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Gauche radicale


Loufiat

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Marzhin Membre 640 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
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Je n'aurais pas rattaché la gauche radicale à la conscience d'un effondrement, non, puisque de nos jours la collapsologie est à la mode, pour le meilleur et pour le pire. Certainement, une civilisation aussi élaborée que la nôtre, aujourd'hui, ne pouvait pas manquer d'envisager les conditions de sa propre perte, comme n'importe quelle personne songe à sa disparition, et comme toutes les cultures songèrent à une nébuleuse fin des temps.

Chez nous, cela se rattache à une volonté scientifique écologue et, en politique, franchement délayée de la science écologique, les desiderata des écologistes et leur écologisme (par exemple, si tout le monde revenait au feu de bois pour cuisiner et se chauffer, même si les plus grands polluants sont les industries, eh bien, la question ne serait pas réglée des ressources, puisqu'on aurait formidablement à ratiboiser pour subvenir à toutes les âmes ... aussi, l'énergie électrique produite à partir de la chaleur générée par le nucléaire, évite bon an mal an qu'on utilise d'autres ressources, y compris charbon, pétrole, ou bien silicium pour la confection des panneaux solaires de toutes façons au faible rendement, rapport à nos consommations actuelles ... Bref, les écologistes font hélas bien souvent particulièrement pitié, et il faut raisonner en écologue avant tout, ce qui est une forme d'économie basée sur les ressources en vérité).

La gauche radicale, comme je disais, je la situe depuis Alain. Le reste, l'effondrement, etc. est avant tout d'entêtement frénétique contemporain, mais la gauche radicale est quelque chose comme une éthique sociopolitique avant tout. C'est-à-dire une perspective de principe qui, pas plus que d'autres, intègre les phénomènes objectifs. Au Rassemblement National, libéral-conservateur, l'effondrement se veut pris en compte par le localisme, qui au fond n'est pas spécialement de Rassemblement National non plus, puisqu'altermondialistes et décroissants en parlent depuis belle lurette, et que se développe de toutes façons une économie touristique ainsi que de l'authentique fondée sur de telles manières de raisonner. Manières écologues/économistes basées sur les ressources.

Au fond, on n'a jamais eu le choix que de raisonner en écologue/économiste basé sur les ressources, mais ce n'est pas spécifiquement de gauche radicale du coup non plus, il me semble.

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
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Le 28/11/2019 à 22:33, Marzhin a dit :

Je n'aurais pas rattaché la gauche radicale à la conscience d'un effondrement, non, puisque de nos jours la collapsologie est à la mode, pour le meilleur et pour le pire. 

De quelle conscience parlons-nous ? Il n'y a pas de conscience de l'effondrement s'il n'y a pas 'effondrement'.

Ce qu'il y a en revanche c'est un désastre... L'expression revient souvent dans le manifeste À nos amis paru quelques années après L'Insurection qui vient. 'Le désastre occidental'. Mais ce désastre, est-il dit, est moins celui objectivable qui résulte de l'exploitation des ressources naturelles, que celui de la vie individuelle. C'est la subjectivité qui est attaquée, la première désolation est intérieure et spirituelle. Les auteurs soulignent je m'en souviens le terme "présence". C'est avant tout un problème de présence au monde. Comment nous nous rapportons les uns aux autres et aux choses. Là est la désolation et, on le devine, la cause de l''effondrement' s'il devait advenir. Or les auteurs insistent aussi que les hommes ne se mangent pas les uns les autres mais entrent dans des rapports de coopération quand les institutions et les infrastructures font défaut. On retrouve la commune, l'autogestion, le thème ancien de l'autonomie. 

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
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Il y a 8 heures, Loufiat a dit :

On retrouve la commune, l'autogestion, le thème ancien de l'autonomie. 

"Face à la catastrophe occidentale, la gauche adopte généralement la position de lamentation, de dénonciation et donc d'impuissance qui la rend haïssable aux yeux mêmes de ceux qu'elle prétend défendre. L'état d'exception dans lequel nous vivons n'est pas à dénoncer, il est à retourner contre le pouvoir lui-même. Nous voilà soulagés, à notre tour, de tout égard pour la loi - à proportion de l'impunité que nous nous arrogeons, du rapport de force que nous créons. Nous avons le champ absolument libre pour toute décision, pour toute menée, pour peu qu'elles répondent à une intelligence fine de la situation. Il n'y a plus pour nous qu'un champ de bataille historique et les forces qui s'y meuvent. Notre marge d'action est infinie. La vie historique nous tend les bras."

Il y a une tension palpable dans ce manifeste A nos amis entre deux options de la gauche radicale qu'on peut résumer comme Marx ou Bakounine. Bakounine est un être impétueux, passionné, révolté, épris de liberté mais incapable de constance, de discipline, de stratégie et d'organisation. Marx l'utilise dans l'Internationale au début, parce qu'il est un agitateur hors pair qui parvient à fédérer par des discours impressionnants et sa geste admirable. Personne n'est insensible à Bakounine. Mais ces deux-là ne peuvent pas se sentir, dès le début ; et dès qu'il peut Marx se débarrasse de lui. Marx est stratégique. Il déteste la génération intellectuelle, en particulier allemande, de son temps : quand elle n'est pas pétrifiée dans une philosophie idéaliste, elle s'adonne au romantisme et sombre dans l'irrationalité de la petite révolte du 'bourgeois bohème'. Il abomine l'impuissance théorique de ses pairs, sauf les libéraux, en particulier les français qu'il tente de combattre tout en s'en inspirant plus qu'il ne saurait admettre. 

Il construit donc un "système" ou, pour le dire autrement il analyse la société comme un système. Le capital est le facteur premier, et il cause le prolétariat. Or ce prolétariat est la négation du capitalisme, parce que les prolétaires n'ont rien à perdre : à mesure que progresse la concentration capitaliste ils ont moins d'intérêt à défendre ce système et plus de raisons de vouloir sa destruction. Ils forment un explosif niché au cœur du capitalisme, car celui-ci ne peut pas faire autrement qu'engendrer des prolétaires et, d'après l'analyse de Marx, une proportion toujours plus grande de prolétaires. 'Toutes choses égales par ailleurs', ces logiques étant à l’œuvre, un basculement doit survenir lorsque les tensions atteignent leur paroxysme ; et il s'agit de penser l'après. Qu'est-ce qui peut succéder au capitalisme ? Comment celui-ci va-t-il être dépassé ? C'est ce qui donne son sens à l'organisation de l'Internationale qui vise à fédérer le prolétariat au niveau mondial pour conduire cette révolution. Celle-ci ne peut être seulement locale, elle doit être totale pour réussir. Il faut donc doter l'organisation d'une très grande cohérence en particulier sur le plan théorique, de la doctrine. Aucun "subjectivisme", aucun romantisme ne peuvent intervenir, sinon c'est la perte assurée. 

D'où l'analyse 'scientifique' du processus historique à laquelle Marx se livre. On peut se demander à ce titre, s'il avait eu connaissance de l'évolution historique, transporté aujourd'hui, eut-il encore été 'communiste' ? Je ne pense pas. Enfin tout s'appuie chez lui sur cette idée que l'histoire obéit à une loi irrésistible. C'est là je trouve le point de concordance le plus manifeste entre la position d'un Marx et celle du comité invisible. De la même façon que l' "état d'exception" est une aubaine pour eux, en ce qu'il les soulage de tout égard pour loi - de la même façon pour Marx il ne fallait vouloir aucun apaisement des tensions du capitalisme. Puisque le cours historique est explicite et le 'communisme' la seule vraie sortie envisageable. Tout apaisement est une régression par rapport à la finalité, au contraire toute explosion est bonne à prendre.

Cependant le Comité invisible ne se dote pas d'une telle armature théorique. Il ne produit pas de système, il procède plutôt par incises. Il emprunte évidemment, théoriquement, à une foule d'auteurs mais reste dans la négativité pure. Et penche à cet égard plutôt vers Bakounine que Marx. En filigrane, sans que le comité n'établisse de programme pour l'après, on retrouve cette idée qu'il s'agit, ironiquement, de "désintermédier" pour permettre aux gens de se retrouver - et au-delà on devine qu'il ne peut s'agir d'une solution universelle et qu'on a abandonné la lecture marxiste de l'histoire.

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Membre, 152ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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Il y a 1 heure, Loufiat a dit :

"Face à la catastrophe occidentale, la gauche adopte généralement la position de lamentation, de dénonciation et donc d'impuissance qui la rend haïssable aux yeux mêmes de ceux qu'elle prétend défendre. L'état d'exception dans lequel nous vivons n'est pas à dénoncer, il est à retourner contre le pouvoir lui-même. Nous voilà soulagés, à notre tour, de tout égard pour la loi - à proportion de l'impunité que nous nous arrogeons, du rapport de force que nous créons. Nous avons le champ absolument libre pour toute décision, pour toute menée, pour peu qu'elles répondent à une intelligence fine de la situation. Il n'y a plus pour nous qu'un champ de bataille historique et les forces qui s'y meuvent. Notre marge d'action est infinie. La vie historique nous tend les bras."

Il y a une tension palpable dans ce manifeste A nos amis entre deux options de la gauche radicale qu'on peut résumer comme Marx ou Bakounine. Bakounine est un être impétueux, passionné, révolté, épris de liberté mais incapable de constance, de discipline, de stratégie et d'organisation. Marx l'utilise dans l'Internationale au début, parce qu'il est un agitateur hors pair qui parvient à fédérer par des discours impressionnants et sa geste admirable. Personne n'est insensible à Bakounine. Mais ces deux-là ne peuvent pas se sentir, dès le début ; et dès qu'il peut Marx se débarrasse de lui. Marx est stratégique. Il déteste la génération intellectuelle, en particulier allemande, de son temps : quand elle n'est pas pétrifiée dans une philosophie idéaliste, elle s'adonne au romantisme et sombre dans l'irrationalité de la petite révolte du 'bourgeois bohème'. Il abomine l'impuissance théorique de ses pairs, sauf les libéraux, en particulier les français qu'il tente de combattre tout en s'en inspirant plus qu'il ne saurait admettre. 

Il construit donc un "système" ou, pour le dire autrement il analyse la société comme un système. Le capital est le facteur premier, et il cause le prolétariat. Or ce prolétariat est la négation du capitalisme, parce que les prolétaires n'ont rien à perdre : à mesure que progresse la concentration capitaliste ils ont moins d'intérêt à défendre ce système et plus de raisons de vouloir sa destruction. Ils forment un explosif niché au cœur du capitalisme, car celui-ci ne peut pas faire autrement qu'engendrer des prolétaires et, d'après l'analyse de Marx, une proportion toujours plus grande de prolétaires. 'Toutes choses égales par ailleurs', ces logiques étant à l’œuvre, un basculement doit survenir lorsque les tensions atteignent leur paroxysme ; et il s'agit de penser l'après. Qu'est-ce qui peut succéder au capitalisme ? Comment celui-ci va-t-il être dépassé ? C'est ce qui donne son sens à l'organisation de l'Internationale qui vise à fédérer le prolétariat au niveau mondial pour conduire cette révolution. Celle-ci ne peut être seulement locale, elle doit être totale pour réussir. Il faut donc doter l'organisation d'une très grande cohérence en particulier sur le plan théorique, de la doctrine. Aucun "subjectivisme", aucun romantisme ne peuvent intervenir, sinon c'est la perte assurée. 

D'où l'analyse 'scientifique' du processus historique à laquelle Marx se livre. On peut se demander à ce titre, s'il avait eu connaissance de l'évolution historique, transporté aujourd'hui, eut-il encore été 'communiste' ? Je ne pense pas. Enfin tout s'appuie chez lui sur cette idée que l'histoire obéit à une loi irrésistible. C'est là je trouve le point de concordance le plus manifeste entre la position d'un Marx et celle du comité invisible. De la même façon que l' "état d'exception" est une aubaine pour eux, en ce qu'il les soulage de tout égard pour loi - de la même façon pour Marx il ne fallait vouloir aucun apaisement des tensions du capitalisme. Puisque le cours historique est explicite et le 'communisme' la seule vraie sortie envisageable. Tout apaisement est une régression par rapport à la finalité, au contraire toute explosion est bonne à prendre.

Cependant le Comité invisible ne se dote pas d'une telle armature théorique. Il ne produit pas de système, il procède plutôt par incises. Il emprunte évidemment, théoriquement, à une foule d'auteurs mais reste dans la négativité pure. Et penche à cet égard plutôt vers Bakounine que Marx. En filigrane, sans que le comité n'établisse de programme pour l'après, on retrouve cette idée qu'il s'agit, ironiquement, de "désintermédier" pour permettre aux gens de se retrouver - et au-delà on devine qu'il ne peut s'agir d'une solution universelle et qu'on a abandonné la lecture marxiste de l'histoire.

La gauche radicale dit : parlons depuis l’intérieur du monde. Vous au contraire vous dissertez en restant à l’extérieur du monde. Vous cherchez la maitrise. Mais vous ne maitrisez rien puisque vous restez en dehors du monde. Quel est votre point de vue, à partir de votre situation à l'intérieur du monde ?

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Membre, 43ans Posté(e)
Marzhin Membre 640 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
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Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

De quelle conscience parlons-nous ? Il n'y a pas de conscience de l'effondrement s'il n'y a pas 'effondrement'.

Oui, je parlais, si l'on veut, d'"effondrementalisme" ... effondrement-mentalisme ... de cela, on a conscience, d'où que vous parliez de la subjectivité. Pour ma part, je nomme cela la Guerre chaude (cf. 1 et 2).

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
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il y a une heure, Annalevine a dit :

La gauche radicale dit : parlons depuis l’intérieur du monde. Vous au contraire vous dissertez en restant à l’extérieur du monde. Vous cherchez la maitrise. Mais vous ne maitrisez rien puisque vous restez en dehors du monde. Quel est votre point de vue, à partir de votre situation à l'intérieur du monde ?

J'ai compris à la faveur de certaines expériences que la 'complétude' du système était un conte de fées pour les enfants. Que le monde est le lieu d'un affrontement incessant et explosif entre forces opposées. Vous marchez dans les rues pris dans l'habitude et vos projets, ce monde paraît stable pour vous y projeter. Les murs ne bougent pas chaque jour que vous passez par là, la route ne va pas s'effondrer quand vous ferez un pas. Et pourtant tout bouge imperceptiblement. Les murs sont rongés, d'invisible failles les creusent ; tout est entraîné dans la destruction et repose sur l'édification active, à tous les niveaux par tous les hommes. Et j'ai trouvé là un héroïsme, dans la fragilité des choses et surtout peut-être leur sens. 

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Membre, 43ans Posté(e)
Marzhin Membre 640 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
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Il y a 11 heures, Loufiat a dit :

Ce qu'il y a en revanche c'est un désastre... L'expression revient souvent dans le manifeste À nos amis paru quelques années après L'Insurection qui vient. 'Le désastre occidental'. Mais ce désastre, est-il dit, est moins celui objectivable qui résulte de l'exploitation des ressources naturelles, que celui de la vie individuelle. C'est la subjectivité qui est attaquée, la première désolation est intérieure et spirituelle. Les auteurs soulignent je m'en souviens le terme "présence". C'est avant tout un problème de présence au monde. Comment nous nous rapportons les uns aux autres et aux choses. Là est la désolation et, on le devine, la cause de l''effondrement' s'il devait advenir. Or les auteurs insistent aussi que les hommes ne se mangent pas les uns les autres mais entrent dans des rapports de coopération quand les institutions et les infrastructures font défaut. On retrouve la commune, l'autogestion, le thème ancien de l'autonomie. 

il y a 11 minutes, Loufiat a dit :

J'ai compris à la faveur de certaines expériences que la 'complétude' du système était un conte de fées pour les enfants. Que le monde est le lieu d'un affrontement incessant et explosif entre forces opposées. Vous marchez dans les rues pris dans l'habitude et vos projets, ce monde paraît stable pour vous y projeter. Les murs ne bougent pas chaque jour que vous passez par là, la route ne va pas s'effondrer quand vous ferez un pas. Et pourtant tout bouge imperceptiblement. Les murs sont rongés, d'invisible failles les creusent ; tout est entraîné dans la destruction et repose sur l'édification active, à tous les niveaux par tous les hommes. Et j'ai trouvé là un héroïsme, dans la fragilité des choses et surtout peut-être leur sens. 

Et si c'était cela, le véritable désastre ? car sinon on le sent surtout d'un jugement moral. Véritable désastre de l'érosion, avec nécessaires volontés de puissance plus ou moins inconscientes pour s'y dépêtrer (l'effet érosif du désastre contrebalançant toujours les volontés de puissances, même physiques dans leurs combinatoires, au point qu'il ne soit jamais permis de dire qu'une volonté de puissance soit forte dans l'absolu, ni qu'elle ne craint rien dans l'accumulation de force, tout comme dans la fable le Chêne et le roseau). Car sinon, on est dans la morale, je répète. Le véritable désastre tenant plus le parallèle immoraliste, toutes proportions gardées, avec ce que Heidegger nomme la déchéance (la nécessaire perte d'authenticité à s'impliquer parmi l'On que nous formons avec autrui, malgré le Nous).

Déplorer la désolation intérieure est de jugement moral, Nietzsche parlait à ce sujet de décadence, dégénérescence, mais là encore dans un sens immoraliste, puisqu'il s'agit de dire que ça se désagrège sans plus rien de bien noble à évaluer. Et pourtant, cette désolation est là, et il faut y faire. Aussi la perspective de principe sociopolitique dite de gauche radicale, me semble une façon de se fâcher avec le monde en se frustrant soi-même. Évidemment, ce n'est pas en délaissant cette perspective que les choses changeront, mais c'est pourtant en la délaissant qu'on quitte l'indignation au profit de la réalisation ou, si vous préférez, une attitude réellement progressive/évolutive contre le progressisme idéaliste et moraliste, sans positive-attitude cache-misère à l'angoisse.

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
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Il y a 11 heures, Marzhin a dit :

Et si c'était cela, le véritable désastre ? car sinon on le sent surtout d'un jugement moral. Véritable désastre de l'érosion, avec nécessaires volontés de puissance plus ou moins inconscientes pour s'y dépêtrer (l'effet érosif du désastre contrebalançant toujours les volontés de puissances, même physiques dans leurs combinatoires, au point qu'il ne soit jamais permis de dire qu'une volonté de puissance soit forte dans l'absolu, ni qu'elle ne craint rien dans l'accumulation de force, tout comme dans la fable le Chêne et le roseau). Car sinon, on est dans la morale, je répète. Le véritable désastre tenant plus le parallèle immoraliste, toutes proportions gardées, avec ce que Heidegger nomme la déchéance (la nécessaire perte d'authenticité à s'impliquer parmi l'On que nous formons avec autrui, malgré le Nous).

Déplorer la désolation intérieure est de jugement moral, Nietzsche parlait à ce sujet de décadence, dégénérescence, mais là encore dans un sens immoraliste, puisqu'il s'agit de dire que ça se désagrège sans plus rien de bien noble à évaluer. Et pourtant, cette désolation est là, et il faut y faire. Aussi la perspective de principe sociopolitique dite de gauche radicale, me semble une façon de se fâcher avec le monde en se frustrant soi-même. Évidemment, ce n'est pas en délaissant cette perspective que les choses changeront, mais c'est pourtant en la délaissant qu'on quitte l'indignation au profit de la réalisation ou, si vous préférez, une attitude réellement progressive/évolutive contre le progressisme idéaliste et moraliste, sans positive-attitude cache-misère à l'angoisse.

Je pense vous suivre pour l'essentiel. Mais je vous reprendrais sur la fin. Je dirais qu'il faut tenir les deux exigences ensemble, celle de construire et d'avancer et le refus de se plier, la révolte. C'est cette tension qui peut faire de nous une force active et s'il y a refuge dans l'imagination et/ou conformation (l'un allant très bien avec l'autre) le grain est perdu.

Sur le désastre gardons à l'esprit qu'il y a derrière l'idée d'une intention initiale. Telle entreprise a conduit au désastre, au fiasco.

 

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
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Les évènements de l'année dernière en France cheminent souterrainement. L'important n'est pas le nombre de personnes encore prêtes à enfiler un gilet jaune pour manifester mais l'expérience faite, la digestion et la maturation qui en résultent. Il est certain que nous verrons les résurgences, lorsque les circonstances le permettront. Il était saisissant à ce titre de voir ces derniers jours les liens se faire. Le résultat net est, d'une part, une normalisation et une extension du domaine de l’insurrection. On admet plus facilement un ensemble de choses qui n'allaient pas du tout de soi : le pouvoir peut être renversé ; il faut aller au bout ; l'insurrection est la seule issue possible. La gauche radicale pourrait se féliciter de ce mouvement au niveau des mentalités. Elle 'recrute', non pas comme une organisation, mais plutôt comme une nébuleuse susceptible d'attirer à elle. Mais c'est sans compter la maturation inverse, plus faible, moins visible sans doute, mais susceptible d'affecter beaucoup, beaucoup plus de monde. Les tenants de l'ordre aussi se radicalisent, et les masses seront toujours du côté de l'ordre. Les prochains mois seront cruciaux.

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
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Il y a un refus de penser l'après, un report de l'avenir chez les insurgés. Nous ne pouvons pas, de toutes façons, prévoir ou prédire ce qui résultera  - ou bien tout ce que l'on est en mesure de projeter implique la continuation du système avec ses travers connus. Il s'agit seulement de mettre un coup de volant. C'est très précisément l'image utilisée par un ami. On va dans le mur, on le sait, on le voit. Alors mieux vaut un coup de volant, quitte a finir dans le fossé ; là au moins on ignore ce qui nous attend. Les questions sur "et après ?" emmerdent toujours profondément le radical. Le radical est à maintenant. Lorsqu'il se détend il en vient à théoriser des effondrements partiels qui laisseraient place à des alternatives encore indiscernables aujourd'hui. Son imagination peut vaquer librement, libérée en tout cas du poids de la nécessité socio-économico-politique.

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
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J'écoutais dans la voiture une rediffusion de l'entretien de Sartre dans Radioscopie. Ils évoquent le journal Libération. Le projet était de s'adresser au peuple, et même mieux : un journal où le peuple s'adresse au peuple. Ils se sont efforcés de susciter la constitution de "comités de Libération", des personnes, témoins ou acteurs d'évènements qui réuniraient et ferait remonter l'information du terrain pour le journal, en imposant leur propre agenda : ce qu'ils jugent important. En sorte que ce journal soit vraiment un espace d'expression et de dialogue pour tous (sauf les gens de droite puisque, à l'évidence, nous dit Sartre, ceux-ci n'ont pas l'idée de s'adresser au peuple).

Sartre se positionne contre les partis. Contre la Représentation nationale. Contre l'Etat. Il ne valorise que la coopération active et interpersonnelle, contre et au sein de la lutte des classes. La démocratie directe. Que les gens soient en charge de leur destin, qu'ils décident en se concertant au lieu de renoncer à exercer la souveraineté au profit d'élus qui les dirigeront. La concordance avec les revendications de l'année dernière, le RIC, est saisissante. Que les élus puissent être répudiés à tout instant, que la machine étatique puisse être arrêtée et sa direction reprise. Etc.

Je subis une influence, de gauche radicale d'ailleurs, à cause de laquelle je ne peux plus prendre Sartre au sérieux. Pourtant je m'efforce de considérer vraiment ce qu'il dit, ce qu'il pense et ce qu'il est. Mais c'est trop tard. Ne me vient plus qu'une affection irritée, voir un dégout. Il parle et je n'entends plus que ses contradictions odieuses. Car Sartre voudrait être ce qu'il fait. Il écarte, plein d'une feinte pudeur, les questions sur sa personne. 'J'importe peu'. Les actes. L'action. Etc. Toutes ces thématiques depuis lui rabachées encore et encore... Et pourtant... Ce qu'il fit ? Combien de fois a-t-il retourné sa veste ? Malgré ses démentis... Combien de fois ses analyses et ses prévisions se sont-elles avérées fausses ? Dès lors, à quelle exemplarité, à quel sérieux et même, à quelle honnêteté intellectuelle peut-il prétendre ?

Et dès que ceci apparaît, l'ensemble de son argumentaire s'effondre. De l'intérieur. C'est comme une bulle qui exhale. Il ne reste rien et ceux contre qui il prétend lutter en sont renforcés.

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
Mentor‚ 33ans‚
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Détruire, dit-elle. De Marguerite Duras. Elle aussi passée dans Radioscopie.

Détruire les écoles, les universités. Oublier. Se départir du moi - ce moi qui est social...

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Membre, Posté(e)
moch niap Membre 236 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 23 heures, Loufiat a dit :

Combien de fois ses analyses et ses prévisions se sont-elles avérées fausses ?

il s'est trompé mais a-t-il été un manipulateur ? l me semble qu' il y a un espace dans notre monde qui est celui de la gauche. Parce qu'il y a une droite et que cette droite avance aussi loin qu'elle peut et que seule une gauche peut arrêter. La droite ne s'arrêtera jamais, elle ira au bout de son projet : détruire tout ce qui menace la toute-puissance du nouveau dieu, la volonté. La gauche hérite des luttes de tous ceux qui ont souffert de ce déferlement de la volonté qui veut tout pour soi, de ce dévalement historique : elle invoque l'amour, la nature, la liberté, le bonheur .. Mais elle lutte sur le terrain de la droite : la politique et le juridique. Elle ne peut donc que nier la négation, freiner, hurler, désobéir. Elle est négative, contestatrice. Elle dit que ça n'est pas possible, que l'on détruit les hommes, la nature. Les pays du Nord tentent seuls de réduire la faille qui se creuse entre ceux qui s'approprient toujours plus le monde et ceux qui errent comme des fantômes. 

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Membre, 152ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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Il y a 1 heure, moch niap a dit :

il s'est trompé mais a-t-il été un manipulateur ? l me semble qu' il y a un espace dans notre monde qui est celui de la gauche. Parce qu'il y a une droite et que cette droite avance aussi loin qu'elle peut et que seule une gauche peut arrêter. La droite ne s'arrêtera jamais, elle ira au bout de son projet : détruire tout ce qui menace la toute-puissance du nouveau dieu, la volonté. La gauche hérite des luttes de tous ceux qui ont souffert de ce déferlement de la volonté qui veut tout pour soi, de ce dévalement historique : elle invoque l'amour, la nature, la liberté, le bonheur .. Mais elle lutte sur le terrain de la droite : la politique et le juridique. Elle ne peut donc que nier la négation, freiner, hurler, désobéir. Elle est négative, contestatrice. Elle dit que ça n'est pas possible, que l'on détruit les hommes, la nature. Les pays du Nord tentent seuls de réduire la faille qui se creuse entre ceux qui s'approprient toujours plus le monde et ceux qui errent comme des fantômes. 

La volonté n’est pas un dieu.

Un homme de gauche peut être volontaire, heureusement d’ailleurs. Sinon les luttes ouvrières eussent toutes été des défaites.

L’évolution  des sociétés est imprévisible.

Tous donc toujours se trompent à  plus ou moins longue échéance.

Mais pour agir il est nécessaire de se donner des buts. Une fois en action ces buts sans cesse changent.

Sartre ne fut pas un homme d’action. Il n’a inspiré aucune action politique digne de ce nom. Laissons le donc dans ces errements. 
 

Libération a été lancé en prévision et en préparation d’une révolution dans laquelle on croyait encore à cette époque. Puis ce militantisme s’est effrité. Les classes populaires ne se soulevaient pas. Libération a alors tourné vers une révolution des mœurs. Vers aussi l’utopie. Parallèlement est apparu le magazine Actuel. Ce fut l’époque du départ à la campagne ( le père de Piketti). Mais nul ne put imaginer une nouvelle façon de vivre qui tienne la route. Tout a échoué la Révolution comme la vie écologique.

On en est là. 


Il reste quelques expériences de vie nouvelle dans les campagnes. Dans les villes aussi. Ça reste marginal. Ça prend pas. 


La disparition du mythe de la Révolution, du grand soir a disparu en 1983.

Ce mythe structurait la gauche. Avec la disparition de ce mythe la gauche s’est vidée de tout idéal. 
 

La sociologie a changé. La classe moyenne s’est considérablement étoffée. Elle ne fonctionne pas avec les mêmes idéaux que l’ancienne classe ouvrière. 


La classe moyenne en fait c’est vous, là, qui écrivez sur ce fil. Une classe qui pense, qui lit parfois, qui écoute ou regarde les media  mais qui est inapte à l’action politique parce que l’action politique ne l’intéresse pas. 


Cette classe moyenne, vous, est une classe de spectateurs politiques, non pas d’acteurs.

Vous regardez, vous critiquez, vous êtes sur les gradins, vous êtes au spectacle. 



 

 

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
Mentor‚ 33ans‚
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Il y a 5 heures, Annalevine a dit :

La classe moyenne en fait c’est vous, là, qui écrivez sur ce fil. Une classe qui pense, qui lit parfois, qui écoute ou regarde les media  mais qui est inapte à l’action politique parce que l’action politique ne l’intéresse pas. 


Cette classe moyenne, vous, est une classe de spectateurs politiques, non pas d’acteurs.

Vous regardez, vous critiquez, vous êtes sur les gradins, vous êtes au spectacle. 

Méfiez-vous.

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 273 messages
Mentor‚ 33ans‚
Posté(e)
Il y a 16 heures, moch niap a dit :

il s'est trompé mais a-t-il été un manipulateur ?

Je ne pense pas qu'un disciple conséquent puisse plaider l'innocence du maître, mais il n'y pas d'obligation non plus à être sartrien. Peu importe.

Sartre, Duras.. ou bien Foucault encore nous mettent par leurs échecs face au problème sans doute 'usé' de l'absence ou du silence de Dieu. Jane Doe, anonyme des plus éminentes du forum a posté ailleurs cette citation :

Le 10/12/2019 à 06:27, Jane Doe a dit :

Toute la création est fiction et illusion. La matière est une illusion pour la pensée ; la pensée est une illusion pour l'intuition ; l'intuition est une illusion pour l'idée pure ; l'idée pure est une illusion pour l'être. Dieu est le mensonge suprême.”

Fernando Pessoa / Traité de la négation

Elle permet de replonger dans un certaine disposition où tout se tient par rapport à Dieu. Mais je ne crois pas qu'il faille le voir comme un plein, ce dernier terme, mais plutôt justement comme un vide, une absence. Personne ne connaît la face de Dieu - il dépasse l'entendement. Pourtant il se tient avec nous, il est présent à travers la matière, l'esprit, etc. C'est par lui que ce monde est, pas seulement au sens matériel ; inutile d'essayer de concevoir "la totalité de l'univers" car rien ne prouve que cet univers soit fini : quelle 'totalité', quand l'expérience enseigne que la succession des visages que prend la réalité ne connaît pas de terme ? Qu'il y a le temps ? Bref, si Dieu 'tient' le monde, c'est en faisant signe vers son absence, en quelque sorte, à travers toute la création. Ainsi l'Être, l'idée, l'intuition, etc. se lient, se rapportent l'un à l'autre, parcourues par ce souffle, emportées dans sa dérobée. Et nous voilà alors 'dans' le sens. Un 'sens' qui donc échappe et que nous rattrapons, 'recollons' à travers les visages de la réalité. Il est le principe mystérieux de leur création, de leur enchaînement, le fond d'où elles surgissent et l'espace où elles sont appelées. Bref.

Mais si Dieu ne brille plus par son absence.. si nous ne l'entendons plus, ne le ressentons plus (comme cet 'appel'), cette disposition ne tient plus. Les visages du monde retombent dans l'éternité. Il n'y a plus de souffle pour inoculer sa dynamique à l'être. Plus de passage de l'idée vers l'être, de l'intuition vers l'idée - par la grâce ou la révélation. Ce monde est mort, fini, clôt, retourné sur lui-même. Il n'est pas même enchaînement arbitraire, déroulement de nécessités mécaniques : tout cela tient encore de l'illusion, de la construction délirante d'un cerveau. Et "dans" quoi cela se déroulerait-il ? Un cerveau, même ? Et quelle réalité peut bien avoir ce 'moi' qui croit s'y loger ? Les intellectuels de gauche s'activent à cette déconstruction, à cette décomposition. Ils s'en félicitent. Mais ils manquent de souffle... "Ce qui vient du néant retourne au néant" disait l'autre

Or ce souffle, cet appui qu'ils ne trouvaient plus, a nouvelle génération l'a retrouvée. C'est l'urgence, la précipitation des évènements qui la galvanise. L'urgence crée cette butée, cette nouvelle dérobée. La "crise" qui est devenue, ils l'analysent fort bien, un nouveau mode de gouvernement. L'arme et le milieu du pouvoir. Les choses se précipitent...

 

 

 

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Membre, Posté(e)
moch niap Membre 236 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, Loufiat a dit :

inutile d'essayer de concevoir "la totalité de l'univers"  ..

Dieu 'tient' le monde, c'est en faisant signe vers son absence, en quelque sorte, à travers toute la création. Ainsi l'Être, l'idée, l'intuition, etc. se lient, se rapportent l'un à l'autre, parcourues par ce souffle

si nous ne l'entendons plus  ... Il n'y a plus de souffle pour inoculer sa dynamique à l'être.  ... Les intellectuels de gauche s'activent à cette déconstruction .... Or ce souffle, cet appui ... la nouvelle génération l'a retrouvée. 

on peut essayer de concevoir la totalité de l'univers matériel et ce sont les "lois" de la physique que les hommes ont découvert.  

et c'est parce que l'on se passe de dieu comme créateur que les hommes peuvent se mettre à chercher à concevoir les lois de la matière à partir de leur expérience présente. Et c'est parce que l'être n'est pas un quelque chose (l'étant suprême), que la philosophie explore à partir de l'expérience humaine ce qu'il en est de l'existence. Est-ce que ce sont des intellectuels de gauche qui déconstruisent la métaphysique ? non, je ne le crois pas. Leur rôle historique est de combattre la droite et de lutter au nom de ceci et de cela (la fraternité, la nature, la liberté ..) contre l'appropriation du monde par quelques faquins et coquins (n'ayant d'horizon que le présent, l'immédiate jouissance de la volonté pure, aveugle, celle que défend Callliclès dans le Gorgias et que combat sans cesse Socrate, le philosophe).

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Membre, 43ans Posté(e)
Marzhin Membre 640 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
Posté(e)

On peut longtemps gloser sur the belief in god effect, si vous me permettez l'expression - et même si vous ne me la permettez pas, - que vous ne parviendrez pas à me la faire accréditer. C'est que je suis polythéiste, encore qu'il y ait des tendances hénothéistes (dieu principal), panthéistes (tout est divin) et panenthéistes (tout est en Dieu) dans le lot polythéiste (les monothéismes ont commencé hénothéistes !). Et pourtant : la pluralité et la diversité divines, ne sont pas le totalitarisme spirituel, la saisie totalitaire de l'esprit - serait-ce en forme de typhon ou de trou noir d'Absence, - propres au dieu prétendument unique et absolu. De telle sorte que ce dieu, par la croyance duquel on ne peut plus que dédaigner toute autre forme de croyance - au mieux condescendre, la réciproque n'étant pas vrai : ce dédain/cette condescendance étant donc le fanatisme en germe ... - de telle sorte que ce dieu soit lui-même un néant.

Or, du néant, Jean-Paul Sartre sait quelque chose, puisqu'il l'inocula au cœur de l'ontologie phénoménologique de la conscience, dans un mouvement dialectique de néantisation du pour-soi et de l'en-soi. Il y a morbidité à mon sens dans son génie (car Sartre reste un génie), qui sécularise le divin tel que présenté sous forme "d'Absentéiste Nécessaire". C'est un recyclage de la responsabilité chrétienne devant Dieu, déplacée existentialement devant l'univers. Les angoisses sartriennes de la liberté existentielle à s'autodéterminer instamment, jusqu'à la nausée métaphysique, sont concordantes avec les angoisses kierkegaardiennes de la spiritualité protestante (la famille de Sartre, par le docteur Schweitzer, donc par le côté maternel si prégnant pour Sartre dont le père est décédé en 14-18, est protestante d'Alsace). Vraiment, ici, le conceptuel se mêle au socioculturel et au biographique.

La faculté de nier pour surseoir au pensé, propre à la conscience, est déjà chez le protestant Hegel, duquel s'inspire Sartre. Cependant, la négation hegelienne n'était pas encore le néant ni une néantisation pure, ce qui se laisse encore entendre à mon avis sans qu'il soit besoin de récriminer. De fait, comme le répète Sartre après Hegel, l'humain est capable de nier - sinon toutes, du moins une part de - ses déterminations, en tout cas toutes les allégations le concernant dans son pour-autrui. Car, une fois pensée, toute détermination peut instamment chercher à être dépassée, bon an mal an. C'est de dialectique sartrienne.

Mais l'inoculation du néant comme néantisation de la pensée intra-consciencielle était-elle nécessaire ? ...

Pour moi, il y a là quelque chose à rapprocher d'Albert Camus, mine de rien, notoirement dans sa nouvelle le Renégat, où le malheureux narrateur est rabougri au niveau d'un Golum (Tolkien, le Seigneur des anneaux) autocondamné à servir de terribles maîtres, et surtout à prier une avilissante idole. C'est sur cette base (é)motionnelle-là, que me semble se déclencher toute révolte radicale.

Mais il est toutefois des colères légitimes, bien plus à même, à mon avis, d'expliquer la révolte, quand perspectivement il s'agit de défendre son sentiment du respect ou de la justice - encore que cela procède aussi, régulièrement, de frustrations infantiles. Il était inutile d'en appeler au néant existential sartrien, à la néantisation consciencielle. Car c'était ontologiser terriblement le courroux d'un vilain dieu.

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