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Coup de poing


Savonarol

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Membre, Esprit de contradiction, 48ans Posté(e)
Savonarol Membre 10 346 messages
48ans‚ Esprit de contradiction,
Posté(e)

Y'a à peu près tout ce dont on a besoin dans un bistrot. Bon, faut choisir le bon, c'est sûr, c'est pas au PMU de Bignoules qu'on risque de trouver son univers. Mais si on regarde bien, si on choisi bien, si on a au fond de l'oeil un peu plus que de la gélatine, c'est au milieu des volutes de fumées qu'on peut parfois apercevoir une sirène. Enfin, je dis ça, aujourd'hui je n'en suis plus certain. Déjà parce qu'il n y a plus de fumée dans les bistrots. Il parait que ça file le cancer. Plus justement : il paraît qu'on ne veut plus risquer sa peau contre le plaisir de chopper un cancer. C'est triste pour eux, c'est dommage pour moi. Aborder une fille une cigarette à la main, même si c'est cliché, ça avait quand même de la gueule. On imagine pas Gabin une cigarette électronique au bec, pas une pédale Gabin. D'ailleurs, heureusement pour lui qu'il est mort à une époque où les hommes avaient encore le droit d'exister. Aujourd'hui, il serait malheureux dans un monde où l'untermensch est roi, Gabin.

* * *

J'ai rossé mon premier péquin à l'âge de seize ans. Avant ça, j'avais jamais écrasé mes poings sur autre chose que mon traversin. Là , c'était un contexte exceptionnel : hormones, alcool, et puis l'influence du cinéma américain, en face de moi un type qui roulait des mécaniques, et bim. Ma viande contre la sienne, la carne de mes mains contre la graisse de ses joues. Ca saigne, un gros. Ca a le visage tellement bouffie de couenne que ça se crève au premier coup porté. Un gros, on dirait un bouton d'acné, un kyste sébacé. On a envie de crever le gros pour voir la couleur de son jus. Le jus du mien était rouge clair. Le gros, quand ça saigne, ça excite.

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J'en ai tabassé plusieurs dizaines jusqu'à mes vingt-cinq ans, si bien que je ne me souviens pas plus de leur têtes que de la différence de saveur entre toutes les clopes que j'ai fumé. A vingt-six ans, je suis passé aux femmes. Je ne sais pas pourquoi je m'étais interdit jusque là de dérouiller le sexe faible, sans doute un reliquat d'une vie antérieure guidé par l'amour courtois, et toutes ces sortes de conneries. Elle s'appelait Amandine, je crois. Je n'en suis plus sûr, j'étais tout excité à l'idée de dérouiller ma première gonzesse. J'avais pris un poing américain pour l'occasion. Je m'étais dit que j'en profiterais pour parodier la scène d'Irvine Welsh dans "une ordure", que je voulais voir si ma main allait finir par traverser sa tête à force de frapper.

Je m'étais imaginé la scène plusieurs fois: sa tête qui explosait comme un melon trop mur, et splaf, des bouts de cervelles sauce tartare partout sur ma liquette. Une liquette à 50€ en passant, bien trop chère pour se faire salir par un cervelle de connasse.

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En prison, c'était les pédophiles. Surtout que là, c'était open-bar, le pointeur, en prison, c'est un peu le punching-ball officiel; et personne n'a de pitié pour lui. Ni les matons, ni les autres détenus. Pour peu qu'il ait enculé son gosse plutôt qu'une innocente jeune fille, y a carrément écrit "tue moi" sur sa gueule, et les mecs se font pas prier. en taule, le violeur, on l'appelle l'écrou; parce qu'il reçoit des coups de tournevis toute la journée. A dérouiller ces pauvres types, je me faisais un peu l'effet d'un toxico sous méthadone. C'était pas terrible, mais "en attendant" ... Je suis sorti deux ans avant la fin de la peine. Bonne conduite, le type poli, sympa, qui tient la porte aux gardiens, limite qu'on m'aurait offert une boîte de chocolat et un porte-clef de l'entreprise.

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Après ça , j'avais plus vraiment envie d'aller en prison. La bouffe est trop dégueulasse, les colocs trop bruyants, et ils fument tous des roulées, ces clochards. La roulée, c'est vraiment le signe distinctif du loser. Quand on s'offre le luxe de nourrir un cancer, je trouve que la moindre des choses c'est de lui donner à manger du premier choix. Des Camels par exemple. Sinon, autant choper une gastro, c'est à la portée de tout le monde.

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Je me suis marié au mois d'août, et depuis je dérouille ma femme tous les soirs, un vrai bonheur. Hier, elle m'a appris qu'elle était enceinte, j'en ai joui des poings. Oh, j'espère que ça sera des jumeaux.

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