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La veuve noire


g_pu_rien

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Membre, 47ans Posté(e)
g_pu_rien Membre 5 344 messages
Baby Forumeur‚ 47ans‚
Posté(e)

Je vois toutes ces choses.

Mais personne ne me comprend.

Pourtant,

Tout est clair,

Si limpide.

Elle était allongée là, sans bouger tel un ange déchu. Nul ne pouvait dire si elle était morte ou vivante. Probablement un peut des deux. Ses longs cheveux noirs d’ébène se perdaient sur les oreillers telles les racines d’un arbre d’un autre âge. Son visage délicat était blême mais semblait paisible. Dans cette quiétude apathique, elle avait la splendeur des muses endormis et l’innocence des petites filles. Mais quelques signes étranges semblaient vouloir troubler cette divine apparition. Ses fines narines paraissaient dénuées de tous mouvements, comme si elle n'avait pas besoin de cet air pourtant si primordial à la vie. A y regarder de plus près, sa poitrine non plus semblait ne jamais se soulever. Tout n’était que calme et volupté. Sous ses lèvres magnifiquement décolorées, on pouvait deviner de petites excroissances qui trahissaient des canines longues et effilées.

Lorsqu'elle ouvrit brusquement les yeux, son regard sombre glaça le sang de son auditeur solitaire. Ses yeux exprimaient la tristesse infinie d'un fardeau bien trop lourd à porter mêlée à une incommensurable soif de destruction. Leurs incroyables intensités tranchaient singulièrement avec l’âge qu’elle paraissait avoir. Comment des yeux si jeunes et innocents pouvaient charrier tant de fureur ? Jamais auparavant il n’avait vu tel chose.

Doucement, elle se redressa, sans jamais cesser de fixer sa proie, refusant de briser ce contact hypnotique. Il y avait dans chacun de ses mouvements l’attitude d’un grand prédateur. La commissure de ses lèvres se releva un instant, dévoilant ses sombres dessins acérés. Sous l’impulsion de ses mouvements souples et délicats, la couverture de soie blanche qui la recouvrait glissa doucement le long de sa robe naturelle si douce et blafarde, découvrant une épaule, puis une autre. Sa peau semblait si parfaite et dépourvu de la moindre imperfection. Alors qu’elle s’asseyait, son corps entier surgit de sous les effluves des étoffes soyeuses. Comme son visage, il était blême comme la mort mais d'une beauté a coupé le souffle.

Avec des gestes lents mais fermes, elle l'attira à lui. Sa raison lui dictait de résister, mais une douce et étrange volonté annihilait en lui tout libre arbitre. Alors qu'il cédait à toutes ses avances sans même s’en rendre compte, il ne pu réprimer un frisson au contact de la peau si froide de son amante. Elle était glacée. La chaire de poule apparue sur les avant-bras du jeune homme et ses poils se dressèrent à l’unisson, laissant apparaître les légères boursouflures de ses capillaires bleutés. Dans un geste emplit de tendresse et de douceur infinie, elle posa alors sa tête contre la sienne. Son esprit chavira dans les saveurs agréables de cannelle et de vanille des cheveux lissés et soyeux de sa maîtresse. Puis, trahissant un abaissement soudain de la température, un léger nuage de vapeur sorti de la bouche délicate de la damnée, alors qu’elle déposait un doux baiser sur la joue de sa victime. Le charme était total et il ne pouvait plus lutter.

Les lèvres de la muse glissa alors le long du cou de l’envoûté et elle y déposa de nouveau l’expression de son amour glaciale. Sous l'effet du froid, la jugulaire de l’innocence condamnée se serra, laissant saillir le vaisseau et le sang bouillonnant qui y coulait. Alors dans un ultime mouvement, elle y planta ses terribles canines.

Mais, tandis qu'elle aspirait les forces vitales de son amant, ses yeux se muèrent en un lac d'où la tristesse ne s'écoulait qu’aux gouttes à gouttes. Une profonde mélancolie envahit son esprit tandis que son corps absorbait le liquide de vie. Lorsque, dans un soupire, la dernière once de vie quitta le corps du malheureux, une unique larme roula de la joue du bourreau magnifique jusqu'à celle de sa nouvelle victime. Elle déposa alors délicatement le corps sans vie de son amant éphémère et d'un geste qui lui devenait à chaque fois plus douloureux, elle lui ferma les yeux à tout jamais.

Quand elle quitta la pièce, elle ne put s'empêcher de se retourner et de contempler le triste spectacle de sa subsistance, contrainte à tuer pour survivre.

Le jeune peintre était allongé sans bouger dans les draps de soie. Sur sa joue blême, une larme unique capta la lumière blafarde que la lune distillait par la fenêtre. Pendant un bref instant, elle brilla de mille feux avant de s'évanouir à jamais dans le firmament de la nuit, triste similitude avec le bref passage de la victime sur cette terre. Dans âtre de la cheminée, deux amants endormis s’enlacèrent alors que les feux de la passion les consumaient. Ils s’embrassèrent en un instant réduisant en cendres les efforts de toute une nuit. Elle s'évapora alors et s'en retourna auprès des siens, la mort dans l'âme, condamné à vivre chaque nuit les mêmes scènes déchirantes.

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Membre, tout ce que je sais,c'est que je ne sais rien,tandis que les autres croient savoir ce qu'ils ne savent pas ( Socrate), 52ans Posté(e)
sphynxxxix Membre 17 018 messages
52ans‚ tout ce que je sais,c'est que je ne sais rien,tandis que les autres croient savoir ce qu'ils ne savent pas ( Socrate),
Posté(e)

c'est très beau.

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  • 3 mois après...

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