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Florange : une occasion manquée de collaboration entre la France et la Russie


Constantinople

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Constantinople Membre 18 329 messages
Maitre des forums‚
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192789823.jpgJacques Sapir

"Promenades d'un économiste solitaire" par Jacques Sapir*

Alors qu’il est beaucoup question d’accords économique entre la France et la Russie, les derniers événements à Florange laissent planer un doute sur le sérieux avec lequel le gouvernement français traite ces questions.

Florange restera, et avec raison, dans les mémoires comme l’un des plus grands échecs du début de quinquennat de François Hollande. Les ouvriers se sont sentis trahis et abandonnés. Mais cela a été aussi un mauvais coup porté à la collaboration économique Franco-Russe.

Les négociations entre le gouvernement français et MITTAL au sujet du site de Florange ont accouché de l’un des plus mauvais accords que l’on puisse imaginer. Il revient à faire confiance au groupe MITTAL pour investir sur une période de 5 ans 180 millions d’Euros (mais dont 127 millions étaient déjà programmés), alors que ce groupe n’a pas exactement bonne réputation sur ce point. La manière dont le groupe MITTAL s’est brutalement désengagé du projet à hautes technologies européen ULCOS, qui devait être mis en œuvre à Florange, prouve que ce groupe n’a nullement l’intention d’investir dans le long terme.

Par ailleurs, si MITTAL s’engage à reclasser les salariés de la « partie chaude » du site de Florange le gouvernement français a très peu obtenu de MITTAL(1), qui va pouvoir continuer de se désengager de son activité de production d’acier pour se désendetter et continuer de se tourner soit vers l’amont (les mines) soit vers l’aval (l’utilisation des métaux).

Il y a avait pourtant une autre solution, représentée par un groupe de repreneurs potentiels de l’ensemble du site, parmi lesquels on comptait le groupe belge Cockerill Maintenance et le groupe russe SEVERSTAL. Une fois encore, un gouvernement français a fait un choix purement financier, au détriment de ceux représentant une logique industrielle. Rappelons qu’en 2006, SEVERSTAL avait cherché à reprendre ARCELOR, pour se voir devancer par MITTAL.

Les méthodes de MITTAL sont, hélas, bien connues. Lors de la privatisation de la sidérurgie Sud Africaine, MITTAL, qui avait racheté environ 80% des capacités de production, n’a pas investi mais a augmenté les prix des produits laminés de 30%, tuant ainsi l’industrie automobile locale(2), et compromettant dans une large mesure la stratégie de développement adoptée par le nouveau pouvoir de Pretoria(3). Ceci a provoqué l’élaboration de règles de plus en plus stricts encadrant la production d’acier.

Dans les faits, le gouvernement de la République d’Afrique du Sud a cherché à se dégager de l’emprise de MITTAL (4). Cet exemple montre bien que, pour MITTAL, seule prime la logique financière de court terme. Le groupe, aujourd’hui très lourdement endetté (plus de 23 milliards de dollars), n’a pas de stratégie dans la sidérurgie. Mais il en a une quant au développement de ses profits, ou plus précisément des dividendes de ses actionnaires, dont la famille Mittal à hauteur de 40%. On conçoit que ce précédent n’incite guère à l’optimisme quant à la pérennité du site de Florange.

Une stratégie de développement des activités « chaudes » (les hauts-fourneaux) était et est parfaitement possible. On sait depuis des dizaines d’années que la production de fonte et d’acier dégage des gaz à hautes températures, qui n’étaient jusqu’à présent que source de pollution. Or, depuis environ dix ans se sont développées des activités permettant la réutilisation de ces gaz, soit pour produire de l’énergie, soit pour développer des productions chimiques à haute valeur ajoutée.

Le haut-fourneau ne doit plus être envisagé comme une entité unique mais comme la pièce centrale d’un ensemble d’activités liées, on peut ici parler de « cluster », dont la somme dégage des profits importants, ce qui contribue à faire baisser fortement le coût de l’acier produit. Contrairement à une idée reçue, la sidérurgie n’est pas une activité du passé, mais une activité d’avenir entraînant dans son sillage des activités connexes à haute technologie. Mais, ceci implique des investissements importants, et une association étroites entre la société productrice d’acier et des sociétés chargées de ces activités connexes.

Les salariés de Florange se retrouvent ainsi piégés par la politique des divers gouvernements français qui ont empêché la mise en place d’une stratégie industrielle véritable sur le site comme en 2006, quand ARCELOR a fait le choix de MITTAL comme repreneur contre le groupe russe SEVERSTAL. Or, il existait à l’époque d’importants accords entre ARCELLOR et SEVERSTAL qui étaient complémentaires sur leurs différentes activités.

Mais, MITTAL a été en mesure de proposer plus d’argent aux actionnaires privés d’ARCELOR, emportant le morceau. Une occasion unique de mettre en place une réelle logique de développement industriel a été perdue à l’époque. Aujourd’hui, en favorisant un compromis boiteux avec MITTAL et en refusant de prendre ses responsabilités, le gouvernement français rend à nouveau impossible l’émergence d’une réelle stratégie industrielle.

Une telle stratégie, qui aurait pu se développer en collaboration avec la Russie, aurait été l’occasion de développer ces activités à haute technologie que l’on a mentionnées ci-dessus. On aurait été dans une logique « gagnant-gagant », avec un maintien et même un développement de l’emploi en France et l’acquisition par SEVERSTAL de la maîtrise de ces technologies de pointe pour pouvoir les réinvestir en Russie.

On connaît l’importance que les autorités russes accordent à une modernisation et une diversification de l’industrie. Avec le développement des activités connexes à la partie chaude du site, c’était tout une filière que l’on pouvait créer. Le gouvernement français, en choisissant la solution proposée par MITTAL n’a pas seulement capitulé en rase campagne devant un financier. Il a aussi fermé la porte à une collaboration fructueuse avec la Russie.

C’est une décision lourde de conséquences, tant en France, qu’en Russie et pour les relations Franco-Russes.

(1) « Florange : "Le Monde" publie le contenu de l'accord secret conclu entre le gouvernement et ArcelorMittal »

(2) Fine B. and R. Rustormjee, The Political Economy of South Africa – From Mineral-Energy Complex to Industrialization, London, Hurst & Company, 1996.

(3) Department of Trade and Industry (DTI), Accelerating Growth and Development – The Contribution of an Integrated Manufacturing Strategy, Pretoria, 2002

(4) Roberts S. et N. Zalk, “Addressing market power in a small, isolated, resource-based economy: the case of steel in South Africa”, Centre on Regulation and Competition, 3rd International Conference, 7- 9 Septembre 2004. Nimrod Zalk était directeur du Strategic Competitiveness Unit dans le Department of Trade and Industry (DTI), Pretoria.

L’opinion exprimee dans cet article ne coïncide pas forcement avec la position de la redaction, l'auteur étant extérieur à RIA Novosti.

*Jacques Sapir est un économiste français, il enseigne à l'EHESS-Paris et au Collège d'économie de Moscou (MSE-MGU). Spécialiste des problèmes de la transition en Russie, il est aussi un expert reconnu des problèmes financiers et commerciaux internationaux.

Il est l'auteur de nombreux livres dont le plus récent est La Démondialisation (Paris, Le Seuil, 2011).

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Membre, Posté(e)
juuken Membre 4 860 messages
Baby Forumeur‚
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Que voulez vous faire avec des incompétents pareil, il continu a tuer l'industrie métallurgique française, mais par contre crie aux scandale car une personne s'expatrie en Belgique, je ne sais pas mais a mon avis le premier est quand même plus important

Mittal a du faire surement des promesses en l'air comme d’habitude et ces génies sont encore assez bêtes pour le croire

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Membre, Posté(e)
Constantinople Membre 18 329 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)

Depardieu est une cible plus à la hauteur que Mittal, pour un politicard de sous préfecture et un apparatchik du PS, c'est sur...Un peu comme la serial twitteuse qui s'en prends très courageusement à l'église catholique

Mon ennemi, c'est la finance disait il...

Je ne crois par contre qu'ils sont assez bête pour le croire, mais par contre, je crois tout à fait qu'ils sont assez bête et vains pour penser que gouverner pour obtenir de bon sondages d'opinion la semaine prochaine est la quintessence de la politique...Ils n'ont pas encore pris conscience qu'ils étaient aux commande de la France et non plus du PS, c'est dramatique.

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INFOCLEM Membre 19 messages
Baby Forumeur‚
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Quand allons-nous descendre dans la rue pour virer ces glands? 1500 NOUVEAUX CHOMEURS DE PLUS PAR JOUR, il en faudra combien?

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Membre, 77ans Posté(e)
Scrongneugneu Membre 6 167 messages
Forumeur vétéran‚ 77ans‚
Posté(e)

Que voulez vous faire avec des incompétents pareil, il continu a tuer l'industrie métallurgique française, mais par contre crie aux scandale car une personne s'expatrie en Belgique, je ne sais pas mais a mon avis le premier est quand même plus important

Mittal a du faire surement des promesses en l'air comme d’habitude et ces génies sont encore assez bêtes pour le croire

Si l'état était un gestionnaire "compétent" çà se saurait...! Son rôle ne devrait être que de donner des axes politiques pour le bien de la nation et des subventions suivit par des professionnels au service de l'état...Mais çà...c'est un rêve et le changement en la matière n'est pas pour maintenant...

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