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La science est-elle violence ?


Invité Groenland

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Membre, nyctalope, 40ans Posté(e)
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40ans‚ nyctalope,
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Il y a 17 heures, Groenland a dit :

Révéler les secrets de la Nature. Révéler les secrets les plus profonds de la nature humaine et du monde environnant. Appliquer « froidement » les mêmes méthodes dans des domaines bien divers et variés et avec précision. Inverser les courbes et l’évolution naturelle des choses. Et tout cela en y prenant bien sûr du plaisir…

La science est-elle violence ?

:)

Ce qui est bien avec Ffr, c'est que parfois des topics posent des questions qui ne nous seraient pas venues à l'esprit dans les mêmes termes — et que parfois, comme ici, plus j'y réfléchis plus je trouve que derrière un aspect simple cette question n'est pas simple du tout. C'est même très intéressant.

Ma première réaction était: pas forcément, puisque ça dépend de quelle science l'on parle. — Mais ensuite je me suis dis qu'en fait, on pouvait effectivement toujours y trouver une violence... (peut-être que finalement la question se déplacerait à si cette violence est légitime et/ou justifiée et/ou "bonne").

Prenons une science expérimentale. En pratique, celle-ci comporte plusieurs procédés de base: on fait une expérience, et on en mesure le résultat. Pour que ce soit considéré comme scientifique, le standard est de reproduire cette expérience afin de s'assurer que le résultat est reproductible. Typiquement on varie également les variables afin de voir lesquelles influent sur le résultat, ainsi que comment et dans quelle mesure. Les données brutes donnent finalement un aspect complexe du problème; la seconde étape est de reconnaître des motifs sous-jacents à partir de ces données, afin d'en déduire des modèles qui pourront ou simplifier ou complexifier ce qui en était connu jusqu'alors. — La science expérimentale est souvent communiquée par ces "bouts de science", qui comprennent à la fois les données brutes et l'interprétation (simplificatrice donc par définition toujours fausse — comme un modèle est toujours faux, juste censément se rapprochant du vrai).

Si l'expérience implique de disséquer des animaux, alors trivialement il y a déjà violence à ce niveau-là.

Si l'expérience implique un autre vivant — par exemple l'étude de la génétique d'un champignon — y'a-t-il violence? On doit faire croître un échantillon de cellules vivantes et les tuer. On ne sait pas si un être unicellulaire ou un champignon souffre, mais on peut penser qu'il y a aussi violence à ce niveau-là.

Au-delà de ça, pour déduire une loi simple à partir de données brutes, comme partout existent des exceptions il est parfois nécessaire d'ignorer certains résultats pour apercevoir plus clairement la loi simple, plutôt que d'immédiatement faire l'hypothèse de deux lois (on part toujours du plus simple). C'est déjà faire violence à ses données... Donc là encore il y en a.

D'autre part, le simple fait de proposer une expérience nécessite souvent d'avoir déjà en arrière-plan un certain modèle du problème que l'on se pose. Mais c'est ainsi une grille de lecture que l'on impose à la nature avant même de l'interroger. Cela se voit en particulier pour la science itérative, où les données nouvelles servent plutôt à vérifier une hypothèse pré-conçue, ou peut-être la complexifier ou la nuancer, plutôt que de partir des données brutes sans contexte. Parfois cela fait sens (par exemple en génétique il est généralement utile de poser comme base qu'un gène existe, etc), et parfois moins (une hypothèse trop précise et qui pourrait avoir été fausse: si l'on construit sur cette fondation rien ne tiendra). Dans tous les cas, on peut voir le fait d'imposer cette grille de lecture à la Nature comme une façon de lui faire violence.

À l'autre extrême, certains scientifiques ne vendent plus de la science, mais une narration qui à chaque papier se repose sur moins en moins de concret. Il y a des carrières bien nuageuses. Ceux-là, on peut dire qu'ils font violence à la fois à la Nature et à la Science...

Prenons une science non-expérimentale maintenant — d'ailleurs certaines sont généralement perçues comme étant de "vraies" sciences (mathématiques) et d'autres parfois non car non-testables par reproductibilité (économie, histoire) — et l'on s'aperçoit que les mêmes trois derniers points (le modèle déduit, la préconception par une grille de lecture, les faussaires) sont encore là — et donc qu'il y a bien violence.

Donc finalement, je pense que je suis d'accord. — Et l'on rejoint alors peut-être un point de vue plus métaphysique, qui serait de dire que c'était évident, puisqu'il y aura toujours violence à vouloir soulever le voile d'Isis, et à percer ses secrets.

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Invité Groenland
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Invité Groenland
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Posté(e)
Il y a 3 heures, Criterium a dit :

:)

Ce qui est bien avec Ffr, c'est que parfois des topics posent des questions qui ne nous seraient pas venues à l'esprit dans les mêmes termes — et que parfois, comme ici, plus j'y réfléchis plus je trouve que derrière un aspect simple cette question n'est pas simple du tout. C'est même très intéressant.

Ma première réaction était: pas forcément, puisque ça dépend de quelle science l'on parle. — Mais ensuite je me suis dis qu'en fait, on pouvait effectivement toujours y trouver une violence... (peut-être que finalement la question se déplacerait à si cette violence est légitime et/ou justifiée et/ou "bonne").

Prenons une science expérimentale. En pratique, celle-ci comporte plusieurs procédés de base: on fait une expérience, et on en mesure le résultat. Pour que ce soit considéré comme scientifique, le standard est de reproduire cette expérience afin de s'assurer que le résultat est reproductible. Typiquement on varie également les variables afin de voir lesquelles influent sur le résultat, ainsi que comment et dans quelle mesure. Les données brutes donnent finalement un aspect complexe du problème; la seconde étape est de reconnaître des motifs sous-jacents à partir de ces données, afin d'en déduire des modèles qui pourront ou simplifier ou complexifier ce qui en était connu jusqu'alors. — La science expérimentale est souvent communiquée par ces "bouts de science", qui comprennent à la fois les données brutes et l'interprétation (simplificatrice donc par définition toujours fausse — comme un modèle est toujours faux, juste censément se rapprochant du vrai).

Si l'expérience implique de disséquer des animaux, alors trivialement il y a déjà violence à ce niveau-là.

Si l'expérience implique un autre vivant — par exemple l'étude de la génétique d'un champignon — y'a-t-il violence? On doit faire croître un échantillon de cellules vivantes et les tuer. On ne sait pas si un être unicellulaire ou un champignon souffre, mais on peut penser qu'il y a aussi violence à ce niveau-là.

Au-delà de ça, pour déduire une loi simple à partir de données brutes, comme partout existent des exceptions il est parfois nécessaire d'ignorer certains résultats pour apercevoir plus clairement la loi simple, plutôt que d'immédiatement faire l'hypothèse de deux lois (on part toujours du plus simple). C'est déjà faire violence à ses données... Donc là encore il y en a.

D'autre part, le simple fait de proposer une expérience nécessite souvent d'avoir déjà en arrière-plan un certain modèle du problème que l'on se pose. Mais c'est ainsi une grille de lecture que l'on impose à la nature avant même de l'interroger. Cela se voit en particulier pour la science itérative, où les données nouvelles servent plutôt à vérifier une hypothèse pré-conçue, ou peut-être la complexifier ou la nuancer, plutôt que de partir des données brutes sans contexte. Parfois cela fait sens (par exemple en génétique il est généralement utile de poser comme base qu'un gène existe, etc), et parfois moins (une hypothèse trop précise et qui pourrait avoir été fausse: si l'on construit sur cette fondation rien ne tiendra). Dans tous les cas, on peut voir le fait d'imposer cette grille de lecture à la Nature comme une façon de lui faire violence.

À l'autre extrême, certains scientifiques ne vendent plus de la science, mais une narration qui à chaque papier se repose sur moins en moins de concret. Il y a des carrières bien nuageuses. Ceux-là, on peut dire qu'ils font violence à la fois à la Nature et à la Science...

Prenons une science non-expérimentale maintenant — d'ailleurs certaines sont généralement perçues comme étant de "vraies" sciences (mathématiques) et d'autres parfois non car non-testables par reproductibilité (économie, histoire) — et l'on s'aperçoit que les mêmes trois derniers points (le modèle déduit, la préconception par une grille de lecture, les faussaires) sont encore là — et donc qu'il y a bien violence.

Donc finalement, je pense que je suis d'accord. — Et l'on rejoint alors peut-être un point de vue plus métaphysique, qui serait de dire que c'était évident, puisqu'il y aura toujours violence à vouloir soulever le voile d'Isis, et à percer ses secrets.

Ok alors je te pose à toi aussi cette question qui relève d'un paradoxe : Si la science est violence alors il faut admettre que plus l'homme progresse en science et plus il sera violent, seulement comment admettre que l'homme tout en progressant renoue de plus en plus avec sa nature violente ? Y-a-t-il progrès ou regression au final ? 

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Membre, nyctalope, 40ans Posté(e)
Criterium Membre 2 874 messages
40ans‚ nyctalope,
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il y a 2 minutes, Groenland a dit :

Ok alors je te pose à toi aussi cette question qui relève d'un paradoxe : Si la science est violence alors il faut admettre que plus l'homme progresse en science et plus il sera violent, seulement comment admettre que l'homme tout en progressant renoue de plus en plus avec sa nature violente ? Y-a-t-il progrès ou regression au final ? 

La science et la violence sont des procédés; plus l'homme progresse en science plus il a usé de violence, ce qui n'est pas tout à fait la même chose que de dire qu'il est de plus en plus violent. Par contre, les connaissances ainsi découvertes, elles, s'accumulent, puisque la science est itérative.

Prenons l'image d'un homme qui apprend quelque chose à chaque coup de poing qu'il donne. Il va en donner beaucoup. Ça ne veut pas forcément dire qu'il va frapper de plus en plus fort à chaque fois, et que la génération d'après ira encore de plus en plus fort, etc. Au fil de quelques générations, la violence sera restée à peu près la même (quelques coups réguliers); par contre, les connaissances se seront accumulées. Donc selon le point de vue: la science aura progressé, la violence non.

:)

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Penser est-ce de la violence ?

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il y a 2 minutes, Quasi-Modo a dit :

Penser est-ce de la violence ?

Penser non, mais la connaissance oui.

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Invité Quasi-Modo
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il y a 13 minutes, Groenland a dit :

Penser non, mais la connaissance oui.

Qu'est-ce que la violence pour toi et en quoi la connaissance en serait elle ? C'est curieux comme idée.

A la rigueur je peux comprendre que le réel ne s'enferme pas dans un concept et donc que la connaissance soit une violence au réel mais ce n’est pas ce que tu évoques puisque c'est présent aussi dans tout acte de pensée, et que selon toi, penser n'est pas intrinsèquement violent.

Qui est la victime de la violence de la démarche scientifique, quel en est le préjudice et y a-t-il violence sans victime et préjudice ? Que parfois il y ait eu des victimes liées à l'activité scientifique, par exemple dans des expériences interdites ou dans le développement de la technologie, je veux bien l'entendre, mais en quoi la démarche scientifique serait elle par nature, intrinsèquement violente ?

C'est surtout que le réel est violent et que la connaissance permet de nous défendre un peu.

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Invité Groenland
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il y a 33 minutes, Quasi-Modo a dit :

Qu'est-ce que la violence pour toi et en quoi la connaissance en serait elle ? C'est curieux comme idée.

A la rigueur je peux comprendre que le réel ne s'enferme pas dans un concept et donc que la connaissance soit une violence au réel mais ce n’est pas ce que tu évoques puisque c'est présent aussi dans tout acte de pensée, et que selon toi, penser n'est pas intrinsèquement violent.

Qui est la victime de la violence de la démarche scientifique, quel en est le préjudice et y a-t-il violence sans victime et préjudice ? Que parfois il y ait eu des victimes liées à l'activité scientifique, par exemple dans des expériences interdites ou dans le développement de la technologie, je veux bien l'entendre, mais en quoi la démarche scientifique serait elle par nature, intrinsèquement violente ?

C'est surtout que le réel est violent et que la connaissance permet de nous défendre un peu.

La connaissance est dévoilement et tout dévoilement est par essence violence. Une violence qui est faite à la chose dévoilée mais en tant qu'acte le dévoilement est aussi un acte violent pour la personne qui est à l'origine du dévoilement c'est-à-dire celui qui découvre ou celui qui vient d'acquérir une nouvelle connaissance sur un sujet donné.

Donc il y a violence sur deux plans : 1. violence faite à la chose dévoilée ("victime"). 2. violence faite à celui qui se rend responsable de faire cet acte de violence, le scientifique est par excellence celui qui dévoile et donc est aussi ce responsable. N'oublions pas que dans tout acte de violence il y a un auteur et une victime mais l'auteur lui-même est aussi touché autant que la victime par la violence. Ainsi impactant le scientifique lui-même, la science est par conséquent de nature violente.

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Il y a 1 heure, Groenland a dit :

La connaissance est dévoilement et tout dévoilement est par essence violence. Une violence qui est faite à la chose dévoilée mais en tant qu'acte le dévoilement est aussi un acte violent pour la personne qui est à l'origine du dévoilement c'est-à-dire celui qui découvre ou celui qui vient d'acquérir une nouvelle connaissance sur un sujet donné.

Donc il y a violence sur deux plans : 1. violence faite à la chose dévoilée ("victime"). 2. violence faite à celui qui se rend responsable de faire cet acte de violence, le scientifique est par excellence celui qui dévoile et donc est aussi ce responsable. N'oublions pas que dans tout acte de violence il y a un auteur et une victime mais l'auteur lui-même est aussi touché autant que la victime par la violence. Ainsi impactant le scientifique lui-même, la science est par conséquent de nature violente.

Il n'y a pas de volonté de rester voilé de la part du réel, donc je n'y vois aucune violence. Quel est l'intérêt philosophique d'anthropomorphiser le réel jusqu'à le doter de l'intention de rester mystérieux? Et puis tu parles de victime mais pas de préjudice ! C'est quand même crucial !

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Invité Groenland
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Invité Groenland
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Posté(e)
Il y a 2 heures, Quasi-Modo a dit :

Il n'y a pas de volonté de rester voilé de la part du réel, donc je n'y vois aucune violence. Quel est l'intérêt philosophique d'anthropomorphiser le réel jusqu'à le doter de l'intention de rester mystérieux? 

Imagine que tu fais une nouvelle rencontre avec une personne que tu ne connais pas encore, lors du premier rdv tu commences à lui poser plein de question : c'est quoi ta profession ? tu habites où ? c'est quoi tes habitudes ? etc. etc. Ne vois-tu pas là une approche violente alors que la personne n'a pas forcément l'intention de se cacher ou d'esquiver tes questions à la base... ?

Il y a 2 heures, Quasi-Modo a dit :

Et puis tu parles de victime mais pas de préjudice ! C'est quand même crucial !

Attention je ne parle par de délit ou de crime mais simplement de violence, le préjudice dans la violence c'est la violence elle-même ! Car lorsque tu es violent quelque part cela aura forcément des conséquences dans ta vie peut-être même dans un domaine complètement autre et qui n'a rien à voir avec la question de départ.

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Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
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Il y a 16 heures, Criterium a dit :

Ce qui est bien avec Ffr, c'est que parfois des topics posent des questions qui ne nous seraient pas venues à l'esprit dans les mêmes termes — et que parfois, comme ici, plus j'y réfléchis plus je trouve que derrière un aspect simple cette question n'est pas simple du tout. C'est même très intéressant.

Ma première réaction était: pas forcément, puisque ça dépend de quelle science l'on parle. — Mais ensuite je me suis dis qu'en fait, on pouvait effectivement toujours y trouver une violence... (peut-être que finalement la question se déplacerait à si cette violence est légitime et/ou justifiée et/ou "bonne").

Prenons une science expérimentale. En pratique, celle-ci comporte plusieurs procédés de base: on fait une expérience, et on en mesure le résultat. Pour que ce soit considéré comme scientifique, le standard est de reproduire cette expérience afin de s'assurer que le résultat est reproductible. Typiquement on varie également les variables afin de voir lesquelles influent sur le résultat, ainsi que comment et dans quelle mesure. Les données brutes donnent finalement un aspect complexe du problème; la seconde étape est de reconnaître des motifs sous-jacents à partir de ces données, afin d'en déduire des modèles qui pourront ou simplifier ou complexifier ce qui en était connu jusqu'alors. — La science expérimentale est souvent communiquée par ces "bouts de science", qui comprennent à la fois les données brutes et l'interprétation (simplificatrice donc par définition toujours fausse — comme un modèle est toujours faux, juste censément se rapprochant du vrai).

Si l'expérience implique de disséquer des animaux, alors trivialement il y a déjà violence à ce niveau-là.

Si l'expérience implique un autre vivant — par exemple l'étude de la génétique d'un champignon — y'a-t-il violence? On doit faire croître un échantillon de cellules vivantes et les tuer. On ne sait pas si un être unicellulaire ou un champignon souffre, mais on peut penser qu'il y a aussi violence à ce niveau-là.

Au-delà de ça, pour déduire une loi simple à partir de données brutes, comme partout existent des exceptions il est parfois nécessaire d'ignorer certains résultats pour apercevoir plus clairement la loi simple, plutôt que d'immédiatement faire l'hypothèse de deux lois (on part toujours du plus simple). C'est déjà faire violence à ses données... Donc là encore il y en a.

D'autre part, le simple fait de proposer une expérience nécessite souvent d'avoir déjà en arrière-plan un certain modèle du problème que l'on se pose. Mais c'est ainsi une grille de lecture que l'on impose à la nature avant même de l'interroger. Cela se voit en particulier pour la science itérative, où les données nouvelles servent plutôt à vérifier une hypothèse pré-conçue, ou peut-être la complexifier ou la nuancer, plutôt que de partir des données brutes sans contexte. Parfois cela fait sens (par exemple en génétique il est généralement utile de poser comme base qu'un gène existe, etc), et parfois moins (une hypothèse trop précise et qui pourrait avoir été fausse: si l'on construit sur cette fondation rien ne tiendra). Dans tous les cas, on peut voir le fait d'imposer cette grille de lecture à la Nature comme une façon de lui faire violence.

À l'autre extrême, certains scientifiques ne vendent plus de la science, mais une narration qui à chaque papier se repose sur moins en moins de concret. Il y a des carrières bien nuageuses. Ceux-là, on peut dire qu'ils font violence à la fois à la Nature et à la Science...

Prenons une science non-expérimentale maintenant — d'ailleurs certaines sont généralement perçues comme étant de "vraies" sciences (mathématiques) et d'autres parfois non car non-testables par reproductibilité (économie, histoire) — et l'on s'aperçoit que les mêmes trois derniers points (le modèle déduit, la préconception par une grille de lecture, les faussaires) sont encore là — et donc qu'il y a bien violence.

Donc finalement, je pense que je suis d'accord. — Et l'on rejoint alors peut-être un point de vue plus métaphysique, qui serait de dire que c'était évident, puisqu'il y aura toujours violence à vouloir soulever le voile d'Isis, et à percer ses secrets. 

Superbe !

Tout cela à l'intérieur du cadre de la science.

Je me demande alors ce qui diffère d'un artisan ou d'un artiste : ne font-ils pas également subir une transformation aux matériaux qu'ils travaillent ? Arts et sciences n'ont-ils pas en commun de se rapporter au réel comme à un objet de manipulation, d'expérience et de connaissance ? Les arts semblent plus radicaux à cet égard, puisqu'il s'agit de transformer des matériaux en vue d'un résultat - matériaux eux-mêmes issus d'une exploitation, forestière, minière, animale, etc., par laquelle la nature a été rendue objet. Mais en restant centré sur la manipulation et la création, en quoi alors consiste plus précisément cette violence, de qui ou quoi à qui ou quoi s'applique-t-elle ? Transformer, manipuler une planche de bois est-ce faire violence ? L'intégrité qui est atteinte à ce moment-là, est-elle dans la planche de bois, dans l'application des instruments (le fer pénètre le bois), ou bien encore dans le sujet qui réalise ces opérations ? Et n'allons-nous pas être amenés à simplement confondre tout déploiement d'énergie, tout effort, toute volonté en définitive avec la violence ? Qu'est-ce qui, du coup, caractérise en propre la violence ?

D'autre part, en quoi la violence, admettant ce vague pour le moment, à l’œuvre dans l'activité scientifique diffère-t-elle, est-elle singulière à ce moment de toutes les autres formes d'activité, des plus simples au plus complexes ? A commencer par la langage. On me demande de répondre à une question : n'est-ce pas faire violence ? Parmi toutes les réponses possibles, infinies sans doute ne dois-je pas écarter et sélectionner ? Et toute forme de mythe, de discours sur le monde ne fait-il pas violence à la nature ?

 

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Membre, Doctor feel good, 60ans Posté(e)
brooder Membre 5 285 messages
60ans‚ Doctor feel good,
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En quoi ces considérations sur la science différent t-elles de la vision des considérations religieuses ?!

 

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Invité Quasi-Modo
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Invité Quasi-Modo
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Posté(e)
Il y a 1 heure, Groenland a dit :

Imagine que tu fais une nouvelle rencontre avec une personne que tu ne connais pas encore, lors du premier rdv tu commences à lui poser plein de question : c'est quoi ta profession ? tu habites où ? c'est quoi tes habitudes ? etc. etc. Ne vois-tu pas là une approche violente alors que la personne n'a pas forcément l'intention de se cacher ou d'esquiver tes questions à la base... ?

Attention je ne parle par de délit ou de crime mais simplement de violence, le préjudice dans la violence c'est la violence elle-même ! Car lorsque tu es violent quelque part cela aura forcément des conséquences dans ta vie peut-être même dans un domaine complètement autre et qui n'a rien à voir avec la question de départ.

Je vois ce que tu veux dire mais pour moi il n'y a de violence que s'il y a un préjudice, ou à tout le moins, la violence n'est condamnable qu'au titre d'un préjudice infligé par l'auteur à la victime qui le subit. Encore une fois, c'est surtout le réel qui est violent, alors que les connaissances scientifiques permettent un minimum de s'en défendre. Et je pense que l'activité même de penser au sens philosophique pourra aussi bien être perçue comme une activité violente.

A ce compte là, un concept est violent puisqu'il force des éléments de réalité à entrer dans un cadre de pensée auquel ils ne doivent rien.

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Invité Quasi-Modo
Invités, Posté(e)
Invité Quasi-Modo
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Et n'oublions pas que toutes les sciences ne sont pas expérimentales : pensons aux mathématiques ou à la logique.

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Invité Groenland
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Invité Groenland
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il y a 19 minutes, Loufiat a dit :

Je me demande alors ce qui diffère d'un artisan ou d'un artiste : ne font-ils pas également subir une transformation aux matériaux qu'ils travaillent ?

Ce n'est pas du tout la même chose lorsqu'on parle d'un artiste. L'artiste épouse la matière, il se fond là dedans, il ne fait plus qu'un avec la matière qui lui sert à donner naissance à son art. Cette matière elle peut-être de l'argile dans le cas d'une sculpture ou de simples mots dans le cas d'une poésie... alors que la science fait violence à la matière et à la nature, le simple fait que la même méthode exactement est appliquée partout et à n'importe quel domaine de la nature sans aucune considérations montre bien que la science n'a aucun respect pour la nature. En fait, là où la science viole la nature, l'artiste lui il l'épouse et lui fait l'amour... voilà toute la différence. :)

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Invité Quasi-Modo
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Invité Quasi-Modo
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Pour moi, tant que l'idée que la science serait violente ne se justifie pas par une autre visée, par exemple revaloriser une vision religieuse et théocratique du monde, elle consiste seulement à jouer sur les mots. On fera bien tous les distinguo ou rapprochements qu'on voudra, mais encore faut-il avoir en tête un objectif relatif.

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Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
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il y a 3 minutes, Groenland a dit :

Ce n'est pas du tout la même chose lorsqu'on parle d'un artiste. L'artiste épouse la matière, il se fond là dedans, il ne fait plus qu'un avec la matière qui lui sert à donner naissance à son art. Cette matière elle peut-être de l'argile dans le cas d'une sculpture ou de simples mots dans le cas d'une poésie... alors que la science fait violence à la matière et à la nature, le simple fait que la même méthode exactement est appliquée partout et à n'importe quel domaine de la nature sans aucune considérations montre bien que la science n'a aucun respect pour la nature. En fait, là où la science viole la nature, l'artiste lui il l'épouse et lui fait l'amour... voilà toute la différence. 

J'allais dire que ça mérite réflexion mais non, c'est limpide.

Voyons ce que Criterium peut nous apprendre.

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Invité Quasi-Modo
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Invité Quasi-Modo
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Posté(e)
il y a 5 minutes, Groenland a dit :

Ce n'est pas du tout la même chose lorsqu'on parle d'un artiste. L'artiste épouse la matière, il se fond là dedans, il ne fait plus qu'un avec la matière qui lui sert à donner naissance à son art. Cette matière elle peut-être de l'argile dans le cas d'une sculpture ou de simples mots dans le cas d'une poésie... alors que la science fait violence à la matière et à la nature, le simple fait que la même méthode exactement est appliquée partout et à n'importe quel domaine de la nature sans aucune considérations montre bien que la science n'a aucun respect pour la nature. En fait, là où la science viole la nature, l'artiste lui il l'épouse et lui fait l'amour... voilà toute la différence. :)

Tant qu'il n'y a pas de préjudice établi, il n'y a aucune raison rationnelle d'employer les termes positifs pour le travail de l'artiste (épouser la matière, lui donner une forme et lui insuffler la vie) et les termes négatifs pour le travail du scientifique (violence, viol, préjudice). La matière n'est pas davantage destinée à être travaillée par l'artiste qu'à être décortiquée par le scientifique. Sans plus d'à propos ou de précision, ton discours n'a ni queue ni tête, il ne mène nulle part sauf à jouer sur les mots, à valoriser l'art et dénigrer la science sans voir trop pourquoi.

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Membre, Doctor feel good, 60ans Posté(e)
brooder Membre 5 285 messages
60ans‚ Doctor feel good,
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il y a 1 minute, Quasi-Modo a dit :

Tant qu'il n'y a pas de préjudice établi, il n'y a aucune raison rationnelle d'employer les termes positifs pour le travail de l'artiste (épouser la matière, lui donner une forme et lui insuffler la vie) et les termes négatifs pour le travail du scientifique (violence, viol, préjudice). La matière n'est pas davantage destinée à être travaillée par l'artiste qu'à être décortiquée par le scientifique. Sans plus d'à propos ou de précision, ton discours n'a ni queue ni tête, il ne mène nulle part sauf à jouer sur les mots, à valoriser l'art et dénigrer la science sans voir trop pourquoi.

Nous pourrions nous interroger sur les différences entre les silex et les peintures rupestres, si les uns ou les autres découlent de la même intension ou si l'un et l'autre sont complémentaires dans les modes de vie primitifs. L'acte de tuer et une rédemption possible ... alors oui, l'interrogation scientifique et la rédemption religieuse vont dans les mêmes sens !

 

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Invité Groenland
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il y a 2 minutes, Quasi-Modo a dit :

Tant qu'il n'y a pas de préjudice établi, il n'y a aucune raison rationnelle d'employer les termes positifs pour le travail de l'artiste (épouser la matière, lui donner une forme et lui insuffler la vie) et les termes négatifs pour le travail du scientifique (violence, viol, préjudice). La matière n'est pas davantage destinée à être travaillée par l'artiste qu'à être décortiquée par le scientifique. Sans plus d'à propos ou de précision, ton discours n'a ni queue ni tête, il ne mène nulle part sauf à jouer sur les mots, à valoriser l'art et dénigrer la science sans voir trop pourquoi.

Mais tu trolles ou quoi ! Il faut être aveugle pour ne pas voir ce que la science et ses applications font à la nature. Tiens, prend l'exemple d'un barrage : stopper net la cours de toute une fleuve qui a continué à couler naturellement pendants des milliers d'années et toutes les conséquences que cela a sur l'environnement, est-ce que tu connais plus violent que ça ? Et encore là je t'épargne les exemples les plus extrêmes !!! 

Mais mon propos ne concerne pas que les sciences expérimentales ou leurs applications uniquement. Mais l'essence même de la science qui est intrusive, oppressante et irrespectueuse de la matière et de la nature. Ne me dis pas que tu ne vois pas de quoi je parle..........

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Invité Quasi-Modo
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il y a 3 minutes, Groenland a dit :

Mais tu trolles ou quoi ! Il faut être aveugle pour ne pas voir ce que la science et ses applications font à la nature. Tiens, prend l'exemple d'un barrage : stopper net la cours de toute une fleuve qui a continué à couler naturellement pendants des milliers d'années et toutes les conséquences que cela a sur l'environnement, est-ce que tu connais plus violent que ça ? Et encore là je t'épargne les exemples les plus extrêmes !!! 

Mais mon propos ne concerne pas que les sciences expérimentales ou leurs applications uniquement. Mais l'essence même de la science qui est intrusive, oppressante et irrespectueuse de la matière et de la nature. Ne me dis pas que tu ne vois pas de quoi je parle..........

Non je ne trolle pas, c'est ton propos qui n'a aucun sens à part pour vouloir couper les cheveux en quatre.

La violence implique un préjudice alors que la matière n'a pas d'intention, un certain orgueil (préférence de soi au détriment de l'autre) alors que la science implique l'humilité de celui qui accueille le réel comme il est sans vouloir le déformer.

Il n'y a rien de violent dans la science, et un tel rapprochement conceptuel est si étonnant qu'on voit mal ce qui vient le justifier, à part une sorte de technophobie (mais la science n'est pas non plus la technologie). Je ne suis donc pas d'accord pour parler de violence de la science, d'autant que selon toi l'artiste ne fait pas la même violence (pourquoi objectivement parlant ?).

La science a pu être utilisée à des fins destructrices, mais la destruction n'est pas l'objectif de la science, ni explicite ni implicite. Le seul objectif c'est comprendre. Si vouloir comprendre est de la violence, alors comment appellera--t-on l'inverse de la compréhension, c'est-à-dire le jugement voir le préjugé ?

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