De la nécessité de porter un chapeau les nuits de pleine lune

L'officier de police me scruta sans sciller, une fois de plus, comme s'il voulait me faire une coloscopie des yeux.

L'officier de police resta pensif un instant, puis me donna une gifle cinglante.

Un texte à la sauce Valpurgis/Beltane en mode "c'est pas moi, m'sieur l'agent".

Chapeau !

Il y a des nuits qu'elle voudrait passer dans les rapides, des souvenirs qui oublieront de s'enfuir, des choix qu'elle refusera de faire, des musiques qu'elle ne chantera pas, des lunes qu'elle oubliera de lire, des chapeaux qu'elle enfoncera jusqu'aux fond des yeux.

Et puis il y a la vie qui court plus vite qu'eux et elle qui devrait dire.

Non.

Il y a des cœurs qu'elle ne secourra jamais, des limites qu'elle ne connaîtra pas, des pluies qui essaimeront ses pensées vers l'horizon, des outrages qui ne la toucheront pas, des hommages insensés, des larmes à l'amer, des rires au-delà.

Et puis il y a le vent qui passe et l'écho des spectres qui crie.

Non.

Il y a des douleurs qu'elle n'entendra jamais, des sommets qui l'enchanteront, des pas qui poursuivront, des airs qui la déchirent, des temps qu'elle passera, des étés en silence, des abris insouciants, des histoires dont elle n'a pas idée, des envies dont elle n'a pas souvenir.

Et puis il y a lui qui.

...

éa m'a repris cette nuit.

D'abord l'euphorie générale, le mélange des visages et des couleurs, l'insouciance de l'âme. L'ivresse des sens.

Il est déjà là, caché sous les flots multicolores qui dégoulinent de la toile. Il est là, et sa sortie porte une attaque chirurgicale en plein c¿ur de mon Monde.

Seul détail isolé au centre du flou artistique, son chapeau me provoque, sa seule vue fait jaillir en moi une angoisse incontrôlable.

Mon Monde m'échappe, la rêverie tourne au cauchemar, les tourments du passé font corps avec le feutre.

Seule une face de son propriétaire m'apparait, et déjà la haine se mêle à la peur. La distance rapprochant mes ongles de ses orbites demeure infranchissable.

Les plaies s'ouvrent à nouveau, le passé me rejoint en mon sanctuaire nocturne, la torture mentale se poursuit inexorablement.

Une cigarette à la main, le regard fixé sur la pleine lune, je songe avec malice à mon prochain geste.

Le sourire aux lèvres, je cache mes yeux emplis de larmes sous un chapeau de feutre noir.

Le riposte contre les démons du passé commence alors véritablement. Ce chapeau est ma plus précieuse arme dans cette entreprise de démystification. Ce simple chapeau.

Mon doux amant,

Merci encore pour l'ivresse des ces nuits où le printemps triompha et les lunes furent pleines. Il me reste encore dans l'oreille certains de ces mots qui envoûtent, je ne les rendrai pas. Laissez-moi, statue de sel, fuir à présent cet adieu que nous nous refusons, sans regard ni effusion. Nous imaginais-tu vraiment, l'autre nuit, partageant le quotidien en plus de la couche ? Guetter chaque jour une nouvelle ride dans le regard de l'autre ? Souffrir tes pantoufles et mes chapeaux emplumés, et puis savoir tant ton souffle qui s'endort que je ne l'entendrais plus, laisser dans nos mots plus d'agacement que de tendresse, oublier de laisser ta main s'égarer comme elle fit ce matin pour ne plus avoir que de bien sages plaisirs... il est beau, à vrai dire, votre rêve d'avenir !

Je suis lasse, mon C¿ur, de tenter de deviner vos baisers dans les yeux des courtisanes croisées dans les ruelles où je vous suis certains soirs... fatiguée de nos promesses sans suite, de votre mépris et de mon inconstance.

C'est ballotée par la malle poste que vous nommâtes un soir « abeille » que je vous écris. Elle me ramène à Longchamps et à la vie conjugale ; la trêve est finie, mon cher, je m'en retourne à mes jardins et mes pastels et vous préfère désormais les rides adipeuses de mon époux. Je vous fis don du printemps et de l'été, mon hiver sera pour mon foyer.

Fais-moi la grâce d'oublier de me répondre et de perdre certaines lettres qui causeraient ta perte tout autant que la mienne.

Je vous laisse en souvenir ce que vous avez su faire battre et trembler et garde de vous cette odeur d'épices et de miel...

Très romantique petite pao

Fais-moi la grâce d'oublier de me répondre et de perdre certaines lettres qui causeraient ta perte tout autant que la mienne.

Je vous laisse en souvenir ce que vous avez su faire battre et trembler et garde de vous cette odeur d'épices et de miel...

Une vraie missive à la Laclos,

Amitiés au Valmont qui sommeille en toi

Il y avait la lune et elle était pleine.

Et il y avait lui. Lui, avec dans ses mains un chapeau plein de mots en vrac.

Et puis il y avait moi qui avais perdu mes mots.

Et alors, il a pris ma main, lui. Et il a commencé à avancer.

Je l'ai laissé faire et j'ai suivi. Sans réfléchir, je croyais, mais en fait, en y pensant, maintenant, avec un tas de parce que dans la tête.

Comme on marchait on piochait au hasard des mots de Petit Poucet dans son chapeau à lui et ça faisait une histoire qui nous suivait.

Et puis c'est moi qui.

J'ai volé son regard et refusé de le rendre, j'étais trop bien à l'abri dedans. Seulement on continuait à avancer comme ça, lui sans plus y voir et moi avec ses yeux à lui. Alors on n'a rien vu venir quand il a trébuché.

On est tombés. Et le chapeau s'est renversé. Et les mots fusaient dans tous les sens, des mots glacés dans la nuit, des mots perdus, des mots brisés, et puis des pleins de flammes. Et puis des tous bleus.

Dans la chute nos mains se sont quittées, alors je rentre, avec nos mots qui me poursuivent. Et je leur ferme la porte mais ils passent par la fenêtre, la cheminée, les refuges de souris... je ressors et m'enfuis sans plus rien entendre. Là aussi, si j'y pense, il y a tout un tas de parce que.

Il y a lui et puis il y a moi. Et nos mots qui sont restés accrocher à la lune.

Un an de lunes chapeautées...

La nouvelle commence, à peine occultée par un nuage. 15 mm... j'ignore s'il appelle l'averse ou bien la tempête et peu importe...

Enfonce ton chapeau sur tes yeux et, les mains dans les poches, avance !