivre dans une culture fait partie de notre nature, histoire de parler comme Edgar Morin, et il faut cesser d'opposer nature et culture comme dans la tradition culturelle contractualiste de Rousseau ou de Hobbes.

La violence de l'utilitarisme à la nature humaine consiste à nier les valeurs humaines pour les remplacer par le confort, le bien-être et la sécurité. Cette vision n'est possible que dans une société qui tend à nier le sens et qui n'a pas de projet de société cohérent. Typiquement la nôtre qui ne juge qu'au l'aune du libéralisme mondialiste.

Mais en dépit des annonces tonitruantes qui font état de la sécularisation croissante de nos sociétés, nous ne nous sommes pas débarrassés de la question du sens, et ceux qui ne croient plus en Dieu sont bien obligés de croire en autre chose. La question du sens est une question vitale pour l'être humain. Nous sommes des sémiopathes pour parler comme Régis Debray, c'est-à-dire que nous sommes des êtres obsédés par le sens car il relève chez nous d'un enjeu psychique vital contre la dépression, l'angoisse ou la psychose. Nous mettons et plaquons du sens partout parce que c'est dans notre nature, et que dans le cas contraire notre intégrité même serait en danger.

Et les enjeux liés au sens que nous donnons à notre existence conditionnent tout le reste : les intouchables en Inde, ou les moujiks en Russie, n'ont pas hésité à combattre et même parfois casser la figure de ceux qui, pleins de bonne volonté humaniste, tentaient de dénoncer les aspects les plus intolérables et injustes de leur condition sociale et du système qui les oppresse. Cela est incompréhensible pour un utilitariste, mais devient très clair dès lors qu'on réalise que la question du sens qui nous conditionne comme être humain est vitale (question de survie psychique), et est induite par toute une vision du monde (souvent une religion) qui est propagée par la culture et ses récits collectifs.

L'illusion utilitariste n'est possible que dans une société comme la nôtre qui prétend s'être débarrassée de la question du sens, tandis que cette question est si vitale et importante pour l'être humain qu'elle revient par la fenêtre lorsqu'on l'a chassée par la porte. Il serait incroyablement orgueilleux de ne pas voir que nous sommes pleinement encore concernés par cela car c'est dans notre nature.

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Le 20/11/2021 à 11:13, deja-utilise a dit :

Bonjour Quasi-modo,

Oui les animaux y compris humains fonctionnent ainsi, ils sont tout bonnement câblés comme ça: circuit de la récompense, système de la fuite ou du combat, évitement de la souffrance !

De même toute réaction n'est certainement pas le seul fruit d'une cogitation consciente, mais très souvent le résultat d'automatisme, d'habitus et de motivations subconscientes, et quand bien même il y aurait eu effectivement réflexion au préalable, cela ne fait pas pour autant disparaitre la première partie, sans compter que cette réflexion quelle qu'elle soit, est très certainement multi-biaisées et limitée, sujette à d'innombrables a priori au sens bourdien du terme.

Les volitions humaines sont de même nature que celles des autres animaux, en l'occurrence sociaux, seules changent les modalités d'application, dues à la complexité atteinte tant matériellement que psycho-socialement de nos sociétés hyper-développées. Ces impulsions à l'agir sont à la fois la source et la destination de nos actions, la pensée y compris rationnelle n'est là que jour tenter de garantir le succès de l'entreprise, pour hoi polloi la raison n'infléchit pas la direction prise, le désir a bien souvent le dernier mot, quel que soit le chemin emprunté pour y parvenir. Et l'une d'elle peut être l'utilitarisme.

 

Je rappelle que cette doctrine accepte qu'une minorité ou perçue comme telle, puisse être sacrifiée pour le bien du plus grand nombre, ou perçu comme tel aussi. Et n'est-ce pas ce que l'humanité a toujours fait ? Un groupe dominant exploiter un autre groupe dominé ou la nature ? Qu'un clan défende ses intérêts au détriment d'autres jugés inférieurs, qu'une société d'un pays voit d'abord la satisfaction de ses besoins, parfois superfétatoires, prioritaires sur ceux vitaux d'autres pays ? Que la Science dépense des fortunes pour la Connaissance, comme la Physique, l'astronomie, la conquête spatiale poussée par on-ne-sait quel élan vital, pendant que la misère, la sous-alimentation, l'accès à l'eau et aux soins, la souffrance et la mort soient monnaie courante dans nombre de pays ? Que chacun de nous, consommateur, cherche a obtenir telle ou telle chose, avoir mieux et/ou plus, tout en sachant par ailleurs que ce mode d'existence à l'occidental est néfaste et non pérenne, sans rencontrer une prise de conscience et de pousser à l'abstention ou à la décroissance ? Et que dire des modes de vie occidentaux qui ont fait irruption chez des peuples qui ont vu leur existence complètement chamboulée, que ce soit leur territoire, leurs traditions, leur corpulence ou leur santé, tout ça parce que ce système - occidental - leur proposait bien plus que ce à quoi ils étaient habitués jusqu'alors, que le calcul - ou la perception instinctive - a été vite fait en somme !? Je t'invite à lire par exemples Le Bug humain ou La démocratie des crédules pour te rendre un petit peu compte que tu as une bien trop haute opinion du genre humain, que l'on nomme en psychologie: biais d'optimisme.

 

Non, c'est plutôt l'inverse, de constater que des personnes croient encore à la bonté humaine, à une sainteté anthropique, alors que tout laisse à voir qu'il n'en est rien ! Par quel mécanisme des gens peuvent être à ce point hémiplégique et ne voir que les infimes bons côtés du genre humain, en oblitérant la pléthore de ceux néfastes, manipulateurs et calculateurs de la volonté de puissance, et ce, depuis toujours !?

 

Comme chacun de nous, même si c'est une donné incontestable, fort heureusement, pour certains d'entre nous, il n'y a pas que ça en jeu, quelque chose qui va même contre tous les intérêts possibles et imaginables de celui qui s'y adonne, et souvent il n'en résulte que des embêtements, par exemple, un anti-spéciste !

De mon point de vue, et je te prie vivement de m'excuser de faire preuve de parrêsia, mais tu es tout-à-fait un utilitariste que cela te plaise ou non, et c'est toujours ainsi quand on ne peut/veut pas renoncer à des privilèges ou s'abstenir de tendre à les obtenir... ( et d'autant plus quand on se cherche des raisons de continuer, en minimisant la portée de celles qui vont contre, y compris quand initialement ce même argument avait pourtant été invoqué pour défendre la thèse favorable - et donc contraire, c.f.: le topic sur " les bouchers éthiques ") [ Les gens sont très facilement de mauvaises foi et donc versatiles quand cela touche à leurs convictions intimes et bien sûr à leurs intérêts premiers, raison pour laquelle non seulement on va droit dans le mur écologiquement, mais qu'on accélère ]

 

Désolé pour le désagrément occasionné !

 

Merci pour ce conseil de lecture mais actuellement j'en ai d'autres pour ma part ;)

Le sacrifice de soi au bénéfice d'un autre sans même une once d'espoir d'un retour sur investissement est quelque chose de complètement incompréhensible dans une perspective utilitariste. Arnaud Beltrame s'est sacrifié pour sauver la vie d'une otage de terrorisme, sans qu'il n'ait jamais eu le moindre espoir d'en tirer quelque bénéfice que ce soit, parce qu'il avait une certaine idée de sa fonction, et que probablement celle-ci donnait du sens à son existence. C'est la fonction des récits collectifs et des institutions.

L'être humain est celui qui raconte et se raconte des histoires pour donner du sens à sa vie. Chaque individu est constitué  d'un certain nombre d'étiquettes sociales (homme, femme, père, mère, ouvrier, bourgeois, avocat, chercheur, policier/gendarme, etc.) qui charrient tout un récit collectif et une identité de groupe qui va s'articuler avec le récit individuel et l'identité individuelle, avec pour chaque identité des stéréotypes, des prescriptions, des manières de penser, de se comporter, qui ne sont pas conscientes chez la plupart des individus mais qui font l'objet d'étude de la sociologie ou de l'anthropologie, ces dernières démontrant sans faillir que la plupart de nos comportements et pensées sont extrêmement cadrés, jusque dans les moindres faits et gestes les plus intimes de nos quotidiens, dans notre inconscient de groupe et notre inconscient individuel. La sociologie passe son temps à mettre cela en évidence, et ces récits collectifs et individuels sont ce qui donne du sens à l'existence de l'être humain.

Les récits individuels, en s'articulant aux récits collectifs, sont des modalités du sens que chacun donne à son existence, la question du sens de l'existence étant une question vitale pour éviter la dépression, l'angoisse ou la psychose, et il est très fréquent qu'un individu humain (p.ex. les intouchables en Inde ou les moujiks en Russie) prenne un parti qui va complètement et sans ambiguïté contre ses intérêts individuels, et pour la défense du système qui l'oppresse ou l'infériorise, simplement parce que cette prise de parti fait partie d'une vision du monde culturellement induite qui donne du sens à son existence. Nous ne comprendrions ni certaines formes de suicide, ni le sacrifice d'un gendarme ou d'un militaire, ni le sacrifice en général, si nous étions utilitaristes.

Cela dit je conçois que tout cela soit abstrait et sonne de manière absurde chez un occidental moyen qui n'a plus trace des époques passées, ignore les autres civilisations, et qui s'imagine rationnel et scientifique, qui n'a plus souvenir de l'importance que les religions ont joué et n'est pas conscient de l'enjeu vital de la question du sens de l'existence qui travaille tout être humain quel qu'il soit, comme le démontrent l'anthropologie et la sociologie. L'être humain incorpore de manière si importante les enjeux de culture et les récits de groupe qu'ils font partie de sa nature d'être humain individuel et collectif, et qu'il est prêt en général à mourir pour le symbole, c'est-à-dire pour le récit qui donne sens à son existence.

Lors des guerres napoléoniennes, l'armée française désignait un porte-drapeau qui, au milieu des troupes qui s'avançaient, devait tenir haut et à bout de bras le drapeau français. Ce drapeau, bien qu'il ne soit qu'un bout de tissu, cristallisait toutes les valeurs de la France et autour de ce symbolisme se concrétisait la fraternité des camarades, la fierté d'être soldat, les valeurs pour lesquelles ils se battaient. Le moral des troupes était d'ailleurs fortement conditionné tant à l'existence de ce porte-drapeau qu'à la valeur symbolique de ce drapeau qui faisait sens pour eux. Les ennemis, conscients de cet état de fait, cherchaient généralement lors de la bataille à s'emparer du drapeau français en attaquant le porte-drapeau, et à chaque fois qu'il était sur le point d'être capturé, des soldats français venus partout et de nulle part sur le champ de bataille se jetaient sur ceux qui allaient le capturer avec une férocité redoutable, risquant leur vie pour sauver un simple bout de tissu qui faisait sens et avait une valeur symbolique très importante pour eux.

Dans une perspective utilitariste, le porte-drapeau ne devrait même pas exister, car le drapeau mobilise un soldat à part entière, ce qui constitue une perte sèche, et fait prendre des risques inconsidérés à tout le régiment, car il sera attaqué sans relâche, avec le risque de se le faire dérober et de défaire le moral des troupes ou la fierté des soldats, et donc de perdre la bataille ou la guerre.

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 6 039 messages
If you don't want, you Kant...,
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Je te remercie pour ta réponse fort détaillée et pragmatique

 

Le 20/11/2021 à 14:50, Quasi-Modo a dit :

Le sacrifice de soi au bénéfice d'un autre sans même une once d'espoir d'un retour sur investissement est quelque chose de complètement incompréhensible dans une perspective utilitariste.

J'oserais dire que tout dépend aussi de ce que l'on entend pas utilitarisme, qui n'est pas synonyme d'égoïsme. Le sacrifice ultime n'est pas incompatible avec une perspective utilitariste ou d'un conséquentialisme utilitariste. Le choix peut être grandement instinctif ou intuitif, mais reposant néanmoins sur un calcul des coûts et bénéfices en jeu, comme son inverse le paradoxe d'Olson.

Face un dilemme moral, le cerveau ne sait pas toujours bien comment réagir. Prenez le célèbre dilemme du tramway fou, posé pour la première fois en 1967. Imaginez un tramway vide lancé à pleine vitesse qui va écraser cinq personnes sur une voie. En actionnant un levier, un individu, Jean, peut le faire dévier vers une autre voie où se tient une seule personne. Dans un deuxième scénario, Jean peut pousser un homme corpulent depuis un pont au-dessus des rails pour arrêter le tram. Dans les deux cas, il sacrifie une personne afin d’en sauver cinq. « Des dizaines d’études ont été menées dans le monde sur ce dilemme. Or 80 % des gens jugent qu’il est acceptable de détourner le tramway, mais seulement 10 % de pousser une personne malgré un résultat identique, détaille Florian Cova. Dans le premier cas, la victime est un dommage collatéral alors que dans le deuxième, elle est utilisée comme moyen », ce qui pourrait expliquer la différence.

Selon Nicolas Baumard et Stéphane Debove, ce décalage s’explique plutôt par un calcul inconscient des coûts et bénéfices effectué par le cerveau. Dans la première situation du dilemme du tramway, la victime potentielle se trouve déjà sur les rails, dans une position dangereuse, alors que la seconde est tranquillement sur un pont et a donc davantage à perdre. Ce calcul expliquerait pourquoi nous jugeons moral de dépanner un voisin qui a des soucis informatiques – cela ne va nous prendre qu’une minute pour lui faire économiser de longues heures – mais qu’il n’apparaît pas de notre devoir de prêter main-forte à tout le quartier – ce qui prendrait trop de temps.

https://www.caminteresse.fr/psychologie/dou-vient-notre-sens-moral-11143427/

 

Le 20/11/2021 à 14:50, Quasi-Modo a dit :

Arnaud Beltrame s'est sacrifié pour sauver la vie d'une otage de terrorisme, sans qu'il n'ait jamais eu le moindre espoir d'en tirer quelque bénéfice que ce soit, parce qu'il avait une certaine idée de sa fonction, et que probablement celle-ci donnait du sens à son existence.

Je n'en doute pas, et c'est certes impressionnant, toutefois ne connaissant pas le pedigree de vie de ce héro, il est difficile d'inférer les raisons de son acte singulier.

Il y a déjà une pression intériorisée, des valeurs, une empathie " intéressée " ou clanique, une éducation morale particulière, une culture personnelle allant en ce sens, un besoin latent d'être le héro de sa vie qui n'attendait qu'une occasion, écho/réaction à son propre passé, etc... L'humain est un être éminemment social, il n'est pas insensible aux malheurs d'autrui, mais le contexte peut moduler la réaction ( même document " caminteresse " que précédemment et dernier paragraphe en bas de page, avec l'enfant ).

Par exemple pour la proximité d'avec la victime et la pression d'être face à ses responsabilités quand on est seul à pouvoir agir:

https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/video-pourquoi-porte-t-on-secours-a-certains-mais-pas-a-d-autres_937499.html

 

 

Le 20/11/2021 à 14:50, Quasi-Modo a dit :

L'être humain est celui qui raconte et se raconte des histoires pour donner du sens à sa vie. Chaque individu est constitué  d'un certain nombre d'étiquettes sociales (homme, femme, père, mère, ouvrier, bourgeois, avocat, chercheur, policier/gendarme, etc.) qui charrient tout un récit collectif et une identité de groupe qui va s'articuler avec le récit individuel et l'identité individuelle, avec pour chaque identité des stéréotypes, des prescriptions, des manières de penser, de se comporter, qui ne sont pas conscientes chez la plupart des individus mais qui font l'objet d'étude de la sociologie ou de l'anthropologie, ces dernières démontrant sans faillir que la plupart de nos comportements et pensées sont extrêmement cadrés, jusque dans les moindres faits et gestes les plus intimes de nos quotidiens, dans notre inconscient de groupe et notre inconscient individuel. La sociologie passe son temps à mettre cela en évidence, et ces récits collectifs et individuels sont ce qui donne du sens à l'existence de l'être humain.

Il y a de cela je te l'accorde, d'autant plus que je le dis moi-même très régulièrement. Mais même dans un tel monde conditionnant, il n'en demeure pas moins que pour des considérations axiologiques, l'individu reste l'acteur de ses préférences, quand bien même ces valeurs se soient inscrites à ses dépends. Pour le dire autrement, plus distinctement, ce n'est pas parce que l'on exposera un jeune enfant à pléthore de musique classique qu'il en deviendra un fan invétéré, il suffira qu'un jour il entende disons un morceau de jazz pour que son " cœur " vote que c'est cette musique là qu'il aime, ce mariage est dans une certaine mesure contingent, il dépend à la fois de l'être singulier en jeu et de sa rencontre avec son environnement, cela forme un couple inséparable en quelque sorte. Malgré une exposition répétée on peut ne jamais adhérer à quelque chose, alors qu'une seule fois peut suffire à l'adopter pour la vie, cet évènement est donc interdépendant d'une personnalité et d'une situation particulières.

Les valeurs morales peuvent être comme les goûts, le fruit d'un contexte socio-culturel et d'une nature réceptive de l'individu qui y est soumis, avec certainement une répartition statistique gaussienne où 95% s'entassent autour - à 2 écart-types - de la valeur moyenne de la population considérée.

 

Dit autrement l'individu n'est pas complètement déterminé par son environnement de vie, mais ce dernier lui donne l'occasion de tendre vers telle ou telle chose en fonction de la diversité de l'offre proposée, il aura à sa disposition une gamme plus étendue, et partant de là, des notes plus ou moins hautes dans sa propre composition attitrée, et donc plus ou moins similaire ou différente sur une note en particulier que sur la partition entière.

 

Le 20/11/2021 à 14:50, Quasi-Modo a dit :

Les récits individuels, en s'articulant aux récits collectifs, sont des modalités du sens que chacun donne à son existence, la question du sens de l'existence étant une question vitale pour éviter la dépression, l'angoisse ou la psychose, et il est très fréquent qu'un individu humain (p.ex. les intouchables en Inde ou les moujiks en Russie) prenne un parti qui va complètement et sans ambiguïté contre ses intérêts individuels, et pour la défense du système qui l'oppresse ou l'infériorise, simplement parce que cette prise de parti fait partie d'une vision du monde culturellement induite qui donne du sens à son existence.

Bien sûr, le " sens " est fondamental dans la vie de chacun de nous, raison d'ailleurs de l'existence des grands dogmes spirituels, le prêt-à-porter de cette quête " logologique " ( néologisme formé par mes soins ).

C'est souvent par non-choix, par défaut on pourrait dire aussi, que les gens optent pour ce qu'ils choisissent, car une autre option serait pire dans ces conséquences, et en faisant l'impasse sur le risque acrasique. Par exemple, être femme dans un pays très à cheval sur le culte islamique, peut conduire à ne devoir que suivre le mouvement, au risque contraire de sa propre vie ( lapidation ), d'être coupée de sa communauté ( exclusion, bannissement ), de sa famille ( répudiée ) et de ses enfants. Si intellectuellement " tout " est possible, concrètement les choses ne se présentent pas ainsi, un intouchable n'a pas loisir de changer sa caste d'appartenance en toute impunité.

 

Le 20/11/2021 à 14:50, Quasi-Modo a dit :

Nous ne comprendrions ni certaines formes de suicide, ni le sacrifice d'un gendarme ou d'un militaire, ni le sacrifice en général, si nous étions utilitaristes.

Dans une dimension similaire:

Du point de vue de la morale, on soulignera que les deux actes ont une portée téléologique conséquentialiste similaire.

En d’autres termes, les deux sacrifices visent une fin spécifique (téléologie) qu’est la défense d’une cause transcendante, et leur valeur morale dépend des conséquences de l’acte et non de l’acte lui-même entendu comme moyen d’arriver à une fin.

https://theconversation.com/mourir-au-combat-pourquoi-le-sacrifice-de-soi-fait-il-debat-119137

 

D'un point de vue utilitariste de base, le sacrifice en est inhérent, puisque ce qui est visé est " le bien du plus grand nombre ", avant même de pouvoir compter les morts/victimes à la fin du conflit ou de l'épreuve. 

 

On pourrait aussi zyeuter du côté de la mémétique ( Suzane Blackmore ), qui donne dans son livre éponyme une explication à l'altruisme, par le biais du mimétisme héréditaire: darwinisme culturel en quelque sorte ( taper " altruisme " dans la barre de Recherche de la page ) échantillon/commentaire accessible:

https://leseditionsdeschavonnes.com/2013/11/03/j-ai-lu-pour-vous-la-theorie-des-memes-de-susan-balckmore/

 

Le 20/11/2021 à 14:50, Quasi-Modo a dit :

Cela dit je conçois que tout cela soit abstrait et sonne de manière absurde chez un occidental moyen qui n'a plus trace des époques passées, ignore les autres civilisations, et qui s'imagine rationnel et scientifique, qui n'a plus souvenir de l'importance que les religions ont joué et n'est pas conscient de l'enjeu vital de la question du sens de l'existence qui travaille tout être humain quel qu'il soit, comme le démontrent l'anthropologie et la sociologie. L'être humain incorpore de manière si importante les enjeux de culture et les récits de groupe qu'ils font partie de sa nature d'être humain individuel et collectif, et qu'il est prêt en général à mourir pour le symbole, c'est-à-dire pour le récit qui donne sens à son existence.

Certes, mais pas tant que cela, il y a comme des invariables:

Le sens moral partage d’autres points communs avec les sens physiologiques, comme le goût, notamment leur caractère universel. Dans une étude de mars 2019, des anthropologues d’Oxford ont passé au crible les codes moraux de 60 sociétés du monde entier et ont trouvé sept valeurs communes : aider sa famille, sa communauté, rendre la pareille pour un service rendu, se montrer courageux, partager les ressources, respecter ses aînés et la propriété d’autrui. Évidemment il existe des variantes, et certaines traditions peuvent heurter notre sens moral. Mais, selon les naturalistes, les points communs l’emportent sur les différences.

( premier document donné en lien " caminteresse " )

 

Comme dit supra je crois, ce qui diffère de manière effective ce sont les modalités d'applications de ces valeurs, un peu comme le fait que tous les groupes/peuples humains mangent, mais que le contenu varie d'une culture à une autre.

 

Le 20/11/2021 à 14:50, Quasi-Modo a dit :

Lors des guerres napoléoniennes, l'armée française désignait un porte-drapeau qui, au milieu des troupes qui s'avançaient, devait tenir haut et à bout de bras le drapeau français. Ce drapeau, bien qu'il ne soit qu'un bout de tissu, cristallisait toutes les valeurs de la France et autour de ce symbolisme se concrétisait la fraternité des camarades, la fierté d'être soldat, les valeurs pour lesquelles ils se battaient. Le moral des troupes était d'ailleurs fortement conditionné tant à l'existence de ce porte-drapeau qu'à la valeur symbolique de ce drapeau qui faisait sens pour eux. Les ennemis, conscients de cet état de fait, cherchaient généralement lors de la bataille à s'emparer du drapeau français en attaquant le porte-drapeau, et à chaque fois qu'il était sur le point d'être capturé, des soldats français venus partout et de nulle part sur le champ de bataille se jetaient sur ceux qui allaient le capturer avec une férocité redoutable, risquant leur vie pour sauver un simple bout de tissu qui faisait sens et avait une valeur symbolique très importante pour eux.

Dans une perspective utilitariste, le porte-drapeau ne devrait même pas exister, car le drapeau mobilise un soldat à part entière, ce qui constitue une perte sèche, et fait prendre des risques inconsidérés à tout le régiment, car il sera attaqué sans relâche, avec le risque de se le faire dérober et de défaire le moral des troupes ou la fierté des soldats, et donc de perdre la bataille ou la guerre.

C'est aussi un problème de motivation, le drapeau est un symbole fédérateur qui va bien au-delà de son signifié immédiat. Cela peut aussi tout simplement être un signe ayant une signification autre que celles des valeurs impériales, comme un signal révélateur, tel un voyant sur notre tableau de bord de voiture qui s'allume, pour nous avertir d'une défaillance en cours ou à venir, devenant un acte stratégique en lui-même aussi bien pour l'attaquant que l'attaqué, au même titre que de prendre Paris lors de l'invasion nazi, cela envoie un signal fort à tout le monde. Il y a en ce cas une utilité manifeste à le garder intact, puisqu'il désigne l'état de santé de l'armée, conquérante ou en déroute pour l'ensemble des acteurs en lice. Une bataille de communication avant le titre !

Il en va de même quand un " parti " perd son leader - en chair et en os ou sa crédibilité, que ce soit sur un plan politique ou scientifique, comme l'a dit Feyerabend ( Contre la méthode ) je crois, une idée scientifique s'impose quand il n'y a plus d'adversaire pour en défendre une autre.

 

Absolument tout a une utilité car personne n'agit sans raison ( c.f.: L'art de se persuader des idées douteuses, fragiles ou fausses ), et plus a fortiori pour un plus grand groupe encore. 

 

                                                                       **************************

 

Même l'altruisme peut se comprendre dans une dimension utilitariste, puisque l'on sait aujourd'hui que le fait d'être généreux, aidant ou bienveillant envers autrui, que cela procure un bien-être ( décharge d'hormones ) chez celui qui le dispense, et comme dans toute forme de récompense, il y a renforcement à l'usage, parfois jusqu'à l'addiction passé un certain seuil variable selon chacun, tel qu'il existe en sport avec la bigorexie par exemple, il n'y a pas lieu de penser autrement avec l'altruisme, certains inconsciemment en font preuve pour le bien aussi qu'ils en récoltent - sans vraiment en prendre la pleine mesure, y compris dans l'adversité, à l'instar du sport extrême. 

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 6 039 messages
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@Quasi-Modo

Mon dernier message ne laissait pas entendre de relativisme, faisant sans doute penser à sa lecture que c'était une opposition radicale à une dimension non-utilitariste de nos vies.

Je vais m'exprimer un peu différemment pour expliciter ce que j'ai voulu signifier, de manière analogique pour faire comprendre ma position, qui n'est pas un rejet pur et simple.

 

L'acte altruiste totalement désintéressé est l'exact opposé de l'acte psychopathique, ce sont les deux extrêmes d'un continuum et qui sont rares comparativement à toute la palette entre ces deux extrémités, qui elle représente l'écrasante majorité de nos actions sur l'échelle d'une vie.

De même, il existe peu de personnes qui mentent continuellement, sans arrêt et sur tout, tout comme il existe une infinitésimale fraction qui dit strictement la vérité en toute circonstance, il est bien plus répandu d'être quelque part entre ces deux positions radicales et opposées. 

 

De même ici sur l'utilitarisme, il est plus probable que les actes de tous les jours soient un mélange à la fois d'un calcul y compris inconscient ( c.f.: avoir un avis sur une personne qui se présente à un entretien d'embauche, elle est jugée par le recruteur en une petite seconde dès son entrée, avant toute présentation discursive, de même dans une étude sur la sélection des candidats politiques, les gens interrogés faisaient un choix inconscient en moins de 5s à la vue du portrait du candidat, indépendamment du contenu du discours lui-même ) et d'autres considérations plus fondamentales et directes comme les émotions, voire sur une réflexion poussée qui aboutit au sacrifice de tout ou partie de sa vie par éthique personnelle, tout comme de l'application de règles morales pré-établies, de code de conduite, de mœurs locales, de valeurs claniques, etc... On ne peut guère isoler une dimension psychique unique d'une interaction complexe regroupant une multitudes d'autres composants et agissant de concert.

 

On peut aussi s'interroger sur le phénomène de l'attachement par exemple mère-enfant, et se dire qu'il y a quelque chose de transcendant là-dedans, de part l'émerveillement que l'on peut ressentir à cet égard, mais même si l'approche biologique n'explique certainement pas tout complètement, on sait que c'est l'ocytocine qui en permet l'expression, et chose surprenante elle peut aussi favoriser des accès de rage ! Mais ces décharges d'hormones ne sont possibles que par la prodigation des soins au petit, on peut donc penser que c'est par un acte cette fois-ci culturel, sociétal ou personnel que l'expression de la cascade hormonale pourra voir jour, que la mère a effectivement un rôle à jouer, qu'elle n'est pas que le jouet de sa physiologie, ni de la socio-culture, elle est le trait d'union entre tout ceci, et c'est ce qui arrive parfois négativement, elle peut abandonner son enfant ou le maltraiter. On peut donc par endroits échapper à une destinée plus ou moins programmée, mais d'une manière générale c'est plutôt l'exception que la règle, l'altruisme pure ou totalement désintéressé est l'exception plutôt que la règle, aujourd'hui comme hier ( voilà en quoi je ne suis pas en phase avec toi, c'est une question de degré et non de qualité, si je puis dire ). 

 

Par ailleurs, si la coopération ou l'entraide a été sélectionnée dans notre espèce, on peut raisonnablement s'attendre statistiquement à des disparités entre chaque individu, mais aussi en fonction de son genre, de son âge et de sa constitution, de son caractère inné, etc... ce faisant, il est tout-à-fait possible qu'un individu se retrouve un jour dans une situation où sa réaction sera le fruit de ces arrangements internes, par simple enchainement " mécanique " de ses qualités du moment. Ce n'est certes pas très élogieux ainsi présenté, mais on ne peut pas l'écarter puisque c'est quasiment inévitable statistiquement. On sait très bien que les jeunes hommes sont bien plus agressifs, insouciants/inconséquents, naïfs et téméraires que les autres catégories démographiques ( raison de la sur-représentation des accidents de la route chez les 18-25 ans mâles ), enclins aussi à endosser le rôle de mâle dominant en chaque occasion, il n'est donc pas déraisonnable qu'ils soient plus prompts à porter secours que le reste de la population, même si tout le monde a sensiblement le même ressenti devant la scène, le stimulus étant identique, le jugement moral sans doute le même, mais la réaction complètement différente in fine.

 

Sinon, je peux aussi abonder dans ton sens, sans me contredire, en évoquant le fait que bien des personnes sont donateurs pour des œuvres caritatives mais n'en parlent jamais à quiconque, elles le font selon leurs propres considérations sans attendre aucun retour extérieur, ni approbation, encouragement ou félicitation, elles le font en leur âme et conscience, même si on ne peut complètement écarter là-aussi l'héritage judéo-chrétien que la bonne action ici-bas sera récompensée là-haut, dans l'au-delà, y compris pour les athées qui peuvent croire quant à eux au " Monde Juste ".

 

 

Il y a le très bon livre à ce sujet au titre évocateur:

" Un si fragile vernis d’humanité : Banalité du mal, banalité du bien " de Michel Terestchenko

 

:hi:

 

 

 

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