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L'Inde et le Mahabharata

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Maroudiji

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Maroudiji Membre 6 485 messages
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"Je voyais bien que mon camarade avait du mal à comprendre cette philosophie malgré l’effort qu’il y mettait. Au moins, il était ouvert et cherchait à comprendre de tout son cœur, sachant très bien qu’il s’agissait là d’un autre paradigme. Aussi farfelu ou étrange que cela pouvait lui paraître, il ne jetait pas l’éponge : « En réalité, dit-il, c’est le sage qui s’exprime à travers le cerf, mais de celui-ci il n’en est pas question."

Extrait de l'article sur le roi Pandu concernant sa malédiction après avoir tué un cerf en train de s'accoupler.

À lire tout la discussion sur cette histoire sur mon blog Vie et mort d'un roi et d'un animal

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Le roi, avec ses deux femmes, se rendant compte qu'il avait tué un sage!!

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Maroudiji Membre 6 485 messages
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Mariages et enfantements anormaux

Pandu était le plus jeune frère de Dhritarastra et l'aîné de Vidura. À la conception de ces trois personnalités, leur père commun, Vyasa, l'auteur du Mahabharata (faut-il le rappeler), annonça que le plus grand serait aveugle de naissance, le deuxième affligé d'un teint pâle, et le troisième eut un traitement différent ; il fut gratifié d’« homme le plus intelligent du monde », il sera un sage et un excellent conseiller du roi, son grand frère.

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Comme Bhisma avait renoncé au trône pour plaire à son père Santanu et fait vœu de célibat, des années plus tard, quand celui-ci décéda, il mit à la place son fils, Vichitravirya. Il était pour Vyasa un très jeune frère, parce qu'ils avaient en commun la même mère, Satyavati. Avant qu'elle ne marie Maharaj Santanu, Satyavati avait eu une relation sexuelle avec Parasurama, le destructeur des ksatriyas. De cette union naquit Vyasa. Quant à Santanu et Satyavati ils eurent deux fils : Chitrangada et Vichitravirya.

Le premier mourut aux mains d'un gandharva* et le second ne pouvait pas, en définitif, avoir d’enfant, il était stérile. Bhisma et sa mère Satyavati s’arrangèrent par conséquent pour que son fils brahmana, Vyasa, conçoive des enfants à la place du roi dans le sein de ses deux femmes, Ambika et Ambalika, deux sœurs que Bhisma avait kidnappées* pour les offrir à Vichitravirya. Il deviendra leur mari et ainsi assurera la succession de la dynastie des Kuru.

En fait, il avait kidnappé trois sœurs, mais l'une d'elles, Amba, était déjà en amour avec quelqu'un, par conséquent le roi la fit retourner chez elle. J'en parle plus longuement sur mon blog, ici : La théorie du genre dans le Mahabharat

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Maroudiji Membre 6 485 messages
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Tout cela se passe il y a environ 5000 ans, quand Krishna vient au monde, à Mathura, c’est la charnière de deux âges, le nôtre et le précédent, le dvapara-yuga. Dans cet âge les gens par exemple, au lieu de vivre 100 ans comme nous, disons… vivent mille ans, disons…

Vyasa, pour le dire abruptement, n’était pas beau à voir et ne sentait pas bon, c’était un ascète aux sévères pratiques qui vivait dans la forêt. Il fit peur aux femmes. Quelle abnégation, quel sacrifice que d’entrer en contact si intime avec une personne aussi repoussante ! Il avait prévenu sa mère : il acceptait mais à condition que les deux femmes se préparent spirituellement pendant un an à le recevoir, il ne s’agissait pas de considérer ce devoir à la légère, comme une occasion de débauche.

__________________

Et les femmes, à cette époque, savaient ce qu'était la laideur... (En relation avec le sujet La pudeur est-elle obscène? Là on nous dit que la laideur physique est relative, tout le monde est quasiment beau...)

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Parenthèses

Le bien et le mal sont, à l’origine, des représentations artificielles car, en réalité, selon les Védas, au-delà de ce monde matériel, ce monde ici-bas, le mal n’existe pas. Le monde spirituel est pures éternité, connaissance et félicité (sat, chit, ananda). Donc, pour que le monde matériel soit, Dieu, selon les Puranas et les Itihasas, introduisit le mal en envoyant ses fidèles dévots pour assumer le rôle de démons, car seuls eux sont qualifiés pour se battre avec lui. Sinon, aucun être ne peut se mesurer à Dieu, il n’y a pas photo.

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Vishnou, sous la forme d'un homme-lion, le Seigneur Narasimha, se bat contre le plus grand de ses ennemis, Hiranyakashipu, spécialement venu du monde spirituel pour remplir cette tâche.

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Rappel

Bien que les Védas traitent, dans un idiome qui nous apparaît aujourd'hui mystérieux, des premiers temps de la vie ici-bas, il est inutile d’essayer d’appréhender l’identité des dieux ou la signification des liturgies et des rituels sacrés les concernant à partir des indications que nous pouvons y trouver. La tentative serait vaine et naïve et le signe de notre ignorance quant à ce phénomène religieux primitif. Le Mahabharata a été rédigé pour solutionner ce problème. Il synthétise et rend disponible dans un langage universel tout ce savoir mystérieux qui ne peut être perçu qu’au travers d’une évolution des mœurs qui n’a pas été altérée par le temps, particulièrement par le jugement, l’opinion et la politique des hommes toujours prompts à distordre les faits. Et pour cette raison, deux êtres exceptionnels seront chargés de rédiger cette « Grande histoire du royaume de Bharata » : l’avatar Vyasa et le fils de Shiva, Ganesh.

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La première, Ambika, ferma les yeux à la vue effrayante du renonçant (Vyasa) entrant dans la chambre. Elle les garda ainsi tout le long de l’acte. Lorsque Vyasa quitta la pièce la déception se lisait sur son visage et il déclara à sa mère que le nouveau-né sera aveugle. Quel coup dur pour elle !

Et l’enfant naquit aveugle. Satyavati était plus que déçue, car un roi ne peut être aveugle quand tout un pays dépend de lui. Elle se concentra et pensa de nouveau à son fils, selon la règle établie entre eux. Vyasa apparut immédiatement et demanda la raison de cette convocation. Elle désirait un fils capable de gouverner dignement un royaume et qui ne soit pas frappé d’infirmité. Pour ce faire elle avait réussi à convaincre son autre bru d’enfanter en s’accouplant avec Vyasa. Mais au moment voulu, quand il se présenta, elle eut si peur qu’elle en devint livide et rigide. À cause de cela, il prédit que l’enfant aurait le teint pâle (Pandu veut dire pâle). Satyavati, la belle-mère, n’était évidemment pas heureuse de la nouvelle. Plus tard, elle retourna voir Ambalika pour qu’elle se prête de nouveau à l’exercice, avec plus de d’entrain, insista-t-elle, après tout ce sera son enfant. La destinée du royaume reposait sur ses épaules. Elle dit oui finalement mais elle eut recours à un stratagème. Elle réussit à persuader une de ses belles servantes de se faire passer pour elle. Maquillée, décorée, parfumée et habillée pour l’occasion, quand Vyasa entra dans la pièce, elle alla à sa rencontre et le mis à son aise par sa gentillesse et ses bonnes manières. Elle se donna au sage avec sensualité et respect, dans les règles de l’art. Vyasa avait bien compris le jeu pour lui cacher la vérité, mais cette fois il ne prit pas la mouche. Au contraire, il aima tant l’attitude de la servante qu’il lui promit que sa condition sociale serait désormais autre et que le fils qu’elle mettrait au monde serait le meilleur des hommes. De cette union naquit Vidura, mais il ne pourra pas prétendre à la succession royale, à cause de sa mère shudra.

*Les gandarvas sont des êtres célestes et les maris des apsaras. Experts dans le chant et la danse, ils sont également des combattants redoutables.

Note. On voit à partir de cette exemple du Mahabharata, qu’un shudra, un individu de la classe inférieure de la société, en la personne de Vidura, peut devenir le meilleur des hommes.

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Vous l’aurez compris maintenant, ces humains ne sont pas des hommes et des femmes ordinaires, ils s’apparentent davantage à des demi-dieux, mais ils n’en sont pas à proprement parlé puisqu’ils sont nés de père et de mère en chair et en os ; par contre les Pandava, comme nous le verrons, sont bel et bien des demi-dieux. Mais avant de continuer ce récit, il n’est pas inutile de rappeler plus spécifiquement l’identité des uns et des autres en les replaçant dans un contexte plus vaste. Pour ce faire, raconter la raison pour laquelle Vidura, « l’homme le plus intelligent », a pris naissance sur terre est tout à fait indiqué.

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Autrefois, en d’autres temps et autres lieux, des criminels en fuite pénétrèrent dans l’ermitage du sage Mandavya alors qu’il se trouvait en pleine méditation. Profitant de ce moment ils se cachèrent chez lui à son insu : personne n’oserait soupçonner un paisible rishi de complicité. Mais cela ne se passa pas comme ils l’espéraient. Quand les soldats arrivèrent sur les lieux, ils s’adressèrent au sage pour savoir s’il avait vu récemment des individus dans les parages, mais il ne répondit pas. Bien qu’il fut conscient, et des voleurs qui s’étaient introduits chez lui et des questions que lui posait le capitaine, il ne pouvait pas interrompre sa pratique de yoga pour ces contingences. Devant ce silence, les hommes armés descendirent de cheval et fouillèrent les lieux. Ils trouvèrent les coupables et emportèrent le brahmana avec eux. Tous furent jugés à mort par le roi, et le brahmana empalé comme les autres. Mais comme il ne mourait pas, malgré le fer bien enfoncé dans le corps et l’atroce souffrance, après plusieurs jours les gardiens allèrent rapporter les faits au roi. Celui-ci consulta immédiatement ses ministres et prit conscience de l’horreur dont il était responsable en tant que roi. Il se rendit sans tarder sur les lieux et implora le pardon du sage. Comment une telle aberration avait-t-elle pu se produire, comment avait-il pu autoriser un tel crime ? Mandavya était un sage et un yogi exceptionnel. Compatissant à la confusion qui submergeait le roi, il le pardonna et le rassura. Car en son for intérieur, ce malheur le concernant ne pouvait provenir que de lui-même, lui seul en était responsable. Le roi et ses serviteurs n’agissaient qu’en tant qu’instruments du destin.

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Libéré et soigné Mandavya retourna à ses méditations et pendant de nombreuses années il s’adonna à un ascétisme sévère. Ses pénitences et ses mérites furent si grands qu’il réussit à pénétrer des domaines de l’esprit inatteignables même pour de nombreux yogis. Un jour que son temps arriva, il quitta son corps et se rendit au royaume des morts. Là, il aperçut Dharmaraja (Yama) sur un trône en or et en profita pour lui demander la raison de ce terrible châtiment. Quelle faute avait-il commise ? Il avait beau cherché il n’a jamais trouvé. Le dieu lui répondit qu’enfant il avait transpercé un insecte avec une brindille. Le brahmana n’en revenait pas... Comment pouvait-il le punir pour une faute qu’il avait commise quand il était encore enfant ?! Pis, pourquoi cette faute n’a-t-elle pas été purifiée par des années d’abnégation de soi et de pénitence !? Qui plus est, en tant que juge en chef de la justice, il a permis qu’on transperce un brahmana d’une lance !? En tant que dieu de la mort, il est parfaitement au courant que le meurtre d’un brahmana est le pire des crimes. Pour ce manque de discrimination, il condamna Yamaraj à prendre naissance sur Terre dans le sein d’une shudrani. Il ajouta qu’à partir de ce jour aucun enfant de moins de douze ans ne pourra subir une condamnation pour un crime quelconque.

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Maroudiji Membre 6 485 messages
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C’est ainsi que le Mahabharata raconte la vie de Vidura, le dieu de la mort devenu homme. Adulte, il fut dans sa nouvelle vie un grand conseillé dans les affaires de l’État et du dharma. Doté d’une sagesse appréciée de tous -ce que nous aurons l’occasion de vérifier souvent-, il était le joyau des Kuru. Mais, à la différence de Bhisma par exemple, il restera toujours impartial et indépendant du pouvoir ; il adorait ses neveux, les cinq Pandava, d’autant plus qu’ils étaient orphelins et par conséquent il cherchera toujours à assurer leur bien-être et leur protection.

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Nous avons donc tenté d’éclaircir les liens qui unissaient ces personnages de la dynastie des Kuru dans le contexte ad hoc et métaphysique qui donna naissance aux cinq Pandava, les fils de Pandu.

Ce dernier était un être aux qualités remarquables. C’est lui qui sera le roi puisque son frère aîné était aveugle et Vidura de basse extraction. Bhisma s’occupa de leur éducation à tous les trois, comme s’ils étaient ses propres enfants et sans faire de différence entre eux. Dhritarastra était un homme de la force de mille éléphants (comme le sera son fils, Duryodhane, et Bhima); Pandu n’avait pas son pareil pour tirer à l’arc et il était un combattant formidable. Il amassa de nombreuses richesses en faisant la guerre à ses ennemis et conquit d’immenses territoires.

Un jour, alors qu’il était à la chasse, il tua un cerf qui était en fait un sage. Lui et sa femme avaient pris ces corps d’animaux pour mieux s’adonner au jeu de l’amour. Avant de mourir le sage lui lança une malédiction : Il perdra aussi sa vie lorsqu’il fera l’amour à une femme. (Je raconte cette histoire ici : Pandu et la mort du cerf )

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À la suite de ce malheur, Pandu décida d’abandonner son royaume et tous ses biens pour se retirer dans la forêt et y vivre en reclus comme un sâdhu. Mais Kunti et Madri ne virent pas les choses ainsi ; elles lui rappelèrent péremptoirement qu’il n’est pas interdit, ni impossible ou incompatible pour un renonçant de mener une vie d’absorption spirituelle tout en vivant avec ses épouses, du moment que celles-ci sont sérieuses et déterminées à suivre cette voie. Il est parfaitement possible que le mari et la femme mettent fin ensemble au cycle des morts et des renaissances et atteignent le Paradis. Elles le mirent cependant en garde : s’il ne les écoutait pas, s’il ne les prenait pas au sérieux, elles mettraient fin à leurs jours. Pandu accepta et tous les trois partirent dans la forêt rejoindre les ermites.

Il pratiqua des austérités et le yoga au point de devenir aussi puissant qu’un brahmarshi*, c’est-à-dire un « voyant » du même ordre que les grands sages tels les Sapta-rishis, et cela malgré qu’il fut kshatriya de naissance. Comme eux il était capable de comprendre les principes subtils et spirituels qui tissent la trame du monde matériel. Les sages qui vivaient dans cette forêt en avaient fait leur protégé tant ils l’aimaient.

* En d’autres mots, le sannyasse n’est pas nécessaire, le stage du vanaprastha (le renoncement d’un homme à la vie sociale mais en compagnie de sa femme) pouvant aussi conduire aux plus hautes perfections.

* Tout comme le roi Vishvamitra qui est devenu un puissant brahmana.

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Un jour, alors que ces sages exceptionnels qui vivaient dans les Himalayas se préparaient à se rendre dans le royaume céleste de Brahma, Pandu manifesta son désir de se joindre à eux. Mais les sages le retinrent, ils l’avertirent que le voyage dans ces montagnes serait fatal pour ses deux femmes sans peur et sans reproche : « Il y a là-haut des régions désertiques et couvertes de neige abondante accessibles aux seuls rishis et au siddhas*. Elles ne survivraient pas à l’expérience. »

À ces mots, Pandu perdit toute son assurance et sa joie. Ayant abandonné son royaume, ses richesses et le confort du palais, il avait néanmoins trouvé un asile dans la forêt auprès de ces sages dont il partageait le mode de vie et avec lesquels il était au diapason. Amoureuses et dévotes, ses femmes s’accordaient à son caractère et le suivaient avec un enthousiasme toujours renouvelé. Comment pourrait-il les délaisser ? Sa vie n’était donc qu’une suite de malédictions dont l’enfer serait le but ? Il ne pouvait accompagner les sages jusqu’au royaume céleste ce qui lui assurerait la délivrance et il lui était impossible d’avoir des enfants sans lesquels sa vie future deviendrait un cauchemar. À quoi donc rimait ce destin cruel ? « J’ai fait tout ce que je devais accomplir pour plaire aux dieux par l’offrande de sacrifices ; j’ai contenté les sages par ma conduite en les servant ; j’ai pratiqué des austérités, la méditation et l’étude des Védas, mais voilà que je suis dans une impasse. Ô grands sages, la destinée ne peut se réaliser qu’en vertu des règles appropriées au temps.¹ Parce que je n’ai pas rempli mes obligations envers mes ancêtres en procréant un fils qui continuera la lignée, je ne peux à présent me rendre avec vous dans le monde des dieux. Je vous en prie, ô sages, ne me laissez pas sans secours, vous avez le pouvoir de transformer mon malheureux destin en me gratifiant de votre miséricorde. Considérez ma demande : comme le roi Vichitravirya, le fils de ma grand-mère Satyavati, ne pouvait pas obtenir de progéniture, elle pria Sri Vyasa d’enfanter ses femmes. C’est ainsi, comme vous le savez, que moi et mes frères sommes venus au monde. »

C’est ainsi que lui aussi devait s’y prendre, lui répondirent les sages. Ce faisant, il aura des fils merveilleux. Il ne devrait pas s’inquiéter outre mesure et se préparer dans le dessein de les concevoir.

* Yogis aux facultés développées.

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Pandu s’entretint immédiatement avec Kunti et lui demanda de trouver quelqu’un de son rang digne de concevoir un enfant. Mais celle-ci fut choquée par son zèle et lui témoigna son mécontentement : jamais elle ne se laisserait enlacer par un autre homme que lui. Pandu lui assura qu’il n’y avait aucun mal à cela puisqu’il s’agissait d’une situation d’urgence. Les sages ne lui avaient-ils pas conseillé cette conduite ? Et pour la convaincre il raconta une histoire appropriée à son cas.

Il y avait une fois un ksatriya du nom de Saradandayana dont la fille avait reçu de son mari l’instruction d’enfanter par l’intermédiaire d’un autre homme. Suivant son ordre elle prit un bain et partit à la recherche d’un géniteur qui voudrait bien assumer cette responsabilité. Arrivée à une intersection de routes elle attendit qu’un tel individu passe par là. Peu de temps après un brahmana aux grands mérites arriva et, l’ayant écoutée, il accepta de satisfaire son désir. Trois enfants sont nés de cette union. Ma chère Kunti, ce n’est pas une requête à la légère que je te fais là mais il en va de notre salut que tu y répondes favorablement. Considère cette situation cruciale et prends les dispositions nécessaires.

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Kunti n’était pas une femme facile à plier, elle lui répondit avec fermeté : « Non, je ne suis pas d’accord avec cette manière de voir les choses ! À bien chercher, on trouve toujours chaussure à son pied mais cet exemple ne sied pas au mari que j’aime et que je respecte pour sa piété et sa force de caractère. Je sais parfaitement que tu possèdes en toi le pouvoir de surmonter n’importe quelle infortune qui nous frapperait. Écoute plutôt cette histoire que je trouve bien mieux adaptée aux circonstances. Le roi Vyushitasva de la dynastie des Puru (qui deviendra les Kuru) organisa un sacrifice prestigieux auquel assistèrent personnellement les dieux et les rishis célestes et pendant lequel ces derniers burent à satiété le nectar divin qui leur fut offert. Rassasiés et heureux, ils décidèrent de s’occuper eux-mêmes de la cérémonie du sacrifice, ce qui fit de Vyushitasva un être extrêmement puissant et supérieur. Grâce à ces avantages et puisqu’il était déterminé à offrir des sacrifices toujours plus somptueux aux dieux, tel l’asvamedha-yajna, il gagna une renommée universelle et son pouvoir devint quasiment sans limite. Mais il avait un grand défaut : il était amoureux fou de sa femme et passait beaucoup de son temps dans ses bras. Son goût pour les plaisirs sexuels était si excessif qu’il attrapa une grave maladie, la tuberculose, et en mourut très peu de temps après. Badra, sa femme, n’avait pas eu d’enfant et face à cette malédiction qui lui tombait dessus sans crier gare, elle ne put l’accepter ce sort ; elle ne permit pas qu’on la sépare de son défunt mari. Jour et nuit elle pleurait encore et encore, accrochée à sa dépouille et l’implorant de lui revenir. Ce qu’il fit ! Un jour que dans son excitation elle agrippait son cadavre et le secouait comme pour le réveiller, elle entendit une voix : c’était celle de son mari qui lui demandait de se calmer et lui promettait de l’aider à passer ce mauvais cap. Sans hésiter elle lui fit remarquer qu’elle était veuve dorénavant et qu’elle n’avait pas d’homme pour la protéger. Elle voulait un garçon. Il lui répondit de ne pas s’inquiéter, la huitième ou quatorzième nuit de la lune, quand elle sera dans son lit, il viendra et lui fera un enfant.

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Pandu connaissait cette histoire, tous les diffuseurs des Puranas la racontaient. Vyushitasva était un homme hors du commun, il était si vertueux et bon que les êtres célestes le considéraient comme leur égal. Mais Pandu connaissait bien sa femme aussi, il savait qu’elle ne se soumettrait pas si facilement à cette délicate conduite. Évidemment qu’il était capable de miracles, il ne le contesta pas, mais il ne voulait pas y avoir recours. « Les temps ont changé, lui dit-il, car autrefois les mœurs n’étaient pas aussi contraignantes pour les femmes. Elles pouvaient faire ce que bon leur semblait, aller où elles voulaient et avoir autant de plaisir qu’elles désiraient. Elles n’étaient pas confinées au foyer et n’avaient pas d’obligation envers un seul homme. Cette liberté n’était pas considéré comme un péché, tout comme on trouvait cette conduite naturelle chez les oiseaux et les animaux. En ces temps anciens c’était usuel en termes de moralité et les grands rishis n’avaient rien à redire à ce propos.

Même encore aujourd’hui on retrouve cette manière de vivre chez les Kuru du Nord. Kunti, je te le répète, cette idée de garder la femme cantonnée sur sa propriété est relativement récente, tu ne devrais pas te faire du souci avec ces règles modernes qui sont exigées pour le commun des mortels. Il faut agir selon les temps et circonstances. »

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Femmes d’hier et femmes d’aujourd’hui

J’intercale dans ce récit ma réflexion sur les femmes basée sur la suite des propos tenus entre Pandu et son épouse, et cela afin d’éviter de l’altérer par mes considérations personnelles. Mais, en réalité, je m’applique à paraphraser Vyasa et les personnages qu’il met en scène. Ainsi je serai plus à l’aise pour faire ressortir l’originalité et l’excentricité de cette conduite dans un pays, l’Inde, où la femme était -et l’est toujours- considérée par l’opinion publique et séculière comme un sujet soumis à la main mise du patriarcat, comme on dit. En tout cas, là-bas ces histoires génèrent énormément de discussions et enflamment les esprits.

Ce faisant, je tiens à souligner l’importance que j’accorde à rester fidèle au Mahabharata en me collant à ce que je le lis et non à l’interpréter à travers le filtre de la morale et de mes préjugés. Quand je traduits ces histoires de l’anglais, souvent très ancien, je ne m’efforce pas de les faire entrer dans une logique préconçue et moulées à nos conceptions contemporaines. Ce défaut, s’il en est, je l’envisagerai par la suite peut-être, quand je ne trouverai pas de réponse et que j’en aurai besoin d’une, mais ce sera inconsciemment, car ce n’est pas mon genre. Si tel est le cas, l’honnêteté intellectuelle commanderait de le mentionner. Il importe avant tout de reproduire tel quel ce que j’ai lu en évitant mes propres commentaires.*

Les activités et les traditions de ces époques très, très, anciennes, reprises par les Puranas, ne correspondent pas à notre expérience de l’humain et de la société, il n’y a pas photo. L’écorce d’un arbre ne colle pas à celle d’un autre. Mais ce qui m’inspire avant tout dans ces récits et ce qui m’encourage à les reproduire, c’est la capacité mentale exceptionnelle et libérale dont les aryens se servaient pour décrire les us et coutumes de leurs ancêtres, dépassant de beaucoup l’idée que l’on cultive, nous, les modernes, de cette civilisation antique. Et je ne parle pas ici de leur imagination créatrice concernant notamment la technologie et les sciences !

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__________

* Ceci est valable pour tous mes textes. J’ai appris ce principe en lisant la Bhagavad-gita traduite par A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada dont le sous-titre est : Telle qu’elle est. Pour donner un exemple trivial, je disais plus haut que le roi avait été emporté par la tuberculose à cause de ses activités sexuelles. Je ne savais pas que l’on pouvait attraper cette maladie de cette façon, d’autant plus que je venais d’écouter à la radio le scientifique Philippe Kourilsky qui disait le matin même où j’écris ces lignes : « Madame de Beaumont attrape la tuberculose par hasard. Personne ne pouvait prédire qu’elle allait attraper la tuberculose. » (C’est moi qui souligne.) Il est passé à l’émission Les Nouveaux chemins de la connaissance ; l’animatrice l’a interviewé pour son livre Le jeu du hasard et de la complexité.

Note additionnelle : Ce n’est pas parce que l’on ne peut pas prédire une chose que lorsqu’elle arrive c’est par hasard.

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Maroudiji Membre 6 485 messages
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Pandu ne peut engendrer d’enfants et il sait que le devoir d’un roi, ou de n’importe quel homme, et d’en avoir pour accéder au monde des dieux ou atteindre à la libération, la moksha. Pour cela, il essaye de convaincre sa femme mais elle est récalcitrante. Il a recours alors aux grands moyens, sachant que Kunti est une femme dharmique et qu’elle finira par suivre son ordre. Mais il s’y prendra avec tact, comme un gentleman si on peut dire ; on le verra. Et aussi parce qu’il est un exemple vivant on ne peut plus parfait de ces stratégies d’enfantement dont on parle ici : son père biologique, Vyasa, étant le fils de sa grand-mère.

Pandu va d’abord faire appel à une autre histoire, celle du fameux Svetaketu, pour cadrer les circonstances qui ont conduit aux réticences de Kunti. C’est avec Svetaketu que la fidélité de la femme envers son mari s’est imposée et que la morale qui en découle perdure jusque dans nos temps modernes. Enfin, de ce qu’il en reste.

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Un jour que Svetaketu était chez lui avec ses parents, un brahmana entra dans la maison et alla directement vers sa mère. Il lui prit la main et dit : « Viens avec moi. » Et elle le suivit, comme si de rien n’était. Svetaketu en fut sidéré : comment un brahmana, aussi éminent soit-il, pouvait ainsi s’introduire chez eux et repartir avec sa mère ?! Pourquoi son père ne s’était-il pas interposé ? Pourquoi ne s’en offusquait-il pas ? Sa mère n’était donc qu’un objet sexuel, une machine à produire des enfants ? Voyant la colère submerger son fils, Uddalaka tenta de le calmer en lui expliquant qu’il n’y avait rien de mal dans ces agissements, cela se faisait depuis la plus lointaine antiquité. Les femmes sont libres d’aller avec qui elles veulent du moment qu’elles suivent les règles à cet effet.

Svetaketu n’approuvait pas du tout cette licence, il trouvait ces mœurs dissolues et répugnantes. Il voulait les changer. Étant un brahmana de grands mérites, il condamna solennellement cette pratique et interdit aux femmes d’avoir des rapports intimes avec un autre homme que leur mari. C’est donc de cette époque lointaine que datent ces changements.

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chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
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A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada, ah oui... excellente version, très bon choix !

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Maroudiji Membre 6 485 messages
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Le roi Rama, un avatar de Vishnou, et sa femme Sita durant leur exil. Ils étaient un couple monogame.

L’origine de la monogamie

Un jour que Svetaketu était chez lui avec ses parents, un brahmana entra dans la maison et alla directement vers sa mère. Il lui prit la main et dit : « Viens avec moi. » Et elle le suivit, comme si de rien n’était. Svetaketu en fut sidéré : comment un brahmana, aussi éminent soit-il, pouvait ainsi s’introduire chez eux et repartir avec sa mère ?! Pourquoi son père ne s’était-il pas interposé ? Pourquoi ne s’en offusquait-il pas ? Sa mère n’était donc qu’un objet sexuel, une machine à produire des enfants ? Voyant la colère submerger son fils, Uddalaka tenta de le calmer en lui expliquant qu’il n’y avait rien de mal dans ces agissements, cela se faisait depuis la plus lointaine antiquité. Les femmes sont libres d’aller avec qui elles veulent du moment qu’elles suivent les règles à cet effet.

Svetaketu n’approuvait pas du tout cette licence, il trouvait ces mœurs dissolues et répugnantes. Il voulait les changer. Étant un brahmana de grands mérites, il condamna solennellement cette pratique et interdit aux femmes d’avoir des rapports intimes avec un autre homme que leur mari. C’est donc de cette époque lointaine que datent ces changements.

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  • 1 mois après...
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Maroudiji Membre 6 485 messages
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Traduction libre mais fidèle d’une histoire d’animaux tirée du Mahabharata. Je n’insisterai jamais assez en précisant que je publie ces textes sur mon blog où je m’efforce d’éliminer le plus possible de fautes qui, hélas, sont nombreuses. Je vous invite à aller y lire le contexte de ce récit cocasse sur l’amitié, vous apprendrez à mieux connaître un pilier du Mahabharata, Bhismadeva, un dieu déchu. Bonne lecture.

L'amitié, selon le Mahabharata

Mon cher Roi Yudhistir, c’est le temps et les circonstances, et rien d'autre, qui tressent les liens entre amis ou ennemis. Celui qui prend en considération ce principe lorsqu’il se dispute avec de soi-disant amis ou qu’il se réconcilie avec des ennemis supposés, est de loin supérieur à celui qui voit ou devine simplement le danger. Je vais te raconter une autre histoire très intéressante pour illustrer ce point.

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Sous un arbre banyan, un jour, un chasseur posa son filet pour attraper quelques-uns des nombreux oiseaux qui le fréquentaient en nuées tous les soirs. Un chat, en train de chasser, tomba dans le piège et il se referma sur lui. Quand une souris qui vivait là sortit de son trou, elle constata que son ennemi juré était hors d’état de nuire et elle s’aventura à grignoter un morceau de viande laissé la veille par le chasseur pour attirer les animaux. Elle s’en approcha, indifférente au félin empêtré dans le filet, quand elle s’aperçut qu’une mangouste la guettait et que sur une branche du banyan un hibou s’apprêtait à fondre sur elle. Ils attendaient qu’elle quitte la proximité du chat. Autrement, elle n’avait aucun moyen de leur échapper, c’était soit l’un soit l’autre.

Elle s’adressa alors à son ennemi, le chat, dont l’arrêt de mort sonnera avec le retour du chasseur : –Nous sommes tous deux pris au piège, lui dit-elle, et dorénavant nos vies ne valent pas triplette. Je te propose un plan pour nous sortir de ce pétrin. Écoute-moi attentivement, le succès de notre libération ne dépend que de toi. Si tu me protèges de la mangouste et du hibou en me laissant me blottir sous ton ventre, tu me sauveras d’une mort certaine, alors je te serai obligée et à mon tour je t’aiderai en rongeant les fils qui te retiennent. Si je meure, tu meurs, c’est donnant, donnant, alors décide-toi vite !

Le chat qui avait de la suite dans les idées accepta sans perdre de temps : -C’est la providence qui t’envoie, dit-il, à partir de maintenant nous serons de grands amis, nous allons faire mentir le proverbe et nous prouverons au monde entier qu’un chat et une souris peuvent s’entendre et se respecter mutuellement. Viens te pelotonner sous mon corps, là, personne ne te fera de mal. Si je sors vivant de cette posture diabolique, je te promets que personne n’osera te faire du mal tant que je serais en vie. Jamais je ne pourrais te repayer cette dette, et à partir d’aujourd’hui je suis ton ami pour toujours. 

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Quand la mangouste et le hibou virent que leur proie leur échappait, ils quittèrent les lieux. Le chat avertit alors la souris qui commença à sectionner les cordes. Mais comme le résultat n’était pas convaincant, il s’impatienta : -Plus vite, plus vite ! Tu m’avais pourtant juré que ce n’était qu’une affaire de quelques coups de dents. Lorsque tu étais en danger, j’ai accepté ton amitié et je t’ai protégée contre tes ennemis mortels. Pourquoi traînailles-tu ainsi, as-tu déjà oublié ta promesse ? Tu m’as parlé d’amitié et j’ai trouvé tes paroles pleines de bon sens, j’ai accepté tout de suite de te protéger. Je suis plongé dans une anxiété extrême parce que le chasseur peut débouler à tout moment et ma vie sera finie. Tu le sais pourtant, est-ce cela ton idée de l’amitié ?

-Pour te dire la vérité, cher ami le chat, je n’ai pas envie de jouer ma vie à la chance, j’ai l’intention de te relâcher seulement au moment voulu, par avant. Ne t’en fais pas, je ne suis pas ingrate mais je ne suis pas folle non plus. Je travaille sincèrement à ta libération. Dès que le chasseur montrera son nez, le nœud de fils se rompra et tu seras libre. À cet instant, ta seule préoccupation sera de prendre la poudre d’escampette et je n’aurais pas à me soucier outre mesure de ta voracité indéfectible pour la chair de souris.

À cela le chat lui répondit : -Ta crainte est fondée. Tu me tiens rigueur pour mon attitude passée envers toi et je t’en demande pardon. Je ne me doutais pas qu’un jour tu me sauverais la vie et que nous deviendrons amis. Nous avons fait un pacte d’amitié en toute bonne conscience et je t’ai prise sous mon giron. Ne me suis-pas racheté à tes yeux ? Je t’ai sauvée d’une mort certaine. Je t’en prie mon amie, donne-moi maintenant l’opportunité de prouver ma sincérité.

-Je comprends bien ce que tu dis, répondit la souris, de voir les choses ainsi est dans ton intérêt légitime. Écoute le mien à présent. Les amitiés qui se nouent dans des conditions de peur sont à prendre avec prudence. Si le faible, motivé par la peur, fait alliance avec plus fort que lui, il ne doit jamais baisser la garde lors de situations difficiles, car dans cette relation c’est toujours le plus faible qui écope et il n’en tire aucun bénéfice. Ne le sais-tu peut-être pas mais cela n’existe pas un ami ou un ennemi naturel. C’est un serpent des mers. On le devient selon les circonstances. Quand par exemple une amitié se constitue, l’un traite l’autre selon les désirs qu’il recherche par ce nouveau lien. Et quand le but est atteint, l’amitié n’a plus le même goût. Bref, le chat, il ne me reste plus qu’une seule attache à couper et tu es libre comme l’air.

Le chat n’était pas rassuré pour autant. La nuit commençait à tomber et la peur le taraudait. Elle atteint son paroxysme quand il entendit les chiens aboyer. Il vit alors la silhouette du chasseur et les poils de son corps se hérissèrent. « Sauve-toi maintenant ! » s’entendit-il crier. Il n’avait pas réalisé que la souris venait de sectionner le dernier fils. Il ne fit ni une ni deux et d’un bond il disparut dans le feuillage du banyan. La souris se faufila dans son trou. Inutile de décrire la frustration du chasseur qui vit sa capture se volatiliser sous ses yeux. Il ramassa ses clics et ses clacs et retourna d’où il était venu en maugréant.

Plus tard, dans le silence de la nuit, le chat descendit de son arbre et s’adressa à la souris dans son trou. « Mon amie, je veux te remercier pour ce que tu as fait, grâce à toi, je suis vivant. J’éprouve en ce moment un bonheur indicible à jouir de ma liberté. Mais on a dû fuir en catastrophe et nous n’avons pas eu le temps d’échanger des marques d’amitié. J’espère que tu ne me vois plus comme un mauvais diable après cette expérience. Je t’ai sauvé la vie, tu as sauvé la mienne, félicitons-nous pour cette coopération. Seule une personne sans cœur et sans scrupules peut ignorer une telle amitié et continuer à nourrir des intentions malsaines. Je ne suis pas ce genre d’individu, je te prie de me croire. Tu peux considérer ma maison et tous mes biens comme les tiens, viens que je te présente à ma famille et à mes amis. Je leur ai parlé de toi, ils vont t’adorer comme un dieu.

Mais la souris n’était pas aussi naïve qu’osait l’espérer le chat. Elle savait très bien ce qui se tramait dans sa tête. Elle lui répondit sur le même ton mielleux : -Cher chat, il est de notoriété publique que de savoir distinguer un ami d’un ennemi est essentiel aux rapports que l’on entretient avec les autres, mais cela requiert une intelligence perspicace. Car il ne t’a pas échappé qu’il arrive que des amis se mettent à agir comme des ennemis et des ennemis comme des amis. Je te l’ai dit mais je vais te le redire car il semble que tu n’aies pas très bien saisi mon conseil : il n’y a pas de telle chose qu’un ami ou un ennemi intrinsèques. Ces liens que l’on développe par amour ou inimitié se font et se défont selon l’influence du temps et des circonstances. Quand quelqu’un peut nous apporter quelque chose alors l’amitié se construit et elle dure aussi longtemps que les intérêts de chacun n’entrent pas en conflit. Mais avec le temps, les rapports se transforment inévitablement. Il est sage celui qui considère cette réalité et ne place jamais sa confiance en des amis sans prendre en compte l’art de la diplomatie.

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L’affection, si l’on peut décrire ainsi le sentiment qui nous a rapprochés pendant un moment, avait une cause sérieusement grave et urgente. Mais cette cause n’existe plus. Par conséquent, il n’y a plus de raison pour que cette affection perdure. Franchement, pourquoi devrais-je être si bonne avec toi si ce n’est pour que tu puisses mieux me bouffer !?

-Mais… interjeta le chat.

La souris lui coupa la parole :-Il n’y a pas de mais ! Pour conclure je dirais qu’on ne doit pas croire une personne dont on n’est pas certain qu’elle tiendra parole, surtout si les signes ne sont pas en sa faveur. Ce qui est le cas ici. La méfiance est de mise, mon cher chat, et j’y trouve mon avantage. Je me soucie comme d’une guigne de ton amitié. Encore un dernier mot, pour ta gouverne : quelle que soit la faiblesse d’un individu, s'il se méfie de ses ennemis, ceux-ci, même s’ils sont forts, ne parviendront jamais à atteindre son intégrité, il n’obtiendra jamais une position de pouvoir sur lui. Ô chat, ne te fais pas d’illusion, sois certain que je ne reposerai pas ma foi en toi, c’est impossible, tu es ma terreur incarnée. Et si je peux me permettre un tout dernier conseil, fais attention au chasseur, il est furieux depuis que tu lui as échappé et il pense qu’à régler ton compte.

Quand le chat entendit le mot « chasseur », une peur soudaine l’envahit et il disparut le temps de le dire. La sage souris, ayant réussit à passer son message, retourna dans un autre trou.

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  • 2 mois après...
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Maroudiji Membre 6 485 messages
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La Bhagavad-gita résumée

La Bhagavad-gita débute par une question de la part d’un monarque à son fidèle conseillé. Elle a trait à la situation de son armée et à ses fils sur le point d’en découdre avec celle des Pandava, leur ennemi. Dans cette armée, Krishna y joue le double rôle d’instructeur d’Arjuna et de conducteur de son char. Il a néanmoins promis de ne pas se battre.

Comme l’indique le titre de cet enseignement spirituel, Le chant du Bienheureux, Krishna est Dieu. C’est ainsi qu’il a toujours été reconnu par la majorité des Hindous depuis 5000 ans. Il a toutefois revêtu une forme humaine et se conduit pratiquement comme un homme, exceptionnel mais tout à fait humain. Cela a naturellement des conséquences.  Arjuna étant son bon ami, la familiarité le conduit à oublier sa réelle identité divine. Il en va de même pour tous ceux qui le fréquentent intiment, sa famille et ses amis, par exemple. Cette illusion est créée par sa yoga-maya, une puissante énergie qui autorise ce genre d’échanges basés sur l’amour, la bhakti. Il y aura toujours des gens qui ne supporteront pas ou ne reconnaîtront pas sa stature de personne suprême et qui chercheront à lui nuire, mais cette malveillance ne concerne pas la multitude des guerriers réunis ici, sur le champ de bataille de Kurukshetra, car la polémique qui a engendré cette guerre ne le concerne pas, du moins pas directement. En outre, ces soldats, dans le camp opposé, sont rassurés par sa neutralité.

Tout est prêt pour démarrer les hostilités quand Arjuna demande à Krishna de conduire son « char entre les deux armées afin que je puisse voir qui est sur les lignes, qui désire combattre, qui je devrais affronter. » Cela fait, il se produit une transformation radicale chez Arjuna : il réalise qu’il va devoir se battre et tuer des gens pour lesquels il a une très grande estime, et qu’il y a même des membres de sa famille. Il dit : « Cher Krishna, de voir ainsi les miens, devant moi en lignes belliqueuses, je tremble de tous mes membres et sens ma bouche se dessécher. » Arjuna pose alors son arc et décide de ne pas commettre ces violences. « O Krishna, si aveuglés par la convoitise, ces hommes ne voient pas le mal à détruire leur famille, nulle faute à se quereller avec leurs amis, pourquoi nous, qui voyons le péché, devrions-nous agir de même ? » Et il donne ainsi de nombreux arguments pacifistes et emprunts de compassion.

C’est sur ce doute sévère d’Arjuna que se termine le premier des dix-huit chapitres de la Bhagavad-gita.

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