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Ce que disent les séries télé de notre vision du monde


Petit ours

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Membre, Raphaël 🇦🇲🇵🇸, 20ans Posté(e)
Petit ours Membre 5 418 messages
Maitre des forums‚ 20ans‚ Raphaël 🇦🇲🇵🇸,
Posté(e)

http://www.slate.fr/story/170172/series-televisees-boulimie-monde-contemporain-civilisation-cinema-vision-crise

Gérard Wajcman, écrivain et psychanalyste, entreprend de montrer que les séries télévisées sont porteuses d’un nouveau récit collectif, émergeant d'une nouvelle civilisation.

Après que le cinéma a contribué à fonder le mythe national, les séries pourraient à l'inverse être lues comme la déconstruction de ce mythe. Elles seraient la forme que se donnerait une époque où la crise n'est plus de l'ordre de la rupture temporelle, mais s'installe dans un temps continu et indéfini. Une histoire sans commencement ni fin, mais répétitive, au rythme des saisons des séries.

La forme appartient à l'actualité de l'époque. Le genre de la série, au contraire, n'est pas neuf, même si sa forme s'est modifiée. Aux héros traditionnels succèdent aujourd'hui des héros fatigués, des anti-héros impuissants. La crise sans nom et sans limite que nous traversons est le moment d'où surgit le doute, le questionnement. Les séries manifesteraient nos angoisses existentielles quant à l'avenir.

 

Le déclin du cinéma et la crise de la nation

Une forme nouvelle peut-elle décrypter son époque? La question mérite d'être posée, si on prend en compte les nombreuses polémiques autour de l'histoire du «temps présent». À trop attendre l'outil adéquat, on risque toutefois de passer à côté de la compréhension de notre époque. 

Or le cinéma a puissamment contribué à forger le mythe de la nation –à commencer par celui de la nation américaine. L'imagerie de la conquête de l'ouest dans les westerns, mais surtout Naissance d'une nation de Griffith, en sont des exemples éclairants. Mais L'homme qui tua Liberty Valance réalisé en 1962 par John Ford signe déjà la fin du mythe. Si tuer en anglais se dit «to shoot», Gérard Wajcman rappelle que «to shoot» a également le sens de «filmer»: John Ford filme pour tuer la légende.

Et Gérard Wajcman présente la série télévisuelle d'abord comme la relève de cet acte de décès cinématographique de la nation... avant de mettre en question cette certitude. Et si, en effet, la série était aussi l'annonce d'une nouvelle forme littéraire?

 

La série ou la disparition du sujet

«La dérive est au principe de la série», écrit Gérard Wajcman. C'est cet effet de «dérive», qu'il met en œuvre dans son propre texte, qui rend le récit malléable, modulable, ouvert à sa réécriture. La métaphore du liquide semble qualifier au plus près la pensée que reflète la série, selon l'auteur, l'appliquant lui-même à son écriture: une écriture où les arguments se présentent dans une fluidité qui coule de source. Tous les genres passent par le récit. Ce dernier, selon Roland Barthes, est partie prenante de la vie.

Même la guerre appartient à ce récit de la vie. Le récit fondateur de tous les autres récits n'est-il pas l'Iliade, épopée guerrière qui chante la mort? Sauf que la Première Guerre mondiale jette au sol cette hypothèse, comme l'expliquait Walter Benjamin. Dans Le narrateur, il écrit que le XXe siècle est né dans le mutisme d'un récit en crise, suite à l'atrocité de la guerre inaugurant le nouveau siècle. Les charniers, les millions de morts sont la mesure de ce silence narratif. Les «inconnus», les «anonymes», sont ces oubliés du récit qui gisent silencieux dans les tranchées. Le sujet disparaît de sa propre histoire dans cette industrie de la mort en masse. «Le soldat inconnu», cette expression de la fin du sujet, prélude à la crise d'un récit qui ne peut plus dire la mort. Les «gueules cassées» ne raconteront rien à leur retour, leur récit étant un indicible difforme et défiguré.

Le XXe siècle sera à nouveau réduit à l'indicible après les chambres à gaz, silence définitif d'un sujet réduit à la nudité d'un corps privé de l'humaine vie. Le film de Claude Lanzmann, Shoah (1985), en rendant la parole aux témoins, tentera de réintroduire le narrateur dans le mutisme et la cruauté de cet innommable réel.

Le 11-Septembre nous a sidérés à nouveau par sa violence et sa fulgurance, écrit l'auteur. Les séries en sont sans doute l'émanation. Des séries qui conduisent à réinterroger le sens de l'œuvre d'art. Se fondant sur la critique de Deleuze refusant de voir dans l'œuvre une quelconque sublimation du sujet au sens freudien, mais au contraire un «récit du monde», un «esprit du temps» pour citer Gérard Wajcman, une «puissance de l'impersonnel», l'ouvrage interroge le rapport au réel de l'œuvre. Plus qu'une échappatoire, ne serait-ce pas un réveil au réel? Les séries ne seraient qu'une des formes de ce rapport d'inquiétude à la réalité, une nouvelle figure épique du réel, une nouvelle aventure d'Ulysse sans nom, comme il le dit en se nommant Personne.

 

 

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 694 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
Posté(e)

Les séries seraient un reflet de notre époque? Ça c'est une grande découverte! Les séries sont tellement nombreuses et diverses, qu'on peut leur faire dire tout ce qu'on veut.

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  • 3 semaines après...
Membre, 40ans Posté(e)
Crève Membre 3 353 messages
Mentor‚ 40ans‚
Posté(e)

j'ai remarqué que les séries longues lassent de plus en plus les spectateurs, et que ces derniers recherchent des séries courtes. 

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