Au secours, je suis un homme

Ce n'était pas évident au départ, mais au cours des années, les premiers signes sont apparus : une tendance à se tripoter entre les jambes et à délaisser les jeux de poupées. On avait beau se dire que ce n'était peut-être pas arrivé, et pourtant, rien à faire, chaque jour qui passait semblait confirmer le terrible constat. Il semble que cela remonte à une trentaine d'année. Il y avait eu une course dans une rivière. Mais la plupart des témoins sont morts maintenant, et ceux qui savent ne veulent pas en parler.

J'ai eu beau résister, parler avec une voix aiguë et garder les cheveux longs, rien n'y a fait. Ma voix a mué et des poils me sont poussés au visage. J'étais donc de ceux-là, de ces bêtes sauvages qui ont semé la terreur sur la Terre.

Mes parents auraient dû pourtant s'en douter, lorsqu'à l'échographie, le médecin semblait déceler les premiers signes biologiques de la transformation malfaisante. C'est un garçon, s'était-il même avancé. Ma mère et mon père ont pourtant fait la sourde oreille. Par lâcheté, ou bien dans le doute. Et si c'était une fille ? Ils ont donc décidé de ne pas arrêter le processus.

A présent, le processus est arrivé à maturité, j'ai du poil sur les bras et un mollusque oscille entre mes jambes. Succombant à cette réalité, j'ai tenté à quelques reprises de pisser debout. Je confirmais alors par mon acte ce que je savais déjà, je faisais partie des leurs. Je repense à cela à chaque fois que j’entends Zazie chanter "je suis un homme" à la radio.

Tel le loup-garou qui se demande s'il va dévorer, et le vampire qui se demande s'il va boire du sang, je me demandais ce que j'allais faire. Est-ce que j'allais réaliser ma nature ? Que devais-je faire pour être épanoui en tant qu'homme ?

J'étudiais les différentes façons d'atteindre ma plénitude : taper sur une femme, violer, pratiquer l'excision, provoquer des guerres, ... Il semblait y avoir tant à faire, comment pourrais-je y parvenir en une seule vie ?

Cependant, à bien y réfléchir, je me suis rendu compte que je n'avais pas envie de faire toutes ces choses. Je suis plutôt gringalet, alors m'attaquer à une femme est plutôt dangereux. Et puis, de nos jours, violer n'est plus si facile, le risque que la femme ait appris la self-defense est non négligeable. Pour ce qui concerne l'excision, je n'ai jamais aimé la chirurgie, et quand à provoquer des guerres, je suis bien trop mauvais en politique pour arriver à faire cela.

Mais que se passait-il ? J'avais enfin réussi à accepter ma nature, et voilà que j'y faisais défaut. Etais-je le mouton noir, la brebis galeuse du troupeau ? Un homme non violent et sans pouvoir ? Je serais rejeté par les autres, c'est sûr.

Je commençais à avoir peur de me retrouver seul. Ne pouvant être accepté ni par les femmes pour qui je suis un prédateur, ni par les hommes pour qui je ne serais pas digne, je me situais entre deux feux. J'ai tenté de me déguiser en femme, mais apparemment, je n'étais pas crédible. Même en faisant sembler d'aller au toilette pour mes cycles menstruels, l'illusion était brisée dès que je prenais la parole.

J'ai erré jusqu'au jour où j'ai trouvé mon refuge. Un groupe facebook créé par Fabrice Lucini et intitulé "Je suis un homme mais je ne désire pas pénétrer violemment une femme". Là, j'y ai trouvé des amis, des gens qui ne me jugeaient pas de ne pas correspondre à ma nature malfaisante et qui m'acceptait tel que je suis, même avec mes poils.

VIVE FACEBOOK :smile2:

Oui, Fessebouk m'a sauver