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Blaquière

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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il y a 22 minutes, Enchantant a dit :

QUEL TALENT !!! ce Blaquière ! :drinks:

https://www.youtube.com/watch?v=VCBR36rTDZw

Waouh ! Bravo pour la Lettre à Elise au luth ! Merci !

Enfin, au "oud" bien sûr !

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 479 messages
Forumeur confit,
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il y a 24 minutes, Blaquière a dit :

Waouh ! Bravo pour la Lettre à Elise au luth ! Merci !

Bonjour Blaquière,

Sympathique, très bien écrit, et très agréable à lire vos mémoires.

J’avais fait un petit diaporama du château du Plessis Bourré proche de chez moi.

Le chant, le vieux français poétique, cela devrait vous plaire ?

En écho avec ce que vous avez écrit.

(Peut-être vous l’ai-je déjà envoyé, mais je ne m’en souviens plus !

https://drive.google.com/open?id=16bJNmSIMqMX-zolB1D9nmmugOehiok7i

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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il y a 45 minutes, Enchantant a dit :

Bonjour Blaquière,

Sympathique, très bien écrit, et très agréable à lire vos mémoires.

J’avais fait un petit diaporama du château du Plessis Bourré proche de chez moi.

Le chant, le vieux français poétique, cela devrait vous plaire ?

En écho avec ce que vous avez écrit.

(Peut-être vous l’ai-je déjà envoyé, mais je ne m’en souviens plus !

https://drive.google.com/open?id=16bJNmSIMqMX-zolB1D9nmmugOehiok7i

Merci !

Belle photos et belle musique avec un bon accord entre les deux : merci !

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Je vous montre mon...  luth ?

Chiche :

LUTHMEDI.JPG.fd9a52f2978a3662c4ae443840bfa218.JPG

Fabriqué qu'avec des essences de bois rares :

Pour les clés ; le bois de l'armoire de la grand mère...

J'ai mis des cordes métalliques. Avec des cordes en nylon, il sonnait le cul !

D'un autre côté, au moyen-âge, ils n'avaient pas de nylon, alors...

(J'allais pas étrangler mon chat pour lui sortir les boyaux...)

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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J'ai retrouvé un vieil enregistrement avec le luth !

Deux petits bouts :

-- La "Lauzeta" (l'alouette de Bernard de Ventadour : "Quand je vois l'alouette battre des ailes dans un rayon de soleil..."

--et "Pos dé chantar m'es près talent..." "Puisque me prend le désir de chanter, je chanterai ma souffrance..." c'est plus lugubre, mais c'est le thème qui le veut !

C'est pas terrible comme enregistrement, mais ça donne une idée. il suffit de cliquer dessus, l'ordi se débrouille

RSOU2572lauzetapos de chantar.mp3

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Quand j’étais… troubadour !

 

A la télé, il existe un petit créneau inoccupé ou très peu occupé. Celui des langues régionales... Puisque pratiquement plus personne ne les connaît ! Quand FR3 est venu faire son émission, une semaine entière sur La Roque, on les a donc dirigés tout naturellement chez moi pour le provençal. (Je ne suis pas du genre à faire des démarches ni à me mettre en avant : il faut qu’on vienne me chercher ! Ce qui est assez rare si vous voyez ce que je veux dire.) Ils étaient déjà venus pour la poterie. Et l’on se souvenait que dix ans auparavant, j’avais appris aux petits de l’école, la chanson provençale de « Jean de Nivelle ».

On m’a donné carte blanche pour l’émission du samedi en langue régionale. J’ai donc cherché dans le village, deux « belligérants » capables de présenter une véritable conversation en provençal. (On n’en trouverait plus aucun aujourd’hui.)

J’ai ainsi découvert le vieux Callès. Clément de son prénom. Avec Giraudo, le maçon, on les a installés à une table du bar, et on a laissé tourner la caméra. Un vrai morceau d’anthologie !

La figure du vieux Clément Callès avec ses yeux bleus si vivants, si intelligents est resté longtemps au générique de l’émission.

Peu avant l’émission, Il était un peu considéré comme fichu. Et quand on l’attendait, avec la caméra en place, et le maçon déjà installé. Les gens doutaient : « Il ne viendra peut-être pas... Il est trop vieux.»

Peuchère ! A l’heure dite qui on voit qui descend la Grand’ Rue vers le bar où on tournait ? La cane à la main qui claquait ferme sur le goudron, clac, clac, clac, frais comme un gardon ?!…

Pendant les semaines qui ont suivi, ça l’a « réviouté »1 ! Il était devenu la vedette du village ! Lui qui depuis des mois ne bougeait plus de chez lui, maintenant il montait jusqu’à mon atelier sur la déviation. Pour me dire quelques mots en provençal. Il connaissait les anciens, mon grand-père Giraud, aussi qui était né ici, au village. Des hommes droits, dignes, honnêtes, solides. Un jour, avant de redescendre au village Il a sorti cette phrase qui m’est restée gravée :

« Ah ! Dins lou tems, l’avié uno grando AMITIÉ ! »

(Ah dans le temps il y avait une grande amitié!)

Je l’ai déjà dit et je le redis : « pour lui, ce mot français l’amitié, ce n’était pas du français, c’était de l’amitié : du pur provençal ! » 2

Pour le côté culturel de l’émission, je m’y suis collé. Depuis des années que je travaillais pour moi, pour le plaisir sur les troubadours, j’avais la matière ! On m’a donc placé dans l’église pour la sonorité et j’y suis allé d’un couplet d’un de ces poètes médiévaux. Peut-être était-ce « la Lauzeta » (l’alouette) de Bernard de Ventadour ? Je ne me souviens plus. Mais avec sa vraie musique… Et sous les voûtes médiévales de l’église : « dans son jus », donc !

Ça m’a fait un petit succès ! Après ça, depuis un peu partout des gens qui avaient vu l’émission me téléphonaient. Du Vaucluse, même : « Quelle voix vous avez ! »

Moi ? Je n’en ai aucune ! Ni je peux « monter », ni « descendre » ! Même pas « baryton », même pas « Martin » ! Je ne suis même pas capable de faire exploser une farinière !

Mais la subtilité de la musique de Bernard de Ventadour, et la bonne… vibration !

C’est pas tout : on me demandait un peu de partout de venir chanter ! Mais j’avais pas prévu ça, moi ! C’était juste pour la beauté de l’art ! Il a donc fallu que je m’exécute, que je mette au point tout un récital. Tant pis pour moi : je n’avais qu’à pas me montrer ! C'était donc à mon corps défendant…

(Tu parles, j’étais trop content!)

Mais c’était du boulot ! La différence entre la théorie – la matière, la connaissance je les avais – et la réalité : il faut tenir sur scène une heure et demie sans emmerder les gens avec des musiques médiévales souvent… indigestes !

(D’accord, avec moi, et la bonne « vibration » elles ne l’étaient plus indigestes !)

ll fallait voir mon installation !  Tout seul avec mon luth ça aurait fait un peu pauvre ! Je me suis donc fait prêter un vielle à roue pour jour "Calenda maia", Je me suis fait une trompe d'appel en céramique, le cor de Roland à Roncevaux pour chanter "Atressi com' l'olifant" ('je suis comme l'éléphant) Plus une genre de Darbouka pour les trucs rythmés...

Les gens étaient admiratifs pour le cor. L'oliphant. Dans une église, (c'est là que, je chantais le plus souvent), juste un "pououout" ! Et ça faisait un vacarme !  Une corne de brume ! J'emmenais mes spectateurs dans les couloirs embrumés du temps... :smile2:

J’ai bien dû me « produire » une bonne dizaine de fois ! Quand on m’appelait, j’ai jamais démarché, je l’ai dit. Mais c’était vraiment du travail. Des phrases musicales longues, longues, et il fallait tenir le souffle ! Une semaine avant, tous les jours, footing ! Je faisais le tour de la maison dix, vingt, quarante fois !

L’art, ça devenait quand même (un peu) du sport, là !...

 

1Révioutar = Redonner vie.

2En « néo-provençal », ou provençal restitué, celui qui s’apprend aujourd’hui, il faut dire « amistat » pour amitié ! Ce mot a-t-il jamais existé ? Sans doute, mais ça fait bien 200 ans qu’il a été remplacé chez les locuteurs authentiques par le beau mot français « d ‘amitié ».

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 479 messages
Forumeur confit,
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il y a 32 minutes, Blaquière a dit :

On m’a donné carte blanche pour l’émission du samedi en langue régionale. J’ai donc cherché dans le village, deux « belligérants » capables de présenter une véritable conversation en provençal. (On n’en trouverait plus aucun aujourd’hui.)

Bonjour Blaquière,

De nombreuse personnes écrivent avec talent la mémoire d’une époque, vous êtes de ceux-là.

Je vous perçois très bien dans ce rôle d’écrivain Blaquière, retraçant une période de vie locale d’autrefois. Tout comme un devoir d’histoire et de mémoire.

Or les histoires, chacun de nous en redemande, peu importe que l’on soit vieux, jeunes, petits ou grands.

Je vous invite à persévérer dans votre belle tentative en cours.

  • Merci 1
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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Je crois bien qu'ici, il me faut revenir en arrière. J'ai oublié des choses essentielles. Oublié ou pas osé ni cru bon d'en parler.

Il faut repartir du tout début. De la lourde table rectangulaire et pourtant atomique (au sens d’atome primordial) de la cuisine.

Ma mère et mon père en constituaient le noyau sur les grands côtés, et donc étaient plus rapprochés comme je l'ai déjà dit.

Starlette et moi, sur chacun des petits côtés étions la première couche d'électrons. Il existait donc nécessairement une sorte de solidarité entre nous. La solidarité des enfants face aux parents. C'était évident. Mais ça n'était pas tout. A tous les quatre, nous formions aussi et surtout deux équipes qui transcendaient cette séparation naturelle des générations.

Et en tout bien tout œdipe, Starlette et mon père formaient l'équipe des maigres intelligents. Quant à ma mère et moi, nous formions celle des gros et forts pas trop malins...

C'était comme un donné a priori.

Cet état de fait découlait d'une certaine réalité physique. Puisque mon père et Starlette (jusqu'à ses quatorze ans au moins) étaient du genre mince, filiforme, même, tandis que ma mère et moi étions plutôt mais surtout par comparaison aux deux autres du genre costaud.

Costauds donc forcément moins malins ! A priori ! Ce qui de plus n'était pas si faux.

Quand on a la force on a moins besoin d’être subtil. Il me faudra attendre comme je l'ai déjà dit la classe de philo pour que je commence à avoir l'impression d'exister de manière autonome et autrement que par ma seule force, par ma seule inertie ou mon poids.

Et ce n'est pas pour rien si juqu'ici mes mémoires au lieu de parler de moi et de MES propres impressions n'ont parlé que des personnages qui m'entouraient.

Ils étaient plutôt moi que moi-même !

Mais je l'ai déjà dit : le monde était très bien comme il était sans que j'éprouve le besoin d’y rajoute mon grain de sel. Ma médiocrité de spectateur me préservait. Et puis un fort, ça ne peut être que volontaire, un peu ridicule et manquer de finesse. C'était comme ça qu'on me voulait.

Ce qui n'était pas sans vexations tout de même, comme ce surnom de "boite à cigare et cheveux raides" dont m'avaient gratifié un jour mon père et Starlette, suite à ma coupe de cheveux "en brosse" et sans doute aussi à quelque raisonnement un peu simpliste de ma part. J'avais sept ans.

Je suis donc resté longtemps à l'abri de la chair abondante de ma mère et de sa force. Qui n'était d'ailleurs pas particulièrement grosse : juste une belle plante. Tous les deux, nous regardions admiratifs, et à demi sommeilleux, le couple électrique et passionnel que formaient ces deux indiens qu'étaient mon père et Starlette.

Mon père :

Starlette, mange ta soupe !

Starlette :

Non !

Mange ta soupe !

Non !

Mange ta soupe !

Non, non et non !

Là, mon père prend l'assiette de vermicelles à l'eau et au « Bouillon KUB » et la lui renverse sur la tête !

Starlette s'en retrouve perruquée de vermicelles dégoulinants, le buste raide, les lèvres pincées, crispées, toujours sans dire un mot...

Jusqu'à ce que tout le monde éclate de rire.

Sauf elle.

A bien y réfléchir, ça valait largement mon "boite à cigare et cheveux raides", la perruque de vermicelles ...

 

Aujourd'hui, quand on se rencontre avec Starlette, on en revient souvent à se dire : "Qu'est-ce qu'on étaient heureux quand même à la maison quand on était petits !"

Quand bien même quelque verre plein de vin sera allé exploser contre la haute de la cheminée quand mon père n'aura pas apprécié quelque bêtise ou remarque de Starlette.

Moi, j'avais moins de problèmes : j'étais effacé, hésitant, gentil, pas fini.

 

Mais peut-être que l'origine de tout cela, la raison de ces deux clans rivaux, celui des maigres intelligents contre celui des cons gros ("gros cons", il ne faut pas exagérer quand même !), avait pris naissance encore plus tôt. Du temps de ma (vraie) préhistoire... bébéique.

Quand j'ai été "tant malade"...

Ma mère s'occupait du magasin et sa sœur, ma tante Élise, qui pouvait avoir quinze ans, passe voir son petit neveux. Moi. J'avais un an. Pile. Pour une fille de 15 ans, un vrai bébé, c’est une peu un poupon ou une poupée qui la dispenserai de la culpabilité d’encore y jouer.

-- Je vais voir Manu !

Mais ma mère ne veut pas :

-- Non ! laisse-le dormir ! (J'étais au premier, dans la chambre.)

Bien sûr, Élise désobéit et monte me voir quand même.

Ce qui m'a sauvé la vie.

J'étais tout bonnement en train de me noyer dans mon propre lait, sans doute régurgité...

Branle bas de combat. Mais si je ne meurs pas tout de suite, ce lait avalé dans les poumons, provoque une "Neumonie" comme disait ma mère, et une pneumonie carabinée et je vais quand même bien finir par mourir...

Des plus de 42° de fièvre pendant plusieurs jours, suivis de chute brusques à 35° où il faut courir me réchauffer devant le four dont on ouvre la porte en grand, à un an, c'est pas l’idéal… C’est sans doute un faux souvenir, mais l’arrondi de la voûte de four, et cette chaleur qui en émane, en pleine figure, il m’arrive encore parfois de les ressentir… mais c’est pas possible…

Bref, je meurs !...

A part que la Pénicilline qui vient tout juste d'être inventée m'est administrée à forte dose et finit par me... ressusciter.

Inventée dix ans plutôt, mon grand père Emmanuel, ne mourrait pas non plus.

On gardera toujours dans un placard dans le mur, au fond de la farinière, dans le recoin le plus obscur, comme un hôtel sacré mais oublié, les petits flacons de pénicilline aux bouchons de caoutchouc sertis qu'il fallait piquer et traverser directement avec l'aiguille de la seringue pour aller pomper le précieux liquide...

De sa génération, dans la famille, Élise est aujourd'hui la seule survivante.

--Tu te rends compte, que c'est moi qui t'ai sauvé la vie ! Et que je t'ai sauvé parce que j'ai DESOBEI !

Elle est comme ça, Élise. Sauver la vie de quelqu'un, soit, c'est bien : de son petit neveux, encore mieux ; mais ce qui vaut vraiment le coup, c'est de l'avoir fait parce qu'on a désobéi ! Parce qu’on se refuse à faire ce qu’on attend de vous. "Tant li ploou davant coumo darnier !" (Tant il lui pleut devant comme derrière), disait mon grand-père. Ce qui pourrait assez bien la définir. Dans la famille où tout le monde se piquait d'intelligence rigoureuse, Élise, c'était une extraterrestre.

Alors, tu l'as eu ton Certificat ?

Non ! Zéro ! Un' Tchoupéta ! La, la, la, un' Tchoupéta !..

"Une Tchoupéta", c'était la dernière chanson à la mode, dont on devine aisément la puissance du texte !

Élise, c'est un sourire, la gentillesse même, c'est la vie.

Et je lui dois la vie.

 

(J'édite : j'ai oublié la chute ! C'est tout moi, ça !)

Mais revenons à ma résurrection... Mince ! J’ai jamais pensé de le lui dire ça à Élise : « Lison, tu es mon Jésus Christ ! » On en aurait bien rigolé !

Donc je suis pas mort et j’ai un an...

C'est là que Lucienne de Danton qui m'avait déjà rebaptisé "Manu va nu pied" un an plus tôt y est allée de son second commentaire à mon sujet.

Je venais de passer deux mois entre la vie et la mort. Au premier rayon de soleil du printemps, qui s'annonce, mon landau se retrouve dans le magasin, histoire de me faire prendre un peu l'air et des couleurs.

Et bien sûr tout le village est au courant de ma "résurrection". Tout le monde sait que je viens tout juste d'échapper à la mort.

Et je suis pâle comme un linge. Pâle, certes, mais... VIVANT !

Entre donc Lucienne de Danton, qui s'approche, se penche sur mon berceau, pour vérifier si j'ai une aussi sale gueule que ce qu'on dit...

Et c'est le cas. Alors, elle s'exclame :

--Boudiiiiou ! On dirait une merde au soleil !"

Voilà, je l'ai dit !

Lucienne était la reine de la métaphore !

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Mais la grande conséquence de tout ça, de cette Neumonie qui m’avait rendu "tant malade" c'est qu'à partir de ce moment, ma mère m'a couvé, littéralement et totalement.

Il y avait de la culpabilité, sûrement, de sa part, mais le résultat, c'est qu'elle craignait toujours "qu'il m'arrive quelque chose", comme elle disait, toujours peur que je sois en danger. Et de façon largement déraisonnable…

Elle partait régulièrement « comme une chose folle » dans le village à ma recherche. J’avais cinq ans, et je ne pouvais être qu’en danger de mort imminente !

En réalité j’étais au bout de la rue chez Jeannot Emeric, le grand copain de mon père, qui lui avait fait ses faux papiers pendant la guerre, et je l’admirais qui rembobinait les pellicules de ses films sur de grandes bobines en fer presque comme des roues de bicyclettes qui tournaient à toute vitesse !

Parfois, le film était cassé, et là, la bobine s'emballait encore plus vite ! Jeannot arrêtait tout et il avait une machine, une presse spéciale pour le recoller. Il en coupait bien droit les deux parties abîmées et les pressait dans la gorge de son appareil avec une colle spéciale, puis le rembobinage continuait.

Moi j’héritais de deux petits bouts de film, que je pourrais regarder à la loupe à la maison.

Le plus rigolo c’était les films en cinémascope, parce que les figures, sur la pellicule étaient trop allongées ! Au CINÉMA CINÉVOG, quand il les projetait en vrai sur l’écran, il y avait un objectif spécial qui les élargissait pour revenir à la normale. Mais parfois le film en cinémascope commençait sans le bon objectif et les gens du film apparaissaient tout maigres. Çà faisait rire tout le monde !

Ma mère n’avait pas complètement tort aussi de s’en faire, vu qu’une fois, à six ans, j'étais parti visiter le Régaï avec Gilbert, un copain qui lui en avait huit…

Une grotte avec plusieurs siphons, plusieurs lacs et réputée dangereuses par les spéléologues eux-mêmes… Bon, on nous avait rattrapés avant qu’on y arrive. La grotte était bien à deux kilomètres du village...

A plus de vint et un ans, un jour que j'avais couché à Marseille chez des amis sans prévenir, comme j’étais parti en voiture, elle a fait toute la route de Néoules à Marseille, soixante kilomètres, en s'arrêtant au bord de chaque virage supposé dangereux pour regarder au fond des précipices où je ne pouvais qu'être en train d'agoniser !

Ça n'était plus possible! J'ai donc été obligé de m'en aller de la maison. De m'échapper.

J'ai laissé une lettre genre "ne vous en faites pas, etc." Et j'ai trouvé une chambre au centre de Toulon, 3 Rue Paulin Guerrin, septième étage sans ascenseur, où je suis resté un peu plus d'un an sans jamais lui communiquer mon adresse.

Elle l'aurait connue, à coup sûr, le lendemain, je la voyais rappliquer !

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
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Bon, c'est un premier jet, il faudra certainement que je reprenne tout...

 

 

 LE CINÉMA CINÉVOG

 

 Ah ! Le CINÉMA CINÉVOG ! C’était notre fenêtre grande ouverte sur le monde ! Par lui nous arrivait toutes les nouveautés indispensables à notre époque de progrès. Les actualités, (Pathé avec le coq français, mal superposé qui tremblait son cocorico, ou Gaumont, où toute la planète tournait là sous nos yeux), nous apportaient au village le monde entier, et surtout… Paris ! Avec le commentateur et sa voix acide : « Le Président René  Coty parmi nos chères têtes blondes, à inauguré l’arbre de Noël au palais de l’Elysée !... »

Et nous étions parfaitement dans le coup ! Puisque c’était ici même au Cinéma Cinévog que toute l’école venait chaque année fêter son arbre de Noël. Il y avait un gâteau ou une brioche pour chacun qui venaient de notre boulangerie, plus un verre de limonade. Les petits avaient un jouet, mais les plus grands, c’était un livre. De la Bibliothèque Rouge et Or. Distribution gratuite d’intelligence ! Sur ce livre mon nom était écrit sur la première page de garde en large écriture bâton à l’encre de chine.

« La Guerre du Feu ». C’est là que je l’ai eue ! Et depuis, je le relis tous les cinq ans ! Tous les cinq ans, je fais table rase et je reprends toute l’humanité à zéro, je recommence toute la civilisation depuis les premiers hommes…

(Je finirai bien par trouver là où ça a foiré !)

Quand nous venions tous ensemble au cinéma, pour un film ordinaire, mon père mettait ses grosses lunettes en écaille, ce qui le transformait en détective Rip Kirby ! Lui, il venait vérifier et voir en image tout ce qu’il avait déjà appris le soir à la radio.

Il avait ses dieux, mon père. Il savait ceux qu’il fallait adorer ou pas. L’acteur Raymond Pèlegrin, par exemple, puisqu’il avait un jour interprété le rôle de Napoléon. Napoléon, c'était sacré ! Et surtout Sacha Guitry. Un peu pareil que Napoléon :« Si Paris nous était conté »… ou Versailles... La grande vérité était là. D’une voix encore plus acide que celle du commentateur des actualités :

« Je suis contre les femmes… tout contre ! »

Mais son héros à mon père, son modèle, c’était incontestablement Gérard Philipe ! La nouvelle vague. Il lui ressemblait d’ailleurs.

Subséquemment, j’aurais voulu le voir partout, moi, ce Gérard Philipe. Je me souviens d’une exclamation que j’avais poussée dans un film d’aventure, genre mousquetaires ou corsaires, (le film précédant avait été « Fanfan la Tulipe ») et dont l’intrigue mettait un temps fou à se décider… Moi j’attendais Gérard Philipe pour que ça commence vraiment cette histoire ! Quand soudain, on voyait au loin, vers le milieu du film, arriver un nouveau protagoniste… Je m’étais alors levé dans le cinéma et j’avais hurlé :

GERARD PHILIPE ! »

Puis le personnage en question s’était approché… et… C’était pas lui ! C’était pourtant bien le héros du film ! Pourquoi arrivait-il si tard ? Mystère. Il était un peu grassouillet, d’ailleurs. Pas du tout notre genre à nous et à Gérard Philipe, minces, sveltes et élégants, en un mot,  modernes.

Je me suis rassis plus honteux que jamais ! J’avais voulu faire mon malin et j’avais exposé en plein vol ! Tiens, ça t’apprendra :

« Discret, Manu, reste discret, tu ne comprends encore rien à rien !  Et tu n’es capable que de régurgiter le Gérard Philipe de ton père ! »

Mais je crois bien que personne dans toute la salle ne m’avait remarqué. A partir de là, en plus de ma honte (qui dure encore, apparemment !), ce film sans Gérard Philipe n’avait plus eu le moindre intérêt pour moi.

Je ne pouvais pas cependant, rester sur cette déception, sur cet échec cuisant… Dès la fin du film, j’ai descendu les marches du Cénévog quatre à quatre et j’ai bondi dans la rue. La rue était morne. Cinq heures et demie, un dimanche d’hiver. Le jour faiblissait... Et le lendemain, je devais partir pour toute une semaine au collège. Une semaine de néant. J’étais en sixième. Ca n'était pas possible de mourir comme ça, si bêtement. En me dépêchant bien, avant la nuit, je pouvais encore vivre une vraie aventure. J’ai couru à toutes jambes à la maison de la placette, j’ai pris mon carquois que je m’étais bricolé dans un gros bambou (de ceux qui poussaient près du bassin si dangereux de mon copain Alain, en contrebas du village), j’ai pris mes flèches, mon arc, et je suis parti en courant du côté de La Fraï… (1)

En sortant de la maison, j’ai croisé mes parents qui rentraient tranquillement du cinéma :

Mais où tu cours comme ça ? »

Il me reste encore un peu de temps avant qu’il fasse nuit pour essayer mon nouvel arc !

J’avais encore quelques minutes pour me remplir de liberté. La nature sauvage m’attendait à moins de 200 mètres, à peine passés les derniers poulaillers…

 

 

(1) "La Fraï", aujourd'hui "Place de la Convention". S'y trouvait un vieux frêne, sans doute planté comme arbre de la liberté du temps de la Révolution. "Une fraï" (en provençal) = "Un frêne".

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
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Mais revenons à ma mère qui me couvait insupportablement…

 

Ce qui ne veut pas dire que jusqu'à mon adolescence, ce comportement de mère poule, ne me satisfaisait pas pleinement ! Souvent, le soir quand le repas était fini, je lui demandais : "Maman, tu veux ?" Et bien sûr sa réponse, c'était toujours "Oui !" Alors, je m'installais sur ses genoux, la tête contre sa poitrine : tout y était parfaitement souple ! Et je somnolais pendant qu'elle discutait avec mon père. Sa voix résonnait du dedans, grave, indistincte, contre mon oreille droite : Brou, brou, brou, wa, wa, wa...

Et celle de mon père bien claire et bien timbrée arrivait par l'autre oreille. Parfois je l'entendais humoriser :

Tu crois pas que tu es un peu grand, pour ça ?... Tes pieds touchent par terre !

Bien sûr que j'étais trop grand, je pouvais bien avoir dix ans et j'étais presque aussi grand que ma mère !

Mais j'étais si bien, là !

 

Juste avant l'adolescence, il y a quelque chose d'un peu obscène chez les garçons. Dans leur physique, leur gestes, leurs comportements. Une aspect androgyne glabre et vulgaire. Et les pères peuvent craindre à ce moment que leur fils prennent un chemin de traverse...

Pas très viril.

Ça a pu être le cas de mon père quand je m'attardais à plus d'âge sur les genoux de ma mère ?

En ce temps là, il y avait le houla-hop, en plus ! Et je m'imagine à onze ou douze ans en train de me contorsionner sur la Placette avec le houla-hop de Starlette... Et j'imagine mon père qui me voyant me tortiller comme ça devait en avoir des sueurs dans le dos !

Jusqu'au jour où n'y tenant plus, il a envoyé le houla-hop sur la toiture de la maison d'en face. Celle de Maimé Simon, qui donnait aussi sur la Placette. Il doit y être encore ! (ça me plaît de l'imaginer...)

Et là, je viens à l'instant de comprendre pourquoi il a fait ça ! Sur le moment, ça nous avait paru un parfait coup de folie de sa part à Starlette et à moi.

Et je comprends aussi par la même occasion quand et comment il a pu être tout-à-fait rassuré à ce propos à mon sujet. Quelques années plus tard, j'avais quinze ans. Nous étions allés, une bande de copains, visiter le Régaï. Encore ! La fameuse grotte du village bien connue et très aimée des spéléologues. Nous étions des garçons et des filles. Et il y avait ma copine. Ma première copine. Non, pas ma copine, c'était plus que ça, je vais dire "mon amie". Michèle. Il y avait mes copains Alain, Claude, Christiane, aussi, l'amie de Michèle... Une petite dizaine peut-être, en tout. Et... mon père ! Allez donc savoir pourquoi il était venu avec nous ? Lui qui était si peu aventurier ? Si peu intéressé par la visite d'une grotte ?

Donc on s'engage dans la grotte. Elle commençait par un boyau assez serré sur quelques mètres qu'il fallait passer en rampant avant d'arriver dans la première salle où l'on pouvait se relever. Nos équipements ne dépassaient pas quelques lampes de poche...

Mais voilà que moi, bête comme peut l'être un garçon de quinze ans, je me sens dans la peau d'un vrai crapahuteur, et je suis là pour faire de la spéléologie ! De l'exploration ! Je fonce donc droit devant avec un copain. En laissant les filles, mon père, qui s'en foutait un peu, et les moins aventureux des garçons, derrière.

Et là, Michèle qui me voit partir devant, dans cette grotte froide, humide, sombre... Eh bien elle a peur! Mais elle a peur pour moi et pas pour elle, bien sûr ! C'est de l'amour, ça ! Et l'on entend depuis le début de la grotte et la première salle qu'elle a à peine dépassée, sa petite voix qui s'inquiète : "Manu ! Fais attention !" Et les "u" faibles et pointus des "Manuuu" de Michèle s'infiltrent et courent dans les boyaux resserrés...

Et ils m'énervent terriblement, ses "Manuuu", alors !

"Manuuuu ! Manuuu ! sois prudent ! Fais attention !"

Je ne comprenais pas, je ne voulais pas savoir qu'elle avait peur pour moi, ni que c'était bien, ça, qu'elle tremble pour moi. Je ne savais pas que ces "Manuuu" plaintifs qui s'insinuaient dans les couloirs du Régaï inauguraient pour moi le droit incontestable d'exister. Parce qu'en plus, il lui fallait braver un peu la honte et le ridicule devant les autres pour me prévenir, ainsi.

Mon père ne s'y est pas trompé. Le soir, au repas, entre nous, il m'a un peu "charrié" :

J'entendais ses "Manu, Manu" ! » Et pour imiter la petite voix de Michèle, il prononçais "Menuu, Menuu". Il imitait une jeune fille amoureuse de son fils et il était visiblement aux anges. La preuve objective était faite que son fils pouvait inspirer un attachement... excessif !

Ma mère souriait...

Moi j'étais un peu gêné…

 

Et Starlette autant que moi : "Mais qu’est-ce qu’ils avaient les vieux à se mêler de nos histoires personnelles ?"

 

Il y a quelques années, je vois une femme de mon âge, qui me regarde de façon… étrange. Je lui dis : « Je trouve que vous me regardez bizarrement ! »

Et elle me répond : « Je suis Michèle » !

Je me suis pris une vague de bonheur en pleine figure !

Mais oui ! c’était évident ! On a un peu parlé… elle m’a demandé si je jouais toujours de la guitare… Et quand je lui ai dit que oui, je l’ai sentie comme rassurée.

Elle m’a dit qu’elle avait eu des enfants… Bien sûr elle était avec son mari… (Qui avait l’air un peu énervé, d’ailleurs !)

Puis elle m’a dit « Tu te rends compte, ça fait cinquante ans ! »

Je crois bien qu’on était toujours les mêmes !… A l’instant, l’un pour l’autre, on ressentait une si grande sympathie ! Rien n’avait changé !

Il n’aurait pas fallu trop nous pousser pour qu’on aille faire un petit tour au Régaï !…

Euh !… En copains, hein ? Évidemment !

 

 

Après, on sait jamais comment les choses peuvent tourner !..

 

 

Modifié par Blaquière
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  • 5 ans après...
Membre, 1ans Posté(e)
Engardin Membre 1 486 messages
Forumeur vétéran‚ 1ans‚
Posté(e)
Le 02/08/2014 à 12:44, Invité brendan12 a dit :

Ha Ha ! Mais je disais cela comme ça, au hasard....:D

Ce que je veux dire, c'est que pour ces mémoires, il faut qu'il y ait quelque chose qui retient l'attention, qui pourrait être intéressant et servir d'exemple. C'est mon avis...;)

Non ! je suis pas d'accord !

Excusez ! je suis tombé sur ce vieux truc en lisant autre chose et ça m'a échappé ! 

Je pense à Brassens 

 

Modifié par Engardin
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  • 2 semaines après...
Membre, 125ans Posté(e)
Forumeur alchimiste ‚ 125ans‚
Posté(e)
Le 02/08/2014 à 01:37, Blaquière a dit :

-- Un jour j'écrirai mes mémoires...

-- Qui tu veux que ça intéresse ?!

Moi ! 

Allez vas-y !

Moi je prépare mon prochain texte =>

Confessions  d'un bon à rien.

Modifié par Je vis au cimetière
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