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chirona

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La tristesse des illettrés dans les ténèbres des bouteilles

L’inquiétude imperceptible des charrons

Les pièces de monnaie dans la vase profonde Dans les nacelles de l’enclume

Vit le poète solitaire

Grande brouette des marécages.

René Char, Poètes (1934)

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Invité Riposte
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Invité Riposte
Invité Riposte Invités 0 message
Posté(e)

Sur mes cahiers d'écolier,

Sur mon pupitre et les arbres,

Sur le sable, sur la neige,

J'écris ton nom

Sur toutes les pages lues,

Sur toutes les pages blanches,

Pierre sang papier ou cendre,

J'écris ton nom

Sur les images dorées,

Sur les armes des guerriers,

Sur la couronne des rois,

J'écris ton nom

Sur la jungle et le désert,

Sur les nids sur les genêts,

Sur l'écho de mon enfance,

J'écris ton nom

Sur les merveilles des nuits,

Sur le pain blanc des journées,

Sur les saisons fiancées,

J'écris ton nom

Et par le pouvoir d'un mot,

Je recommence ma vie,

Je suis né pour te connaître,

Pour te nommer

Liberté !

Paul Éluard, Liberté

Modifié par Riposte
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Invité Ederna
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Invité Ederna
Invité Ederna Invités 0 message
Posté(e)

Le vent

Ce n'était pas

Une aile d'oiseau.

C'était une feuille

Qui battait au vent.

Seulement

Il n'y avait pas de vent.

Guillevic

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Invité
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Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)

Une seule chose est nécessaire: la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer, des heures durant, personne - c'est à cela qu'il faut parvenir. Etre seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elle font. S'il n'est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d'être prêt des choses: elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays. Dans le monde des choses et celui des bêtes, tout est plein d'évènements auxquels vous pouvez prendre part. Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes: tristes et heureux; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien.

Lettre à un jeune poète ...Rainer Maria Rilke

rainer_maria_rilke.jpg

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Membre, 29ans Posté(e)
AsteR. Membre 106 messages
Baby Forumeur‚ 29ans‚
Posté(e)

Le pré est vénéneux mais joli en automne

Les vaches y paissant

Lentement s'empoisonnent

Le colchique couleur de cerne et de lilas

Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la

Violatres comme leur cerne et comme cet automne

Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

Les enfants de l'école viennent avec fracas

Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica

Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères

Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières

Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

Le gardien du troupeau chante tout doucement

Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent

Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

Les colchiques, Guillaume Apollinaire

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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 52ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
52ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
Posté(e)

A un poète

Ami, cache ta vie et répands ton esprit.

Un tertre, où le gazon diversement fleurit ;

Des ravins où l'on voit grimper les chèvres blanches ;

Un vallon, abrité sous un réseau de branches

Pleines de nids d'oiseaux, de murmures, de voix,

Qu'un vent joyeux remue, et d'où tombe parfois,

Comme un sequin jeté par une main distraite,

Un rayon de soleil dans ton âme secrète ;

Quelques rocs, par Dieu même arrangés savamment

Pour faire des échos au fond du bois dormant ;

Voilà ce qu'il te faut pour séjour, pour demeure !

C'est là, - que ta maison chante, aime, rie ou pleure, -

Qu'il faut vivre, enfouir ton toit, borner tes jours,

Envoyant un soupir à peine aux antres sourds,

Mirant dans ta pensée intérieure et sombre

La vie obscure et douce et les heures sans nombre,

Bon d'ailleurs, et tournant, sans trouble ni remords,

Ton coeur vers les enfants, ton âme vers les morts !

Et puis, en même temps, au hasard, par le monde,

Suivant sa fantaisie auguste et vagabonde,

Loin de toi, par delà ton horizon vermeil,

Laisse ta poésie aller en plein soleil !

Dans les rauques cités, dans les champs taciturnes,

Effleurée en passant des lèvres et des urnes,

Laisse-la s'épancher, cristal jamais terni,

Et fuir, roulant toujours vers Dieu, gouffre infini,

Calme et pure, à travers les âmes fécondées,

Un immense courant de rêves et d'idées,

Qui recueille en passant, dans son flot solennel,

Toute eau qui sort de terre ou qui descend du ciel !

Toi, sois heureux dans l'ombre. En ta vie ignorée,

Dans ta tranquillité vénérable et sacrée,

Reste réfugié, penseur mystérieux !

Et que le voyageur malade et sérieux

Puisse, si le hasard l'amène en ta retraite,

Puiser en toi la paix, l'espérance discrète,

L'oubli de la fatigue et l'oubli du danger,

Et boire à ton esprit limpide, sans songer

Que, là-bas, tout un peuple aux mêmes eaux s'abreuve.

Sois petit comme source et sois grand comme fleuve.

Victor Hugo

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Membre, Jedi pas oui, jedi pas no, 31ans Posté(e)
Jedino Membre 47 968 messages
31ans‚ Jedi pas oui, jedi pas no,
Posté(e)

Je mourrai d'un cancer de la colonne vertébrale

Je mourrai d'un cancer de la colonne vertébrale

Ça sera par un soir horrible

Clair, chaud, parfumé, sensuel

Je mourrai d'un pourrissement

De certaines cellules peu connues

Je mourrai d'une jambe arrachée

Par un rat géant jailli d'un trou géant

Je mourrai de cent coupures

Le ciel sera tombé sur moi

Ça se brise comme une vitre lourde

Je mourrai d'un éclat de voix

Crevant mes oreilles

Je mourrai de blessures sourdes

Infligées à deux heures du matin

Par des tueurs indécis et chauves

Je mourrai sans m'apercevoir

Que je meurs, je mourrai

Enseveli sous les ruines sèches

De mille mètres de coton écroulé

Je mourrai noyé dans l'huile de vidange

Foulé aux pieds par des bêtes indifférentes

Et, juste après, par des bêtes différentes

Je mourrai nu, ou vêtu de toile rouge

Ou cousu dans un sac avec des lames de rasoir

Je mourrai peut-être sans m'en faire

Du vernis à ongles aux doigts de pied

Et des larmes plein les mains

Et des larmes plein les mains

Je mourrai quand on décollera

Mes paupières sous un soleil enragé

Quand on me dira lentement

Des méchancetés à l'oreille

Je mourrai de voir torturer des enfants

Et des hommes étonnés et blêmes

Je mourrai rongé vivant

Par des vers, je mourrai les

Mains attachées sous une cascade

Je mourrai brûlé dans un incendie triste

Je mourrai un peu, beaucoup,

Sans passion, mais avec intérêt

Et puis quand tout sera fini

Je mourrai.

Boris Vian

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Invité
Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)

Je l'ai peut-être déjà posté, j'sais pas..

L'écrasement de Bukowski

trop grand

trop petit trop gros

trop maigre

ou rien du tout.

rire ou

larmes

haineux

amoureux

des inconnus avec des gueules

passées

à la limaille de plomb

des soudards qui parcourent

des rues en ruines

qui agitent des bouteilles

et qui, baïonnette au canon, violent

des vierges

ou un vieux type dans une pièce misérable

avec une photographie de M.Monroe.

il y a dans ce monde une solitude si grande

que vous pouvez la prendre

à bras le corps.

des gens claqués

mutilés

aussi bien par l’amour que par son manque.

des gens qui justement ne s’aiment

pas les uns les autres

les uns sur les autres.

les riches n’aiment pas les riches

les pauvres n’aiment pas les pauvres.

nous crevons tous de peur.

notre système éducatif nous enseigne

que nous pouvons tous être

de gros cons de gagneurs.

mais il ne nous apprend rien

sur les caniveaux

ou les suicides.

ou la panique d’un individu

souffrant chez lui

seul

insensible

coupé de tout

avec plus personne pour lui parler

et qui prend soin d’une plante.

les gens ne s’aiment pas les uns les autres.

les gens ne s’aiment pas les uns les autres.

les gens ne s’aiment pas les uns les autres.

et je suppose que ça ne changera jamais

mais à la vérité je ne leur ai pas demandé

des fois j’y

songe.

le blé lèvera

un nuage chassera l’autre

et le tueur égorgera l’enfant

comme s’il mordait dans un ice cream.

trop grand

trop petit

trop gros

trop maigre

ou rien du tout.

davantage de haine que d’amour.

les gens ne s’aiment pas les uns les autres.

peut-être que, s’ils s’aimaient,

notre fin ne serait pas si triste ?

entre-temps je préfère regarder les jeunes

filles en fleurs

fleurs de chance.

il doit y avoir une solution.

sûrement il doit y avoir une solution à

laquelle nous n’avons pas encore songé.

pourquoi ai-je un cerveau ?

il pleure

il exige

il demande s’il y a une chance.

il ne veut pas s’entendre dire :

« non. »

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Invité Fichée
Invités, Posté(e)
Invité Fichée
Invité Fichée Invités 0 message
Posté(e)

On apprend l'eau - par la soif

La terre - par les mers qu'on passe

L'exaltation - par l'angoisse

La paix - en comptant ses batailles

L'amour - par une image qu'on garde

Et les oiseaux - par la neige

Le Temps

Trop heureux, le Temps se dissoud

Sans laisser de trace -

C'est que l'Angoisse n'a pas de plumes

Ou est trop lourde pour voler.

Emily Dickinson

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Membre, 29ans Posté(e)
AsteR. Membre 106 messages
Baby Forumeur‚ 29ans‚
Posté(e)

"La tristesse des illettrés dans les ténèbres des bouteilles

L'inquietude imperceptible des charrons

Les pièces de monnaie dans la vase profonde

Dans les nacelles de l'enclume

Vit le poète solitaire

Grande brouette des marécages "

Le marteau sans maître, René Char

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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 52ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
52ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
Posté(e)

Les yeux d'Elsa

elsa.jpg?w=640

Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire

J’ai vu tous les soleils y venir se mirer

S’y jeter à mourir tous les désespérés

Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire

À l’ombre des oiseaux c’est l’océan troublé

Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent

L’été taille la nue au tablier des anges

Le ciel n’est jamais bleu comme il l’est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l’azur

Tes yeux plus clairs que lui lorsqu’une larme y luit

Tes yeux rendent jaloux le ciel d’après la pluie

Le verre n’est jamais si bleu qu’à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée

Sept glaives ont percé le prisme des couleurs

Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs

L’iris troué de noir plus bleu d’être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche

Par où se reproduit le miracle des Rois

Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois

Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots

Pour toutes les chansons et pour tous les hélas

Trop peu d’un firmament pour des millions d’astres

Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L’enfant accaparé par les belles images

Écarquille les siens moins démesurément

Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens

On dirait que l’averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où

Des insectes défont leurs amours violentes

Je suis pris au filet des étoiles filantes

Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d’août

J’ai retiré ce radium de la pechblende

Et j’ai brûlé mes doigts à ce feu défendu

Ô paradis cent fois retrouvé reperdu

Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu’un beau soir l’univers se brisa

Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent

Moi je voyais briller au-dessus de la mer

Les yeux d’Elsa les yeux d’Elsa les yeux d’Elsa.

---

Louis Aragon est un poète, romancier, journaliste et essayiste français, né le 3 octobre1897 et mort le 24 décembre 1982 à Paris. Il est également connu pour son engagement et son soutien au Parti communiste français de 1930 jusqu’à sa mort.

Auteur surréaliste, rassemble dans un recueil intitulé Les Yeux d’Elsa les poèmes que sa femme et muse Elsa Triollet lui inspira dans les années 1941-1942. Ainsi, il dissimule le véritable engagement dont il fait part. Le premier poème, qui donne le titre au recueil, est une description codée des yeux d’Elsa.

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Membre+, 51ans Posté(e)
chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Le pont Mirabeau

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours

Faut-il qu'il m'en souvienne

La joie venait toujours après la peine.

Vienne la nuit sonne l'heure

Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face

Tandis que sous

Le pont de nos bras passe

Des éternels regards l'onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure

Les jours s'en vont je demeure

L'amour s'en va comme cette eau courante

L'amour s'en va

Comme la vie est lente

Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure

Les jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines

Ni temps passé

Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Apollinaire, Alcools, 1913

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Membre, Posté(e)
omnibus Membre 207 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Belle idée Chirona ce topic.

je vous Pose aujourd'hui ce texte::) souvenez vous en lisant de R.Keepling (Tu seras un homme mon fils)

Lorsque et si..

Lorsque l'on tremble encore à l'approche de l'autre,

Lorsque le doute encore est infiniment nôtre,

Lorsque les intuitions sont approximatives,

Lorsque devient l'humeur, pour un rien, agressive,

Lorsque la main est moite et le regard crétin,

Lorsque le tutoiement est encore incertain,

Lorsqu'on éclate en pleurs pour une peccadille,

C'est qu'on est amoureux, ma fille.

Si tu ne trembles plus, si tu n'as plus de doute,

Si ton humeur est droite ainsi qu'une autoroute,

Si galante est ta main

Et ton regard câlin,

Si tu en viens au tu sans tergiversation,

Si tu ne pleures plus avec obstination,

Si tu tires la langue à toute ta famille,

Tu seras un homme, ma fille.

Michel DEVILLE

Modifié par omnibus
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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 52ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
52ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
Posté(e)

Mon rêve familier

z3npyzr5.jpg

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime

Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent

Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème

Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,

Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.

Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore

Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,

Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a

L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

Paul Verlaine

Dans son poème « Mon rêve familier »Verlaine décrit l’image d’une femme idéale à la fois amoureuse et sensible, la thématique de la femme aimée idéale,mystérieusement présente et absente à la fois.

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Membre+, 51ans Posté(e)
chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Belle idée Chirona ce topic.

Merci omnibus :)

Mon rêve familier

z3npyzr5.jpg

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime

Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent

Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème

Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,

Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.

Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore

Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,

Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a

L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

Paul Verlaine

Merci pour ce poème Amazones, je pourrais le poster tous les jours tellement je l'adore :)

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Invité
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Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)

Parce-que cela m'est revenue...

Tout m'avale. Quand j'ai les yeux fermés, c'est par mon ventre que je suis avalée, c'est dans mon ventre que j'étouffe. Quand j'ai les yeux ouverts, c'est par ce que je vois que je suis avalée, c'est dans le ventre de ce que je vois que je suffoque. Je suis avalée par le fleuve trop grand, par le ciel trop haut, par les fleurs trop fragiles, par les papillons trop craintifs, par le visage trop beau de ma mère. Le visage de ma mère est beau pour rien. S'il était laid, il serait laid pour rien. Les visages, beaux ou laids, ne servent à rien. On regarde un visage, un papillon, une fleur, et ça nous travaille, puis ça nous irrite. Si on se laisse faire, ça nous désespère. Il ne devrait pas y avoir de visages, de papillons, de fleurs. Que j'aie les yeux ouverts ou fermés, je suis englobée: il n'y a plus assez d'air tout à coup, mon cœur se serre, la peur me saisit.

L'été, les arbres sont habillés. L'hiver, les arbres sont nus comme des vers. Ils disent que les morts mangent les pissenlits par la racine. Le jardinier a trouvé deux vieux tonneaux dans son grenier. Savez-vous ce qu'il en a fait ? Il les a sciés en deux pour en faire quatre seaux. Il en a mis un sur la plage, et trois dans le champ.

Quand il pleut, la pluie reste prise dedans. Quand ils ont soif, les oiseaux s'arrêtent de voler et viennent y boire.

Je suis seule et j'ai peur. Quand j'ai faim, je mange des pissenlit par la racine et ça se passe. Quand j'ai soif, je plonge mon visage dans l'un des seaux et j'aspire. Mes cheveux déboulent dans l'eau. J'aspire et ça se passe : je n'ai plus soif, c'est comme si je n'avais jamais eu soif. On aimerait avoir aussi soif qu'il y a d'eau dans le fleuve. Mais on boit un verre d'eau et on n'a plus soif. L'hiver, quand j'ai froid, je rentre et je mets mon gros chandail bleu. Je ressors, je recommence à jouer dans la neige, et je n'ai plus froid. L'été, quand j'ai chaud, j'enlève ma robe. Ma robe ne me colle plus à la peau et je suis bien, et je me mets à courir. On court dans le sable. On court, on court. Puis on a moins envie de courir. On est ennuyé de courir. On s'arrête, on s'assoit et on s'enterre les jambes. On se couche et on s'enterre tout le corps. Puis on est fatigué de jouer dans le sable. On ne sait plus quoi faire. On regarde, tout autour comme si on cherchait. On ne voit rien de bon. Si on fait attention quand on regarde comme ça, on s'aperçoit que ce qu'on regarde nous fait mal,...

Et encore..

...Je suis contre l’amour. Je me révolte contre l’amour, comme ils se révoltent contre la solitude. Aimer veut dire :éprouver du goût et de l’attachement pour une personne ou pour une chose. Aimer veut dire : éprouver. Aimer veut dire : subir. Je ne veux pas éprouver, mais provoquer ? Je ne veux pas subir. Je veux frapper. Je ne veux pas souffrir...

...J’aimerai sans amour, sans souffrir, comme si j’ étais quartz. Je vivrai sans que mon coeur batte, sans avoir de coeur...

...Je considère manquée, gâchée, médiocre, la vie de celui dont la vie est une belle histoire d’amour . C’est toujours pareil. Elle et lui. Ils viennent de bout et d’autre de nulle part et ils se tombent dans les bras. Ils s’aiment . Je te l’aime. Tu me l’aimes...

Réjean Ducharme.

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Membre+, 51ans Posté(e)
chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Rossignol mon mignon

Rossignol mon mignon, qui dans cette saulaie

Vas seul de branche en branche à ton gré voletant,

Dégoisant à l’envi de moi, qui vais chantant

Celle qu’il faut toujours que dans la bouche j’aie,

d.gif

Nous soupirons tous deux, ta douce voix s’essaie

De fléchir celle-là, qui te va tourmentant,

Et moi, je suis aussi celle-là regrettant,

Qui m’a fait dans le cœur une si aigre plaie.

d.gif

Toutefois, Rossignol, nous différons d’un point.

C’est que tu es aimé, et je ne le suis point,

Bien que tous deux ayons les musiques pareilles,

d.gif

Car tu fléchis t’amie au doux bruit de tes sons,

Mais la mienne, qui prend à dépit mes chansons,

Pour ne les écouter se bouche les oreilles.

Pierre de Ronsard, La Continuation des Amours, 1555

Modifié par chirona
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Invité
Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)

Silence

je m’unis au silence

je me suis unie au silence

et je me laisse modeler

je me laisse boire

je me laisse dire

(Alejandra Pizarnik)

i-dream-a-dream_sugarock.jpg?w=639&h=957

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Membre, Collabo, 47ans Posté(e)
Djizus Membre 3 400 messages
47ans‚ Collabo,
Posté(e)

Une Charogne

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d'été si doux:

Au détour d'un sentier une charogne infâme

Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,

Brûlante et suant les poisons,

Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique

Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,

Comme afin de la cuire à point,

Et de rendre au centuple à la grande Nature

Tout ce qu'ensemble elle avait joint;

Et le ciel regardait la carcasse superbe

Comme une fleur s'épanouir.

La puanteur était si forte, que sur l'herbe

Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,

D'où sortaient de noirs bataillons

De larves, qui coulaient comme un épais liquide

Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague

Ou s'élançait en pétillant

On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,

Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,

Comme l'eau courante et le vent,

Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique

Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,

Une ébauche lente à venir

Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève

Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète

Nous regardait d'un oeil fâché,

Epiant le moment de reprendre au squelette

Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

A cette horrible infection,

Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,

Vous, mon ange et ma passion!

Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces,

Apres les derniers sacrements,

Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,

Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté! dites à la vermine

Qui vous mangera de baisers,

Que j'ai gardé la forme et l'essence divine

De mes amours décomposés!

Les fleurs du mal, Charles Baudelaire

Modifié par Djizus
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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 52ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
52ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
Posté(e)

Bonsoir,

Le mot de Victor Hugo

mot.gif

Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites !

Tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes ;

Tout, la haine et le deuil ! Et ne m'objectez pas

Que vos amis sont sûrs et que vous parlez bas.

Écoutez bien ceci :

Tête-à-tête, en pantoufle,

Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,

Vous dites à l'oreille au plus mystérieux

De vos amis de cœur, ou, si vous l’aimez mieux,

Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,

Dans le fond d'une cave à trente pieds sous terre,

Un mot désagréable à quelque individu.

Ce mot que vous croyez qu'on n'a pas entendu,

Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre,

Court à peine lâché, part, bondit, sort de l'ombre !

Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin.

Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,

De bons souliers ferrés, un passeport en règle :

– Au besoin, il prendrait des ailes, comme l'aigle ! –

Il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera.

Il suit le quai, franchit la place, et cætera

Passe l'eau sans bateau dans la saison des crues,

Et va, tout à travers un dédale de rues,

Droit chez l’individu dont vous avez parlé.

Il sait le numéro, l'étage ; il a la clé,

Il monte l'escalier, ouvre la porte, passe,

Entre, arrive et, railleur, regardant l'homme en face,

Dit : « Me voilà ! Je sors de la bouche d'un tel. »

Et c'est fait. Vous avez un ennemi mortel.

---

Pour comprendre le texte

Modifié par Amazones
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