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tison2feu

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Tout ce qui a été posté par tison2feu

  1. (juste une petite intrusion) "raisonnablement" ou "rationnellement" ? Le déterminisme me dit le comment rationnellement. Ne serait-il pas plus juste de parler d'"amoralisme déterministe" ? C'est l'exigence de répondre au pourquoi de la chose qui me semble relever de l'éthique. En recourant à la pensée intuitive, je fais en sorte de dépasser l'amoralisme du déterminisme. La conquête de la liberté relève de la même ascèse, de la même éthique. Ma liberté commence - et non pas "s'arrête" - là où commence celle d'autrui (cf. Cornelius Castoriadis).
  2. Argumentum ad nauseam :) (L'Argumentum ad nauseam ou avoir raison par forfait est un sophisme basé sur la répétition d'une affirmation)
  3. Assurément ! parce que dans ta réinterprétation de la citation de Cioran, qui n'est pas des plus limpides, il y avait notamment le mot "détachement" qui m'a induit en erreur. Au temps pour moi. Oui, mais tu précisais : "le libre-arbitre que je rapproche de la liberté ". Doù mon questionnement sur ta définition de la liberté là où, précisément, il y a coïncidence entre liberté et libre-arbitre.:) En revanche, il est vrai que tu avais suffisamment insisté sur le fait que la liberté est conquise seulement par une minorité de découvreurs (artistes et chercheurs surdoués). On pourrait ajouter à la liste les philosophes créateurs de concepts. Même les prophètes à l'origine des grandes religions, etc. ( Si la créativité est gage de liberté...). PS : J'ai écrit plus haut "si expert fut-il" qu'il faut lire "aussi expert fut-il".
  4. J'ajouterai que, dans l'étude de ce que les Grecs appelaient la phusis, la réflexion philosophique était intimement mêlée à des considérations éthiques ; le "physicien" de l'époque, si expert (sophoi) fut-il en science exacte, n'en demeurait pas moins un sage et le garant d'une sagesse. Or, les sciences modernes, dans leur approche de plus en plus objective, spécialisée et désintéressée de la connaissance, se sont focalisées sur l'étude de la matière au détriment de l'étude de ce "mouvement vital de l'esprit" et des questions éthiques. En clair, le temps est révolu où le scientifique passait pour un sage, surtout quand on sait l'instrumentalisation technocratique et politicienne de la science, celle-ci étant de plus en plus dépendante du pouvoir de l'argent. La question est posée par Einstein : "Le temps serait-il passé où la liberté intérieure du savant, l'indépendance de sa pensée et de son oeuvre faisait de lui le guide et le bienfaiteur des hommes ?" Le scientifique a désormais une responsabilité dont il doit prendre pleinement conscience, en apprenant à philosopher sur la science et les questions éthiques. Inventer pour le plaisir d'inventer n'est le gage que d'une liberté limitée si cette aptitude à inventer n'engage pas la responsabilité de celui qui cherche (comme tu me l'avais fait remarquer, Dompteur, ou encore lorsque tu suggères que la liberté est "une prise de position qui a une signification morale.") Pour répondre à Quasi-Modo, oui, l'homme de science a la possibilité de réfuter le philosophe. Tel le neurologue Antonio R. Damasio, et son retentissant "L'erreur de Descartes- La raison des émotions", publié en 1994.
  5. Tu veux dire, en arriver à ne ressentir ni bien-être, ni mal-être. La liberté se trouverait dans un état de non-désir, de non-choix, de non-agir ; donc suspension du jugement et de la réflexion, ce qui serait incompatible avec ce qui suit : Pourrais-tu donner un exemple d'acte libre tiré de ta propre expérience , afin d'illustrer ce que tu entends par "choisir par comparaison/réflexion"? Essayons de partir d'exemples personnels concrets (comme nous y avait invité Dompteur). N'y a-t-il pas des moments privilégiés de notre vie où nous avons éprouvé le vif sentiment d'agir librement ?
  6. S'il y a neutralisation/canalisation de l'énergie pulsionnelle, c'est bien que le rôle des pulsions, même indirect, est de première importance dans la création artistique. Je ne parlais pas des raisons pour lesquelles on devient artiste, où le mimétisme joue en effet sûrement pour beaucoup. Oui, l'énergie pulsionnelle est aussi bien constructive que destructive. Cela ne justifie pas le fait que l'on doive faire abstraction de ses pulsions pour agir librement, si tu admets avec moi que dans l'agir libre il y a une part de créativité (ou disons plutôt de découverte). Mon idée de départ est que pour agir librement, je dois mobiliser ma conscience attentive et toutes mes ressources intellectuelles, affectives et conatives, sans exception. Libre à toi de faire le tri, dans ces ressources, entre le constructif, le négatif, et le neutralisable. Cela suppose d'avoir une éthique personnelle afin que ton acte libre soit la découverte de ta meilleure raison d'agir dans une situation donnée. J'ai déjà développé ce point en donnant l'exemple de prisonniers qui se sont épanouis en prison, parce que la prison n'était pas une entrave à leur volonté inaltérable de s'exprimer. Soljenitsine s'est trouvé à un moment donné privé de papier et de moyen d'écriture ; qu'à cela ne tienne, en prison, il a composé en mémorisant 4000 vers. Dans ce cas, la raison d'agir est à trouver dans la volonté d'expression artistique, et c'est ce désir brûlant de s'exprimer, avec ou sans privation, qui fait sens. Là aussi, il a été précisé à plusieurs reprises que la liberté est une affaire de conquête, et nous disons la même chose en effet. Ce point est important. Sans conscience attentive, sans concentration sur ce que l'on fait, sans prise immédiate de connaissance immédiate de ce que je suis en train de faire, point de possibilité d'agir librement. Ton exemple de la langue est très bon. Rares sont les actes libres, non répétitifs et routiniers. L'imagination, l'inconscient collectif jouent donc un rôle dans l'agir libre qui casse la routine. Rêver de voler, de tomber vers le haut, la droite, la gauche... La fiction parfois devient réalité en faits et en actes. Cela pourrait être à la portée de tout le monde d'agir au moins en pleine conscience (conscience attentive et lucide), condition nécessaire de l'acte libre, mais nous y arrivons rarement. Certains sont plus doués que d'autres, comme s'ils avaient fait voeu de faire perdurer cette disposition acquise par l'effort. "Le malheur veut qu'une fois lucide, on le devienne toujours davantage : nul moyen de tricher ou de reculer" (Cioran). Dans ces exemples, chaque personne peut mener un combat personnel, cela n'ôte rien au sens de son combat. Et l'énergie dégagée sera parfois contagieuse. Ces personnes ont agi librement, mais pas du tout ceux qui actuellement jouissent des fruits de ces combats. C'est bien là le problème présentement. A quoi bon t'amener la liberté sur un plateau si tu n'as pas de bras pour le soulever ?Tu déplores que les effets escomptés soient décevants. Mais qui a dit que parce des lois proclament ces libertés, soudainement la vie devienne une vie de liberté ? La censure peut très bien s'exercer avec le retour d'un régime autoritaire, et il ne tiendra qu'à toi ou à moi de relever le flambeau. Tout ce qui concerne la liberté, avions-nous dit, relève de la conquête. Et de l'éphémère. Lorsque la liberté s'actualise, aussitôt la servitude se potentialise. Et vice-versa.
  7. Lorsque tu parlais d"instincts animaux et assimilés à ne pas suivre", je tenais à te faire comprendre que tu ne fais qu'exprimer une méfiance à l'égard de nos instincts, ce qui n'est somme toute que l'expression d'un bon vieux cliché moralisateur répété depuis 2000 ans. Si les instincts font partie de notre nature profonde, je pense au contraire que nous avons intérêt à les suivre, en tant que force agissante, tout en les canalisant vers un dépassement de soi. Sur la question de la créativité, eh bien précisément, l'artiste plus que personne fait parler ses instincts, ses émotions, etc., mais en les sublimant artistiquement. De nombreuses libertés ont été "conquises" parce qu'elles ont un prix. Pour moi, la liberté n'a pas de prix, tant son prix est élevé. C'est une valeur. Je sais ce que valent la liberté de penser, la liberté politique, la liberté de la presse, la liberté individuelle, etc., autant de forces agissantes qui ne s'usent que si l'on ne s'en sert pas. La valeur de la liberté dépend du désir d'épanouissement qu'on a. Si toutes ces libertés ne font pas sens pour toi, je n'y peux rien. Je dirai même plus : parler d'effet placebo, cela serait faire injure à tous ceux qui, dans le passé ou dans le présent, se sont battus ou continuent de se battre pour une vie épanouïe/accomplie.
  8. As-tu noté que lorsque je parlais d'impulsion ou d'instincts, je ne parlais pas de "bas-instincts" au sens commun mais d'autre chose, comme dans le dernier exemple, où il était question d'instinct paternel (ou maternel) ? Il me semble que s'efforcer de franchir ses propres barrières successives, un peu à l'image du musicien dont j'avais parlé et qui intégre par étapes successives toutes les règles de son art, cela ne peut que faire sens puisqu'il s'agit de prendre le risque de devenir acteur sans concessions de sa propre vie.
  9. Là, véritablement, Jean Ghislain, ta troisième intervention, tout à fait claire et bien articulée, a fait tilt en moi et aura assurément mis en appétit ceux d'entre nous n'ayant pas encore lu Heidegger.
  10. C’est précisément la question que je me pose depuis plusieurs jours (et c’est la raison pour laquelle je n’ai pas encore répondu à la tentative de synthèse de Déjà-utilisé, ni à l’intervention limpide de Dompteur, ni à une objection justifiée mais secondaire de Genesiis, etc. Les interventions de tous les intervenants sont mémorisées, et elles finissent toujours par avoir un retentissement au moment opportun ; il se trouve que la question du « à quoi bon avoir une raison d’agir » soulevée par Quasi-Modo a refait surface dans mon esprit confronté au tohu-bohu tonifiant de la discussion en cours). Si la liberté d’agir peut être appréhendée en partie intuitivement, en termes d’impulsions originaires, d’élan vital, d’instincts de vie, etc., il est vrai que le sens de l’acte libre ne va pas m’apparaître d’emblée. Avant d’agir, je veux que se fasse quelque chose, mais le sens qui se cache derrière la cause première d’agir (l’impulsion, l’instinct paternel, etc.) et le mobile (ou raison d’agir) est encore flou. Si je veux devenir père de famille (j’aurais pu ne pas le vouloir), je le veux parce que cela correspond à ce qu’il y a de plus profond en moi, et tout se passe comme si le sens surgissait dans, et seulement dans, le passage à l’acte et dans ses effets que je vais assumer, à mes risques et périls, mais fort d’un feu intérieur à toutes épreuves. Il faudra compter avec les impondérables, les malheurs, la maladie, etc., mais il n’y a plus de place pour le « à quoi bon » ou le très humain « ah, si j’avais su… » parce que mon choix, si difficile à tenir soit-il, est vecteur de sens, d’attachements et d’efforts féconds, non quantifiables mais essentiellement qualifiables, qu’il n’est plus question de renier à coups de ressentiment. Ma liberté est toujours là pour m'inspirer dans la confrontation perpétuelle aux contingences de la vie, et cet état d'esprit puissant qu'est la liberté pourrait bien être une façon de forcer le destin à se démasquer (cf. Malraux). Or, ce que je tenais à mettre en évidence, c’est qu’avec le langage scientifique (et philosophique) de l’abstraction, du type « quantité-qualité X => quantité-qualité Y », le réel semble se dérober. Ce que je gagne en extension logique, je le perds en sens/compréhension logique. Les concepts de causalité, quantité, qualité, etc. ne sont que des concepts bâtards (à nos véritables impressions originaires) qu’il convient de subvertir, que dis-je ?, de dynamiter, parce que nous avons oublié qu’ils ne sont que la transposition sonore d’excitations nerveuses (cf. Nietzsche). En clair, et compte tenu des avancées indéniables de la science, il n’est pas question de nier la force du concept de causalité, sans pour autant en faire la clé scientiste de toutes les énigmes du monde. Loin de moi, l’intention de retomber dans un quelconque obscurantisme. Mais d’un point de vue philosophique, ce concept de causalité déterministe me semble doublement suspect, à la fois générateur d’apories (cf. Kant) et ne répondant en rien, rationnellement parlant, aux grandes questions ontologiques/métaphysiques (pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que rien ?, etc.). De plus, ce concept de causalité déterministe est à prendre pour ce qu’il est : un produit pur jus de la « raison » - autre invention de la philosophie occidentale - qui n’est elle-même que la faculté de se représenter le réel en générant un univers fictif, un kosmos – signifiant aussi maquillage ! - d’abstractions et de lois désincarnées, et donc en prenant le risque de verser dans un anthropomorphisme naïf à force d’attribuer à l’univers la dimension de la rationalité. A l’expérience directe, charnelle et affective, du kaos terriblement angoissant, se substitue l’expérience rêvée du kosmos rassurant (cf. Frédéric Schiffter). D'où l'intérêt de recourir à une philosophie plus intuitive, plus charnelle, plus existentielle, pour appréhender cette notion de liberté - qui concerne le vivant - de façon plus vivante.
  11. Cela ne fera sens véritablement que pour celui qui aura fait ce choix. Il faut expérimenter, prendre le risque (de se tromper parfois), pour savoir.
  12. Je ne pense pas que le suicide soit un acte libre. Le suicidé réagit plus qu'il n'agit librement, sans parler des troubles pathologiques. A mes yeux l'acte libre n'est possible que si toutes les contraintes de la vie sont intégrées et intériorisées/extériorisées. Non, le prisonnier n'a rien choisi, mais il est libre de rebondir même en étant incarcéré. Malgré les privations, Soljénitsine a composé/mémorisé en prison plus de 4000 vers parce qu'il avait un feu intérieur à toutes épreuves. L'incarcération a été parfaitement intégrée, donc anecdotique. Ce qui comptait pour Soljénitsine, c'était d'écrire, en prison ou hors de prison. J'ai eu l'occasion de dire que ce feu intérieur que l'on a en nous peut permettre de soulever des montagnes. Idem Mandela. Idem les deux Femen qui viennent d'être libérées, elles continuent leur combat comme si la prison n'avait aucun impact sur elles. Idem les militants de Greenpeace, et tant d'autres moins connus. Ce que je voulais dégager, c'est ce qui fait sens dans l'agir. L'équation que tu proposes me convient tout à fait. Dans la mesure où l'agir libre est vecteur de sens, je n'ai pas à me demander "à quoi bon".
  13. Lorsque le scientifique parle en termes arithmétiques de causalité, il procède à une réduction quantitative de l'agir, dans un univers fait d'abstractions et de lois totalement désincarnées. Des chiffres et des concepts sont venus se substituer à nos véritables impressions dont l'élan originaire, lui, a donné forme à un authentique projet personnel. Tout cela étant quantifié, la qualité de l'effet est passée sous silence (comme l'a très bien saisi Bergson). Or, c'est dans cette qualité que se trouve ma raison d'agir, c'est elle qui fait sens, et dont ne tiennent pas compte les partisans du déterminisme absolu. Agir librement, c'est donner du sens/valeur à la vie, quelles qu'en soient les contraintes. Il n'y a donc plus à se demander "à quoi bon", quelle que soit l'insignifiance de nos actes ! (mais ceci est une autre histoire). Il n'y a plus d'aporie, me semble-t-il, si l'on parvient à restaurer cette coïncidence perdue entre la quantité de la cause et la qualité de l'effet.
  14. Tu as raison, c'est exactement de cela qu'il s'agit. Ce qui est tout à fait remarquable, c'est cette persévérance à toutes épreuves. Cet exemple m'intéresse parce qu'il atteste en outre que le musicien, en jonglant avec des sons, ne peut en aucun cas être suspecté d'empiéter sur la liberté d'autrui. C'est une affaire personnelle, avec son lot de joies et de souffrances, entre lui et la magie des sons, assez comparable à une "vocation', en ce sens qu'il répond, à ses risques et périls, à un appel mystérieux venu du plus profond de lui-même (latin vocare, appeler). D'autres tomberont en amour du bruissement des concepts philosophiques. A chacun sa vocation. En m'excusant d'avoir jeté hâtivement un regard de cyclope sur cette honnête exigence de solitude intérieure.
  15. Il n'est pas question d'aller manger dans le plat du voisin. Imaginons qu'il y ait une dizaine de convives à table, et que chacun dispose de la même quantité de nourriture. Les uns dévorent avec un appétit d'enfer, les autres mangent cette même portion de nourriture avec des airs de poupards dégoûtés. Tu vois bien que, ce qui fait la différence parmi les convives, c'est cet appétit brûlant de certains, cette impulsion première, ce je-ne-sais quoi à la fois qualitatif - puisque la quantité dans cet exemple n'entre pas en ligne de compte - et positif qui leur fait croquer la vie à pleines dents parce qu'ils prennent le risque d'y goûter (savoir = goûter) et de découvrir, pour le pire (souffrance) et le meilleur (jouissance) tout ce que leur offre la nature. Encore ne faut-il pas s'obstiner à ne voir dans les pulsions que du négatif... ou du quantitatif... ou seulement de l'hédonisme à deux balles que nous fait miroiter notre société de consommation... ou encore un empiétement obligé sur la liberté d'autrui. Prise de risque dans le feu de l'agir libre, avons-nous dit, pour soi, bien sûr (à tout seigneur, tout honneur), mais dans son rapport lucide et "raisonnable" (je me suis expliqué brièvement sur ce qualificatif qui ne doit pas être conçu comme une entrave au feu de l'action libre) avec autrui et le monde, ce qui rend incontournable la réflexion éthique.
  16. Si, si ! Je considère que c'est bien plus réaliste de parler d'intensité d'un moment d'éternité plutôt que de fantasmer sur un idéal d'éternité qui, par définition, n'est pas. Que m'importe que le programme soit écrit ou pas, seule compte ma volonté de reprendre possession de mon "corps primitif", comme dirait Dompteur. Pourquoi exprimais-tu un désir de retrouver le chemin de la nature non domestiquée, en te lamentant avec Phil de l'existence de toutes ces lois inhibitrices de notre société, si c'est pour dire au final que ces inclinations premières de la nature ne sont que des pulsions incontrôlables ? Pourquoi concevoir l'instinct comme une entrave, quand tu sais que ce feu de l'impulsion bien sentie peut te permettre de soulever des montagnes ? Encore convient-il d'être à l'écoute des appels de la nature qui t'a confié un corps unique, un caractère propre, des impulsions singulières. Comment peux-tu prétendre à te connaître toi-même si tu refuses une sorte de familiarité avec toi-même, un attachement instinctif, ce que les premiers Stoïciens appelaient une "appropriation" (oikeiôsis) de soi à soi, qui dans l'expérience, se manifeste par cette espèce de conscience de ton corps et de l'usage que tu peux en faire pour le conserver et le développer ? (la tendance première de l'être humain n'étant pas, aux yeux des Stoïciens, la recherche du plaisir mais le souci de soi, l'instinct de conservation et d'auto-développement, lesquels n'excluent nullement l'effort ni la souffrance). Il ne s'agit pas de subir ses pulsions mais de les faire agir dans la pleine conscience de son corps. Agir et être agi librement.
  17. Es-tu certain de ne jamais avoir pu retrouver le chemin de la nature ? Ne t'es-tu jamais trouvé en situation de devoir agir seul, sans aucun repère, sans aucune norme, en ayant pour seul guide un feu intérieur exaltant qui te pousse à agir de façon improvisée, libre et audacieuse ? Il me vient à l'esprit ce que l'on appelle le "coup de foudre" et à cette force inouïe qui pousse deux êtres, lorsqu'il y a attirance réciproque, au corps-à-corps inéluctable. Lorsque nous faisons l'amour pour la première fois de la vie, nous n'avons aucune expérience (les livres ne remplacent pas l'expérience personnelle) mais nous nous sommes lancé à l'eau - ça est plus fort que tout ! - au risque de perdre la face aux yeux de notre partenaire. Sensation inoubliable d'avoir agi librement vers des terres inconnues. J'avais opté pour l'action "raisonnable" précisément dans le cas des vertus de l'extrême, telles que le courage et la générosité. La seule limite imposée par la vertu opposée (la prudence) serait de ne pas pousser l'inconscience de vouloir agir librement au point d'y laisser la vie. Malgré cette restriction, l'espace de liberté entre deux vertus opposées est considérable.
  18. Toute la question est de savoir si l'instinct de groupe n'est pas aussi essentiel que d'autres instincts, tels que l'instinct sexuel, l'agressivité, etc, qui eux-mêmes supposent toujours un rapport à autrui. L'homme est un animal social, politique, qui a besoin de rites d'interactions et de normes structurantes dont l'action peut être conçue non pas négativement (fonction d'exclusion) mais positivement (force d'inclusion, d'intégration, de régulation). D'où les positions de Sartre et de Kant consistant à envisager la liberté de l'homme dans son rapport avec autrui, puisque la question au final est de savoir comment concilier liberté individuelle et liberté sociale. Le "raisonnable" mieux pensé ne serait donc pas si artificiel qu'il y paraît, à condition de ne pas le réduire au seul juste milieu aristotélicien. Le "raisonnable" se distingue et s'oppose au "rationnel" froid et calculateur (hyper-rationalisme réificateur, instrumentaliste, manipulateur, débouchant sur le nazisme, le stalinisme, les génocides, l'ultra-libéralisme et ses tyrannies invisibles favorisant l'exploitation de l'homme par l'homme).
  19. Très juste, et mauvaise formulation de ma part, puisque la liberté est affaire d’actualisation 1/ en tant que passage de la puissance à l’acte (actuation), 2/ en tant que passage d’un état virtuel à un état réel. Pour qu’un acte soit réellement fécond, il doit s’exercer et être expérimenté dans le réel. L’exemple du jeu en tant qu’activité naturelle et instinctive chez les petits permet de comprendre en quoi l’agir ludique n’est pas encore libre. Par le jeu, l’enfant apprend à imiter des comportements sociaux mais il ne manipule que des objets fictifs ; il joue avec parfois beaucoup de sérieux, de concentration, voire d’inventivité, mais sans possibilité aucune d’agir librement, c’est-à-dire de prendre réellement des risques et des responsabilités en jouant « pour de bon ». En devenant une finalité chez l’humain, le jeu permet de repousser le moment d’agir librement, et le réel est prié d’aller se faire voir ailleurs. Pour l’homme, deux excès sont donc à éviter : 1/ abréger prématurément cette période d’activité ludique et d’auto-domestication de l’espèce, au risque d’avoir mal intégré la signification des rituels du groupe qui, seuls, permettent de réguler les comportements trop agressifs, ou au contraire, 2/ prolonger démesurément cette période de divertissement à l’âge adulte, avec risque d’infantilisation d’un homme civilisé immature et dépendant familialement. En effet, mon charabia nécessite de sérieux éclaircissements. Prenons l’exemple du musicien, dont la liberté d’agir semble très enviée. Avant qu’apparaisse l’expression musicale, l’apprentissage d’une multitude de gestes et de règles conventionnelles est rendu nécessaire, et seule la parfaite intégration de ces gestes et règles – devenus naturels par étapes successives – permet à l’artiste de se concentrer non plus sur ses gestes ou règles apprises mais sur ce qui les motive, en voulant faire parler librement ses tripes. C’est dans l’accession à ses ressources instinctives/intuitives (nature), une fois acquise la maîtrise parfaite du geste et de son art (culture) que se trouve l’espace de liberté du musicien : celui-ci opère la synthèse de toutes ses ressources créatives, en puisant au plus profond de son être, avec pour achèvement ultime l’apparition en surface d’un style personnel. Cela semble approcher ta pensée lorsque ce que tu écris : « la raison ne sécrète pas de la volonté… elle est l’extension d’un flux continu qui part de l’instinct ». L’erreur est bien, me semble-t-il, de considérer qu’il y a opposition entre nature et culture, entre raison et instinct. En revanche, l'art de la solitude est difficile à tenir compte tenu de la vanité naturelle de l'homme qui a besoin de la présence du groupe où, là seulement, peuvent s'opèrer les prises de risques et de responsabilités, sans lesquelles aucune valorisation de soi par le groupe ne serait possible.
  20. Ton potentiel de créativité philosophique se limite à des procédés de tartuffe. Brisons là.
  21. Tu as tout à fait raison de faire ce rappel au sujet de la question de la mauvaise foi. Tu donnes ainsi vie, force et mouvement à ce concept sartrien de "condamnation'.
  22. J'ai déjà argumenté quant au lien. Je me suis même répété en te répondant. Et tu voudrais que je me répète une 3e fois ? En revanche, je n'ai rien à démontrer, y compris pour parler de liberté en tant qu'état d'esprit, c'est-à-dire en tant que vécu subjectif, donc indémontrable. La philo n'est pas une science, comprends-tu ? Sur la question de la créativité, j'en profite pour citer Sartre (et son exemple de l'homme tombé malade), qui parle quant à lui d'"invention". Non pour recourir à l'argument d'autorité, mais pour préciser en quoi je suis malgré tout en désaccord sur un point :) : Sartre: "Reste qu'il n'a pas voulu cette maladie et qu'il doit à présent la vouloir. Ce qui n'est pas de lui, c'est la brusque suppression des possibilités. Ce qui est de lui, c'est l'invention immédiate d'un projet nouveau à travers cette suppression [...] Ainsi ma liberté est condamnation parce que je ne suis pas libre, je suis contraint par ma liberté, de la faire mienne, de la faire mon horizon, ma perspective, ma moralité..." Je ne peux pas accepter ce terme connoté "condamnation" (et pourquoi pas le péché originel ??!). Disons contrainte. Mais cette contrainte est pour moi la condition enthousiasmante de l'invention d'un nouveau projet. C'est l'occasion de mobiliser toutes mes ressources intellectuelles et affectives, mais surtout conatives (du latin conatus, -us : " effort, élan ; essai, entreprise ", indique ce qui a rapport à la conation, c'est-à-dire à un effort, une tendance, une volonté, une impulsion dirigée vers un passage à l'action). C'est le moment exaltant de faire sortir de l'oubli ce qu'il y a de plus profond en moi, de m'arracher, de me découvrir, de m'appartenir davantage, d'inventer ma vie !
  23. Bonjour (oui :) , si "on" = toi, le mal embouché, pour la raison qui suit) Qui a fait une telle classification ? J'ai relevé une convergence de vues, une constance dans leur conception de "l'homme libre". Pour le romain aussi bien que pour certains "primitifs", il y a la même affirmation selon laquelle l'homme devient libre à partir du moment où il est en âge de procréer. D'où l'objet de mon intervention dans un débat où il semblait intéressant de définir la liberté de manière positive, en s'interrogeant sur ce qu'elle peut être plutôt que de se borner à la définir par ce qu'elle n'est pas (liberté = absence de servitude), comme l'ont fait remarquer Quasi-Modo et Dompteur. Je soumettais donc à la critique ma tentative d'associer la notion de liberté avec celle de créativité. Cela suppose bien sûr de saisir le mouvement de pensée de son interlocuteur. CQFD Qui a parlé d'"état d'esprit de liberté" (sic) ? Il était question d'état d'esprit de celui qui se sent libre de..., donc d'un état d'esprit de l'homme. Eh, oui, je ne pars pas du "haut" et des idées transcendantes venues de nulle part, mais du "bas" et des idées incarnées et expérimentées par l'homme. Donc, intuitivement, point d'approche métaphysique de ce concept pour ma part, y compris lorsqu'il conviendrait d'appréhender la notion de liberté morale, puisque là-aussi, ce choix implique de concevoir l'éthique sans l'ontologie. J'avais exprimé ma difficulté à opter pour la notion d'état d'esprit, en sentant bien qu'il y a problème et qu'il convient en effet de ne pas tomber dans la confusion que tu mentionnes ("sofique"... connais pas ce mot étrange... peut-être veux-tu dire "sophistique"). Pour ma part, je ne vois pas où est la confusion, et ton intervention une fois encore ressemble plus à un monologue qu'à autre chose, ou pire : un besoin de faire dire à autrui ce qu'il ne dit pas, parce que tu ne cherches pas à saisir le mouvement de pensée de ton interlocuteur.
  24. Bonjour Dompteur, Suite à ton échange avec Théia (que je salue également), je propose pour l'instant de définir la liberté comme l'état d'esprit de celui qui travaille à faire grandir par l'esprit son potentiel de créativité. La notion de liberté chez les Romains - et bien d'autres peuples dits primitifs - est l'affaire de l'esprit procréateur de l'homme devenu adulte ; on en retiendra donc l'idée positive de fécondité potentielle, selon le corps et selon l'esprit. Je me suis interrogé sur la pertinence du terme "état d'esprit", hésitant aussi entre sentiment, émotion, voire sensation compte tenu de l'immédiateté du ressenti. Mais "état d'esprit" a l'avantage de mettre en évidence une présence à l'esprit ainsi qu'une volonté de concentration dans un espace de liberté déterminé. Paradoxalement, cette concentration doit laisser le champ libre à la spontanéité (qui avait été mentionnée par Quasi-Modo). Je veux que se fasse quelque chose qui se fera indépendamment de ma volonté, au sein de l'activité du corps. (Félicitations à Maxime qui n'a de cesse d'inciter les intervenants à dialoguer et à nourrir son topic).
  25. Tu peux acheter beaucoup de choses, bien sûr. Il m'est arrivé de payer des collègues pour faire mon travail, histoire d'avoir du temps libre, vu notre travail inintéressant de robot interchangeable ! Mais avec tout l'or du monde, tu ne pourras acheter ce qui n'a pas de prix. Tu pourras acheter le corps de certaines femmes vénales ou réduites à la misère, mais pas leur liberté de t'aimer ou de te haïr, ni la liberté de penser de tout un chacun. Tu ne peux obliger à aimer. Ta puissance d'agir sur autrui s'arrête là : elle n'a d'efficience que sur l'extérieur, pas sur l'intérieur. Au sujet de l'autonomie, il a été précisé qu'il s'agit d'autonomie morale de la volonté, selon Kant. Tu agis de la façon la plus désintéressée possible. Si l'argent est ta loi, tu agis de façon forcément intéressée, donc tu n'es pas libre.
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