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Un souvenir de petite fille. Littérature. Vos écrits.


Invité vieilledame

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Mon père avait été commandant de cercle* en Côte d’Ivoire et au Sénégal. C'était avant 1960. Nous étions encore très petites quand il nous avait emmenées maman, mes sœurs et moi en visite chez le garde de cercle le plus proche. Je crois que je n'avais pas encore quatre ans. Je n’ai en mémoire qu’une vague impression de ce monsieur et de sa femme, qui parlaient avec un accent du midi très prononcé. Mais de leur fille Lili, une petite peste de notre âge, j’ai gardé un souvenir cuisant.

On nous avait envoyées jouer dehors. Il n’y avait rien d’autre à faire que d’explorer les environs. Je regardais autour de moi : le sol était de la terre, sans végétation, très différent de celui de notre jardin. Il y avait un bâtiment en béton en face de la maison : c’était les toilettes… Je n’avais encore vu jamais cela, des toilettes dehors !

J’ai ressenti subitement une douleur au bras droit : Lili venait de me pincer fortement, sans raison ! Je ne savais pas qu’on pouvait pincer quelqu’un. Je ne savais pas non plus qu’on pouvait faire mal à quelqu’un sans raison.

Ce fut mon premier contact avec la méchanceté. Il m’avait laissée étonnée, incapable de réagir tant la surprise avait été grande. Je n’avais pas pleuré. Je n’avais pas eu non plus l’idée de lui rendre la pareille. Je n’étais pas allée me plaindre. Je n’en avais d’ailleurs pas eu l’idée non plus : on nous avait donné l’ordre de sortir et il allait de soi que nous ne devions poser un pied dans la maison que quand on nous appellerait.

Je découvrais un monde tout nouveau : on pouvait trouver amusant de faire du mal à quelqu’un !

Que devais-je faire ? Je me serais bien éloignée de Lili, mais les grandes personnes avaient l’air de vouloir que nous jouions ensemble et il m’était impossible de désobéir. Je ne savais pas à quel moment elle allait avoir l’idée de me pincer à nouveau (ça s’est reproduit plusieurs fois dans le courant de l’après-midi et je réagirai aussi peu).

Pourtant, elle était fascinante : elle marchait pieds nus tandis que nous, nous portions sagement des sandales, elle interrompait les conversations des adultes sans s’attirer les foudres de ses parents et elle buvait à la bouteille. Jamais encore je n’avais vu quelqu’un transgresser autant de règles sans que rien de fâcheux ne lui arrive ! On ne la réprimandait pas. On ne l'envoyait pas dans sa chambre. On ne lui faisait même pas les gros yeux! J'avais bien envie de faire pareil, pour voir comment on se sentait quand on était aussi effronté, mais je n'ai jamais osé. Dommage!

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