Discussion autour d'une toile : Jeune fille à la fenêtre de Murillo

Salut à toi forumeur(se) qui a atterri ici plus ou moins sciemment.

Te voici donc dans un topic où tu pourras raconter ce qu'une toile t'inspire.

Ici, tout le monde est le bienvenu : que tu sois profane, néophyte ou passionné. C'est pas l'art d'être une bille ou pas qui importe mais juste ce que t'inspire une toile.

Ici, tu laisseras les mots qui te viendront en voyant un tableau de maitre. Ici, tu diras les émotions que tu ressens ou pas en laissant tes yeux balayer une ¿uvre.

Aujourd'hui, une toile de Bartolome Esteban Murillo, Jeune fille à la fenêtre avec sa duègne.

A vous les studios !

J'imagine bien de l'autre côté de la rue, un exhibitionniste qui ouvre son imperméable.

Le sourire pudiquement voilé de la femme de gauche sur le tableau, le regard plus appuyé de la jeune fille à sa gauche (son œil droit regarde tandis que le gauche envie !), me laisse penser qu'elles observent toutes deux une scène qui ne les laisse pas indifférentes. Peut être ont elles surpris le jardinier faisant sa toilette, l'étalon de l'écurie en pleine action , un énorme gâteau posé sur une table au beau milieu de la cour....Une chose semble certaine, cette tentation n'en sera bientôt plus une, pour l'une d'entre elles.

Un monde s'ouvre sur la rue: celui de cette jeune fille et de cette femme.

Ce monde est fait de rien (noir total) sinon ces deux personnes. La jeune fille tient une attitude dominante et se montre en plein jour et la sensualité qu'elle exhibe est soulignée par sa coiffure à la fois sobre et sophistiquée. Je dirai sophistiquée au maximum pour quelqu'un de son âge.

Cette jeune personne semble exprimer au maximum ce qu'elle ressent d'une part grâce à ce sourire et ses yeux qui fixent avec insistance et (il semblerait ) admiration. Son monde se trouve en réalité à l'extérieur. Le sien est sombre et son poing sous sa joue parle un petit peu de l'ennui qu'elle éprouve et peut-être aussi de l'impatience. A noter que la fierté dans son regard est l'exacte contre poids à cette attitude avec laquelle elle "s'offre". Elle surmonte ces parois.

La seconde personne exerce un rapport de force (certes subtil) sur ce numéro de charme. La subtilité vient du regard plein d'un sourire admiratif aussi mais également plus averti. Il exprime aussi une certaine malice,celle de la scène. Malice que la jeune fille n'aurai su exprimer ou justement qu'elle cherche à dépasser. Cependant la main sur le volet montre bien qu'à tout moment elle a la possibilité d'interrompre la rencontre en le rabattant et cela bien que la jeune personne se trouve fortement appuyée sur l'embrasure. Cette main sur le volet permet aussi la rencontre car du certaine manière c'est elle qui ouvre cet espace. Elle souligne donc la fragilité de cet instant et sa nature éphémère. Le bout de tissu que cette personne applique sur le bas de son visage parle de pudeur. Peut être cette pudeur que cette personne aurait aimé voir dans le comportement de la plus jeune, mais à défaut de lui faire la réprimande, se l'inflige à elle. Ce geste uni ces deux personne et montre bien que l'intimité de l'une est aussi un peu celle de l'autre. Elles appartiennent au même monde. Ce voile parle aussi du voile de l'hymen.

Donc au premier abord, la jeune fille s'offre et la plus âgée exerce un contrainte opposée à cela. Mais une analyse plus minutieuse de la scène montre plutôt une certaine agressivité de la part de la jeune personne (voir du reproche) alors que l'attitude de la dame plus âgée est pleine de "coquinerie".

Pour finir, je dirai : L'instant est dangereux, et malgré la position ferme et bien appuyée de la jeune personne et en apparence sûre d'elle, c'est bien la dame plus âgée (plus expérimentée) qui maîtrise le mieux le danger.

Quel danger ? Les foudres du tout puissant ?

Je ne connais pas ce peintre, mais en faisant un peu de recherche j'ai trouvé ce commentaire qui résume assez bien cette toile.

Merci Thyia.

On remarque aussi la différence de comportement des deux femmes. Celle qui se cache, derrière, prise d'une sorte de pudeur, ou plutôt ¿qui fait des manières¿, mais qui dans le fond ne voit rien de mal à se faire peindre. Elle feint de se cacher plutôt qu'elle ne se cache. Celle-là, on sent qu'elle n'est plus tout à faite innocente. Quant à l'autre, elle est presque intimidante dans la frontalité de son regard, et la pose confortable qu'elle prend. Elle nous regarde, droit dans les yeux, et il est évident que ce n'est pas pour un court instant. Elle ne se dérobe pas, comme l'autre, mais ne pose pas non plus. En elle sommeille encore l'enfance curieuse et ouverte au monde, l'esprit libre et pur.

Quel danger ? Les foudres du tout puissant ?

Le loup.

Les regards posés et surpris de la féminité saisie par l'envie et l'attente d'un désir surmonté d'une moquerie patiente dans sa finesse.

De bien belles femmes curieuses.

Je ne connaissais pas le mot "duègne" mais sa définition de gouvernante lui correspond parfaitement de part son recul du laisser faire.

J'y vois beaucoup un rapport de force entre folle spontanéité (ou actes instinctifs) et sagesse du comportement. Tout cela est étroitement(et subtilement) imbriqué dans l'attitude de ces deux personnes.

Pas mal, tout l'monde. A une exception près (Cinephage, si tu m'lis... ), c'est intéressant de vous lire.

Je ne connais pas ce peintre, mais en faisant un peu de recherche j'ai trouvé ce commentaire qui résume assez bien cette toile.

Merci Thyia.

Ok pour ce que t'as trouvé mais toi, elle te suggère quoi, cette toile ??

Ces deux là assistent à une scène à laquelle elles n'auraient pas du assister, convenances obligent. La jeune fille n'a pas encore sur ses épaules le poids de ses convenances et se laisse aller à la curiosité. La plus âgée ne peut s'empêcher de regarder aussi mais avec ce rire nerveux et caché qui montre bien que ce spectacle n'est pas anodin.

En y réfléchissant, il n'y a peut être pas que l'âge en cause. Si l'on observe les tenues, on remarque bien la différence sociale. On peut donc se demander si on ne peut pas se permettre plus d'inconvenance lorsque l'on est jeune et riche qu'adulte et pauvre.

Chic, une nouvelle toile !

Celle-ci me ramène à une autre jalousie, au Comte Almaviva et à Rosine au nez et à la barbe de Bartholo. La scène est différente, les protagonistes aussi, mais on parle de ressenti et non d'analyse, donc...

Ces deux là assistent à une scène à laquelle elles n'auraient pas du assister, convenances obligent. La jeune fille n'a pas encore sur ses épaules le poids de ses convenances et se laisse aller à la curiosité. La plus âgée ne peut s'empêcher de regarder aussi mais avec ce rire nerveux et caché qui montre bien que ce spectacle n'est pas anodin.

En y réfléchissant, il n'y a peut être pas que l'âge en cause. Si l'on observe les tenues, on remarque bien la différence sociale. On peut donc se demander si on ne peut pas se permettre plus d'inconvenance lorsque l'on est jeune et riche qu'adulte et pauvre.

Hummm, j'adore ! Car la question peut tout à fait valoir pour l'époque de cette toile, CmoiC. Joli regard aiguisé en tout cas...

Chic, une nouvelle toile !

Celle-ci me ramène à une autre jalousie, au Comte Almaviva et à Rosine au nez et à la barbe de Bartholo. La scène est différente, les protagonistes aussi, mais on parle de ressenti et non d'analyse, donc...

Tiens, le rapprochement avec le Barbier de Séville me plait assez ! :p

Chic, une nouvelle toile !

Celle-ci me ramène à une autre jalousie, au Comte Almaviva et à Rosine au nez et à la barbe de Bartholo. La scène est différente, les protagonistes aussi, mais on parle de ressenti et non d'analyse, donc...

C'est très intéressant que tu parles de jalousie, car je viens de lire que le peintre Bartolome Esteban Murillo,auteur de cette toile était originaire de Cadix, province d'Andalousie...d'où sont originaires les ....Jalousies !

Les jalousies, qui sont inspirées des moucharabieh, sont des sortes de persiennes que l'on disposait devant les fenêtres, volets à lamelles permettant de voir de l'intérieur sans être vu de l'extérieur.

Ce que je trouve intéressant dans cette nouvelle observation, qui n'est peut être pas le fruit de simple hasard de la part de Morillo, c'est que si l'on imagine ces femmes derrière cet accessoire, il y a fort à parier qu'elles auraient la même attitude.

La jeune fille tient la place centrale du tableau; au niveau du motif mais aussi au niveau de l'instant. C'est elle qui prend l'initiative et sans doute qu'elle se permet tout ce que son rang social et son âge lui permet. Elle incarne l'impétuosité et la fragilité de la jeunesse. La duègne adopte le comportement complémentaire (en tous points) qu'il convient d'adopter:protecteur et encourageant.

Je ne peut m'empêcher de voir deux personnes totalement complémentaires ne faisant qu'une.

Tout ce qu'il faut pour à la fois attirer et mettre en garde l'éventuel prétendant (que j'imagine à la place de l'observateur)

Complémentarité donc; mais aussi, quelle complicité tout de même !

Et je ne trouve pas que la différence sociale transparaît tant que ça. Elles ne le sont pas réellement, mais sur l'instant ce sont deux soeurs.

Très intéressant, merci à tous...

D'autres forumeurs ???

Je ne sais d'ailleurs pas de quelle époque est le tableau, j'attends de lire ton topo sans chercher. J'aime beaucoup cette idée en tout cas de parler d'une toile. C'est souvent réservé à une élite éduquée. Merci

Oups, va falloir attendre un peu alors, jusque la fin de la semaine prochaine car j'ai pris quelques jours de vacances. Mais dés mon retour, je pondrai ça pour vous en dire plus sur ce tableau et son créateur.

Tu triches pas en attendant, hein, CmoiC ?