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Lettres à Samuel

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aliochaverkiev

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Lettre 60-23


29 mars 2020,


Samuel,


XVII siècle


Histoire de la communauté juive


F) Kaifeng

En juin 1605 Ai Tian, âgé de 60 ans, vêtu d’un long manteau de soie avec un chapeau de mandarin arriva à Pékin. Il venait de Kaifeng, dans la province de Henan, à quelque sept cent cinquante kilomètres de là, sur le fleuve Jaune. Il espérait obtenir dans la capitale un poste de directeur des écoles. Il avait entendu dire que se trouvait à Pékin une petite secte d’étrangers qui croyait en un Dieu unique et indivisible. Il rencontra le chef de cette communauté, Li Madou, qui était en fait un européen appelé Matteo Ricci dans son pays d’origine, l’Italie.

Ai Tian décrivit à Li Madou l’architecture du temple de la Pureté et de la Vérité de Kaifeng qui se trouvait, précisa-t-il à l’angle de la rue du marché de la terre et de la rue du sanctuaire du dieu du feu. Intrigué Mario Ricci, alias Li Madou écouta. Ai Tian décrivit les deux grands lions postés de chaque côté de la porte du temple. Cela ne troubla pas Li Madou tant les statues de lion étaient habituelles en Chine. Mais quand Ai Tian ajouta que, bien sûr, ces lions gardaient le temple de Jérusalem, alors Li Madou écarquilla les yeux et se demanda si son interlocuteur n’était pas juif à moins, pensa-t-il, que ce ne fut un chrétien si isolé depuis si longtemps à Kaifeng qu’il était retourné au culte originel judéen. Ai Tian en vérité était bien juif. Il était lui-même persuadé que Ricci était juif. Mais Ricci n’était pas juif, Ricci était un jésuite venu à Pékin évangéliser les Chinois.

Matteo entraîna Ai Tian dans la chapelle de la mission, et s’agenouilla devant deux peintures représentant l’une la Vierge Marie à l’Enfant (Jésus) et l’autre Saint-Jean-Baptiste (un personnage du Nouveau testament). Ai Tian fut surpris de voir un juif s’agenouiller devant des images, comportement propre aux païens, mais il ne dit mot et fit même une révérence. Puis il s’extasia devant la Vierge qu’il prit pour Rebecca, devant Jésus qu’il prit pour Jacob et devant Baptiste qu’il prit pour Esaü. Matteo fut encore plus déconcerté quand Ai Tian prit les effigies des douze apôtres de Jésus pour les fondateurs des douze tribus d’Israël. Il comprit alors définitivement que Ai Tian était bien juif.

Mais il ne se dévoila pas pour autant. Il fit parler son hôte et il apprit ainsi que vivait à Kaifeng une communauté de 2000 juifs installés là depuis le X siècle, anciens marchands de la Route de la Soie. Ricci se dit que Dieu avait mis Ai Tian sur sa route afin de le convertir car n’était-il pas écrit que le Messie (Jésus) reviendrait lorsque tous les Juifs auraient été enfin convertis ?

En 1607 Ricci envoya deux convertis (catholiques) chinois à Kaifeng pour parlementer avec le rabbin Abishaï et lui expliquer qu’il pouvait mettre à sa disposition non seulement des textes hébreux précieux pour les Juifs mais aussi un Nouveau Testament encore plus précieux. Mais le rabbin ne comprit pas que Ricci était catholique. Il le prit pour un juif égaré et excentrique. Impressionné par l’érudition de Ricci il lui proposa de prendre sa relève comme rabbin de la communauté, vu que lui, Abishaï, se faisait vieux. Il rappela tout de même à Ricci qu’il fallait qu’il renonçât à manger du porc et qu’il se souvînt que le Messie ne viendrait que dans dix mille ans, tout le monde le savait sauf apparemment Ricci. Les jésuites de Pékin comprirent alors qu’ils ne parviendraient pas à convertir les Judéens de Kaifeng et qu’il valait mieux que chaque communauté continuât son chemin en toute indépendance.

La petite communauté juive de Kaifeng vivait donc depuis des siècles au milieu d’une ville d’un million d’habitants, ancienne capitale de la dynastie des Song, sans jamais avoir été inquiétée. Elle avait gardé toutes les traditions juives, elle observait les commandements et les fêtes sans toutefois se référer aux recommandations rabbiniques du Talmud qu’elle ne connaissait pas. Les Juifs de Kaifeng vivaient libres et paisiblement sur les rives du fleuve Jaune. Ils étaient agriculteurs, marchands, boutiquiers, médecins, artisans, parfumeurs, soldats, ouvriers ou porteurs. Certains étaient aussi des lettrés et des mandarins employés dans l’administration de l’Empire.

Le drame de leur histoire, au XVII siècle, fut le siège de leur ville par une armée de rebelles mandchous, en 1642, sous le règne du dernier empereur Ming. Au cours du siège des brèches furent ouvertes dans les digues du fleuve Jaune, provoquant une inondation qui noya trois cent mille habitants de la ville. La synagogue fut ravagée par les flots. En 1645, une fois l’ordre rétabli, le commandant de la ville, Zhao, qui était aussi juif, reconstruisit la ville et aussi la synagogue. Les Judéens recherchèrent les rouleaux de la Loi et vingt-six livres sacrés emportés par les flots. Les fragments qu’ils retrouvèrent furent séchés puis rassemblés permettant de reconstituer treize rouleaux et dix livres. Zhao repartit ensuite guerroyer pour le compte de l’Empire dans d’autres provinces rebelles.

Ainsi en Chine les Juifs ne subirent ni violence ni persécution et ne furent pas diabolisés comme meurtriers de Dieu. Ils ne furent jamais isolés des non-juifs ni contraints de porter des signes vestimentaires distinctifs. Ils ne furent ni réduits aux activités méprisées ou vulnérables, ni stigmatisés pour leur cupidité. Ils n’étaient ni des monstres prédateurs ni des victimes pathétiques. Ils étaient des habitants parmi d’autres, parfaitement intégrés.

 

Bon courage à Moscou ! Ne t’inquiète pas, un jour ou l’autre tu partiras à la recherche des nomades Iakoutes et tu les trouveras, il te suffira de savoir attendre que l’épidémie soit jugulée. Patience !

Je t’embrasse,

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 60-24

 30 mars 2020,


Samuel,


XVII siècle

 

Histoire de la communauté juive

G) Le retour en Allemagne

La guerre de Trente ans affaiblit considérablement les États du Saint-Empire romain germanique, entraînant la désolation économique et une baisse de la démographie. Au sortir de cette guerre, après la signature du traité de Westphalie en 1648, une nouvelle vision de l’État s’imposa progressivement, menée par des hommes tels Ludwig von Seckendorff (1626-1692), luthérien devenu administrateur de la Saxe, auteur d’un livre qui fit date en 1655 : Teutscher Fürsten-Staat, l’État des Princes allemands, dans lequel il exposa une nouvelle façon de conduire l’État. Cette vision fut défendue par un groupe de juristes, d’historiens, de financiers et d’intellectuels, essentiellement luthériens, qui animèrent un mouvement appelé : caméralisme, de kammer, la chambre, organe d’État s’occupant des finances de celui-ci.

Le caméralisme rejoignait sur de nombreux points le mercantilisme : comment enrichir l’État ? De ce souci d’abord très pragmatique surgit cette nouvelle conception : l’État ne devait plus se préoccuper uniquement de l’ordre mais aussi de la prospérité économique du pays. Cette prospérité apparaissait comme le nouveau moyen d’assurer la puissance de la nation au vu de ce qui se passait aux Pays-Bas, en Angleterre et en France avec le formidable développement du commerce international, des manufactures, des industries et des techniques financières.

Cette nouvelle gestion de l’État fut mise en œuvre par Léopold 1er, devenu Empereur du Saint-Empire en 1658, après être devenu archiduc d’Autriche en 1657 (ainsi que roi de Hongrie en 1655 et roi de Bohême en 1657). Il s’ensuivit un puissant développement des activités financières, manufacturières et industrielles dans toute l’Allemagne. Des idées telles que l’union douanière virent le jour annonçant la formation d’un sentiment allemand unitaire.

C’est dans le cadre de cette évolution des esprits, menée dans le cadre du luthéranisme que revinrent les Juifs, fuyant les persécutions de 1648 en Pologne-Lituanie menées par les cosaques du Dniepr, fuyant aussi la première guerre du Nord de 1655 (entrée des Suédois en Pologne) qui achevait de répandre l’insécurité dans la République des Deux-Nations.

Or les États allemands avaient besoin du savoir-faire des Juifs. Aussi que ce soit en Prusse, en Autriche, en Bohème, en Moravie ou en Hongrie royale, les souverains accordèrent des permis de séjour aux familles juives les plus aisées, aux savoirs les plus étendus. Elles reçurent le statut de Juifs « tolérés » ou « protégés » : schutzjuden. Ce retour ne fut pas toujours facile. Frappés d’impôts divers les Juifs furent au début empêchés dans l’exercice libre de leur culte. Ainsi la communauté de Berlin dut attendre 1712 pour obtenir le droit de construire une synagogue.

Mais rapidement ils surent trouver leur place au sein de la reconstruction économique allemande devenant à leur tour des financiers, des négociants, des artisans, des industriels notamment dans le secteur du textile et des métaux précieux.

Les Juifs les plus influents devinrent des Juifs de « cour » dont l’action fut déterminante dans l’histoire politique de l’Allemagne. Mais à côté de l’ascension sociale de ces derniers existaient aussi de nombreux Juifs non protégés fuyant eux aussi la Pologne-Lituanie, migrants devenus mendiants ou vagabonds, soutenus économiquement par la communauté mais en butte très rapidement à l’antisémitisme. Cet antisémitisme visait aussi les Juifs de « cour » même s’il s’exprimait avec plus de retenue du fait de la relative protection de l’Empereur soucieux de ne pas entraver l’énergie entrepreneuriale des Juifs.

Samuel Oppenheimer (1630-1703) natif de Heidelberg créa une banque juive puissante à Vienne et entra au service de Léopold 1er. Il soutint son effort de guerre contre Louis XIV et contre les Ottomans. Il assura le financement des troupes autrichiennes lors du siège de Vienne en 1683 ainsi que leur approvisionnement en munitions, nourriture, montures et fourrage. Il eut une action financière déterminante dans la prise de Budapest en 1686 et celle de Belgrade en 1688. Il finança encore l’organisation de la conférence de Karlowitz en 1699 et la construction à Vienne du château de Schönbrunn résidence d’été des Habsbourg.

Samuel recueillait des capitaux auprès des princes allemands qui n’avaient pas confiance dans le Trésor de Vienne réputé pour sa mauvaise gestion et ses malversations. Puis il reprêtait ces capitaux au Trésor à un taux réputé assez élevé (pour se prémunir contre le risque de non-remboursement). Le Trésor autrichien (donc l’État autrichien) finit par avoir une dette colossale vis-à-vis de sa banque. Les seules rentrées d’argent de l’État ne pouvant être que des impôts, la population, qui payait les impôts, finit par exprimer un antisémitisme virulent contre lui. En 1700 des émeutiers pillèrent son hôtel particulier et sa vie fut menacée. A nouveau les Juifs furent accusés de pratiquer des meurtres rituels sur des enfants chrétiens.

Quand Samuel mourut, en 1703, l’État autrichien refusa de payer sa dette ce qui provoqua la faillite de la banque. Mais son fils Emmanuel créa une nouvelle banque et comme l’État autrichien ne parvenait toujours pas à emprunter directement des fonds auprès des princes allemands et que ses rentrées financières par l’impôt était insuffisantes il finit par réemprunter auprès de la nouvelle banque juive.

 

Bon courage pour ce confinement sévère russe ! Il va falloir que tu penses à faire des exercices physiques d’assouplissement dans l’appartement : il est nécessaire de garder la forme physique.

Je t’embrasse,

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 60-25

2 avril 2020,


Samuel,


XVII siècle


Histoire de la communauté juive


LA KABBALE

La kabbale a inspiré quantité de Juifs aussi bien dans le monde spirituel, politique qu’intellectuel. Aussi vais-je t’en faire une brève présentation. Mais je dois en étendre l’enseignement sur plusieurs lettres car il est impossible de la présenter sérieusement en quelques lignes. Je pense que tu n’auras aucune difficulté à en pénétrer l’esprit.

Première partie

La kabbale prend racine dans le livre d’Ézéchiel, prophète du VI siècle avant l’E.C. qui partagea l’exil des Hébreux à Babylone. Dans une vision Ézéchiel décrit le char (merkavah) de Dieu, le Trône de Dieu et les différent palais par lesquels il passa. Alors que la vision d’Ézéchiel s’arrêtait au monde du Trône ou des Palais les kabbalistes montèrent d’un degré et obtinrent une vision-fusion avec le monde d’Atsilout (le monde du divin) et celui des dix émanations d’En Sof (le Dieu infini) : les sefiroth (voir ci-après). [En Sof reste lui-même au-delà de toute connaissance humaine possible].

Selon la tradition rabbi Aqiba (II siècle après l’E.C.) écrivit le Sefer Yetsira ou Livre de la Création qui présente une vision complète de la création de l’univers. Ce livre joua un rôle prépondérant dans la constitution du système de la kabbale. Le Sefer Yetsira explique la Genèse par les 32 sentiers merveilleux de la sagesse comprenant : les dix sefiroth et les 22 lettres de l’alphabet hébraïque. Les dix sefiroth sont les dix directions dans lesquelles En Sof s’est déployé à partir de son centre pour mettre l’univers en place. Ces dix directions sont : le haut, le bas, le Nord, le Sud, l’Est, l’Ouest, le début, la fin, le bien et le mal. Lorsque ces sefiroth se furent parfaitement déployées et que l’univers fut mis en place, les 22 lettres de l’alphabet apparurent et construisirent le monde.

Le second ouvrage fondateur de la kabbale est le Sefer ha-Bahir dont on ne connaît pas l’auteur. Il apparut au 13 siècle après l’E.C. Dans cet ouvrage sont introduits un langage symbolique, la correspondance entre les sefiroth et les organes du corps humain, la réincarnation ou la transmigration des âmes, la figure du Messie, l’angéologie, la signification du mal, la dimension féminine de la présence divine.

Puis apparut le Zohar, ouvrage central de la kabbale, écrit par Moïse ben Chem Tov de Léon, en Espagne, au XIII siècle. Le Zohar est un ouvrage homilétique (prédication ordinaire) commentant la Torah, le Cantique des Cantiques, le Livre de Ruth et le Livre des Lamentations. Les thèmes sont la connaissance de Dieu et celle des sefiroth. Le Zohar observe deux grands principes : la Torah parle des choses d’en bas mais se réfère en réalité aux choses d’en haut. Outre le sens obvie des mots, chaque mot possède aussi un sens caché, ésotérique qu’il s’agit de dévoiler.

Certains Juifs expulsés d’Espagne (1492) puis du Portugal (1497) s’établirent à Safed, en Palestine. Là un rabbin visionnaire, Isaac Louria (1534-1572) fonda une nouvelle kabbale.

Alors que la première kabbale ne s’intéressait qu’à l’origine du monde et au sens caché de la Torah, la nouvelle kabbale se préoccupa aussi de l’ eschatologie, de la fin du monde et de sa rédemption. La kabbale lourianique répondait au désarroi du peuple juif après son expulsion d’Espagne, vécue avec la même intensité dramatique que la destruction du second Temple en 70. Isaac Louria surnommé ha-Ari (le lion) est le plus grand des kabbalistes. Il a conceptualisé un système complet comprenant une théorie de la création, une signification de l’exil, le rôle du Messie et la mission du juif sur terre. Son rôle dans le judaïsme fut immense, son enseignement fut adopté par l’ensemble de la communauté même par ceux qui restaient éloignés de la kabbale. C’est lui qui inspira Sabbataï Tsevi.

La kabbale de Louria

Comment le En Sof (le Dieu infini) a-t-il créé le monde ? Comme un homme qui contracte sa respiration. La création ne fut possible que par le retrait du En Sof en lui-même, par le tsimtsoum (qui signifie : contraction). Par ce retrait le En Sof laissa un espace vide, un espace primordial, appelé tehiru, qui reçut la Création.

Deux principes flottent de toute éternité dans le En Sof : un principe masculin, la Miséricorde, et un principe féminin, le Jugement, lequel est dissout dans la Miséricorde comme le sel dans l’océan. Dans le mouvement de retrait du En Sof les particules infinitésimales du Jugement se condensèrent dans l’espace primordial, provoquant la Création ex nihilo, le passage du néant à l’être, tandis que la Miséricorde se retrancha dans les « masses d'eaux » de l'océan primitif, le En Sof ainsi devenu.

Ce retrait fit place à quatre mondes successifs : le monde de l’émanation, le monde de la création, le monde de la formation, enfin le monde de la fabrication (c’est-à-dire le monde actuel).

Le monde de l’émanation

En se retirant, En Sof laissa dans l’univers désormais limité par la puissance restrictive du Jugement les reflets de la lumière de la Miséricorde appelés reshimou. En Sof fit descendre le Yod, la première lettre du Tétragramme dans l’espace primordial. Le Yod créa, en puissance, l’écriture et la lecture soit la puissance de formation et d’organisation de toute chose. Cette émanation divine agit pour apporter ordre et structure dans le chaos de l’univers primitif.

Le monde de la création

Le tsimtsoum (le retrait du En Sof) permit l’apparition d’une forme sphérique dans l’espace primordial. Le reflet de la lumière divine s’y déploya en cercles concentriques. Ce processus généra la création de « vases » (kelim) dans lesquels les reflets de la lumière divine furent recueillis.

Un rayon de lumière, linéaire, directement issu du En Sof forma un « vase » appelé Adam Kadmon : l’homme primordial.

La forme du cercle et celle du linéaire qui conduit à l’homme indiquent : « les deux directions dans lesquelles se développent toutes les choses créées ». La forme linéaire, humaine, prend une valeur supérieure à celle du cercle car le rayon qui crée l’Adam Kadmon émane directement du En Sof, tandis que les cercles qui éclairent l’espace ne sont que des reflets de la lumière divine. La forme linéaire, humaine, obéit au principe du ruah (le souffle divin). La forme circulaire, au principe de la nefesh (la perfection naturelle).

L’Adam Kadmon intègra en lui les cercles lumineux, grâce au Yod qui lui permit de distinguer les dix sphères, les dix vases de lumière divine, s’imbriquant concentriquement les uns dans les autres. La plus extérieure, la sphère de Keter (la Couronne), constitua la première sefirah, émanation divine, en contact avec le En Sof environnant. Comme dans un jeu de poupées russes, les neuf autres sefiroth se rétrécirent de plus en plus en soi, jusqu’à la dixième, Malkhout (le Royaume), la sphère la plus éloignée de Dieu, la plus ordinaire.

Le monde de la formation

Les dix sefiroth s’adaptèrent à la forme humaine. La dixième sefirah, la plus basse, s’associa aux pieds de l’homme. La première, la plus élevée, s’associa à son front. Les autres se répartirent dans son anatomie.

Les sefiroth prirent également la forme de lettres, d’autres celles de signes grammaticaux, de sorte qu’elles rassemblèrent toutes les composantes de l’Écriture sainte. Les lumières des sefiroth se combinèrent pour former des noms dont les puissances latentes devinrent agissantes. Ces noms, porteurs de lumière divine, constitutifs du langage, investirent la tête de l’homme, qui les diffusa à son tour. Dans le corps symbolique de l’Adam Kadmon, les dix sefiroth (les dix lumières primordiales) établirent entre elles des circuits qui accrurent l’intensité lumineuse des vases qui les contenaient.

La Chevirat haKelim : la brisure des vases

Les trois premières sefiroth, les trois premiers vases – la Couronne (Keter), la Sagesse (Hokhmah), l’Intelligence (Binah) – disposaient d’un réceptacle assez solide pour supporter la croissance de l’intensité lumineuse, mais les vases des sept autres sefiroth étaient trop fragiles pour contenir l’afflux de la lumière.

Les six vases – qui contenaient successivement la Générosité (Hesed), la Justice (Gevourah), la Beauté (Tifarerh), l’Éternité (Netsah), la Gloire (Hod), le Fondement (Yesod) –, ces six vases, ces six sefiroth, éclatèrent. La dixième sefirah, le dernier vase, le Royaume (Malkhout), se fêla également, mais ne se subit pas autant de dommages que les six précédents. Cette « brisure des vases » est appelée chevirat haKelim.

La lumière contenue dans ces sept vases se dispersa dans l’espace. Une partie de leur lumière retourna à sa source, absorbée par le En Sof. Le reste de leur lumière s’attacha aux morceaux brisés des vases, précipités dans l’espace, recouverts d’une écorce, d’une coquille, d'une kelippah, qui empêcha leurs étincelles d’apparaître. Ces tessons formèrent la matière grossière et stérile.

(A suivre)

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 60-26

5 avril 2020,


Samuel,


XVII siècle

 

Histoire de la communauté juive

 

LA KABBALE


Deuxième partie

L’origine du mal

Les étincelles de lumière divine restèrent captives des kelippot. La « brisure des vases » provoquée par l’afflux de Miséricorde destinée à juguler la rigueur du Jugement opéra la rupture entre les trois sefiroth les plus élevées (Keter, la Couronne, Hokhmah, la Sagesse et Binah, l’Intelligence) et la sefirah la plus basse (Malkhout, le Royaume). Les communications furent rompues entre le haut et le bas, les vases des six sefiroth intermédiaires étant brisés.

La brisure des vases engendra le mal : les kelippot en retenant la lumière indispensable au rétablissement de la création dans sa perfection engendrèrent en effet l’obscurité, assimilée au mal, cause des erreurs et des égarements.

Le tikkoun olam : la réparation du monde

Pour retrouver la perfection originelle de la création la « brisure des vases » exige la réparation, le tikkoun. Les hommes doivent extraire des kelippot les étincelles qui permettront de restaurer les vases brisés.

Cette réparation les hommes la mettent en œuvre en s’appuyant sur les trois sefiroth les plus élevées qui leur offrent des parzufim : des « visages ». Ces visages permettent aux hommes de se différencier et de s’individuer en les prenant comme modèles, comme « archétypes » avant de réaliser l’accouplement des différences, l’ union intellectuelle et érotique qui donnera l’énergie pour libérer les étincelles prisonnières. Libérées elles iront réparer les vases brisés ou remonteront vers l’En Sof.

La sefirah Kether, la couronne, considérée aussi comme l'Esprit, correspondant au Verbe, se développe en deux parzufim : un externe, appelé le Long Visage, qui correspond au pouvoir de la volonté ; un interne, l’Ancien des Jours, qui correspond au pouvoir du plaisir dans l’âme. La sefirah offre ainsi deux archétypes : l’Esprit et le Pouvoir.

Hokhmah, la seconde sefirah, est le souffle qui vient de l'Esprit, le signe matériel de la pensée, souffle dans lequel ont été gravées les lettres de l'alphabet. Elle est le point de départ de la création et la chaleur du début. Elle offre l’archétype du père "aba", le point yod, le germe créateur.

Binah, "ima", la troisième sefirah, est l'eau, la matrice dans laquelle tout le reste commence à prendre une forme stable. Elle offre l’archétype de la mère. C’est la matrice des sept sefiroth suivantes, elle est le signe du féminin. Elle est la porte de passage vers le monde supérieur, interdit au commun des mortels.

Cette libération est réalisée par la pratique de l’action bonne, notamment par l’observation des 613 commandements (mitsvoth). En revanche chaque acte « mauvais », chaque péché contribue à renforcer l’emprisonnement des étincelles et retarde la rédemption ( la réparation). Pour Louria tout objet, tout lieu dans l’espace, est porteur d’étincelles lumineuses qui attendent la libération.

Ainsi la kabbale pousse à l’action dans le monde, la seule réflexion reste inopérante. La libération des étincelles n’est pas la tâche des seuls intellectuels, elle est l’œuvre de tous, du plus humble des hommes jusqu’au plus savant.Cette œuvre commune rassemble tous les individus dans une même communauté de destin.

L’être humain doit aider l’Infini (En Sof : non fini) à retrouver son unité en rassemblant les étincelles de divinité éparpillées. Pour la kabbale le En Sof a besoin des hommes car il ne peut plus venir réoccuper l’espace qu’il a libéré dans son retrait. Seul l’homme peut répondre au désarroi divin, seul l’homme peut secourir l’Infini. Ainsi la kabbale apporte à l’homme ce qu’aucune autre spiritualité ne lui donne : un rôle majeur dans le destin du divin.

La kabbale de Louria ne traite pas précisément du messianisme mais elle permet une autre conception du Messie. La rédemption n’est plus conçue uniquement comme un événement temporel qui apporterait seulement l’émancipation d’Israël mais elle est aussi une transformation radicale de toute la création par l’action bonne. Le Messie ne s’adresse plus seulement aux Juifs mais aussi à tous les hommes, puisque la restauration de l’Infini dans son unité est un événement qui concerne le monde dans son ensemble.

La kabbale de Louria donne en outre un sens religieux à l’exil des Juifs. Ceux-ci participent dans leur exil à l’exil de l’Infini. L’infini en se retranchant est exilé de lui-même. Le Jugement représente l’Inquisition catholique, qui dans sa rigueur, a contribué à briser les vases, expulsant dans les ténèbres les étincelles de la Miséricorde. Les Juifs ne sont pas abandonnés par l’Infini, c’est l’Infini lui-même qui est affecté par sa division entre le Jugement (le féminin) et la Miséricorde (le masculin). Les Juifs ainsi dans leur amour pour l’Infini vont s’oublier et le secourir. C’est cette vision puissante qui va bouleverser Sabbatai Tsevi.

(A suivre

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 60-27

7 avril 2020,

Samuel,

 

XVII siècle


Histoire de la communauté juive

 

LA KABBALE


Troisième partie : Sabbataï Tsevi,complément à la lettre 60-16

Sabbataï Tsevi avait étudié la kabbale de Louria. Aussitôt après l’avoir lue et étudiée il se pensa Messie. Les signes parlaient : il était né un 9 Av. Pour lui, en fait, tout devenait signe et le désignait comme Messie.

Il voulut aller libérer les étincelles les plus abîmées (mises en abîme) dans les ténèbres. C’est pour cela qu’il blasphémait, qu’il transformait les jeûnes en fêtes et qu’il prononçait le nom interdit de Dieu. Il pratiquait ainsi le péché rédempteur afin de s’enfoncer dans les eaux noires du mal et y aller chercher et libérer les ultimes étincelles prisonnières. C’est pourquoi il disait : « Béni soit celui qui permet ce qui est interdit »

Il affichait une certaine distance avec le judaïsme rabbinique. Il pensait que ce judaïsme étouffait la parole divine jusqu’à l’éteindre. Il annonça la révélation prochaine d’une nouvelle consonne, la vingt-troisième lettre de l’alphabet hébraïque qui permettrait de récrire la Torah et d’en révéler le sens caché.

Sa conversion à l’islam fut interprétée par ses disciples non comme une trahison mais comme une plongée dans le péché afin, toujours, d’aller libérer les étincelles.

Mais dans l’esprit de Tsevi, pratiquer le mal devait être accompagné par la pratique du bien par l’observation des commandements. Ainsi était-il, en public, musulman, mais en cachette, dans le privé, il continuait d’observer le judaïsme. Il se comportait en définitive comme un marrane, mais il affichait publiquement l’islam au lieu du catholicisme.

Après sa mort ses fidèles constituèrent une secte, les Dunmeh, qui vécurent en Turquie. Il semble qu’ils existent toujours, du moins la rumeur l’affirme, mais nul ne peut les identifier car ils continueraient de pratiquer officiellement l’islam et resteraient toujours cachés dans la pratique de leur judaïsme.

 

Je te souhaite de bonnes fêtes de Pessa’h malgré le confinement (du mercredi 8 avril au jeudi 16 avril. Pessa’h : voir lettre 15, deuxième partie)

Je t’embrasse,

Je t’aime, je t’accompagne et je reste toujours près de toi.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 60-28


9 avril 2020,

Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle

Nous allons maintenant étudier la formation des empires coloniaux. Ces empires tinrent un rôle majeur dans le développement de l’histoire de l’Occident mais aussi dans celle de l’Orient.

A) XV siècle

Après la chute de Constantinople en 1453 suivie du contrôle par les Ottomans des rives Est et Sud de la Méditerranée les Européens durent désormais compter avec ces derniers dans leur commerce avec l’Orient.

Il s’avéra qu’il était difficile de transiter par l’Empire tant les Ottomans imposaient des contraintes financières et opposaient des empêchements physiques. Ainsi le commerce avec l’Orient, l’Inde et la Chine, d’où venaient notamment les épices, les pierres précieuses, le textile ou le riz, devenait incertain.

Les Européens cherchèrent à ouvrir de nouvelles routes commerciales. Deux voies s’offraient à eux : contourner l’Afrique ou voguer en se dirigeant vers l’Ouest en s’appuyant sur l’affirmation scientifique de la rotondité de la terre. Il paraissait évident que l’on atteindrait l’Orient en allant vers l’Ouest.

Ce furent les Portugais qui se lancèrent en premier dans l’exploration de ces nouvelles voies. Ils décidèrent de contourner l’Afrique.

Avant même la chute de Constantinople, sans attendre la progression des Ottomans, désireux de se libérer du rôle prépondérant que tenait la république de Venise dans les relations commerciales encore maintenues avec les Turcs, les Portugais, menés par Henri le Navigateur (1394-1460), le frère du régent, recrutèrent des cartographes, des géographes, des constructeurs de bateaux et partirent vers l’Afrique, pensant la contourner rapidement pour remonter ensuite vers le pays mythique du prêtre Jean qui était censé régner sur un royaume chrétien à l’est de l’Afrique, en Éthiopie.

Mais ils mirent beaucoup plus de temps à contourner l’Afrique que prévu en raison de la configuration de ce continent beaucoup plus grand qu’ils ne l’imaginaient (on ne disposait pas encore à l’époque d’une carte précise de l’Afrique). Partis dans les années 1420, après avoir conquis les Açores en 1427, les Portugais n’arrivèrent au cap de Bonne-Espérance qu’en 1487/1488 (cap appelé aussi cap des Tempêtes).

Pendant ce temps, les Espagnols misèrent sur Christophe Colomb et l’exploration de la voie maritime par l’Ouest. Le navigateur partit des Canaries le 31 août 1492. Il atteignit le 11 octobre les Bahamas baptisant la première île touchée : San Salvador. Les géographes s’étaient trompés sur la mesure du diamètre de la terre, la croyant bien plus petite que la mesure réelle. C’est ainsi que Christophe Colomb crut avoir débarqué en Inde. Par la suite il fit d’autres voyages de 1493 à 1502, découvrant les Antilles et posant enfin le pied en

Amérique latine, au Honduras. Ses découvertes enflammèrent les esprits : un nouveau monde venait d’être découvert. Le Portugal n’avait pas l’intention de rester sur la touche : Portugais et Espagnols s’acheminaient vers une concurrence féroce.

Le Pape Alexandre VI intervint pour déjouer toutes guerres de contrôle de territoire (les deux nations en concurrence étaient catholiques et reconnaissaient l’autorité du Pape). En mai 1493 il promulgua une bulle pontificale (écrit papal ayant autorité chez les catholiques) dite Inter caetera (« entre autres ») répartissant les terres nouvelles entre les deux couronnes : celles à l’ouest du méridien situé à cent lieues des îles du Cap-Vert reviendraient à l’Espagne, celles à l’est de ce méridien, reviendraient au Portugal.

Le roi du Portugal s’insurgea car ce partage attribuait la totalité du nouveau monde à l’Espagne alors que le Portugal n’avait pas même commencé de partir à sa découverte. Le Pape revit son partage. Le nouveau méridien de séparation fut désormais fixé à 370 lieues à l’ouest des îles du Cap Vert. Les deux nations acquiescèrent et signèrent le 7 juin 1494 le traité de Tordesillas (en Espagne).

Personne ne savait trop quelles réalités géographiques étaient concernées par ce traité puisque le nouveau continent avait été à peine effleuré sur sa côte Est. Au demeurant personne n’en tint compte sauf au début de la conquête de l’Amérique latine, lorsque les Espagnols s’emparèrent de la plus grande partie du territoire. Les Portugais ne contestèrent pas ces acquisitions. Des conflits advinrent ensuite, parfois les Espagnols brandirent ce traité pour défendre leurs intérêts mais en vain.

Les Portugais établirent avec les puissances africaines, le long des côtes, un commerce régulier d’or et d’esclaves. Ils ne conquirent pas de territoire sur le continent, il se contentèrent de gérer des comptoirs, des places fortes côtières à partir desquelles ils développèrent leur commerce. Les esclaves furent d’abord des femmes acheminées vers Lisbonne. Ainsi commença la traite négrière. En revanche ils conquirent pour les coloniser les îles proches de la côte : les Canaries, Madère, le Cap-Vert, Sao Tomé. Ils y développèrent la culture de la canne à sucre en enrôlant des esclaves noirs. [Les Espagnols disputèrent les Canaries aux Portugais et finirent par les conquérir en 1479].

En Amérique latine Christophe Colomb se comporta immédiatement en conquistador : prise de possession des terres au nom du roi d’Espagne, christianisation, pillage des richesses.

Sur la carte jointe du partage du monde entre Espagnols et Portugais, la ligne verticale en pontillés bleus figure le premier méridien du partage contesté par le Portugal. La ligne verticale continue bleue est le méridien de Tordesillas. Sur cette carte il y a aussi, en pointillés rouges, la limite du partage des territoires en Orient. Ce partage fut entériné par le traité de Saragosse de 1529.

 

Bon courage ! Chaque jour qui passe te rapproche de déconfinement !

Je t’aime, je pense à toi

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Lettre 60-29


10 avril 2020,


Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle


B) Amerigo Vespucci

Il est nécessaire de mentionner Amerigo Vespucci (1454-1512) puisque c’est lui qui donna son nom à l’Amérique. Il naquit à Florence, en Italie, le 9 mars 1454. Il travailla pour le compte de la Maison de Médicis, riche famille de Florence. Début 1492, il fut envoyé à Séville par Laurent de Médicis pour mettre de l'ordre dans la gestion de son négoce en Espagne. C’est là qu’il rencontra Christophe Colomb lorsque celui-ci revint de son premier voyage en 1493. Les deux hommes se lièrent d’amitié. Vespucci participa au financement du deuxième voyage de Christophe Colomb et finit par s’intéresser vivement à la découverte du Nouveau Monde. Il entreprit plusieurs voyages, pour le compte des rois d’Espagne et pour celui du Portugal.

Vespucci toucha la Terre Ferme le 15 octobre 1498. La Terre Ferme désigne, par opposition aux îles des Antilles et à l’isthme de l’Amérique centrale, la terre continentale, ici celle de l’Amérique latine. Vespucci aurait accosté entre le Venezuela et le Brésil. Christophe Colomb avait débarqué sur la même Terre Ferme (le Venezuela) le 5 août 1498. Jusqu’à cette date Colomb n’avait en fait découvert que les Antilles et la côte est de l’Amérique centrale.

Puis au cours d’un voyage effectué en 1499/1500 Vespucci découvrit l'embouchure de l'Orénoque (fleuve du Venezuela). Il longea la côte de l'actuel Brésil vers le sud, jusqu'au cap Sao Agostinho, (la « bosse » de terre du Brésil la plus avancée vers l’Europe) Pendant tout ce voyage, comme Christophe Colomb, Amerigo Vespucci crut longer la côte orientale de l'Asie.

Enfin en 1501/1502 il longea la côte est de l’Amérique latine presque jusqu’au détroit de Magellan. Il se rendit compte alors qu’il avait découvert un nouveau monde, Mundus Novus. Il décrivit une terre qui n’était pas une île mais un continent habité « par un plus grand nombre de peuples et d’animaux qu’en notre Europe, ou qu’en Asie ou bien en Afrique ».

En 1507, un géographe allemand, Martin Waldseemüller, résidant à Saint Dié en France publia une nouvelle édition de la Géographie de Ptolémée dans laquelle il mentionna la découverte de Vespucci. Il écrivit : « A présent ces parties du globe [Europe, Asie, Afrique] ont été largement explorées et une quatrième partie a été découverte par Amerigo Vespucci et puisque l’Europe et l’Asie doivent leur nom à des femmes, je ne vois pas de raison valable pour objecter que l’on appelle cette partie Amerige, terre d’Amerigo son découvreur » La première carte portant ce nom, féminisé en America fut publiée à Saint Dié le 25 avril 1507. Ce nom ne s’imposa que tardivement, celui d’Indes Occidentales gardant longtemps la préférence.

Toutes mes pensées vont vers toi

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Lettre 60-30

14 avril 2020,


Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle


C) XVI siècle : vers la constitution de l’empire colonial portugais en Afrique, en Inde et en Chine ; arrivée des Espagnols en mer de Chine.


Manuel 1 er roi du Portugal de 1495 à 1521 prit conscience de l’urgence de reconnaître les îles et les terres relevant de sa zone (traité de Tordesillas) et de gagner sur l’Espagne la course à l’occupation de terres nouvelles.

Le 8 juillet 1497 le portugais Vasco de Gama quitta Lisbonne à la tête d’une flottille de quatre bateaux. Le roi Manuel le chargeait de rallier la cité-Etat de Calicut au sud de l’Inde par voie océanique et de nouer avec le souverain des relations commerciales. L’explorateur doubla le cap de Bonne Espérance, remonta la côte orientale de l’Afrique, entra dans l’océan Indien et jeta l’ancre en Inde, le 20 mai 1498 près de Calicut.

Les pourparlers commerciaux se passèrent mal, le souverain n’agréant pas les marchandises proposées pour échange par les Portugais : miel, chapeaux, pots de chambre. Vasco de Gama dut repartir rapidement ses hôtes le considérant malvenu.

Malgré cet échec son nom resta dans l’histoire comme étant le premier Européen à avoir trouvé la voie d’accès à l’Inde orientale en passant par les océans.

Le roi Manuel ne désarma pas. Il envoya une seconde flotte en Inde avec de l’or et de l’argent pour assurer avec plus de chances le succès des négociations commerciales. Il confia le commandement à un gentilhomme âgé de 32 ans Pedro Alvarez Cabral. Ce dernier prit la mer à Lisbonne le 9 mars 1500, cingla vers Cap-Vert, franchit l’équateur puis mit le cap à l'ouest aussi loin du continent africain qu'il le put afin d’éviter de traverser des zones maritimes trop étales. Il dériva tellement vers l’ouest qu’il accosta sur une terre nouvelle le 22 avril 1500 : il venait de découvrir fortuitement le Brésil.

Cabral constata que ces terres se trouvaient à l'est de la ligne de démarcation définie par le traité de Tordesillas : elles appartenaient donc au Portugal. Il nomma cette terre : Île de la vraie Croix. Un navire retourna au Portugal pour apprendre la nouvelle au roi. Ce dernier envoya une flotte conduite par Amerigo Vespucci en 1501 pour l'explorer. Le navigateur découvrit qu’il s’agissait, non d’une île, mais d’un nouveau continent.

On pourrait donc penser que Cabral fut le premier à découvrir la Terre Ferme mais comme Vespucci assura, dans une lettre relatant un voyage réalisé en 1499-1500 (voir lettre 60-29) qu’il avait touché lui la Terre Ferme en août 1499, c’est à lui qu’on attribua cette découverte (les dires de Vespucci ne furent jamais certifiés).

La flotte reprit la mer en mai 1500 et arriva à Calicut le 13 septembre 1500. Cabral négocia avec le souverain et obtint la permission d'établir un comptoir. En décembre il fut attaqué par des Arabes qui n’acceptaient pas que le monopole du commerce avec l’Inde qu’ils détenaient jusqu’alors (en passant par la mer Rouge) soit menacé. Cabral repoussa l’attaque et ouvrit un autre comptoir à Kochi (Cochin) ville vassale de Calicut. Enfin,

chargé de précieuses épices, il entreprit le retour vers le Portugal où il arriva le 21 juillet 1501. La vente des épices couvrit largement les frais de l’expédition.

Ainsi les Portugais prirent définitivement pied en Inde, après avoir pris pied en Afrique.

Par l’intermédiaire de leurs comptoirs établis sur la côte ouest de l’Afrique ils commercèrent avec les populations de l’intérieur des terres : sel, or, esclaves, cuivre etc.(voir carte jointe). Grâce à leur exploration de la côte est de l’Afrique ils lancèrent en 1515/1516 une expédition à partir de Sofala, sur la côte du Mozambique, pour atteindre les mines d’or appartenant au royaume de Monomotapa. Cet Empire finit par devenir une quasi-colonie du Portugal bien que l’empereur garda son trône et une relative souveraineté. Un intense commerce s’instaura centré sur le négoce de l’ivoire, celui de l’or mais aussi sur le trafic d’esclaves. Ce royaume correspondait aux territoires actuels du Mozambique et du Zimbabwe.

Les Portugais remontèrent ensuite vers le Nord de la côte Est dans l’espoir d’atteindre le mythique royaume chrétien du prêtre Jean, l’Éthiopie. Mais ils ne parvinrent pas jusque là repoussés par les populations autochtones.

Ils consolidèrent leurs positions en Inde créant les comptoirs de Diu, de Goa, de Colombo entre 1503 et 1510 en plus de ceux de Calicut et de Cochin (Kochi). Ils durent batailler contre les pirates arabes venus de la mer Rouge et du golfe persique déterminés à leur reprendre le commerce des épices. Mais les Arabes furent repoussés, une expédition lancée par Soliman le Magnifique lui-même en 1538 échoua à barrer la route aux Portugais qui prirent même position à Ormuz, à l’entrée du golfe persique pour en contrôler le trafic. La république de Venise, qui continuait de commercer avec les Turcs et les Arabes, projeta avec ses derniers de percer un canal reliant la Méditerranée à la mer Rouge. Mais le projet (le futur canal de Suez) ne trouva pas de financement.

Conduits par Alfonso de Albuquerque (1453-1515) le gouverneur général des Indes, les Portugais s’emparent de Malacca en 1511, contrôlant ainsi le passage entre Sumatra et la Malaisie (Malacca se trouve sur la carte jointe : les possessions européennes en Insulinde). Ils continuèrent d’avancer et atteignirent les Moluques en 1512 (clou de girofle, muscade). De là ils atteignirent la Chine en 1516 où ils ouvrirent le comptoir de Macao. Enfin, plus tard, en 1596 ils s’emparèrent de Timor (bois de santal, cannelle, ambre).

Arriva alors, jusque dans la mer de Chine, en 1521, Magellan, navigateur portugais qui œuvrait pour le compte du roi d’Espagne. Il venait non de l’océan Indien mais du Pacifique. Il accosta dans les Philippines, territoire que les Espagnols revendiqueront, garderont et occuperont progressivement bien que cet archipel aurait dû revenir aux Portugais selon le partage du traité de Tordesillas. Cette occupation de fait fut actée en droit avec la signature du traité de Saragosse de 1529. C’est pourquoi sur la carte de la lettre 60-28 la ligne verticale en pointillés orange, celle de Tordesillas, présente une bulle significative, une bulle qui contient les Philippines.

 

Je t’embrasse, je t’aime, tiens le coup ! La fin du confinement approche.

 

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Lettre 60-31

15 avril 2020,


Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle


D) Fernand de Magellan

Fernand de Magellan, portugais, naquit à Porto vers 1480 et mourut sur l'île de Mactan aux Philippines le 27 avril 1521. Il participa à la prise de Malacca à l'été 1511 sous le commandement d'Alfonso de Albuquerque (voir lettre 60-30) mais n’alla pas jusqu’aux Moluques dont il prit cependant connaissance grâce au récit qu’en firent ses amis. Il fut convaincu que ces îles se trouvaient dans la moitié du globe qui revenait à la couronne d'Espagne (traité de Tordesillas). Du coup il forma le projet de rejoindre par l'ouest ces îles, d’en prendre possession et de les offrir au roi d’Espagne, Charles 1 er, le futur Charles Quint. Il soumit son projet au roi qui le soutint. Il est probable que Magellan visait surtout à trouver un financier pour rejoindre les îles, charger ses bateaux d’épices et faire ainsi une excellente opération commerciale. Il était loin de se douter que ce voyage virerait pour lui au cauchemar.

Il leva l’ancre le 10 août 1519, de Séville, dirigeant 237 hommes répartis sur cinq navires : la Trinidad, le San Antonio, la Concepción, le Santiago et la Victoria (position 1 sur la carte jointe). Après s’être encalminée dans les eaux de l’Atlantique au niveau de l’équateur (position 2), après avoir connue de violentes tempêtes (position 3) la flotte arriva au Brésil en décembre 1519 (position 4). Elle prit la direction du sud pour contourner le continent. En raison du froid Magellan décida d’hiverner en Patagonie (position 5) [Les indigènes qui vivaient sur ces terres étaient très grands et laissaient sur le sol de larges empreintes. Les marins leur donnèrent le nom de « Patagons », grands pieds, d’où le nom de Patagonie].

Magellan envoya un de ses navires, le Santiago, en mai 1520, en reconnaissance pour trouver un passage qui permette d’atteindre l’océan Pacifique. Le navire s’échoua et sombra. Magellan continua vers le sud avec les quatre navires restants.

Le 21 octobre, il aperçut un cap qu'il baptisa cap des Vierges. Ce cap ouvrait sur un détroit qu’il explora. C’était un dédale de fjords, cerné de falaises menaçantes, aux eaux sinistres, qu'il mit plus d'un mois à traverser ; les marins aperçurent de nombreuses fumées à l'intérieur des terres qu’ils baptisèrent Terre des Fumées, rebaptisées plus tard Terre de Feu, en raison des petits feux aperçus sur les berges. Le détroit, nommé d’abord « Chenal de Tous-les-Saints », fut plus tard appelé détroit de Magellan en l’honneur du navigateur (position 6). Au milieu du passage, l’équipage du San Antonio se rebella, rebroussa chemin, et repartit vers Séville. Magellan n’avait plus que trois navires.

L’explorateur déboucha dans un océan qu'il baptisa « Pacifique » à cause du temps calme qu'il rencontra pendant sa traversée de la Terre de Feu jusqu'aux Philippines, traversée qui dura plus de trois mois. L’équipage manqua d’eau potable, les rations diminuèrent, le biscuit même vint à manquer, l'équipage dut survivre en mangeant des rats puis des chats,

en buvant de la soupe de copeaux de bois trempés dans de l'eau de mer. Un marin écrivit : « Nous ne mangions que du vieux biscuit tourné en poudre, tout plein de vers et puant, pour l'ordure de l'urine que les rats avaient faite dessus et mangé le bon, et buvions une eau jaune infecte ». Le scorbut et le béribéri minèrent l'équipage, mais sans l'anéantir.

La flotte atteignit les Philippines le 17 mars 1521. Les hommes débarquèrent sur l’île d'Homonhon (position7). Ils furent bien reçus par le souverain, mais quand ils débarquèrent sur l’île de Mactan le souverain local les attaqua. Il s’ensuivit une bataille au cours de laquelle Magellan fut blessé par une flèche empoisonnée : il mourut le 27 avril 1521 avec six de ses compagnons.

Il ne restait plus que cent treize hommes désormais placés sous le commandement de Juan Sabastian Elcano. Ce nombre étant insuffisant pour manœuvrer trois vaisseaux la Concepción fut brûlée. La Victoria et la Trinidad prirent le large début mai et arrivèrent aux îles Moluques le 8 novembre 1521 (position 8).

Les marins chargèrent d'épices les deux navires sans être inquiétés par les Portugais. Une importante voie d'eau fut découverte dans la Trinidad qui fut contrainte de rester. Elle finit par être arraisonnée par les Portugais qui ne trouvèrent à bord que vingt marins affaiblis.

La Victoria réussit à partir des îles le 21 décembre 1521, avec un équipage de soixante hommes (dont treize Moluquois) toujours sous le commandement d’Elcano. Elle réussit à traverser l'océan Indien et à passer le cap de Bonne-Espérance le 19 mai 1522 (position 9). Mais en remontant vers l’Espagne, n’ayant plus de quoi se nourrir l’équipage s’arrêta dans les îles du Cap vert détenues par les Portugais. Ils négocièrent contre des vivres des clous de girofle dévoilant ainsi qu’ils venaient des Moluques. Les Portugais n’apprécièrent pas de découvrir que des Espagnols s’étaient ravitaillés dans leurs îles des Épices. La Victoria dut prendre la fuite en abandonnant douze hommes sur le terrain.

Enfin la Victoria arriva en Espagne le 6 septembre 1522 à Sanlucar de Barrameda en Andalousie (les douze hommes restés prisonniers dans les îles du Cap-Vert purent revenir quelques semaines plus tard).

Ainsi La Victoria et les dix-huit occidentaux que comptaient encore l’équipage furent les premiers à effectuer un tour complet du globe par la voie océanique. La vente des épices rapportées remboursa l'essentiel des frais engagés au départ mais fut insuffisante pour couvrir les arriérés de solde dus aux survivants et aux veuves. En 1529, par le traité de Saragosse, l'Espagne renonça à ses prétentions sur les Moluques mais elle garda les Philippines. Cinq survivants, rescapés de la Trinidad, accomplirent eux aussi le tour du monde, mais ils ne revinrent en Europe qu’en 1525.

Je te joins une carte de l’Afrique (en plus de celle qui illustre le voyage de Magellan) afin que tu puisses situer le Mozambique et le Zimbabwe cités dans la lettre précédente.

 

Bon courage ! Je pense à toi.

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Lettre 60-32

22 avril 2020,

Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle

 

E) XVI siècle : la formation de l’empire colonial espagnol
 

1) La conquête de l’empire Aztèque

Après la colonisation d'Hispaniola en 1492 (aujourd’hui Haïti et la République dominicaine), les Espagnols conquirent Porto Rico en 1508 puis Cuba en 1511. La première colonie sur le continent fut Santa Maria la Antigua del Darien en Colombie (aujourd’hui Santa Maria tout court, voir carte jointe) fondée par Balboa en 1510. En 1513 Balboa traversa l'isthme de Panama et dirigea la première expédition européenne depuis la côte ouest du Nouveau Monde.

Hernan Cortès, né en Espagne en 1485, participa à la conquête de Cuba et s’opposa rapidement au gouverneur de l’île, représentant de la couronne espagnole dans les Antilles : Velázquez. Emprisonné puis évadé il arma une flotte, et, le 10 février 1519, il quitta Cuba et cingla vers le continent.

Il aborda le Mexique actuel sur la côte de Tabasco (sud du Mexique) le 23 avril 1519 près de la péninsule du Yucatan (voir carte). Il y rencontra les Mayas, survivants d’une civilisation qui s’effondra vers le X siècle (nous ne connaissons pas bien les causes de cet effondrement). Les Mayas furent d’abord pacifiques puis ils le furent moins mais Cortès parvint à les maîtriser. Il apprit l'existence d'un pays à l'ouest du Yucatán appelé Mexico, domaine des Aztèques, réputé riche en or. Il décida de conquérir ce royaume.

Avant de partir il dut imposer son autorité à une partie de ses hommes restés inféodés au gouverneur Velázquez lequel venait d’être nommé gouverneur du Yucatán par Charles 1er le nouveau roi d’Espagne (le futur Charles Quint). Seul Velázquez était légitime à partir à la conquête de nouveaux territoires.

Cortès commença par transformer le campement où il s’était établi en ville dotée d’une administration solide. Il l’appela Villa Rica de la Vera Cruz (« La riche ville de la véritable croix »), devenue Veracruz. Il en fit une place forte de façon à pouvoir résister à une éventuelle attaque de Velázquez. Puis il détruisit tous les navires afin de ruiner les espoirs des contestataires de revenir à Cuba. L'expression « brûler ses vaisseaux » est utilisée aujourd’hui pour dire qu'il n'est plus possible de rebrousser chemin.

L'expédition terrestre vers l’empire aztèque partit le 16 août 1519. Cortès arriva d’abord dans l'État de Tlaxcala, ennemi de l'empire aztèque. Le souverain l’attaqua. Cortès remporta la bataille grâce à sa supériorité technologique mais aussi grâce à ses chevaux, animal que les indigènes n’avaient jamais vu : ils s’effrayèrent. Après sa victoire, Cortès rallia les Tlaxcaltèques à sa cause. Il poursuivit son chemin, avec le renfort de 2 000 combattants tlaxcaltèques.

Il arriva à Cholula, une ville de l'empire de Moctezuma II, l’empereur aztèque. Les choses se passèrent mal, un conflit éclata. Les Espagnols incendièrent la ville et tuèrent entre 15 000 et 30 000 habitants. Ce fut un des plus grands massacres menés par Cortès, et aujourd'hui encore, son souvenir est vivace au Mexique. Cortès adressa un message à Moctezuma, justifiant son action par le manque de respect des autorités de Cholula à son encontre.

L'entrée dans la capitale aztèque Tenochtitlan (future Mexico) eut lieu le 8 novembre 1519. Moctezuma crut que les Espagnols étaient des envoyés des dieux. Cortès fut accueilli avec la pompe requise pour le retour d'un dieu. Des sacrifices humains lui furent offerts. Selon certains témoignages le sang des sacrifiés formaient des rivières de sang sur les marches du palais. Les Espagnols découvrirent d’énormes quantités d’or amassées par les rois. L’idée de s’en emparer fit son chemin.

C’est alors que Cortès apprit que Velázquez avait envoyé une flotte vers Veracruz pour le renverser. Il décida de laisser une garnison d'une centaine d'hommes à Tenochtitlan, sous les ordres de Pedro de Alvarado, puis il prit la tête du reste de la troupe pour affronter ce nouveau danger. Il sortit victorieux de la confrontation.

Pendant qu’il était occupé à Veracruz, la situation se dégrada à Tenochtitlan. Alvarado se croyant (peut-être à tort) menacé rentra en conflit avec les Indiens et les massacra. La population se rebella. Les Espagnols se retrouvèrent assiégés dans le palais. Le 24 juin 1520 Cortès rentra dans la ville. Moctezuma ayant été fait prisonnier par les Espagnols, Cuitlahuac son frère fut élu empereur et continua la guerre. Encerclés, les Espagnols se retrouvèrent en mauvaise posture. Cortès ordonna à Moctezuma de parler à son peuple depuis un balcon pour le convaincre de laisser les Espagnols retourner vers la côte. Moctezuma lui obéit mais il fut hué et reçut des pierres qui le blessèrent grièvement. Il mourut quelques jours plus tard (peut-être finalement assassiné par les Espagnols, on en sait rien).

Assiégés les Espagnols contre-attaquèrent dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1520, nuit surnommée la Noche Triste. La lutte fut terrible. Environ 400 Espagnols et près de 2 000 de leurs alliés furent tués. Cortès parvint à s'échapper de justesse. Poursuivis par les Indiens, les Espagnols se jetèrent le 7 juillet, dans un ultime combat : la bataille d’Otumba. Ils parvinrent à repousser les Aztèques.

Toujours soutenu par les Tlaxcaltèques, ralliant tous les Indiens ennemis des Aztèques, Cortès assiégea la capitale. Après un long siège de trois mois faisant entre 120 000 et 240 000 morts chez les Aztèques l’empereur se rendit à Cortès le 13 août 1521. Il mourut sous la torture. Puis Cortès fit raser la ville avant de commencer à construire la future ville de Mexico.

Ainsi le territoire aztèque passa sous la domination espagnole.

Hernán Cortès organisa d’autres expéditions vers l’Amérique centrale. L’un de ses hommes Pedro de Alvarado occupa le Guatemala et poussa jusqu’au Honduras. Il espérait trouver un passage qui relia les deux océans Atlantique et Pacifique mais il ne trouva rien (il n’y avait pas de passage de toute façon).

En 1532, Cortès envoya trois navires le long de la côte nord-ouest du Mexique à la recherche de l’île de Californie. Ils disparurent tous trois sans laisser de traces. Le mythe de cette île avait été créé par Rodriguez de Montalvo à la fin du XVe siècle dans son livre Las Sergas de Esplandian qui la décrit comme suit : Sache qu'à main droite des Indes il y a une île appelée Californie très proche du bord du paradis terrestre ; elle est peuplée de femmes noires, sans aucun homme parmi elles, car elles vivent à la façon des Amazones.

L'année suivante, Cortès fit partir une expédition de secours au cours de laquelle le pilote Fortun Ximenez débarqua à l'emplacement de l'actuelle La Paz. L’expédition avait en fait découvert la Basse Californie.

Hernan Cortès, enfin reconnu par le roi d’Espagne, proposa, dans une lettre à Charles Quint, de baptiser Nueva España (Nouvelle-Espagne) les territoires explorés et soumis au nom de la couronne espagnole pendant sa conquête de l’empire aztèque :

« Il m'est apparu que le nom qui conviendrait le mieux pour désigner cette terre serait celui de Nouvelle-Espagne de la mer Océane. C'est ainsi que j'ai appelé cette terre au nom de Votre Majesté et je demande humblement à Votre Altesse qu'elle approuve ce nom et le tienne pour bon »

La Nouvelle-Espagne, ou Vice-Royauté de Nouvelle-Espagne devint une division administrative du royaume créée en 1525. Elle administra le territoire aztèque conquis par Cortès, le nord de ce territoire ou Nouvelle Galice, la Floride, l’Amérique centrale mais aussi les Philippines car il était plus facile d’atteindre ces îles en partant d’Amérique plutôt qu’en partant d’Espagne.

Selon la légende c’est l'Espagnol Juan Ponce de Leon qui aurait découvert la Floride. Il débarqua sur la côte orientale de la péninsule entre le 2 et le 8 avril 1513. Il baptisa l'endroit « La Pascua Florida », ce qui signifie « la Pâque fleurie »

C’est l’Espagnol Nino Beltrán de Guzmán qui conquit les terres amérindiennes du nord et du nord-ouest du Mexique. Il nomma ces régions Nouvelle-Galice.

Sur une carte jointe le Yucatán est cette excroissance de terre contenant le Guatemala, le Belize, le Honduras, le Salvador et le sud du Mexique. La ville de Veracruz est mentionnée sur cette carte, c’est là que débarqua Cortès, sur la côte de Tabasco.

 

Je t’embrasse,

Je t’aime

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Lettre 60-33

25 avril 2020,

 

Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle

 

E) XVI siècle : la formation de l’empire colonial espagnol

2) La conquête de l’empire Inca

Nous avons vu dans la lettre précédente que le conquistador espagnol Núñez de Balboa (1475-1519) avait fondé en 1510 la première colonie permanente de la Terre Ferme, Santa Maria la Antigua del Darien (en Colombie actuelle). A partir de là il franchit l’isthme de Panama et, en 1513, il découvrit le Pacifique (qu’il appela mer du Sud, rebaptisée ensuite par Magellan : océan Pacifique).

Cet événement est considéré dans l'histoire comme le chapitre le plus important de la conquête espagnole après la découverte de l’Amérique. Aujourd’hui au Panama, le nom de Vasco Núñez de Balboa est porté par des parcs et des avenues, et un monument rappelle la prise de possession de la mer du Sud par ce conquistador, le regard tourné vers l'océan Pacifique. Le pays a donné le nom de balboa à la monnaie nationale.

En 1522, un autre espagnol, Pascual de Andagoya partit explorer la côte pacifique de l'actuelle Colombie. Il apprit l'existence d'un empire, surnommé Le Berú ( mot qui donnera plus tard au Pérou son nom) dont les habitants selon la rumeur mangeaient dans de la vaisselle en or. Parti à sa recherche, il ne le trouva pas.

En 1524, mis au courant ce cette expédition ratée, Francisco Pizarro (né en Espagne en 1475, assassiné à Lima en 1541) qui avait accompagné Balboa en 1513 dans sa découverte de la mer du Sud s'associa avec un autre aventurier, Diego d’Almagro (1475-1538) pour découvrir ce pays. Pendant leur voyage ils furent mis en déroute par une tribu locale. En 1526 ils montèrent une nouvelle expédition. Leur bateau s’échoua sur une île. Tandis que Diego d’Almagro partait chercher du secours, Pizarro, seul avec douze hommes, explora la côte est du continent et arriva dans la ville de Tumbes (voir carte jointe), port avancé de l’Empire.

Il s’agissait de L’Empire Inca dont le territoire s’étendait sur près de 4 500 km de long, depuis le sud-ouest de l'actuelle Colombie, au nord, jusqu'au milieu de l'actuel Chili, au sud, et comprenant la quasi-totalité des territoires actuels du Pérou et de l’Équateur, ainsi qu'une partie de la Bolivie et même de l’Argentine. Cuzco était sa capitale. Un Empereur, considéré comme un Dieu, régnait sur les tribus locales en s’appuyant sur une élite

constituée de membres de la tribu des Incas. Cet empire possédait de fabuleuses quantités d’or ce qui intéressait non seulement les particuliers mais aussi les souverains occidentaux qui utilisaient ce métal comme monnaie d’échange dans leurs transactions nationales et internationales.

Secouru par Almagro, Pizarro décida de rentrer en Espagne pour demander le soutien du roi en vue de financer une nouvelle expédition. Il fut reçu en 1530 par Charles Quint qui le chargea de conquérir l’ Empire.

En 1531, Pizarro et Almagro lancèrent une nouvelle expédition composée de 180 hommes et de 37 cavaliers. Ils arrivèrent à Tumbes et découvrirent une ville ravagée par trois ans de guerre. Depuis la dernière visite de Pizarro l’Empire était rentré dans une guerre de succession. L’Empereur Inca Huayna Capac mort en 1527 avait laissé deux fils, Atahualpa et Huascar qui se lancèrent dans une guerre civile pour s’emparer du pouvoir. A l’arrivée des deux conquistadors Atahualpa venait de gagner la guerre. Le pays sortait affaibli par ce conflit.

Pizarro apprit que le nouvel Empereur, qui avait établi ses quartiers à Quito (au nord de l’Empire, voir carte jointe) devait se rendre à Cuzco, la capitale, en passant par Cajamarca. Il décida de lui tendre un piège.

Le 15 novembre 1532 il arriva à Cajamarca alors que l'Empereur se trouvait encore à une dizaine de kilomètres de là. Pizarro lui envoya des émissaires l'invitant à une rencontre pacifique au milieu de la place, centre de la cité. Atahualpa reçut avec bienveillance cette invitation d’autant plus qu’il prenait l’Espagnol pour une incarnation d’un dieu local, Viracocha, qui devait revenir sur terre pour établir paix et prospérité.

Atahualpa arriva, porté sur une litière d'or, entouré de sa cour composée de milliers de soldats (désarmés car confiants), de danseurs et de nobles. II s’installa au milieu de la place. Les Espagnols se cachèrent dans les maisons qui entouraient l’endroit. Un prêtre s'approcha de l'Empereur, commença à lui lire une injonction, lui demandant de suivre la « Parole du Dieu unique », bible offerte à l’appui. Atahualpa se saisit du livre, le porta à son oreille, s'exclama qu'il n'entendait aucune parole divine et jeta le livre à terre. Le prêtre s'enfuit et cria à Pizarro, toujours caché : « Que faites-vous, votre Grâce ? Atahualpa est Lucifer ! ».

Pizarro aussitôt donna le signal de l'attaque. Sortant des maisons, les Espagnols en armes se ruèrent sur les indigènes. Tous les officiers et soldats qui entouraient l’Empereur furent tués. Mais la vie de l’Inca fut préservée car Pizarro entendait l’utiliser pour en faire un pantin et abuser les populations de l’Empire.

Les Espagnols attachèrent des grelots aux pattes de leurs chevaux, tirèrent dans tous les sens avec leurs fusils, créant ainsi la panique chez les amérindiens qui ne connaissaient ni les chevaux ni les armes à feu. Ils tentèrent de s'enfuir de la place aux issues trop petites, formèrent des pyramides humaines pour atteindre le sommet des murs entourant la place, s’asphyxiant ainsi. Les murs s’effondrèrent, encore d’autres hommes moururent. Les survivants fuirent dans la campagne. Jusqu'à la nuit tombée, les Espagnols les pourchassèrent et les massacrèrent. Les estimations donnent un chiffre compris entre 8 000 et 10 000 morts. Au soir du 16 novembre 1532, la destruction totale des principales forces militaires incas et la capture du souverain mirent ainsi fin à l'indépendance de l'Empire.

Une fois Atahualpa capturé ses troupes n’osèrent pas attaquer les Espagnols de peur de mettre en danger la vie de leur Empereur-dieu. Pourtant les partisans de ce dernier prenaient progressivement le contrôle du territoire. Pizarro habilement suscita la rébellion des peuples dominés par les Incas : l'Empire se morcela. Toutefois les Incas se battaient encore espérant toujours retrouver leur Empereur. Pizarro proposa une rançon pour lui rendre la liberté : des tonnes d’or. Quand les indigènes apportèrent l’or Pizarro décida de tuer l’Inca. Il voulait tuer définitivement le symbole vivant qui tenait encore debout le peuple inca. L’Empereur fut tué par strangulation le 29 août 1533.

Les Espagnols se lancèrent alors à la conquête de tout le territoire, soutenus par les peuples rebelles. Arrivés à Cuzco le 15 novembre 1533 ils pillèrent la ville et mirent sur le trône le demi-frère de Huascar, Manco Inca. Celui-ci, à la solde des Espagnols, fut impuissant face à la dislocation de l'Empire. Il essaya de lancer une insurrection en 1536, il reprit une partie du pays, mais il échoua à reprendre Cuzco. Manco Inca finit assassiné en 1545.

Almagro et Pizarro pendant ce temps rentrèrent en conflit, chacun se disputant les territoires acquis. Pizarro réussit à convaincre son partenaire de partir à conquête du Chili où les rumeurs faisaient état d'une terre où abondaient les métaux précieux et où il trouverait, vraisemblablement, un deuxième Cuzco. Almagro entreprit ainsi son expédition en partant de Cuzco le 3 juillet 1535. Le voyage à travers le Chili fut difficile et pénible, sans aucun gain. Le territoire était désertique et peuplé d’indiens hostiles. Cette expédition dura environ deux ans et se termina en 1537 avec le retour d'Almagro et de ses troupes qui partirent à l’assaut de Cuzco dont ils voulaient faire leur possession. De là s’engagea une guerre civile entre les deux conquistadors. Almagro fut fait prisonnier puis il fut exécuté en 1538. Puis la famille d’ Almagro assassina Pizarro en 1541. Face à ce désordre la vice-royauté du Pérou fut créée le 20 novembre 1542 par Charles Quint afin d’asseoir une administration royale stable.

Le roi envoya le premier vice-roi Blasco Nunez Vela en 1543, mais il fut assassiné en 1546 par un frère de Pizarro. C'est finalement Pedro de la Gasca, nommé à la place de Vela, qui parvint, en 1548, à restaurer l'ordre et l'autorité royale, et à mettre fin aux rébellions. La capitale alors s'établit dans la Ville des Rois, Lima, fondée par Pizarro le 18 janvier 1535.

 

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 Lettre 60-34

26 avril 2020,


Samuel,


Les empires coloniaux du XV au XVII siècle

 

E) XVI siècle : la formation de l’empire colonial espagnol


3) L’exploitation des territoires conquis

Après les découvertes, l’occupation de l’Amérique latine, du Mexique et de l’Amérique centrale fut donc le fait de bandes armées, les entradas. Les grands conquistadors, Cortès, Pizarro, Almagro accrurent le domaine de souveraineté du roi en s’emparant par la force des richesses locales.

Le moteur le plus puissant de la conquête du Nouveau Monde fut la recherche de l’or. L’Europe via l’Espagne, reçut en deux siècles une quantité de métaux précieux sans précédent qui modifia les structures de l’économie et bouleversa la hiérarchie des puissances. L’afflux des métaux américains à Cadix conféra à la couronne de Philippe II une puissance sans égale, un rayonnement artistique et culturel exceptionnel.

Ce n’est pas l’or en soi qui importait mais c’était les moyens de paiement qu’il offrait. C’est pour cela que Charles Quint finança les expéditions des conquistadors, pour qu’ils rapatrient l’or en Espagne. Ce métal permit aux souverains espagnols de financer leur économie et leurs armées.

Les Espagnols pillèrent d’abord les réserves des populations indiennes puis ils exploitèrent les mines du Mexique et du Pérou en asservissant les indigènes qui servirent donc de main d’œuvre à bon marché. Ci-joint une carte : les ressources minières de l’Amérique espagnole avec une liste de ces mines et leur date de mise en exploitation.

L’arrivée des conquistadors provoqua la rencontre entre deux humanités ayant vécu durant plusieurs millénaires en totale ignorance l’une de l’autre. Les Espagnols se comportèrent en maîtres convaincus de leur supériorité face à des populations considérées comme appartenant à une sous-humanité qui ne descendait pas de Noé. Le bilan de cette rencontre fut tragique : les autochtones furent massacrés, réduits en esclavage, expropriés et victimes d’un choc bactériologique inédit dans l’histoire humaine.

En 1492 le continent sud-américain était densément peuplé. La question est de savoir quelle en était la démographie. Au vu des routes tracées par les Incas (des dizaines de milliers de kilomètres), des Temples immenses, des pratiques agricoles retrouvées sur les territoires, des vestiges de cités étendues, les chercheurs retiennent une population de l’ordre de 80 millions d’habitants. Si cette estimation est juste, sachant qu’au milieu du XVII siècle la population indigène ne comptait plus que 4,5 millions d’habitants l’hécatombe est vertigineuse. Ce ferait plus de 70 millions de morts en l’espace de 150 ans. Le cas d’Hispaniola, de Cuba et de Porto Rico est éloquent : quelle que soit l’importance des populations d’origine lorsque les Espagnols y arrivèrent, cent ans plus tard, il n’y avait plus aucun indigène sur ces îles.

Comment expliquer un tel désastre humain ? Trois causes sont avancées :

Les massacres : les premières exterminations par le fer et le feu pendant les guerres de conquête.

L’asservissement, soit la réduction des populations en esclavage avec des conditions de travail épouvantables dans les mines

Les épidémies : les Espagnols importèrent des bactéries et des virus inconnus, des maladies nouvelles décimèrent les populations : grippe, rougeole, variole, varicelle.

Il semble que ce soit surtout ces épidémies qui expliquent l’effarante mortalité des indigènes. En effet les massacres n’ont pas pu engendrer des millions de morts. En revanche l’esclavage et les conditions de travail des Indiens dans les mines ont sans doute largement contribué à l’hécatombe concurremment avec les épidémies.

Le massacre des populations indigènes finit par provoquer un grand débat au sein des élites de la société espagnole. Avait-on le droit de considérer les Indiens comme des êtres inférieurs ? Se posait une grave question théologique : l’histoire de l’humanité relatée dans l’Ancien Testament n’évoquait jamais l’existence de la population indienne. Était-il possible que fût omis un rameau de l’humanité ? Pour les conquistadors les Indiens n’étaient pas des humains, ils étaient des intermédiaires entre les animaux et les hommes, ils n’avaient pas d’âme, il était donc autorisé de les tuer comme on tuait des animaux.

Néanmoins le massacre infernal infligé aux Indiens finit par émouvoir certains religieux. En 1511 le dominicain Antonio de Montesino (1475-1540) posa cette accusation : « Vous êtes tous en état de péché mortel à cause de votre cruauté envers une race innocente. Ces gens ne sont-ils pas des hommes ? N’ont-ils pas une âme, une raison ? »

Bartolomé de Las Casas (1474-1566), un autre dominicain, de retour du Mexique, reprit ce discours dénonciateur et mit en accusation les conquistadors. Face à ces attaques la couronne espagnole se devait de trancher. Charles Quint convoqua une conférence théologique à Valladolid, qui se réunit en 1550 et en 1551. Un jury de quinze membres dut prendre la décision finale. Las Casas se fit l’avocat de l’humanité des Indiens, Juan Gines de Sepulvada ( 1490-1573) se fit l’avocat des conquistadors. Las Casas imposa son point de vue : il fut admis solennellement que les Indiens avaient une âme et par conséquent appartenaient pleinement à la descendance de Noé.

Cette reconnaissance ne changea pas beaucoup le sort des Indiens sinon qu’il n’était plus possible de les tuer comme des chiens. De toute façon, vu leur hécatombe, ils furent rapidement remplacés par les Noirs. L’importation d’esclaves africains commença dès 1503 avec la colonisation d’ Hispaniola. Les Antilles dont la population indienne avait été éradiquée très tôt furent les premières îles destinataires de ce nouvel esclavage. Puis ce fut toute l’Amérique centrale et latine qui recourut à la traite négrière. Les colons avaient besoin de main d’œuvre pour exploiter les mines et développer des cultures notamment la canne à sucre. Ils allèrent la chercher en Afrique après avoir exterminé les Indiens.

 

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  • 2 semaines après...
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Lettre 60-35

6 mai 2020,


Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle


F) XVI siècle : la colonisation du Brésil par les Portugais

Le 22 avril 1500, sous le règne de Manuel I, roi du Portugal, une flotte dirigée par le navigateur Pedro Alvares Cabral débarqua au Brésil et en prit possession au nom du roi (voir lettre 60-30). Le point d'arrivée de Cabral fut Porto Seguro dans l’État brésilien de Bahia (voir carte jointe, Port Seguro est au sud de l’État). On estime qu'à l’époque la côte orientale de l'Amérique du Sud était habitée par environ 2 millions d'Amérindiens.

Rappelons que suite au traité de Tordesillas (voir lettre 60-28), signé en 1494, sous l'égide du Pape Alexandre VI, toutes les terres nouvellement découvertes situées à plus de 370 lieues à l'ouest du Cap vert allaient à l'Espagne, les autres étant attribuées au Portugal. La pointe orientale du continent sud-américain (le Brésil) revenait ainsi au Portugal.

Après le voyage de Cabral le Portugal concentra ses efforts sur ses possessions d’Afrique et d’Inde. Entre 1500 et 1530 quelques expéditions vinrent récupérer le bois brasil utilisé pour produire un colorant employé dans la teinture de textiles de luxe. Le bois était coupé par les indigènes qui l’échangeaient contre des ciseaux, des couteaux ou des haches.

La France alors dirigée par François 1 qui ne reconnaissait pas le traité de Tordesillas envoya des expéditions vers le Brésil pour en ramener le bois. La couronne portugaise réagit : en 1530, une expédition menée par Martim Afonso de Souza chassa les Français et créa les premiers villages coloniaux.

Plusieurs expéditions furent lancées à l'intérieur des terres pour trouver des mines de métaux précieux. Aucune ne fut trouvée. La colonisation se limita à la côte où le climat et le sol étaient adaptés à la plantation de la canne à sucre (il y avait bien de l’or au Brésil, mais au centre du pays. Ces mines ne furent trouvées qu’à la fin du XVII siècle)

L'entreprise de colonisation ne débuta donc réellement que dans les années 1530. A cette époque le nouveau roi du Portugal Jean III divisa le territoire en douze « capitaineries » privées héréditaires. Mais ces capitaineries échouèrent à exploiter les richesses du pays. Le roi décida de faire de la colonisation une affaire royale plutôt qu'une affaire privée.

En 1549, une flotte dirigée par Tomé de Souza accosta sur les côtes brésiliennes. De Souza devint le premier gouverneur général du Brésil. Son premier acte fut de fonder la capitale, Salvador de Bahia (voir carte). Puis il exploita les terres en cultivant la canne à sucre. Le sucre devint la principale richesse commerciale du Brésil ce qui amena les Portugais à développer la traite des Noirs afin d'augmenter la production.

Le deuxième gouverneur général, Duarte da Costa (1553-1557), connut des conflits avec certaines tribus indigènes qui ne se laissaient pas convertir sans résistance. Il dut également s’opposer à une tentative d’implantation des Français sur le territoire (voir ci-après).

Le troisième gouverneur général fut Mem de Sa (1557-1573). Il réussit à pacifier les Amérindiens et à expulser les Français qui avaient établi dans la baie de Guanabara une colonie. Son neveu, Estacio de Sa, fonda la ville de Rio de Janeiro en 1565.

En 1554 une expédition financée par le roi de France de l’époque Henri II et par Coligny, commandée par Nicolas Durand de Villegagnon (1510-1571) fut envoyée au Brésil pour y installer une colonie essentiellement formée de huguenots (protestants français)

Villegagnon arriva dans la baie de Guanabara et débarqua dans l’île de Serigipe qui porte aujourd’hui son nom (île Villegagnon face au pain de sucre de Rio). Il y fit élever le fort Coligny. La colonie fut appelée : « France antarctique ». Mais le ravitaillement fit défaut et ses hommes montèrent une conspiration contre lui. Les conspirateurs furent éparpillés dans l’arrière-pays où ils se marièrent avec des indigènes.

Vu l’aggravation des conflits religieux en France des huguenots vinrent se réfugier dans la baie dont le célèbre Jean de Léry (1536-1613) qui donna une description devenue classique des peuples de la région [ Jean de Léry (1536-1613) est un grand voyageur et écrivain français, auteur de : l’ Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil].

Les Portugais montèrent une expédition militaire et chassèrent les Français en 1560. Quelques-uns continuèrent à faire commerce du bois à partir de la jungle mais ils finirent par être définitivement chassés en 1565 date à laquelle les Portugais fondèrent la ville de Rio sur la baie de Guanabara.

Les gouverneurs portugais amenèrent avec eux des Jésuites (catholiques), qui créèrent des missions, étudièrent les langues locales et convertirent au catholicisme de nombreux indigènes. Le succès des Jésuites dans la conversion des autochtones fut lié à leur capacité à comprendre la culture locale, en particulier la langue. Les Jésuites s’opposèrent à la mise en esclavage des Indiens, mais ils contribuèrent comme les autres Européens à la propagation de maladies infectieuses létales pour les indigènes. Toutefois devant la généralisation de l’esclavage (traite des Noirs) les Jésuites renoncèrent à s’y opposer et se contentèrent de s’occuper de leurs petites communautés religieuses.

En 1562 Coligny envoya une expédition coloniser les côtes orientales de Floride. Il fit construire une forteresse, Charlesfort. La colonie reçut le nom de Floride française. Cette fondation fut un échec faute de renforts. Une seconde tentative eut lieu en 1564 avec la construction de Fort Caroline : les Espagnols attaquèrent et détruisirent le fort en 1565 massacrant tous les Français.

[Une autre colonie française, la France équinoxiale, fut fondée en 1612 à l'emplacement de l'actuelle ville de Sao Luis, dans le Nord du Brésil. En 1614, ces Français furent expulsés du Brésil par les Portugais].

 

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Lettre 60-36

7 mai 2020,

 

Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle


G) XVI siècle : les Français au Canada

Les côtes orientales du Canada furent explorées pour la première fois par les Vikings, déjà établis au Groenland, vers l’an mille. Ils s’établirent à Terre-Neuve comme l’attestent les vestiges (inscrits au patrimoine mondial par l’Unesco) de l’Anse aux Meadows ( située près du Cap Dégrat sur la carte jointe : Les voyages de Jacques Cartier ) et les vestiges de pointe Rosée (cap Saint-Jean sur la carte). Mais ils n’y restèrent que quelques années chassés par les autochtones mais aussi par un changement climatique (début du petit âge glacière).

Les pêcheurs basques et bretons redécouvrirent les côtes de Terre-Neuve dès le XV siècle, peut-être même dès le XIV siècle pour les Basques qui y auraient pratiqué la pêche à la baleine. Les pêcheurs français mais aussi d’autres pêcheurs venus d’Europe pratiquaient là-bas la pêche à la morue.

Quelques années après Christophe Colomb et bien avant Magellan, le Vénitien Giovanni Cabotto (alias John Cabot), se lança à la recherche d’un passage vers la Chine par le Nord-Ouest. Parti en 1497 avec 18 hommes d’équipage et un navire de cinquante tonneaux, il crut avoir découvert le Japon lorsqu’il aborda ce qui devait être la presqu’île de Terre-Neuve. Une deuxième expédition à la tête de cinq navires affrétés par le roi Henri VII d’Angleterre, lui sera fatale. John Cabot n’en reviendra pas.

François 1, (1494-1547), contemporain des découvertes de Colomb, prenant conscience de l’importance des terres nouvelles découvertes lança, après qu’il est devenu roi de France en 1515, des expéditions exploratoires vers l’Amérique du sud (nous avons vu que ses essais d’implantation au Brésil échouèrent, lettre 60-35). Puis en 1523, il encouragea les explorations en Amérique du Nord. Le Florentin Giovanni da Verrazzano partit en expédition pour lui, atteignit l’Amérique du Nord, cartographia Terre Neuve, puis fonda La Nouvelle-Angoulême (site de la future Nouvelle-Amsterdam, rebaptisée New-York en 1664). Son objectif était de trouver le passage mythique vers le nord-ouest menant directement aux Indes mais il ne le trouva pas. [C’est le Norvégien Roald Amundsen qui fut le premier à franchir le passage entre 1903 et 1906 ].

En 1534, François I chargea Jacques Cartier (1491-1557) navigateur malouin, de « faire le voyage de ce royaume des Terres Neuves pour découvrir certaines îles et pays où l’on dit qu’il se doit trouver grande quantité d’or et autres riches choses. » Le roi espérait aussi que le marin trouvât le passage du nord-ouest vers l’Asie.

Jacques Cartier aborda en 1534 Terre-Neuve et le golfe du Saint-Laurent. Il explora le territoire alentour qu'il nomma Canada (de l'iroquois kanata, village). Après avoir planté une croix à Saint-Servan (voir carte), sur la côte nord du golfe, Cartier piqua vers le sud vers le cap de Latte. Il dépassa les Îles-de-la-Madeleine (les Arènes sur la carte) puis il mit les voiles vers l’actuelle Île-du-Prince-Édouard dont il ne remarqua pas l’insularité. Cette île est repérable sur la carte jointe par la rivière des Barques. Sur les cartes actuelles cette île est repérable par : Charlottetown, la plus grande ville de l’île.

Il progressa ensuite jusqu’à la baie des Chaleurs (voir carte) où, le 7 juillet, il rencontra des Micmacs (tribu amérindienne). La confiance s'installa entre les marins et les autochtones, avec échanges de colifichets, couteaux, tissus… contre des peaux d'animaux.

Peu après Cartier atteignit la baie de Gaspé (secteur de Honguedo sur la carte). Il y rencontra les Iroquois du Saint-Laurent. D’abord confiantes et cordiales, les relations se ternirent quand, le 24 juillet, Jacques Cartier prit possession du territoire pour le roi de France en érigeant une croix de 30 pieds de haut, à la Pointe-Penouille (à l’endroit marqué : deuxième croix sur la carte). Cartier calma les esprits en assurant au chef iroquois, Donnacona, que la croix n’était in fine qu’un simple point de repère. Le chef finit même par permettre à Cartier d'emmener avec lui deux de ses « fils », Domagaya et Taignoagny, en France.

Sans avoir encore découvert le Saint Laurent Cartier retourna en métropole, les deux indiens attestant ses découvertes. C’est alors qu’ils parlèrent du fleuve Saint-Laurent et du « royaume de Saguenay » présentant ce royaume comme une cité somptueuse où tout était en or et où les gens étaient vêtus de soie, l’accès se faisant en remontant le fleuve Saint-Laurent puis en remontant la rivière Outaouais (voir carte et la mention « rivière qui viendrait de Saguenay »). Ces informations convainquirent François I de financer une deuxième expédition.

Le deuxième voyage eut lieu en 1535-1536. Ramenés de France par Cartier, les deux « fils » du chef Donnacona, qui parlaient maintenant français, guidèrent le navigateur. Cartier remonta le cours du Saint-Laurent. Le 7 septembre, devant Stadaconé qui devait devenir la ville de Québec, il retrouva Donnacona (voir carte : la découverte du Saint-Laurent). L’explorateur continua de remonter le fleuve tandis qu’une partie des hommes restèrent à Stadaconé et construisirent un fortin. Le 2 octobre 1535 Cartier arriva à Hochelaga (voir carte).

Près de deux mille personnes vivaient dans cette cité dominée par une montagne que Cartier nomma mont Royal devenu aujourd’hui Montréal. Ses hôtes lui parlèrent des richesses du « royaume de Saguenay. » Mais les rapides l’empêchèrent de poursuivre sa route vers l’ouest. Cartier rebroussa chemin jusqu’à Stadaconé où il arriva le 7 septembre 1535. L'hiver surprit les Français, le fleuve gela et emprisonna les navires. Les hommes souffrirent du scorbut et ne durent leur salut qu’à une tisane de cèdre blanc que leur donnèrent les Iroquois.

Le 3 mai, Cartier fit planter une croix sur le site où il venait d’hiverner. Le même jour, il s’empara d’une dizaine d’Iroquois parmi lesquels se trouvait Donnacona, le seul à pouvoir « conter et dire au roi ce qu’il avait vu ès pays occidentaux, des merveilles du monde. » Après un passage par Saint-Pierre-et-Miquelon, il arriva à Saint-Malo en juillet 1536, croyant avoir exploré une partie de la côte orientale de l'Asie.

Donnacona, qui comprit ce que cherchaient les Français (de l'or, des gemmes, des épices), leur fit une description encore plus extraordinaire du « royaume de Saguenay. »

François I décida de lancer une troisième expédition en 1541-1542 avec pour instructions, cette fois, d'implanter une colonie. Donnacona mourut en France vers 1539.

L'organisation de la nouvelle expédition fut confiée à Jean François de La Rocque de Roberval un homme de cour que Cartier devait seconder. La colonisation et la propagation de la foi catholique devinrent les deux objectifs.

Roberval ayant pris du retard dans l'organisation, Cartier s'impatienta et décida de s'engager sur l'océan sans l'attendre. Il arriva à Stadaconé en août 1541, après trois ans d'absence. Les retrouvailles furent chaleureuses mais Cartier avoua le décès de Donnacona, ce qui jeta un froid. Les rapports se dégradèrent et Cartier décida de s'installer sur un site voisin de Stadaconé, dans le fort de Charlesbourg-Royal pour y préparer la colonisation. Bientôt, l'hiver arriva et Roberval était toujours invisible, avec le reste de l'expédition.

En attendant, Cartier accumula des pierres négociées avec les Iroquois qui lui assurèrent qu’il s’agissait d’or et de diamants. En 1542, Cartier leva le camp et croisa Roberval qui venait d’arriver à Terre-Neuve. Malgré l'ordre que ce dernier lui donna de rebrousser chemin et de retourner explorer le Saint-Laurent, Cartier mit le cap vers la France. Aussitôt arrivé, il fit expertiser le minerai et apprit qu'il s’agissait de pyrite et de quartz sans valeur. Sa mésaventure est à l'origine de l'expression « faux comme des diamants du Canada » et du toponyme actuel, « cap Diamant », pour désigner l'extrémité est du promontoire de la ville de Québec.

Quant à Roberval, il poursuivit sa route jusqu’à Charlesbourg Royal, toponyme qu’il remplaça par celui de France-Roi. Après avoir affronté le climat, le scorbut, les querelles et les attaques des Iroquois, sa colonie s’éteignit en 1543 et les survivants furent rapatriés.

Pendant plus de soixante ans la présence française au Canada appelé : « Nouvelle France » dont Jacques Cartier avait pris possession en 1534 avec la symbolique de la croix érigée Pointe-Penouille, dotée d’un écusson aux fleurs de lys et de l’inscription « vive le Roy de France » resta quasiment inexistante. Seul le commerce des fourrures avec les autochtones sur le fleuve Saint-Laurent et la pêche à la morue au large de Terre-Neuve attirèrent des Français. Il faudra attendre le début du XVII siècle et l’arrivée du jeune navigateur Samuel de Champlain pour que naisse un peuplement français (modeste) sur le Saint-Laurent.

 

Bonne lecture ! Je t’embrasse très fort,

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Lettre 60-37

11 mai 2020,


Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle



H) XVII siècle : considérations générales


Rêvant de conquérir le Maroc, le roi du Portugal Sébastien 1 débarqua à Tanger avec son armée en 1578. Dans la guerre qui s’ensuivit il perdit la vie lors de la bataille d’Alcaçar-Quivir, dite la bataille des Trois Rois. Il ouvrit ainsi une vacance du pouvoir dont profita Philippe II d’Espagne : ce dernier devint roi du Portugal en 1580. Ainsi toutes les colonies du Portugal passèrent sous la domination espagnole. Philippe régnait désormais sur un territoire où « jamais le soleil ne se couchait ». Il était au sommet de sa puissance.

En 1517 Luther placarda ses 95 thèses à Wittenberg en Allemagne. La réforme était née, mettant à mal l’autorité du Pape. D’un côté se développa le protestantisme, de l’autre le catholicisme, deux branches de la chrétienté qui entrèrent en guerre l’une contre l’autre. Face à la structure pyramidale de l’autorité, exercée par le Pape, relayée par le clergé, Luther affirmait la liberté de l’individu, seul capable de comprendre le sens des Écritures sans intermédiaire. La clé de cette compréhension résidait dans la seule Foi, l’Église et les prêtres étant superflus. Chacun pouvait devenir son propre prêtre, nul ne devait plus se soumettre aux dogmes. Chacun devait rechercher les intentions de Dieu dans la Bible seule. Luther à la suite des humanistes ouvrit ainsi le sentier qui mena au siècle des Lumières. Il traduisit la Bible dans une nouvelle langue, synthèse des dialectes de l’époque, donnant ainsi à l’Empire germanique sa langue : l’allemand.

Pendant que l’Europe rentrait dans les guerres de religion l’Espagne se raidissait dans son catholicisme. L’Inquisition après avoir pourchassé les Juifs pourchassa les protestants. Puis elle pourchassa les Morisques, les Arabes musulmans héritiers du royaume de Grenade, éparpillés désormais dans la péninsule. L’Espagne fournit en outre au Pape des armes de défense contre la Réforme en la personne d’Ignace de Loyola qui institua la Compagnie de Jésus, les Jésuites, armée spirituelle mise au service du catholicisme.

En France Henri IV encore protestant ne parvenait pas à prendre Paris défendu par le peuple catholique. Philippe II en 1589 envoya son général Alexandre Farnèse épauler la ville tout en projetant d’installer sur le trône de France sa fille Isabelle.

En Angleterre après la mort de Henri VIII en 1547 qui avait rompu avec le Pape, la fille de la première femme du roi, Marie Tudor, lui succéda et rétablit le catholicisme (contre l’anglicanisme). Philippe II l’épousa, le trône d’Angleterre paraissait devoir tomber dans sa succession.

En 1571 alliée à la marine vénitienne la flotte espagnole stoppa l’avance des Ottomans en Occident grâce à la victoire navale de Lépante dans la mer ionienne.

Bref Philippe II qui régnait non seulement sur l’Espagne, le Portugal, l’Empire colonial mais aussi sur le Milanais, Naples, la Sardaigne, la Sicile et la Bourgogne (Artois, Flandre, Pays-Bas, Franche Comté) était le maître de l’Occident. Il tenait comme arme idéologique le catholicisme, il tenait comme arme monétaire l’or et l’argent des colonies qui lui permettaient de financer son économie et son armée.

Pourtant à partir de 1580 le royaume au zénith entama un déclin inexorable. En 1581 sept Provinces des Pays-Bas firent sécession et se proclamèrent indépendantes sous le nom de République des Provinces-Unies. Cette République acquit définitivement son indépendance lors la signature du traité de Westphalie en 1648. Prônant une tolérance religieuse rare à l’époque qui la tint à l’écart de guerres fratricides, attirant sur son territoire une communauté juive marrane entreprenante, la République se dota d’une flotte marchande et militaire incomparable qui lui permit d’animer le commerce international avant de partir à l’assaut de l’Empire colonial espagnol et portugais.

En 1588, se revendiquant l’héritier de la couronne d’Angleterre après la mort de son épouse Marie Tudor, Philippe II lança son invincible Armada à la conquête de l’Angleterre. Il fut mis en déroute. Cette victoire renforça l’Angleterre dans la conscience de sa force naissante. Bien qu’occupée à résoudre des désordres internes provoqués par des conflits religieux, l’Angleterre rentra dans une compétition commerciale avec les Provinces Unies, ce qui la conduisit à se doter d’une flotte commerciale et militaire puissante. A son tour elle partit à la conquête des marchés extérieurs, à son tour elle vint concurrencer les Espagnols et les Portugais dans leur monopole colonial.

En 1594 Henri IV fut sacré roi avec la bénédiction de l’Église catholique : il s’était converti. Grâce à son ralliement à la religion catholique il put rentrer dans Paris, chasser les Espagnols et s’imposer comme roi . Les ambitions de Philippe II en France s’évanouirent. L’édit de Nantes signé en 1598, date à laquelle Philippe II mourut, permit de calmer les guerres de religion fratricides et d’engager la France dans la restauration de sa puissance. Sortie renforcée de la guerre de Trente ans la France sous l’impulsion de Colbert notamment rentra à son tour dans la concurrence et la conquête internationales.

C’est ainsi qu’à peine arrivée au faîte de sa puissance l’Espagne se vit contestée, concurrencée par trois nouvelles puissances : la République des Provinces-Unies, l’Angleterre et la France. Nations auxquelles il faudrait ajouter la Suède elle aussi sortie renforcée à l’issue de la guerre de Trente ans (1618-1648) mais la Suède ne parvint pas à construire un Empire colonial durable.

On observera que dans cette compétition mondiale n’apparaît pas le Saint-Empire romain germanique. Il faut y voir son affaiblissement suite à la guerre de Trente ans mais aussi sa situation continentale ne lui permettait pas d’accéder aisément aux océans atlantique et pacifique. Un empire colonial allemand fut fondé après l’unification de la nation allemande en 1871 mais il ne survécut pas à la Première guerre mondiale.

Alors que l’Espagne organisait le commerce international à partir d’un organisme étatique, la Casa de contratacion, les autres nations européennes optèrent pour un système novateur pour le commerce avec l’Orient : elles créèrent des compagnies à capitaux privés. Cette technique, l’actionnariat privé, fit de ces compagnies des puissances financières autonomes construites autour d’actionnaires dynamiques, motivés par l’attrait des profits envisagés. Les puissance ibériques ne purent jamais rivaliser avec ces compagnies.

L’Angleterre créa en 1600 la Compagnie anglaise des Indes orientales, la Hollande en 1602 créa la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, la France en 1664 créa la Compagnie française pour le commerce des Indes orientales.

Ces compagnies disposaient d’un monopole national pour le commerce vers l’Orient, au-delà du cap de Bonne-Espérance. Elles allaient chercher en Orient des produits rares : thé, café, épices, poivres, soies, tissus, porcelaines...Elles payaient en métaux précieux provenant des mines espagnoles d’Amérique latine, métaux mis en monnaie par l’Espagne, monnaie qu’elles acquéraient en vendant leurs produits, entre autres, aux Espagnols.

Ainsi se mit en place un circuit économique dans lequel les produits de l’exploitation des mines en Amérique latine étaient échangés in fine contre des produits manufacturés d’Orient. D’un côté des richesses extraites de la terre grâce à une main d’œuvre réduite à l’esclavage, de l’autre des richesses produites par les populations autochtones grâce à leur travail et leur savoir-faire.

Entre les deux l’appareil commercial des trois nations européennes construit lui aussi grâce au travail et au savoir-faire : construction navale, création de services financiers (banques, assurances) développement des techniques de navigation engendrant à son tour le développement des sciences. Dans un tel circuit, l’Espagne ne développa pas d’autres savoir-faire que celui de l’extraction de métaux. Sans qu’elle s’en aperçoive cette facilité d’enrichissement sans grand efforts physiques et intellectuels devait plus tard l’affaiblir dans une concurrence économique internationale de plus en plus dominée par le travail, le savoir-faire et les connaissances intellectuelles. En attendant, le monopole de l’Espagne quant à la création de monnaie (métaux précieux) lui permit de faire de la piastre espagnole une monnaie internationale pendant près de deux cents ans.

Pour le commerce avec les Indes occidentales il fut également créé des compagnies à capitaux privés, mais celles-ci ne bénéficièrent pas de monopole. Les expéditions vers l’Ouest de particuliers étaient autorisées. Si l’Orient était exploré essentiellement pour le commerce l’Ouest était non seulement convoité pour ses richesses mais aussi pour la possibilité qu’il offrait d’établir des colonies de peuplement. Il est vrai qu’à l’Ouest il n’existait que des populations indigènes peu structurées ce qui n’était pas le cas à l’Est où l’Inde et la Chine avaient créé depuis longtemps de solides civilisations. Toutefois si, en Chine, les négociants européens échangeaient leurs produits dans les comptoirs des côtes, il fallait en Inde rentrer dans les terres pour aller au devant des commerçants. Cette obligation incita les Européens à prendre le contrôle de l’Inde et à y établir des colons.

[Ci joint, pour info, carte qui montre comment, au XVI siècle, l’Espagne commerçait avec les Philippines : en partant de la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne (d’où les produits étaient réexpédiés vers l’Espagne.]

 

J’espère que tu vas bien, je pense à toi avec tendresse,

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Lettre 60-38

12 mai 2020,


Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle

 

I) XVII siècle : les Caraïbes


Les Caraïbes sont formées par les îles et les territoires qui bordent la mer des Caraïbes (Caribbean Sea sur l’une des cartes jointes). Elles comprennent donc : les Grandes Antilles (Cuba, Hispaniola qui donna : la République dominicaine et Haïti (encore appelée Saint-Domingue au XVII siècle), la Jamaïque), les Petites Antilles (voir la liste des îles sur les cartes jointes), les Bahamas, et les pays du continent : du Belize au Venezuela, auxquels on joint parfois le Mexique, Guyana, Suriname et la Guyane française.

En moins d’un siècle (1612-1697) l’Espagne perdit une grande partie des Grandes Antilles : Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) fut cédée à la France, la Jamaïque à l’Angleterre.

Elle garda en revanche Cuba.

Elle perdit aussi la quasi-totalité des Petites Antilles, au profit des Hollandais, des Français et des Anglais (voir liste de la carte jointe ; le Suriname est repérable par la ville de Georgetown indiquée sur la carte) .

Enfin l’Angleterre s’implanta aux Bermudes en 1612 (situées en haut d’une des cartes jointes) [ L'archipel des Bermudes doit son nom au navigateur espagnol Juan de Bermudez qui le découvrit en 1515].

L’Espagne conserva Porto Rico.

Si le continent hispanique et portugais sut résister aux ambitions des nouvelles puissances de l’Europe de l’ouest, les îles caraïbes en revanche, trop vulnérables, furent conquises.

En effet elles formaient le domaine américain le plus proche de l’Europe et le plus facile à exploiter. Un aller-retour Europe-Antilles se bouclait en une année alors que pour le Mexique il fallait quinze mois et pour le Pérou près de deux ans. Les nouvelles puissances coloniales visaient la rentabilité commerciale et financière : développer à moindre coût l’exploitation sucrière, en acheminer rapidement les produits vers l’Europe pour les vendre sur le vaste marché eurasien. [A côté de la canne à sucre les Européens exploitèrent aussi le café et le cacao ce qui permit de développer l’industrie chocolatière].

Aussi ces nouvelles puissances s’emparèrent-elles avec détermination de ces îles d’autant que les habitants d’origine étant pratiquement tous morts après le passage des Espagnols, il était possible d’y implanter une main d’œuvre bon marché en pratiquant la traite des Noirs.

A la fin du XVII siècle la véritable richesse coloniale venait des plantations sucrières (et autres plantes tropicales). Les « îles à sucre » passées entre les mains de la France et de l’Angleterre (les possessions de la Hollande étaient beaucoup moins importantes) devinrent pour plus d’un siècle et demi le cœur de la richesse coloniale européenne.

L’Espagne s’accrocha à son empire continental, trop éloigné pour permettre une mise en valeur agricole. Elle se replia sur ses exploitations minières en voie d’épuisement

La colonisation de prédation des Espagnols laissa ainsi place à une colonisation d’exploitation agricole savamment organisée. L’Espagne ne rentra dans cette nouvelle forme de colonisation que très lentement. Cuba ou Porto Rico ne connurent à grande échelle l’essor sucrier esclavagiste qu’à partir du début du XIX siècle.

 

Bon courage ! Dur, dur, le confinement moscovite, mais il est nécessaire de stopper l’épidémie.

Je pense à toi, je reste toujours à tes côtés,

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Lettre 60-39

13 mai 2020,

 

Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle

 

J) XVII siècle : la Nouvelle-Espagne


Au XVI siècle Charles Quint divisa les territoires conquis en Amérique latine par l’Espagne en deux principautés administratives : la Nouvelle-Espagne, créée en 1536, (capitale : Mexico) qui comprenait tous les territoires allant du Panama jusqu’au Mexique (y compris les Antilles) et le Pérou, créé en 1542, (capitale : Lima) qui comprenait tous les territoires situés au sud du Panama (cette vice-royauté comprenait aussi la Nouvelle Grenade des cartes).

Au XVII siècle la vice-royauté du Pérou consolida la présence espagnole sans acquérir de nouvelles terres. La carte de cette vice-royauté correspond à la carte jointe à la lettre 60-37 ( Ni le Chili ni l’Argentine n’avaient encore été conquis dans leur totalité).

En revanche la Nouvelle-Espagne poursuivit sa conquête territoriale en annexant des territoires qui correspondent aujourd’hui à la Basse-Californie, à la Californie, à l’Arizona, au Nouveau-Mexique et au Texas.

Malgré la perte d’une partie des Grandes-Antilles et de la quasi-totalité des Petites-Antilles (voir lettre 60-38 et carte ci-dessus) l’Espagne augmenta donc considérablement son influence dans le sud de l’Amérique du Nord. Notons néanmoins qu’elle ne put s’opposer à deux implantations britanniques l’une au Belize, l’autre sur la côte des Mosquitos (actuel Nicaragua), régions teintes en rouge dans la carte ci-dessus. (Les possessions hollandaises, en jaune, ne sont pas trop visibles : se reporter à la carte de la lettre 60-38 pour visualiser ces possessions).

La carte qui suit porte sur la Nouvelle-Espagne. Ce royaume fut le joyau de la monarchie espagnole dans les Indes occidentales.

Organisé administrativement dès le milieu du XVIe siècle autour d’une capitale où résidaient vice-roi et archevêque, et d’une série de villes où siègaient les tribunaux du roi (Audiencias), ce territoire couvrait donc un vaste espace qui allait de l’isthme panaméen jusqu’au nord de la Californie.

La Nouvelle-Espagne regorgeait de mines argentifères, situées au nord du Mexique. Cette richesse se manifesta dans les paysages urbains par la construction de magnifiques églises aux façades somptueuses.

Mais si la Nouvelle-Espagne fut aussi riche, ce fut non seulement en raison de ses activités minières mais aussi en raison de sa position géographique.

À l’échelle mondiale, ce vice-royaume était le point de jonction entre les flux commerciaux atlantiques et pacifiques. À partir des Philippines (voir carte lettre 60-37), des produits de luxe (tissus, porcelaine, épices, laque) étaient acheminés depuis Acapulco via Mexico jusqu’au port de Veracruz et c’était de Veracruz, port d’entrée des produits européens, que partaient les galions chargés d’argent jusqu’à Cadix et Séville, via La Havane.

Néanmoins, à la fin du siècle, la région fut marquée par une série de disettes et d’épidémies qui débouchèrent en 1692 sur de graves émeutes des Indiens qui menacèrent l’ordre colonial dans son ensemble.

D’autre part les implantations des nouvelles puissances d’Europe de l’ouest dans les Antilles permirent aux corsaires de planifier des attaques contre les galions espagnols chargés d’argent, obligeant la couronne espagnole à réorganiser son système de défense, ce qui absorba une grande partie de son activité. C’est ainsi que les principaux ports de la région durent être fortifiés : Veracruz, La Havane, Carthagène. Une grande partie de l’argent mexicain fut alors investi dans ces ouvrages militaires, ce qui eut pour effet, avec les révoltes indigènes, d’affaiblir l’Empire espagnol.

 

Je t’embrasse,

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Lettre 60-40

14 mai 2020,


Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle


K) XVII siècle : le Brésil

Au début du XVII siècle profitant de l’affaiblissement du Portugal rattaché à l’Espagne sous le nom : l’Union Ibérique, depuis 1580, la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, fondée en 1621, mit en place une colonie hollandaise brésilienne de Sao-Luis à Recife (rebaptisé Mauritsstad) en 1624 [voir carte lettre 60-35 pour localiser l’endroit].

Ce choix géopolitique des Hollandais était clair : le sucre devenait l’enjeu majeur de l’entreprise coloniale aux Amériques et la Hollande n’ayant obtenu qu’une très maigre part du partage des Antilles le dévolu sur le Brésil sucrier se voulait une compensation.

En 1654 profitant de l’affaiblissement des Provinces-Unies lors de la première guerre anglo-néerlandaise (1652-1654) que les Provinces perdirent (voir lettre 60-6) les Portugais parvinrent à chasser les Hollandais et à garder intacte leur colonie qu’ils continuèrent d’exploiter pendant tout le siècle. L’Espagne les laissa libres d’administrer le pays (le Portugal retrouva son indépendance en 1640).

 

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Lettre 60-41

17 mai 2020,


Samuel,

 

Les empires coloniaux du XV au XVII siècle

 

L) XVII siècle : la Nouvelle-France

La « Nouvelle-France » est le nom donné aux colonies françaises de l’Amérique du Nord. Il s’agissait d’une vice-royauté du royaume de France instituée par François 1 er en 1534. Son premier gouverneur fut Jacques Cartier.

Au XVII siècle la monarchie française, stabilisée dans son pouvoir grâce à l’action de son roi Henri IV, s’intéressa à nouveau à la Nouvelle-France laissée en sommeil pendant toute la seconde moitié du XVI siècle (voir lettre 60-36).

1) Le Saint-Laurent

Un jeune navigateur Samuel de Champlain (1567-1635), en 1608, remonta le Saint-Laurent et créa près du village de Stadaconé (voir carte lettre 60-36) la ville de Québec qui devint la capitale de la Nouvelle-France. (Québec signifie en langage indien : l’endroit où la rivière se rétrécit). Il entreprit d’installer là une colonie de peuplement dont l’activité, outre le commerce des fourrures avec les Indiens, s’orienta vers une mise en valeur des terres.

Les Français qui vinrent s’installer relevaient de trois catégories :

Les pionniers-agriculteurs : la Compagnie des Cent-Associés (Richelieu créa cette société en 1627) chargée par l’État de mettre en valeur ce territoire leur octroya des parcelles de terre. Vers 1635 ils étaient environ 300, à la fin du siècle ils étaient environ 3000. Ils reçurent des parcelles de 180 hectares environ tracées en lamelles à partir des rives du fleuve. Le colon recevait en outre un petit capital et des vivres pour tenir le temps de défricher la terre et de la cultiver.

Les militaires : Ils étaient chargés de protéger la colonie. Ils s’employèrent à pacifier la vallée en menant une guerre contre les Iroquois qui capitulèrent en 1667. Un vaste réseau de forts fut édifié s’étendant toujours de plus en plus loin vers le sud jusqu’aux abords des Grands Lacs.

Les filles à marier : De 1663 à 1673 environ 700 filles âgées de 12 à 30 ans furent envoyées plus ou moins de force au Canada. Elles venaient d’orphelinats ou de maisons religieuses

Les divers : Il s’agit de toutes les autres professions : administratifs, commerçants, chasseurs, pêcheurs, bûcherons (exploitation du bois).

Trois villes se développèrent. Québec créée en 1608, ville la plus importante, qui atteignit 6000 habitants en 1750, Trois-Rivières, fondée en 1634, qui atteignit 1000 habitants en 1750 et Montréal (près de Hochelaga, voir carte lettre 60-36 ), fondée en 1642, qui atteignit 4000 habitants en 1750.

La colonisation fut difficile : à la fin du XVII siècle il n’y avait environ que 8000 colons au Canada (mais la croissance démographique s’accéléra à partir de la fin du siècle). Les conditions de vie le long du Saint-Laurent étaient rudes, avec des hivers très froids. Les indigènes ne fournirent aucune main d’œuvre, au contraire. Ils étaient rares dans la région après l’hécatombe provoquée par les maladies importées par les Européens le siècle dernier et ils ne se laissèrent pas embrigader par les prêtres catholiques venus pour les convertir.

Beaucoup de Français, manquant de femmes, choisirent de prendre des Indiennes comme épouses. Si certaines femmes finirent par se convertir, la plupart du temps les Français allaient vivre avec les autochtones qui gardèrent leurs coutumes. A côté de ce peuplement difficile les Anglais eux ne cessaient d’arriver sur la côte ouest de l’Amérique du Nord. La démographie, défavorable aux Français, conduisit parfois ces derniers à s’entendre avec les Indiens pour faire face aux Britanniques.

2) La Louisiane

En 1673, le gouverneur Louis de Buade de Frontenac souhaita étendre les colonies vers le sud. Il chargea un colon et aventurier René Robert Cavelier de la Salle (1643-1687) qui avait déjà exploré le sud en 1670, d’ouvrir une nouvelle route commerciale. En 1674, la Salle établit le fort Frontenac sur le lac Ontario, puis en 1679, après avoir fondé le fort Niagara (près des chutes) il appareilla sur un navire, le Griffon et il découvrit les Grands Lacs, premier européen à réaliser cette découverte. Il construisit le fort Saint-Joseph sur le lac Michigan, puis il remonta le fleuve Illinois, où il établit, en 1680, le fort Crèvecoeur. De là, en 1682 il atteignit le Mississippi, il descendit droit vers le sud et il atteignit le 6 avril 1682 le rivage du golfe du Mexique. Le 9 avril, il prit possession des territoires qui bordaient le golfe au nom de la France et leur donna le nom de Louisiane en l’honneur du roi Louis XIV qui, peu reconnaissant, écrivit au gouverneur que cette découverte était fort inutile et qu’il faudrait par la suite empêcher de pareilles découvertes.

La Salle retourna en France pour vendre au roi un projet d’établissement en Louisiane qui, selon lui, formerait une base intéressante pour envahir le Mexique, colonie espagnole. Louis XIV, à qui l'Espagne venait de déclarer la guerre en octobre 1683 (voir lettre 60-10, la guerre des Réunions), lui apporta finalement son soutien en avril 1684.

La Salle quitta La Rochelle le 24 juillet 1684 avec le titre de gouverneur de la Louisiane, à la tête d’une expédition composée de quatre bateaux (le Joly, la Belle, l’Aimable et le Saint-François) et près de 300 personnes parmi lesquels des soldats, des artisans, six missionnaires, huit commerçants, et plus d'une douzaine de femmes et d'enfants.

L’expédition fut malmenée par des attaques de pirates, elle accumula des erreurs de navigation. Le Saint-François tomba aux mains de corsaires espagnols au large d'Hispaniola.

Le 25 novembre, les trois navires restants accostèrent finalement sur la côte du golfe du Mexique. Mais la Salle ne reconnut pas l’endroit où il se trouvait. La navigation de l'époque était imprécise et si la détermination de la latitude était à peu près correcte, celle de la longitude, en l'absence de chronomètres précis qui n'apparaîtront qu'au XVIIIe siècle, était très déficiente.

L'explorateur était à 600 kilomètres à l'ouest de l'embouchure du Mississippi, alors qu’il croyait avoir dérivé vers l'est. En accostant il perdit l’Aimable qui s’échoua sur un banc de sable puis coula. Son second le commandant Tanguy Le Gallois de Beaujeu se mutina et repartit vers la France avec le Joly. La Salle n’avait plus qu’un navire, la Belle, et 180 personnes. Ils construisirent le fort Saint-Louis (endroit situé aujourd’hui au Texas).

La Salle essaya de retrouver le Mississippi. En vain. Il se heurta à des Amérindiens hostiles, aux désertions, à la malnutrition. En février 1686, son dernier navire, la Belle s'échoua à son tour. Après deux années difficiles au cours desquelles la colonie passa de 180 à 40 personnes, la Salle décida de remonter vers le Nord, espérant retrouver le Saint-Laurent. Mais des hommes se mutinèrent et la Salle fut assassiné le 19 mars 1687. Un homme, Henri Joutel, ayant survécu à la mutinerie, accompagné de 6 hommes, retrouva le Mississippi à pied, puis il remonta jusqu'à Québec.

Le roi qui craignait que les Anglais ne cessassent de s’étendre sur la côte Américaine (ils commençaient à avancer en Floride au détriment des Espagnols) chargea Pierre Le Moyne d'Iberville et d’Ardillières (1661-1706) navigateur, militaire, corsaire et explorateur français, de retrouver l'embouchure du Mississippi et de coloniser la Louisiane. Le 2 mars 1699, d’Iberville réussit là où Robert Cavelier de La Salle avait échoué : il retrouva, par voie de mer, l’embouchure du Mississippi. Il y construisit le 1er mai 1699 le fort Maurepas et il fonda la ville de Biloxi puis le 3 mai, il retourna en France, laissant une garnison de 81 hommes. Ainsi une implantation coloniale effective commença à partir de 1699 en Louisiane.

 

Bonne fin de week-end à Moscou,

Je pense à toi toujours avec tendresse,

Je t’aime,

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