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Lettres à Samuel

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aliochaverkiev

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 53

22 mars 2019

Samuel,

La fête de Pourim a été célébrée du mercredi 20 mars au soir au jeudi 21 mars au soir, soit le quatorzième jour du mois hébraïque adar (mois qui tombe soit en février soit en mars dans le calendrier grégorien). Pendant cette fête la coutume est de lire le livre d’Esther, de donner des sommes d’argent aux pauvres et de faire un joyeux festin. Les enfants participent activement à cette fête, il est habituel qu’ils se déguisent.

Pourim commémore les événements relatés dans le livre d’Esther, livre qui fait partie des hagiographes ou Ketouvim (voir lettre 14).

Voici ce que furent ces événements.

Assuérus, plus connu sous le nom de Xerxès 1er (519-475 avant l’E.C.) régnait alors sur un Empire qui allait de l’Inde à l’Éthiopie. A Suez, la capitale de son Empire, vivait un Judéen, Mardochée qui avait été déporté de Jérusalem et emmené captif par Nabuchodonosor. (Voir lettre 24. Dans cette lettre il est question de Cyrus le Grand. Son successeur fut Cambyse II, Darius 1er succéda à Cambyse puis Xerxès succéda à Darius. Dans la lettre 25 il est question d’Artaxerxès : ce dernier succéda à Xerxès).

Mardochée était devenu le tuteur d’Esther, une belle judéenne qui était orpheline. Assuérus frappé par la beauté d’Esther l’épousa. Mais celle-ci ne lui dévoila pas ses origines.

Un jour des gardes projetèrent d’assassiner le roi en raison de différends politiques. Mardochée eut connaissance de ce complot, il en informa Esther qui en informa Assuérus, ainsi celui-ci fut sauvé.

Assuérus nomma un Perse, Aman, à la tête de l’administration de l’État. Lors de son intronisation à la cour du roi, tous les dignitaires présents furent invités par Aman à se prosterner devant lui. Mardochée fut le seul à refuser. Ainsi fut dévoilée son origine judéenne car seul un Judéen pouvait refuser de se prosterner devant un homme. Aman, noir de rage décida d’anéantir tous les Judéens du royaume.

Ainsi parla-t-il à Assuérus: « Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume ; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation. Quant aux lois du roi, ils ne les observent point : il n’est donc pas de l’intérêt du roi de les conserver»

Assuérus autorisa Aman de faire ce qu’il voulait des Judéens. Aussi Aman décida de les exterminer. Il fixa le jour de l’extermination, par tirage au sort, au treizième jour du douzième mois hébraïque, soit le treizième jour du mois d’adar. Comme « sort », en persan, se dit POUR, le nom de la fête de Pourim fut construit à partir de ce mot ( Pourim est aussi appelée « fête des sorts »).

Mardochée, dès qu’il apprit les projets d’Aman avertit sa fille Esther qui avait été tenue à l’écart de toutes ces décisions. Esther dit à Mardochée : « Va rassembler tous les Judéens et jeûnez pendant trois jours à mon intention et je jeûnerai de la même façon. Puis je me présenterai au roi et si je dois périr je périrai » Car Esther avait bien l’intention d’intercéder en faveur de son peuple.

Le troisième jour du jeûne Esther se présenta devant le roi qui lui dit : « Qu’ y-a-t-il reine Esther, que demandes-tu ? Quand ce serait la moitié du royaume elle te serait accordée » Esther répondit en demandant que le roi ainsi qu’Aman assiste au festin qu’elle avait préparé. Or il arriva qu’avant la tenue du festin le roi fut informé que c’était sur l’intervention de Mardochée qu’il avait été sauvé de l’attentat projeté contre lui. Aussi rendit-il hommage à Mardochée, le Judéen.

Pendant le festin Esther présenta sa requête : elle lui demanda de sauver son peuple de l’extermination planifiée par Aman. Quand le roi eut connaissance de l’origine de sa femme et qu’il comprit qu’Aman voulait exterminer le peuple dont elle était issue et dont était aussi issu Mardochée, son sauveur, il entra en colère et il fit exécuter Aman. Puis il annula les dispositions que ce dernier avait prises contre les Hébreux. Alors ce fut l’allégresse chez tous les Judéens.

 

Mardochée devint très influent à la cour du roi, aussi les habitants de l’Empire craignirent les Hébreux. Après avoir été sauvés par le roi, les Judéens se retournèrent contre ceux qui avaient voulu les exterminer et ils les massacrèrent. Assuérus ne s’opposa pas à la colère des Hébreux et quand Esther lui demanda d’exécuter les dix fils d’Aman il acquiesça.

Mardochée consigna tous ces événements dans un écrit et il enjoignit les Hébreux à fêter les quatorzième et quinzième jours du mois d’adar, les deux jours qui suivaient le jour fixé par Aman pour les exterminer. C’est ainsi qu’aujourd’hui encore cette fête est célébrée par les Judéens le quatorzième jour du mois d’adar.

Il existe une autre fête dont je ne t’ai pas parlé c’est Tou Bichvat, ce qui signifie 15 du mois de chevat, mois qui correspond à celui de janvier et parfois à celui de février dans le calendrier grégorien. Cette fête a eu lieu de la soirée du dimanche 9 février à la soirée du lundi 10 février, en 2019. Elle célèbre le moment de la montée de la sève dans les arbres, juste avant le printemps. Elle est aussi qualifiée de Nouvel An des arbres.


Je récapitule les fêtes religieuses juives :

- Les trois fêtes du pèlerinage qui devaient faire l’objet d’un pèlerinage à Jérusalem jusqu’à la destruction du second temple :

 

                Pessah (sortie d’Égypte,voir lettre 15)

 

                    Chavouot (don des tables de la loi, sept semaines après Pessah, voir lettre 21)

 

                    Souccoth (fête des cabanes ou des tabernacles qui commémore les 40 ans de vie dans le désert des Hébreux après leur départ d’Egypte, voir lettre 35) suivie par la fête de       Hoshanna Rabba (lettre 35) et la fête Chemini Atseret (lettre 35).


- La fête du nouvel an, Roch Hachana (voir lettre 34-1) suivie, dix jours plus tard par Yom Kippour (voir lettre 34-2), le jour du grand pardon.

 

- La fête de Hanoukka (reconquête du temple en 164 avant notre ère, voir lettre 1 et lettre 42)

 

- Lag Ba’Omer, 33 jours après Pessah (voir lettre19)

 

- Ticha be Av (commémoration de la destruction des deux temples, lettre 29)

 

- Pourim et Tou Bichvat (voir lettre présente).

 

Je pense à toi, je te félicite pour tes succès en maths comme dans les autres matières et pour ta détermination dans ton travail de la danse.

Je t’aime, je ne cesse de te garder dans ma pensée et dans mon cœur,

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 54-1

24 mars 2019

Samuel,

La première croisade

A partir du milieu du XI ème siècle l’Église catholique (l’Église dirigée par le Pape, installé à Rome) entreprit d’établir plus fermement son autorité spirituelle en Europe. La réforme grégorienne de l’Église inspirée par le pape Grégoire VII (1015/1020-1085) imposa aux prêtres un dévouement exclusif à leur sacerdoce leur interdisant le mariage afin qu’ils ne s’occupent que de leurs fidèles. L’autre but de cette interdiction était d’éviter l’héritage dû au conjoint et aux éventuels enfants du mariage et de permettre ainsi la transmission des biens acquis (ou offerts par les seigneurs) à la seule Église.

L’autre versant de cette réforme fut l’affirmation de l’autorité du Pape quant à la nomination des ecclésiastiques, nomination jusque-là exercée le plus souvent par les seigneurs et les Empereurs déterminés à assujettir les religieux à leurs intérêts.

Cette offensive religieuse fut favorisée par l’angoisse et la recherche d’identité des Européens qui se sentaient menacés par l’offensive musulmane à l’est et au sud du continent. Rappelons qu’à l’est les Seldjoukides, convertis à l’islam, bien qu’ils laissassent le calife exercer un pouvoir spirituel sans effet pratique, étaient en train de conquérir des territoires repris à l’Empire romain d’Orient et aux Fatimides. Au sud de l’Europe la reconquête chrétienne en Espagne était stoppée par les Almoravides. Face à cet expansionnisme musulman l’Europe se sentait menacée, et la réponse idéologique comme arme de défense spirituelle fut assurée par la chrétienté.

Les premiers concernés par l’offensive menée par les Seldjoukides étaient les Byzantins (l’Empire romain d’Orient). Byzance se trouvait sur le front des luttes d’expansion territoriale depuis l’offensive arabe menée par les armées de Mahomet. Mais bien avant cette offensive cet Empire avait connu de sérieux revers. Rappelons que Constantin fonda la ville de Constantinople le 11 mai 330 et il en fit la capitale de l’Empire romain à la place de Rome. Ses successeurs ne parvinrent pas à maintenir l’unité de l’Empire et celui-ci fut divisé en 395 en deux territoires : l’Empire romain d’Occident centré sur Rome et sur Milan et l’Empire romain d’Orient centré sur Constantinople.

Pendant que l’Empire romain d’Occident luttait contre les tribus germaniques jusqu’à finir par céder sous les offensives des Wisigoths, l’Empire romain d’Orient parvint à maintenir son intégrité et à s’imposer aux pays limitrophes. Étendant son pouvoir jusqu’en Italie c’est là qu’il subit ses premiers revers. Le nord de l’Italie fut conquis en 572 par les Lombards. Vers 580 les Balkans tombèrent sous la domination des Slaves. Sous le règne d’Héraclius (610-641) l’Empire dut affronter ses ennemis les plus dangereux : les Perses puis les Arabes. La guerre contre les Perses, les Sassanides, fut faite de défaites et de victoires. Jérusalem passa sous le pouvoir alterné des uns et des autres. Puis les Arabes occupèrent la Palestine et la Syrie, et ils assiégèrent Constantinople en 717. Ils durent lever le siège mais les Empereurs byzantins se sentirent désormais en danger.

Ils tentèrent de réactiver la puissance fédérative du christianisme mais ils sombrèrent dans des polémiques religieuse épuisantes. A l’époque les chrétiens d’Orient croyaient dans la toute puissance des images saintes : les icônes. Cette croyance était si puissante que les croyants n’accordaient plus aucun rôle religieux aux Empereurs ce qui diminuait leur autorité. Ces derniers attaquèrent le culte des images. L’iconoclasme posa comme principe que vénérer une image était une superstition condamnable, il fallait donc détruire les icônes. L’iconoclasme eut pour effet d’appauvrir l’iconographie de l’art byzantin mais aussi de susciter des violences entre adorateurs des icônes et les iconoclastes.

Consciente du danger de cette interdiction pour la cohésion de son royaume Irène (752-803), impératrice de Byzance, condamna l’ iconoclasme et préféra tenter de nouer des alliances politiques pour se protéger de l’expansion arabe. Elle se rapprocha de Charlemagne, chef de la chrétienté occidentale, lui proposant de réunir les deux Empires chrétiens pour contrer la puissance des Abbassides. Elle lui proposa même de se marier avec lui. Mais Charlemagne n’avait en vue que la lutte contre l’émirat espagnol des Omeyyades. Il préféra s’entendre avec les Abbassides. Irène se retrouva seule.

Ses successeurs réussirent néanmoins à restaurer l’autorité spirituelle de l’Empereur tout en reconnaissant le pouvoir des icônes. Ainsi une nouvelle unité fut créée entre le peuple et ses dirigeants. Il s’ensuivit une renaissance intellectuelle qui se traduisit par la reprise de l’expansion territoriale. Les Byzantins reprirent aux Arabes une partie de la Syrie, puis ils reprirent le contrôle de la Grèce aux Slaves lesquels furent hellénisés et christianisés. Les Byzantins continuèrent leur offensive prosélyte vers le nord, christianisant la Crimée, la Hongrie et la Pologne. Cette christianisation fut menée par deux frères Méthode et Constantin, lequel prendra le nom de Cyrille (827-869). Ce dernier traduisit en slavon les Écritures et pour ce faire il inventa avec son frère un alphabet, le « glagolitique » auquel Cyrille laissera son nom : l’alphabet cyrillique. Ainsi Cyrille guida les Slaves vers une culture d’expression propre, rompant avec la langue grecque qui jusque là prévalait. L’alphabet russe actuel est issu de l’alphabet glagolitique de Cyrille et de l’alphabet grec. Mais c’est le nom de Cyrille qui qualifie désormais l’alphabet russe (alphabet cyrillique).

Basile II (976-1025) consolida ensuite la conquête de la Syrie puis il conquit la Bulgarie. De nouveaux troubles d’ordre spirituel surgirent. Le christianisme de Byzance entra en conflit avec celui de Rome chacun se disputant la suprématie sur la chrétienté. Cette rivalité se termina par le schisme grec de 1054 (schisme signifie en grec : cassure). Depuis ce schisme l’Église catholique est séparée en deux Églises rivales : l’Église catholique romaine et l’Église d’Orient appelée aussi Église grecque ou encore Église orthodoxe (c’est ainsi que les Russes sont des orthodoxes, non des catholiques).

A partir de 1070 les Turcs seldjoukides attaquèrent. Ils volèrent de victoire en victoire. Ils s’emparèrent de l’Asie mineure et envahirent la Palestine. L’empereur de Constantinople Alexis Comnène (1058-1118), malgré le schisme, appela à l’aide la papauté : il s’agissait de défendre la chrétienté contre l’islam. Les Turcs en outre menaçaient d’empêcher l’accès aux Lieux saints de Palestine, lieux de pèlerinages sacrés pour les chrétiens.

Le 17 novembre 1095 à Clermont-Ferrand le pape Urbain II (1042-1099) invita les chrétiens d’Occident à se porter au secours des chrétiens d’Orient et à libérer le tombeau du Christ. Cet appel renouvelé à Nîmes le 28 novembre connut un retentissement considérable. Mais alors que cette invitation était adressée surtout aux nobles et aux chevaliers, des gens du peuple de toutes conditions répondirent en masse à l’appel, galvanisés par des prédicateurs errants. L’un de ces derniers Pierre l’Ermite se déplaçait de village en village et adjurait la population de tout abandonner pour prendre la croix.

Sans attendre la formation de l’armée de barons voulue par le Pape, une croisade de « pauvres » s’organisa, rassemblant en quelques mois des milliers de petites gens qui durant le printemps 1096 se regroupèrent en Rhénanie avant de tracer leur chemin à travers l’Europe jusqu’à l’Empire byzantin et la Palestine.

Bien qu’Urbain II n’eut pas stigmatisé les Juifs dans son appel, toute une propagande anti-juive fut diffusée par de petits aristocrates jaloux de la protection accordée par les puissants aux Hébreux. Ainsi Godefroy de Bouillon (1061-1100) déclara : « Nous parcourons de grandes distances pour trouver notre sanctuaire et pour nous venger des musulmans. Or voyez ici des Juifs parmi nous dont les ancêtres ont tué et crucifié Jésus sans aucune raison. Vengeons-nous d’abord d’eux et éliminons les du sein des nations pour qu’on ne se souvienne plus du nom d’Israël ou bien qu’ils soient comme nous et qu’ils croient dans le fils de Marie »

Conscient du danger encouru par les Juifs, Henri IV, l’Empereur de l’Allemagne, demanda à Godefroy de Bouillon de se rétracter et il demanda aussi aux chefs religieux chrétiens (les évêques) de protéger les Juifs. Mais rien n’y fit. Dès les premiers jours du printemps 1096 les Juifs de Metz furent massacrés ou convertis de force.

Deux personnages entrèrent alors en scène, deux nobles illuminés, le comte Emicho de Flonheim et le comte Voilkmar. Emicho de Flonheim le 3 mai 1096 fit irruption à Spire et il réclama la mise à mort ou le baptême des Juifs. Une dizaine de Juifs furent massacrés mais le reste de la communauté put se réfugier dans le palais épiscopal et échapper au massacre. Le 18 mai 1096 il se rendit à Worms où les Juifs furent massacrés. Quelques-uns échappèrent à la mort en se retranchant dans le palais épiscopal. Mais assaillis de toute part ils choisirent de se donner la mort plutôt que de se convertir.

C’est ainsi que commença une série de suicides collectifs, les Juifs choisissant de mourir plutôt que d’abjurer leur foi. Emicho de Flonheim pénétra à Mayence le 25 mai 1096 et massacra la population juive : la grande métropole israélite de Rhénanie fut alors rayée de la carte. Deux jours plus tard il rentra à Cologne d’où les habitants juifs étaient partis, dispersés à temps dans plusieurs bourgades par l’évêque Hermann. Mais Emicho parvint à retrouver leurs traces et il les massacra de village en village. Ainsi, pendant tout le mois de juin, Emicho et ses troupes exterminèrent tous les Juifs qu’ils purent trouver dans tous les villages et villes qu’ils traversèrent. Arrivé en Hongrie Emicho fut arrêté par les autorités du pays qui obligèrent les croisés à se disperser. Il fut remplacé par le comte Woilkmar qui, parti de Rhénanie, choisit une route qui passait par la Bavière et la Bohême. Il entra à Prague dont il extermina la population juive. Il fut à son tour arrêté par les Hongrois. Les croisés arrivèrent enfin devant Constantinople. Alexis Comnène horrifié par cette foule fanatisée ferma les portes de la ville. Livrée ainsi aux Turcs cette première vague de pauvres hères fut exterminée par les Seldjoukides.

Mais une autre vague de croisés, composée de chevaliers et de vrais guerriers, était déjà en route vers la Palestine.

Toujours ma pensée est avec toi, comme ta pensée aussi m’accompagne

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Lettre 54-2

30 mars 2019

Samuel,

La première croisade : suite et fin

La croisade des barons fut beaucoup mieux préparée que celle des « pauvres » gens.

Quatre groupes convergèrent vers Constantinople. Godefroi de Bouillon commandait les chevaliers de France du Nord et de Basse Lorraine, Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse et le légat (représentant) du Pape, Adhémar de Monteil, commandaient les troupes du Midi de la France, Bohémond de Tarente commandait les Normands de Sicile, Étienne de Blois et Robert de Normandie commandaient les troupes venues du centre de la France. Les croisés étaient donc essentiellement des Francs.

Ils arrivèrent tour à tour à Constantinople. Ils assurèrent Alexis Comnène de leur loyauté et de leur soutien non sans lui opposer leur propre autonomie d’action. Puis ils partirent vers Jérusalem afin de libérer les Lieux saints. En fait ils eurent vite fait de se livrer à des opérations de conquêtes de territoires ce qui les brouilla avec les Byzantins.

L’armée franque arriva devant Jérusalem le 7 juin 1099. La ville résista mais elle fut rapidement débordée. Le 15 juillet 1099 les croisés rentrèrent dans Jérusalem. L’horreur s’abattit sur la ville. La garnison musulmane fut exterminée, des centaines de Juifs furent brûlés vifs dans les synagogues. Godefroi de Bouillon devint « l’avoué » du Saint-Sépulcre (le tombeau du Christ) c’est-à-dire le nouveau roi de Jérusalem même s’il déclina le mot « roi » au profit de celui « d’avoué ». Mais il vint à mourir pendant le siège d’Acre (une ville côtière). Le 25 décembre 1100 son frère Baudouin fut sacré premier roi de Jérusalem.

Les villes de la côte tombèrent progressivement sous la domination des croisés si bien que le nouveau roi devint le suzerain d’un royaume qui comprenait la ville sainte, des villes côtières et des territoires de l’intérieur des terres. Il devint aussi le suzerain de petits États latins créés par des princes à Antioche, à Edesse (à l’est d’Antioche) et à Tripoli (ville côtière). Ce royaume latin de Jérusalem devait durer jusqu’en 1187 date à laquelle arriva un nouveau conquérant venu de l’Est : Saladin.

Les Juifs furent à nouveau interdits de résidence à Jérusalem mais dans les autres villes et territoires ils furent traités de la même manière que les autres populations locales, ils purent continuer d’exercer librement leur culte.

Cette lettre courte te permettra de compléter la lettre précédente et de tenir ta prochaine conférence à l’atelier.

Je t’aime, je suis fier de ta capacité à transmettre à ton auditoire tout ce que dont je t’informe.

Je pense à toi, toujours,

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 55

6 avril 2019

Samuel,

XII siècle

En Espagne à partir de 1147 les Almohades autre dynastie berbère venue du Maroc remplacèrent les Almoravides. Ils abrogèrent le régime de reconnaissance et de protection des religions du Livre et imposèrent l’adoption de l’islam (les religions du Livre sont le judaïsme et le christianisme, le Livre est la Bible). Les Juifs furent encore plus nombreux à fuir devant cette nouvelle invasion que devant celle des Almoravides. Ils trouvèrent refuge dans le royaume chrétien d’Espagne, en Provence, en Italie ou en Égypte. Ceux qui restèrent durent afficher leur conversion à l’islam mais dans la réalité ils continuèrent de pratiquer leur religion en cachette. Mais au fil des ans les Almohades accentuèrent leur pression sur les convertis juifs afin de les forcer à abandonner toute trace de leur identité religieuse. Les Juifs ne purent plus exercer des activités commerciales ni jouir des biens reçus en héritage de leurs ancêtres. Toutes ces dispositions les poussèrent à partir définitivement d’Andalousie ainsi que du Maghreb alors dominé par les Almohades.

Feignant d’ignorer le passé antijuif de l’Espagne wisigothique les souverains espagnols les accueillirent à bras ouverts. Ils virent en eux des alliés dans leur lutte contre les musulmans. Ils leur accordèrent en échange d’un impôt leur protection en même temps qu’une entière autonomie interne en matière religieuse et judiciaire. Ils leur octroyèrent des avantages matériels : champs de blé, oliveraies, vignobles, esclaves, échoppes, maisons pour les encourager à s’établir chez eux et contribuer ainsi au repeuplement des zones reprises aux musulmans. S’imposant par leurs compétences intellectuelles et leur caractère industrieux les Juifs furent nombreux à être cultivateurs, interprètes, médecins, collecteurs des impôts, trésoriers et fournisseurs des princes. Ainsi une élite de grands commis parlant et écrivant l’espagnol, l’arabe et l’hébreu accumulèrent richesses et privilèges, disputant aux nobles les faveurs des rois et des princes chrétiens. Cette concurrence vaudra aux Judéens de solides jalousies qui, parfois, engendrèrent des actes de persécution. Nous retrouvons là la violence des petits aristocrates français et allemands lors de la première croisade, qui, s’appuyant sur le peuple qu’ils endoctrinaient, finirent par massacrer les Juifs. A l’origine donc les violences perpétrées contre les Judéens relèvent surtout de la jalousie nourrie contre eux par des classes moyennes, furieuses d’être supplantées par une élite plus compétente qu’eux donc plus appréciée des barons, des princes et des rois.

Il convient de comprendre pourquoi tant de puissants dans nombre de Royaumes dans l’Histoire appelèrent les Juifs pour les épauler. Les Judéens étaient certes compétents grâce à leur inclination puissante pour l’écrit, mode privilégié de transmission des connaissances et des valeurs, mais aussi ils ne pouvaient pas s’appuyer sur un royaume qui leur fut propre puisqu’ils avaient perdu leur patrie d’origine, enfin, ils n’étaient pas nombreux. Ainsi ils ne risquaient pas d’être dangereux et les rois pouvaient toujours se dire qu’ils pourraient sans danger se séparer d’eux en cas de problèmes.

En Égypte, toujours dominée par les Fatimides la communauté juive connut une période de tranquillité grâce à sa bonne entente avec les dirigeants. Nombre de Juifs d’Espagne s’y réfugièrent afin de pouvoir pratiquer leur religion à ciel ouvert. Menacés par Amaury Ier, roi latin qui régna à Jérusalem de 1162 à 1174, les Fatimides appelèrent à l’aide les Zangides installés à Alep en Syrie. Les Zangides étaient une dynastie fondée par le turc Zangi, un vassal des Seldjoukides. Les Zangides envoyèrent à leur tour l’un de leur vassal, le kurde Chirkuh Asad al-Din « le Lion de la religion » épauler les Fatimides. Les troupes d’Amaury se retirèrent. En 1169, à la mort d’ Asad al-Din, devenu vizir d’Égypte, son neveu Salah al-Din al-Ayyubi, dit Saladin, devint lui-même vizir. Il parvint à s’affranchir des Zangides et des Fatimides et il fonda sa propre dynastie, celle des Ayyubides, Nous avons vu, lettre 51, que les Fatimides étaient une branche chiite de l’islam. Saladin rétablit l’autorité de la branche principale de l’islam, branche appelée : sunnisme (lettre 51). Malgré ces évènements la communauté juive d’Égypte ne fut pas inquiétée.

Un homme se distingua en Égypte : Maïmonide l’un des plus importants savants juifs du Moyen Age. Il naquit à Cordoue en 1138. Pour répondre à l’exigence des Almohades sa famille se convertit à l’islam mais elle continua de pratiquer le judaïsme en cachette. En 1166 la famille arriva à Alexandrie, reprit sa religion, puis Maïmonide s’établit à Fustat (vieux Caire). Il devint médecin à la cour du vizir puis en 1199 il devint le médecin personnel d’Al-Afdal le fils de Saladin. En 1204 il mourut à Fustat.

Maïmonide est l’auteur d’un commentaire de la Michna écrit en arabe : « Mishné Torah » qui récapitule toute la législation rabbinique dans le cadre d’un exposé de consultation commode, plus accessible que le Talmud. Il a écrit aussi « le Guide des Égarés » effort le plus abouti de synthèse entre la tradition spécifiquement juive et le savoir scientifique, essentiellement aristotélicien.

Il systématisa les dogmes du judaïsme (les principes fondamentaux) et il sut montrer un esprit d’ouverture que les libéraux reprendront plus tard à leur compte. Il a ainsi relativisé les règles de la cacherout (pensant que certaines règles n’avaient été édictées que par opposition à des rites idolâtres) et, comme médecin, il lui arriva de conseiller des aliments interdits par la religion. Il démontra là un esprit libre capable d’interprétation et de nuance et non d’asservissement aveugle à la lettre de la Loi.

En Palestine, dans le royaume latin, les barons européens et leurs troupes s’y plurent. Ils s’acclimatèrent à la région et allèrent jusqu’à prendre femme parmi les Arméniennes, les Syriennes ou les Galiléennes. L’islam fut toléré, le judaïsme aussi même si, nous l’avons vu, les Hébreux ne pouvaient plus s’installer à Jérusalem.

Mais face aux Francs va s’élever Zangi, le vassal des Seldjoukides. Les Zangides prennent les armes et reprennent Edesse aux croisés. Ils s’attaquèrent à Jérusalem mais ne parvinrent pas à la conquérir.

Cette attaque provoqua l’organisation de la deuxième croisade. Elle prit corps en 1146, menée par Louis VII, roi de France et Conrad III, roi de Germanie. Mais sur 25 000 chevaliers, 5000 seulement arrivèrent à Jérusalem, décimés par les Turcs. Les survivants ne s’entendirent pas entre eux, trop occupés à vouloir conquérir de nouvelles terres plutôt que de défendre la ville sainte. Ils furent mis en déroute et ils revinrent chez eux.

Saladin dont nous avons vu qu’il avait pris le pouvoir en Égypte, se donna le titre de sultan et attaqua à son tour Jérusalem. En 1187 il s’empara de la ville mais ne commit aucune exaction : il n’ y aura pas d’effusion de sang. Puis il commença à reprendre les villes côtières.

Du coup, en 1190 une troisième croisade fut organisée, conduite par Philippe Auguste, roi de France, Richard cœur de lion, roi d’Angleterre et Frédéric Barberousse, empereur germanique. Ce dernier mourut juste avant d’affronter Saladin en se noyant dans un fleuve d’Anatolie. Les croisés reprirent Saint-Jean-d’Acre sur quoi Philippe Auguste revint en France. Richard assiégea Jérusalem mais il ne put la reprendre à Saladin. Une paix de compromis fut signée le 3 septembre 1192. Les Francs conservèrent la zone côtière de Tyr à Jaffa en passant par Saint-Jean-d’Acre, qui devint la nouvelle capitale du royaume croisé. Saladin garda Jérusalem et les terres intérieures.

Les communautés juives purent mener leurs pratiques religieuses et leurs activités de marchands et d’artisans dans le nouveau royaume latin de Saint-Jean-d’Acre. Dans les montagnes de Galilée les anciens Hébreux qui s’y étaient réfugiés (voir lettre 43) continuaient de mener leurs activités agricoles. Une petite communauté vivait toujours à Tibériade, capitale de la principauté de Galilée. Par ailleurs Saladin autorisa et encouragea les Juifs à revenir à Jérusalem ce qui permit la reconstitution d’une communauté. Saladin mourut en 1193.

En Europe après la flambée de violence aveugle exercée par des foules en proie à un antijudaïsme exacerbé par des prédicateurs enflammés les Juifs reprirent leur place. Beaucoup avaient en outre été sauvés par les représentants du pouvoir en place, qu’ils furent politiques ou religieux. C’est ainsi qu’Henri IV et ses évêques permirent à ceux qui s’étaient convertis pour se sauver du massacre de revenir à leur foi antérieure. Les Juifs furent rétablis dans leurs droits et ils reconstituèrent leurs communautés aussi bien en France qu’en Allemagne. Dans le midi de la France affluèrent aussi les Judéens venus d’Espagne, fuyant devant les Almohades. Ils créèrent de brillantes communautés, toutes d’origine séfarade (c’est-à-dire originaires d’Espagne).

L’attitude conciliante des puissants vis-à-vis des Juifs fut incarnée par Bernard de Clairvaux le moine qui encouragea la deuxième croisade et qui déclara : « Montons vers Sion au tombeau de notre Sauveur, mais gardons nous de parler aux Juifs ni en bien ni en mal, car les toucher c’est toucher à la prunelle de l’œil de Jésus, car ils sont ses os et sa chair »

Mais, progressivement, les Judéens durent quitter leurs activités, d’abord celle d’agriculteurs car il leur fut interdit d’utiliser de la main d’œuvre chrétienne, puis celle de marchands, supplantés par les marchands italiens qui avaient repris à leur compte le commerce mondial à l’occasion de la première croisade et enfin celle d’artisans car ils furent rejetés des corporations désormais réservées aux seuls chrétiens. Du coup ils se concentrèrent sur la seule activité qui leur fut permise : le prêt d’argent. L’Église rejetait les prêts d’argent surtout lorsqu’ils étaient destinés à l’acquisition de biens de consommation, elle considérait le prêt avec intérêt comme un péché, l’intérêt exigé par le prêteur lui paraissant injustifié. Mais cette activité n’avait rien d’infamant au regard de la Halakha. Néanmoins en se saisissant de cette activité les Juifs se firent mal voir. Progressivement Juif et usurier vont finir par ne faire qu’un ce qui affectera beaucoup l’image du Juif.

Je pense à toi, mon attention est toujours éveillée pour toi,

Je t’embrasse très fort,

Je t’aime,

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Membre, Le prendre au sérieux, nuit gravement à la santé, Posté(e)
azad2B Membre 5 932 messages
Le prendre au sérieux, nuit gravement à la santé,
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Quand on parle de trigonométrie à un jeune élève fut-il pur produit d'une imagination délirante, et que cet élève se trouve être scolarisé dans une prestigieuse école de la cote Est des Etats Unis, on se doit de respecter le système et la terminologie utilisé aux USA.

Et dans ce blablabla sans intérêt aucun, nulle part il n'est question de Sécante et de Cosécante, alors que ces deux grandeurs sont couramment utilisées là-bas.

Cette lacune montre bien que le Samuel en question a tout de l'ectoplasme et qu'il n' a donc sollicité aucune aide de ce qui se prétend être son professeur.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Lettre 56

26 avril 2019

Samuel,

 

XIII siècle

 

Première partie


En Espagne les souverains catholiques engagèrent la Reconquista, la reconquête de la totalité du territoire espagnol. En 1212, ils remportèrent une victoire décisive sur le site de Las Navas de Tolosa, situé entre Cordoue et Tolède. En 1232 c’est la fin du pouvoir almohade. Seule une dynastie arabe musulmane, les Nasrides, parvint à tenir sous son contrôle le petit royaume de Grenade. Moyennant le paiement d’un tribut les souverains catholiques acceptèrent leur présence.

Comme au douzième siècle (voir lettre 55) les Juifs furent bien traités. Il continuèrent à s’imposer dans des professions de choix et à exercer librement leur culte.

Néanmoins les ecclésiastiques (membres du clergé catholique) menèrent une charge idéologique contre eux. Un missionnaire dominicain (les Dominicains sont un ordre religieux catholique chargé de convertir les hérétiques) Raymond Martin, installé à Tolède, publia en 1278 un ouvrage intitulé « la Dague de la foi contre les musulmans et les Juifs » destiné à démontrer aux Juifs la vérité du christianisme à partir de leurs propres textes. Même si ces attaques ne parvinrent pas à déclencher en Espagne des mesures de rétorsion grâce à la protection des régnants, cette charge annonça les persécutions anti-juives qui commencèrent à éclater au quatorzième siècle.

A Gérone, en Catalogne, au début du siècle, se forma un important groupement kabbaliste comptant de grandes personnalités religieuses. Présentant la Kabbale comme une interprétation symbolique du judaïsme à travers les théories des sefirot et du guilgoul, ils se considéraient comme les vrais seuls gardiens de la Tradition. Leurs idées donnèrent naissance à un nouveau courant religieux embrassant expérience mystique et métaphysique : la Kabbale extatique, dont l’un des principaux chefs fut Abraham Aboulafia de Saragosse (1240-1292). Puis entre 1280 et 1286 Moïse ben Shem-Tov de Léon rédigea à Guadalajara en Castille le Séfer Ha-Zohar, le « Livre de la splendeur », l’ouvrage principal de la mystique juive. La parution du Zohar accéléra la diffusion des idées de la Kabbale en Espagne, puis en Provence, en France, puis en Rhénanie, en Allemagne.

Sefirot : désigne les dix nombres primordiaux, manifestation des attributs de l’essence divine. Les dix sefirot sont : la Couronne suprême, la Sagesse, le Discernement, la Force ou Rigueur, la Grâce, la Splendeur, la Victoire, la Majesté, le Fondement du Monde et le Royaume.

Guilgoul : réincarnation ou transmigration des âmes en différents corps.


En Europe, en 1199 le pape Innocent III (1198-1216) établit les fondements légaux de la protection des Juifs en rappelant qu’ils ne devaient subir aucun préjudice du fait de leur religion. Mais il dénonça en même temps leur incroyance et leur entêtement à ne pas se convertir.

Au quotidien Juifs et chrétiens s’entendaient bien. Ils habitaient souvent les mêmes immeubles, partageaient à l’occasion la même nourriture malgré les interdits religieux et entretenaient même des relations amoureuses. Intellectuels juifs et chrétiens discutaient ensemble, comparaient leurs visions respectives du monde, associaient les musulmans à leurs réflexions en Espagne.

Cette entente ne plut pas aux autorités religieuses catholiques qui y virent une menace contre la permanence de leur autorité. Innocent III en vint à condamner toute proximité entre Juifs et musulmans d’un côté et chrétiens de l’autre. Il introduisit l’obligation pour les Juifs de porter un signe distinctif afin de permettre et d’aider à empêcher leur mixité. En France le signe choisi fut une petite roue (rouelle) de couleur écarlate ou jaune, en Allemagne et en Autriche ce fut un chapeau conique puis un couvre-chef jaune. Il interdit également l’usure à des taux excessifs ainsi que toute fonction d’autorité d’un Juif sur un chrétien.

Les Juifs subirent aussi un autre changement juridique d’envergure : ils devinrent propriété légale des rois et des seigneurs. Si ce changement parut leur assurer une protection plus efficace ils perdirent aussi beaucoup de leur autonomie. Quand les rois eurent à arbitrer entre les intérêts juifs et les intérêts chrétiens, ils n’hésitèrent pas à sacrifier les Juifs, bien moins influents sur le plan démographique que les sujets chrétiens du roi. Ainsi en France Philippe Auguste (1180-1223) en vint à annuler les dettes des chrétiens envers les Juifs et il alla jusqu’à s’emparer de leurs biens.

Les difficultés de vie de l’époque incitèrent aussi nombre de petits possédants nobles et religieux à jeter l’opprobre contre les Juifs comme dérivatif aux frustrations sociales populaires. De nombreuses rumeurs coururent dont celle de pratiquer des meurtres rituels en sacrifiant de jeunes enfants chrétiens à la veille de Pessah pour commémorer le rituel du sacrifice de l’agneau (voir lettre 15 deuxième partie, section 1). Ou encore, devant l’avance des Mongols à l’est de l’Occident, certains y virent le retour des dix tribus perdues d’Israël venues délivrer leurs frères européens du joug chrétien. D’autres rumeurs encore furent inventées et malgré l’intervention des papes et des régnants pour les condamner elles continuèrent de diffuser dans le peuple, entraînant de plus en plus de persécutions spontanées.

Un autre phénomène vint alourdir la condition des Juifs : l’apparition d’hérésies au sein même du catholicisme français. Des sectes dissidentes essaimèrent, la plus importante étant celle des Cathares, dans le sud de la France. Devant le danger de sécession de populations entières, en 1229, le pape mit en place l’Inquisition. L’Inquisition fonctionnait comme un tribunal d’exception chargé de traquer partout les hérétiques. Toute personne soupçonnée d’hérésie était poursuivie, la torture était employée pour faire avouer aux prévenus leur dissidence d’esprit. C’est ainsi que les Cathares furent exterminés par les catholiques respectueux des dogmes papaux. Cette chasse aux hérétiques, dissidents du catholicisme, rejaillit sur les Juifs. Les Inquisiteurs étudièrent tous les écrits juifs et considérèrent que le Talmud contenait des textes blasphématoires contre le catholicisme. Des autodafés furent organisés, c’est-à-dire que les talmuds possédés par les Juifs furent saisis et brûlés en place publique. Cette diabolisation incessante des Juifs déboucha dès le début du quatorzième siècle sur des persécutions et des bannissements de communautés entières de Juifs aussi bien en Angleterre qu’en France.

Il faut noter l’étonnant règne de Frédéric II de Hohenstaufen en Allemagne au début du siècle. Couronné empereur en 1220 à Rome, régnant à la fois sur l’Allemagne et la Sicile, domaines qui intégraient les terres de l’Italie du Nord et du Sud, il se considérait comme l’héritier des empereurs de la Rome Antique. Il s’attacha à construire un État puissant et centralisé. Il résida à Palerme, où, entouré de savants arabes musulmans, de Juifs et de chrétiens il discutait des sciences de ce monde. Il voulait construire un empire universel qui synthétisa en lui les visions de l’islam, du judaïsme et du christianisme.

Cette ambition lui fut funeste. Elle le détourna de la gestion effective de ses territoires ce qui permit aux princes ecclésiastiques et laïcs de s’arroger de plus en plus de pouvoirs locaux. C’est ainsi qu’à sa mort, en 1250, son empire vola en éclats. L’Allemagne s’émietta en centaine d’états, chacun, petit ou grand, ne songeant plus qu’à se rendre indépendant.

Son universalisme religieux exaspéra en outre la papauté occupée à imposer le christianisme aux autres religions. Le pape voulait aussi récupérer Jérusalem reprise par Saladin (voir lettre 55). Il organisa pour cela une quatrième croisade dont nous parlerons ci-après. Mais Frédéric n’y participa pas. Au contraire il s’allia avec le prince musulman qui régnait alors sur Jérusalem, al-Kamil, et grâce à un traité signé avec ce dernier en 1228 il réussit à rendre Jérusalem et les lieux saints aux chrétiens. Mais cette alliance avec les musulmans entraîna un ressentiment violent de la chrétienté européenne contre lui. Le pape l’excommunia, ses armées finirent par céder devant l’adversité, Jérusalem fut reprise par les musulmans en 1244, et il mourut en 1250, sans avoir pu transmettre sa foi en un monde universel. Bien que sa vie fut en définitive un échec, il impressionne encore aujourd’hui les esprits par l’envergure de son ambition.

 

Je t’embrasse avec amour,

Je pense à toi toujours,

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Lettre 56 – deuxième partie

28 avril 2019

Samuel,

 

(XIII siècle)

En Mésopotamie (voir lettre 52) régnaient toujours à Bagdad les Seldjoukides tandis qu’un califat abbasside continuait de tenir le rôle représentatif de Commandeur des croyants. Mais les Seldjoukides étaient désormais éclatés en nombreuses petites dynasties turques locales ce qui affaiblissait le pouvoir central de Bagdad.

A l’est du monde occidental, naquit, entre 1155 et 1157, en Mongolie, un homme qui construisit en quelques décennies un empire à la puissance inégalée : Temüdjin qui régna sous le nom de Gengis Khan.

Fils selon la légende du Loup bleu et de la Biche fauve, en réalité fils d’une tribu dominante mongole, il connut une enfance misérable suite à des conflits inter-tribaux. A 15 ans il revint en grâce près du régnant. Alors s’appuyant sur son énergie, son charisme et son génie militaire, il fédéra sous son autorité toutes les tribus mongoles. Réunis en assemblée les chefs de tous les clans lui prêtèrent hommage et lui firent allégeance en le reconnaissant Tchingiz Khagan, c’est-à-dire Roi de l’Univers. [Khan signifie : dirigeant et Gengis signifie : universel].

Il engagea aussitôt une conquête fulgurante. A la tête d’une armée de cavaliers infatigables, rapides et insaisissables, experts dans le maniement de leurs arcs, Gengis Khan conquit la Sibérie et la Chine puis il se projeta vers l’ouest. Il conquit la Transoxiane, l’Afghanistan puis la Perse. Il mourut au cours d’une opération militaire en 1227. [La Transoxiane est formée actuellement par l’Ouzbékistan et le sud-ouest du Kazakhstan].

L’un de ses petit-fils, le prince Houlagou poursuivit la conquête. Il occupa totalement la Perse, puis il s’empara de Bagdad en 1258. Il exécuta le calife, abolit le califat et dispersa les Seldjoukides. La destruction du califat marqua ainsi la fin d’une longue ère d’exception pour les Arabes.

Les Mongols tentèrent de nouvelles percées à l’ouest mais ils furent arrêtés par un chef mamelouk (voir ci-après). Du coup ils arrêtèrent là leur conquête et ils se replièrent en Perse où ils fondèrent un royaume dont la Mésopotamie devint une simple province. Ce statut subalterne entraîna l’effondrement du pouvoir civil de Bagdad et la ruine des ouvrages d’irrigation qui faisaient jusque-là la richesse agricole de la région. La Mésopotamie rentra dans une phase de déclin prolongée.

La communauté juive qui rayonnait jadis en Mésopotamie connut aussi un déclin marqué. Dans un premier temps elle parvint à tenir des positions importantes dans la nouvelle administration mongole, mais après le repli de ceux-ci sur la Perse, dans leur capitale Maragha, son chef Sa’ad al-Dawla connut la disgrâce, et la communauté n’eut plus qu’un rôle local marginal.

L’empire byzantin et la quatrième croisade. Le pape Innocent III (voir première partie de cette lettre) voulait reconquérir Jérusalem. Galvanisés par le prêche de Foulques de Neuilly, curé de Neuilly, 30 000 hommes répondirent à l’appel du pape. Conduits par les comtes de Flandre et de Champagne ils choisirent de partir de Venise pour rejoindre le Moyen-Orient par la voie maritime. Les Vénitiens acceptèrent de fournir les vaisseaux contre une somme de 85 000 marcs d’argent. Mais quand les Croisés se réunirent à Venise en 1202 pour le départ, ils n’étaient plus que 10 000 et il manquait 51 000 marcs. Pour paiement les Vénitiens exigèrent des Croisés la prise de Zara (aujourd’hui Zadar) ville située sur la côte croate, appartenant alors au royaume de Hongrie, ce que firent les Croisés le 24 novembre 1202.

C’est alors qu’ Alexis IV Ange, le fils de l’empereur Isaac II de Constantinople qui venait d’être destitué par son frère, demanda aux Croisés d’intervenir et de rétablir son père dans ses droits contre le paiement de 200 000 marcs, la fourniture de 10 000 hommes et la promesse d’œuvrer pour la réunification des deux Églises chrétiennes, la catholique (Rome) et l’orthodoxe (Constantinople). Le 23 juin 1203 les Croisés arrivèrent devant Constantinople, assiégèrent la ville, l’investirent puis rétablirent Isaac II dans ses droits. Mais au lieu de partir conquérir Jérusalem ils décidèrent de démembrer l’empire byzantin et de partager les terres avec les Vénitiens, non sans au passage s’interdire de piller Constantinople. Il s’ensuivit une guerre d’usure contre les Byzantins. S’en était fini de l’objectif initial des Croisés : reprendre Jérusalem.

En 1261 un prince grec, Michel Paléologue reprit Constantinople, une partie de l’Asie mineure et les terres européennes de l’Empire. Cet épisode affaiblit l’empire byzantin et profita aux républiques italiennes de Venise et de Gênes qui parvinrent à garder les îles méditerranéennes de l’Empire.

En Palestine, Jérusalem, nous l’avons vu dans la première partie de la lettre, fut rendue aux Croisés grâce à l’intervention de Frédéric II de Hohenstauffen. Les Juifs furent à nouveau interdits de séjour. Néanmoins en 1236 les chrétiens les autorisèrent à effectuer des pèlerinages dans la ville, ils autorisèrent aussi à un unique juif teinturier de s’y établir.

En 1244 les Turcs reprirent Jérusalem, massacrèrent les chrétiens et replacèrent la ville sous l’autorité du Caire. Cet événement convainquit Louis IX, roi de France, dit Saint-Louis, de lancer une nouvelle croisade. Les Croisés, essentiellement français, conduits par le roi, prirent la mer en 1248. Ils débarquèrent en Égypte, s’apprêtèrent à prendre Mansourah ville du delta du Nil quand le sultan ayyubide en exercice vint à mourir. Alors la veuve de ce dernier, Chagaret ed-Dorr, courageuse et audacieuse, cacha la mort de son mari, puis, accompagnée par sa garde militaire, les Mamelouks, elle prit les armes et repoussa les Croisés. Saint-Louis dut se replier, se contentant de laisser des troupes à Acre avant de repartir en France en 1254.

Au Caire les Mamelouks, esclaves turcs, grecs, albanais et slaves, éduqués à faire la guerre, formant une garde prétorienne attachée au service du sultan, assassinèrent l’héritier du dernier ayyubide et prirent le pouvoir. Ils le gardèrent jusqu’à l’expédition de Bonaparte en 1798.

En 1260 c’est au tour des Mongols d’attaquer et de prendre Jérusalem. Baybars (1223-1277), un mamelouk, les vainquit et reprit la ville. C’est donc Baybars qui stoppa la fantastique chevauchée des Mongols. Il permit aux Juifs de revenir en plus grand nombre dans la ville. Ceux-ci y créèrent une petite communauté de teinturiers.

Revenu au Caire, Baybars s’empara du pouvoir et se proclama sultan. Sa victoire sur les Mongols fit de lui une légende dont les conteurs retracèrent la vie dans le Roman de Baybars, vaste ouvrage de dix volumes.

Au Caire il institua un État centralisé qui finit par réunir sous son autorité l’Égypte, la Palestine et la Syrie. Il invita dans la capitale un survivant de la famille des Abbassides, assassinés par les Mongols à Bagdad, et il le nomma calife, bien que ce titre resta surtout honorifique. Ainsi Baybars créa au Caire une nouvelle Bagdad structurée comme l’était jadis, avant sa chute, la capitale flamboyante des Seldjoukides.

Progressivement les Mamelouks reprirent aux Croisés tous les États latins de Palestine. Césarée tomba en 1265, Safed, Jaffa et Beaufort tombèrent en 1268. Du coup Saint-Louis devenu le roi le plus puissant d’Europe après la mort de l’Empereur Frédéric en 1250, se considérant comme le défenseur de la chrétienté, décida de partir à nouveau en croisade.

Il appareilla en 1270 à destination de la Tunisie, dans l’espoir d’obtenir le soutien de l’Émir de la ville. Mais arrivé à Tunis Louis IX dut déchanter. L’Émir se refusa à l’aider, le siège de Tunis s’ensuivit. Alors la peste s’abattit sur les Croisés. Le fils du roi mourut, Saint-Louis mourut à son tour. Cette croisade tourna au cauchemar. Seul Édouard Ier, roi d’Angleterre qui accompagnait le roi de France, parvint à Acre pour fortifier la ville.

Les Mamelouks continuèrent leur guerre de reconquête. Tripoli tomba en 1289, puis Acre, dernier bastion de résistance chrétienne, tomba en 1291. S’en fut fini de la présence latine en Palestine. Quant aux Juifs de Saint-Jean-d’Acre ils furent dispersés dans le pays.

 

J’espère que cette lecture t’aura plu, je pense toujours à t’enchanter quand je t’écris,

Je t’aime,

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Membre, Agitateur Post Synaptique, 56ans Posté(e)
zenalpha Membre 21 846 messages
56ans‚ Agitateur Post Synaptique,
Posté(e)
Le 21/04/2019 à 09:12, satinvelours a dit :

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Couille dans le potage sur exo 84 Samuel

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, zenalpha a dit :

Couille dans le potage sur exo 84 Samuel

En tout cas, merci : j'en ai profité pour revoir les sinus, cosinus... etc !

Je vous rassure j'ai pas refait les calculs pour savoir où était la couille en question. Ni même s'il y en avait une. Mais comme la figure était pas trop mal faite, (à part l'angle droit qui n'était pas trop droit), le résultat était surprenant. Il faut un peu faire confiance à ses sens parfois ? (Entre autres)

"Faire partout des dénombrements si complets des revues si générales que je fusse assuré de ne rien omettre."

(Descartes)

Modifié par Blaquière
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