

tison2feu
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Tout ce qui a été posté par tison2feu
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J'entends bien ton raisonnement, mais une fois constaté ce relativisme - très en phase avec l'air du temps, au point de devenir un lieu commun -, que faire ? Comment vas-tu mener ta barque ? Parce que d'après la métaphore de Noureddine, le maintien de l'équilibre par le calme est une condition nécessaire. Soit. Mais cette métaphore n'est pas le reflet de la vraie vie puisque le problème est de faire avancer le bateau en fonction d'un objectif, ce qui suppose pas seulement le calme, mais aussi du mouvement vers l'avant, de l'énergie à fournir et de l'action. Sans mouvement, le bateau se maintiendra en équilibre, certes, mais fera du sur-place, et se laissera emporter par les flots et les tempêtes. Il importe donc d'agir, l'action est nécessaire, mais pas n'importe quelle action. Contrairement à toi, je pense qu'il y a des extrêmes qui sautent aux yeux : toute action conduisant à sa propre perte, à l'inconscience, à la folie. C'est ce que les Grecs anciens appelaient la démesure (hybris), l'excès en tout, l'erreur, la colère, la folie, l'outrage, etc. La démesure désigne le fait de désirer plus que ce que la juste mesure du destin nous a attribué. C'est cette démesure, conçue comme faute, qui va déterminer la morale des Grecs comme étant une morale de la mesure, de la modération, de la sobriété. http://fr.wikipedia.org/wiki/Hybris Cette notion de mesure, de modération est un concept fort, que l'on retrouve dans toutes les sagesses et morales du monde. Chez les Grecs, Aristote. Confucius. Le bouddhisme. La religion musulmane, etc. Le relativisme absolu est intenable (pulvérisé par le progrès des sciences). Mais une fois déterminées ces limites extrêmes, je m'étais posé néanmoins la question de savoir, dans l'optique d'un relativisme bien pensé, quelle pourrait être la vertu (ou les vertus) opposée et complémentaire du juste milieu ?
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Oui, on peut résoudre la question de cette façon, en opposant les lois de l'Etat aux lois morales/coutumières, aux lois religieuses, et même aux propres règles & principes que nous nous fixons à nous-même (éthique personnelle). Songeons à Antigone, invoquant une sorte de loi religieuse/coutumière (tout défunt a droit à être enseveli) et la loi de Créon (un traître n'a pas ce droit). Par quoi, la justice est terriblement paradoxale dans la mesure où il n'y a pas une justice mais plusieurs justices, la justice d'un Etat de Droit (chapeautée par le Droit Européen et le Droit international), la justice coutumière, la justice divine, etc.
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Ta réponse me semble très riche et répond amplement à mon interrogation (ainsi que la réponse de Yacine). Pour être juste, je dois juger en faisant en sorte de donner à chacun son dû, ce qu'il mérite. Comment juger l'auteur d'un délit ou d'un crime ? Je le fais en appliquant des lois, comme le rappelle Yacine. En France, nous avons le Droit, mais aussi des règles morales, et pour les croyants des lois religieuses à respecter ; dans d'autres pays, il y a un droit coutumier, et ces lois sont parfois contradictoires. La loi peut être appliquée de façon impitoyable, à la lettre, ou au contraire de façon plus mesurée, plus nuancée, selon l'esprit de la loi. Tout est affaire de justesse en effet. On pourrait imaginer la loi, ainsi que son application, comme un vêtement seyant au corps, ni trop étroit, ni trop ample. L'indulgence, voire même le pardon, semblent en contradiction avec la notion de justice : si je pardonne à un coupable, la loi est bafouée en quelque sorte, sauf s'il existe une loi du pardon. => Le pardon peut donc être perçu comme la vertu opposée et complémentaire à la justice. En fait, la question que je me posais, c'est comment peut-on être TROP juste ?? ( selon la leçon aristotélicienne du juste milieu et de la vertu située entre deux vices, l'un par excès, l'autre par défaut). Eh bien, je peux l'être en pardonnant ou ... en ne jugeant pas, sauf s'il existe une loi qui dit : tu ne jugeras point ton prochain. Et le paradoxe du non-jugement, c'est de passer, à première vue, comme un extrême, plus extrême que le pardon, du point de vue de la justice qui se trouve du coup subvertie, sans raison d'être. Cela soulève aussi la question de l'indifférence et de la non-ingérence. Pourtant, selon les circonstances, ne pas juger me semble être une valeur bien plus appréciable que le fait de juger autrui, n'est-il pas ? Il y a donc un terrible paradoxe, si l'on considère que la Justice est pourtant nécessaire. (tous les jours, j'entends quelqu'un dire "c'est pas juste"..). => Le non-jugement peut être considéré comme la vertu opposée et complémentaire à la justice. Mais chaque fois, l'important consiste à bien saisir les inconvénients de ces vertus. Ne pas juger, c'est aussi se faire complice du criminel, laxisme, lâcheté, irresponsabilité, etc. Merci à toi et à Yacine.
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Puisque tu cites les principes yin et yang, c'est l'occasion de préciser que j'en partage le bien-fondé et d'ailleurs, dans mes interventions précédentes, je ne fais qu'appliquer ce mode de pensée (cela a toujours été ma façon de penser, avant même de connaître l'existence de ces principes). Pour ce qui est des "pendants négatifs", je te donne un autre exemple. Prenons deux qualités, opposées et complémentaires. La fermeté, qualité YANG POSITIF. La souplesse, qualité YIN POSITIF. Toutes les qualités (vertus) ont leurs inconvénients (vices). Trop de fermeté = rigorisme, intolérance, fanatisme, etc. C'est le YANG NEGATIF. Trop de souplesse = mollesse, paresse, crédulité, etc. C'est le YIN NEGATIF. Donc, oui, il semble bien que toutes les vertus ont leurs pendants négatifs. Les vertus cachent toujours des vices. Pour t'en convaincre, tu peux lire La Rochefoucaud, Jacques Esprit et quelques autres moralistes français.
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Oui, équilibre entre deux "différences". Si tu t'interroges sur la relation entre de ces différences, tu constateras leur opposition et complémentarité. Au sujet de la justice (pas la Justice, l'institution), si on l'envisage en tant que vertu humaine (disposition à être juste), je me suis longtemps demandé quelle pouvait bien être la vertu opposée et complémentaire à la justice. Je vous laisse cogiter, puis vous donnerai mon point de vue. (cette citation n'est pas de moi, je vais y répondre ci-dessous)
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Dans ton exemple, sans doute le calme sera favorable au retour à l'équilibre. Mais dans d'autres situations, c'est l'action qui sera positive, et le calme très négatif. Imagine qu'un tremblement de terre vient d'avoir lieu. Ne penses-tu pas que l'action s'impose, l'urgence des secours ? Il faudra des hommes d'action capables d'agir vite et bien, MAIS AUSSI calmes et réfléchis. Des gens A LA FOIS courageux ET prudents. Pour toi, l'action semble un défaut parce que tu ne l'envisages que sous son aspect excessif, extrême (l'activisme, la gesticulation). Essaye d'envisager l'action sous son angle le plus positif possible (courage de l'homme d'action). Quant au calme, essaye de l'envisager sous son angle le plus négatif : trop calme, lent, mou, ramolli, inactif, oisif... Si tu assimiles le juste milieu à la modération et à la prudence, alors comment pourras-tu faire preuve de courage (dans l'action), tellement éloigné de la prudence ? J'avais demandé à qui voulait bien se soumettre à cet exercice, de trouver la qualité opposée et complémentaire du courage. Eh bien précisément, la prudence permet de mettre un frein à l'excès de courage (imprudence), et le courage va au contraire se jouer de l'excès de prudence (des gens tellement prudents qu'ils deviennent hésitants, peureux, lâches, paresseux, inactifs). Voilà pourquoi je parlais d'entre-deux, ce vaste espace se situant entre deux qualités opposées et complémentaires (courage/prudence, activité/disponibilité, calme). Et tu peux procéder ainsi pour toutes les qualités (ou vertus) possibles et imaginables.
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Très bon résumé. Je pense néanmoins qu'il y a une part non négligeable d'affectivité, d'excitation épidermique contagieuse, par exemple, dans l'expectative des chercheurs avant toute expérimentation scientifique venant corroborer une théorie (en 2012, confirmation de l'existence le boson de Higgs). Mais il s'agit bien d'un espoir authentique parce que l'objet désiré a été clairement défini. Le coeur du chercheur bat fort, un peu comme l'amoureux qui monte l'escalier avant de retrouver sa dulcinée et qui songe à l'avance à l'étreinte amoureuse. Tous espèrent avec confiance une jouissance anticipée de l'avenir.
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Parler de "modération" est un horrible contre-sens en ce qui concerne le juste milieu, dont le nom est trompeur. Le seul exemple que j'ai proposé montre à quel point un "milieu" bien pensé (qui est un entre-deux immense) fait la part belle à des vertus qui n'ont rien à voir avec de la modération (amour, générosité, courage, humilité, etc.). Toutes les vertus doivent au contraire être consommées sans modération, à la seule condition de ne pas conduire à la folie ou à la mort.
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:) Pour les Chinois, la voie du milieu te permettrait à la rigueur de faire du 200 à l'heure ou plus si tu es un as du volant capable de ne tuer personne. L'important, c'est que tu sois capable aussi de savoir conduire moins vite si nécessaire. L'excès, c'est de franchir des limites extrêmes au point de ne jamais plus pouvoir réintégrer le juste milieu.
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Tu donnes ton point de vue , mais sans en donner la raison. Quelle est-elle ? Rien n'est prédifini en ce qui concerne l'entre-deux, c'est-à-dire cet espace immense dans lequel il t'appartient de prendre une décision. La seule chose qui est définie, ce sont les limites à ne pas franchir, celles du tout ou rien, celle de la folie ou de la mort. Prenons l'exemple du courage, que tu peux représenter par une montagne, avec deux excès à éviter, deux ravins où ne pas tomber : 1/ trop de courage (défaut par excès) = trop d'inconscience dans la prise de risque et hop ! je tombe dans le ravin et j'y laisse la vie. 2/ trop peu de courage (défaut par manque) = paresse démesurée, trop de précaution, lâcheté, et hop ! je deviens vite un no live qui subit tout. Quant au courage, il n'a rien d'absolu puisqu'il est relativisé par une autre qualité (montagne), opposée et complémentaire au courage, que je te laisse le soin de découvrir par toi-même !
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Ta réflexion pertinente sur les émotions négatives permet encore d'avancer. Puisque les émotions négatives prévalent de façon absolue, la solution ne consisterait-elle pas, lors de discussions avec un suicidaire, à faire surgir en lui au moins une émotion positive ? (Dans ce cas, ce n'est pas le recours massif à la raison qui est efficiente, c'est faire en sorte de trouver un terrain fécondant de l'émotion positive). Pour preuve, un jour j'ai reçu un coup de fil d'une personne ayant décidé de se suicider : je me suis mis à jouer le rôle du dépressif, malgré moi, c'est-à-dire avec une force inouïe de conviction et beaucoup de sanglots dans ma voix, durant près de deux heures ; j'ai revendiqué les mille et une raison de vouloir me suicider moi aussi en exprimant seulement des émotions négatives mais avec encore plus de persuasion que cet ami prêt à se suicider. Le lendemain, il m'a retéléphoné pour me demander humblement "si j'allais mieux". Je pense que ma façon intuitive de réagir a été une tentative désespérée de lui offrir l'occasion de renouer avec l'affectif , afin qu'il puisse, pour la première fois dans son état dépressif, laisser transparaître au moins une émotion positive, puissamment efficiente dans le rebond. Je n'ai pas tenté de le raisonner, ce que font la plupart des gens, car je sais qu'à ce jeu là, il aurait eu toujours le dernier mot. Idem. J'ai seulement mis le paquet sur les inconvénients de ce concept d'espoir ! Tout à fait. Il n'y a jamais symétrie parfaite dans ce type de dualité conceptuelle. Tu as des états intermédiaires. Tu as même le ET + ET, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Pour ma part, je ne peux pas concevoir un concept en terme d'absolu, mais seulement de façon relative (Le seul concept le plus absolu et le plus incompréhensible - en terme de logique - pouvant être, à la limite, celui de Dieu). Mon espoir ne peut pas être absolu, pas plus que mon désespoir, pas plus que ma révolte. C'est la leçon du yin/yang. Lorsque l'espoir s'actualise, tu as déjà le désespoir qui se potentialise !
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Pour ma part, et si je devais un jour faire de cette révolte une éthique personnelle, cela supposerait en effet que je doive partir de rien. Seulement, voilà, j'ai dit à plusieurs reprises que, pour moi, partir de rien ne fait pas sens. Je ne ne démarre jamais de rien. J'ai une vie, qui n'est pas le moindre des biens. L'erreur provisoire, ou définitive, du désespéré/suicidaire, me semble résulter de sa vision définitivement pessimiste de sa propre vie qui le pousse à n'en appréhender que les inconvénients (l'optimiste souffrant quant à lui du défaut inverse : il n'en voit que les avantages). Le suicidaire a réponse à tout avant même de vivre sa vie jusqu'au bout. Il fait de plusieurs échecs accumulés ponctuellement l'échec de sa vie. Il manque de recul suffisant pour se rendre compte du ridicule de certains échecs, par exemple lorsque l'on songe à cette histoire d'amour platonique, pour peu que l'on soit passé par là et que l'on en ait saisi tout le grotesque, qu'est-ce qu'on en rigole par la suite ! Au cours de la discussion, qui est pour moi l'occasion de mieux entrevoir certaines questions, j'ai saisi d'emblée l'intérêt de la révolte, comme réponse provisoire aux inconvénients manifestes de tout mode de vie fondé sur l'espoir (= attendre avec confiance la réalisation de ce que je désire). Le surgissement de la révolte permet de vivre sa vie pour un temps non plus en terme d'optimisme ou de pessimisme. C'est du moins ma façon personnelle de concevoir la révolte. Il s'agit d'inventer ma vie. Il y a une part d'inconnu, je ne décide pas a priori, en fonction de principes optimistes ou pessimistes venant surplomber et dicter ce que j'ai à faire sous prétexte que la mort se trouve à l'issue de ma vie. Ma vie n'est pas rien, si insignifiante soit-elle. Dans cette révolte, je me retrouve nu, et c'est une très bonne expérience à faire que de laisser parler pour un temps mes désirs les plus profonds. Mao avait eu cette intuition identique : il jugeait bon de laisser agir les acteurs de la révolution culturelle, malgré son aspect terriblement destructeur (les statues de Confucius, incarnation de la morale chinoise, sont détruites), mais aussi constructif. Il s'agissait non pas d'appliquer des dogmes venus d'ailleurs mais de laisser au peuple la possibilité de tout réinventer et de trouver sa voie. En parlant de l'éthique du désespoir de Comte-Sponville, dont je me sens plus proche que la révolte de Camus (qui est en attente de lecture !), j'ai à peine ébauché ce qu'il fallait entendre par là : apprendre à mieux définir l'objet du désir en faisant la part de ce qui dépend de moi et ce qui ne dépend pas de moi, faire la distinction entre un espoir fondé sur le manque et la passivité et un espoir accompagné d'un projet en acte qui se réalise d'autant mieux que l'objet visé aura été mieux défini. Et pour définir un projet au mieux, à plus forte raison un "projet de vie", puisque telle est ta question, encore convient-il de passer d'abord par des moments de révolte. Sans doute veux-tu dire que la révolte pour la révolte c'est la négation même de tout projet de vie ?
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Désolé, Leopardi, il semblerait que tu aies perdu de vue tous les exemples de révolte cités plus haut, et que tu réduises le terme révolte à son acception usuelle. Fais cette exercice de relecture avant de réduire la révolte bien sentie à de la gesticulation. Cela t'aurait épargné de demander "Et après ?". Qu'importe que commencent les vrais ennuis, du moment que tu as décidé de vouloir agir courageusement, en acceptant de prendre des risques. L'espérance a Dieu pour objet. Cette distinction entre espérance et espoir s'arrête là. Personnellement, j'emploie aussi bien un terme à la place de l'autre. Dans l'exemple de la bien-aimée, l'espoir a pour objet la bien-aimée, c'est vrai et je l'ai mentionné ; mais cet espoir est jouissif (à la différence de l'espoir entretenu dans l'amour platonique), il n'est pas coupé du réel. Et c'est la révolte - apparue dans une période de rage et de désespoir -, c'est-à-dire le courage de foncer, qui a permis de rendre effective la jouissance de l'espoir. Cette éthique du désespoir me permet de faire la distinction entre deux types d'espoir. L'un est plus gai et réaliste que l'autre. Voilà pourquoi Comte-Sponville parle de "gai désespoir" (clin d'oeil à Nietzsche :) )
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Dans le désir ? c'est-à-dire la force que nous sommes et qui nous anime, force d'agir et de jouir. C'est la forme humaine du conatus de Spinoza. Le dépressif se trouve comme privé de tous désirs, dans un état de non-désir (à la différence du sage taoïste qui cultive cet état de non-désir). En cas d'échecs répétés, il va s'agir de redoubler d'effort, de retrouver l'appétit, de renouer avec la volition (acte d'agir). 1. Le repos. Parmi les nouvelles bases envisageables proposées par Déjà, il y a celle consistant à laisser du temps au temps. Après un certain temps de diète, il est vrai que l'appétit finit par revenir. A condition de ne pas avoir été complètement détruit psychologiquement. Le temps permet à l'homme de panser ses blessures causées par les échecs successifs. 2. L'action. Les autres solutions axées sur les ressources mobilisables supposent d'avoir en soi un minimum de force pour tenter de renouer avec la volition : je veux être courageux et résister, je veux aimer et jouir encore, je veux être libre. Tout est affaire d'effort et de conquête. Et l'on se rend-compte qu'il est possible d'avancer en vents contraires (du moins en navigation).
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Je reconnais être allé vite en besogne, et retenons le terme d'éthique. Parler en terme de "remède", comme cela a été fait en cours de topic, n'est-ce pas parler en terme éthique, comme s'il était acquis que ce remède soit bon alors qu'il peut très bien être mauvais (comme précisé par Petitpao) ? N'est-ce pas d'emblée valoriser le terme "espoir" au détriment du désespoir ? Dans ces conditions ne faut-il pas définir d'abord ce que l'on entend par "espoir" avant même de se positionner éthiquement ou axiologiquement. L'éthique ne peut se justifier qu'après examen du concept "espoir". C'est d'ailleurs ce qu'essayait d'expliquer Dompteur à Cassandre : "Il s'agit de se donner une compréhension de l'espoir, du désespoir et autres affects liés. Après seulement avoir examiné froidement ces affects peut-on se permettre de tabler sur des résolutions éthiques." Du coup, je comprends pourquoi Dompteur parlait d'éthique et non de pas de morale. C'est bien sûr là où je voulais en venir. Cette définition négative me rappelle le topic en cours sur la liberté qui, définie négativement - absence de servitude - conduit à une impasse (d'où la question : la liberté existe-t-elle ?). Donc, oui, ça peut se comprendre en revenant à la formulation de ce topic sur l'espoir. Je saisis mieux, grâce à ce petit échange, l'enjeu du problème. Et je comprends mieux pourquoi Dompteur perçoit la liberté comme un état d'esprit, et la révolte comme un état de l'esprit et du corps.
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Je te répondrai d'abord par : pourquoi une morale de l'espoir ? (en faisant la nuance entre morale = impératif catégorique s'imposant à l'ensemble d'une communauté éthique = impératif hypothétique que l'on s'impose à soi-même) En effet, je constate que pour l'instant bon nombre d'intervenants posent arbitrairement l'espoir comme un dogme, une évidence, un sentiment à forte connotation morale (problème soulevé par Dompteur), c'est-à dire comme devant s'imposer à tous sans même avoir été discuté. En gros, nous explique-t-on, le dépressif serait forcément celui qui a perdu tout espoir, donc le remède consisterait forcément à lui faire"retrouver l'espoir", l'espoir faisant office de suppositoire ou de potion magique. Mais personne n'a donné le mode d'emploi ni les avantages du médicament. Une éthique du désespoir permet, quant à elle, de neutraliser les effets indésirables de l'espoir. Il se trouve que l'espérance est une vertu religieuse, l'une des 3 vertus théologales dans la théologie chrétienne, qui a forcément influencé notre morale actuelle, celle de 2014. L'espoir est devenu une norme morale, si bien rentrée dans nos moeurs qu'il ne vient même pas à l'esprit de la remettre en cause. La force normative est telle que la norme s'impose en douceur sans que l'on s'en rende compte, et sans être écrite. (Un intervenant parle de la "douceur" du mot espoir, ce qui est lourd de sens !). Avantage de cette norme dans notre société de consommation : en créant des besoins artificiels, donc de l'espoir à qui mieux mieux (espoir d'acheter), on vend toujours davantage. Le fait de parler d'éthique du désespoir suppose une réflexion préalable sur la dialectique espoir/désespoir, où l'espoir me semble en effet systématiquement pris à revers. Pour quelles raisons ne le penses-tu pas ? (D'abord merci d'avoir très bien saisi le mouvement de ma pensée, c'est rare un intervenant qui prend le temps de lire autrui sans déformer ses propos ! :) ) Juste une précision. Tu auras noté la nuance apportée à ma phrase : " tirer la leçon éthique selon laquelle espoir rime avec illusion/manque aussi longtemps que je n’agis pas sur le réel avec ce que j’ai, et avec ce que je suis." Tout est dans la restriction "aussi longtemps que". Une fois prise en considération cette restriction anti-doxique que je m'impose à moi-même, l'espoir est envisageable . A mes yeux, il n'y a pas que des illusions (cf. l'exemple de l'amour platonique, et son espoir illusoire d'être aimé qui conduit beaucoup d'adolescents au suicide VERSUS l'espoir d'être aimé qui se concrétise au jour le jour lorsque je désire une personne qui ne me manque plus du tout chaque fois que je la tiens par la main ! Il convient de distinguer désir et espoir, désir et amour, bref, désir et affects).
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Merci pour ce résumé, Déjà-utilisé, même si je persiste à penser que le rebond est impossible sans un minimum de volonté. Que vaut cette faculté de raisonner s’il n’y a pas volonté de raisonner. Sans parler des faux raisonnements. Je te rejoins en partie seulement sur ta conclusion. Etre désespéré, n’est-ce pas voir ses espoirs déçus ? Or, sur quoi portent nos espoirs ? Jamais sur le réel mais sur une idéalisation du réel, jamais sur ce que je fais ou ce que j’ai mais sur ce que je devrais faire ou devrais avoir, etc. Espérer, n’est-ce pas le plus souvent désirer sans pouvoir, désirer sans savoir, désirer sans jouir (A. Comte-Sponville). Donc, oui, démêler le réel du virtuel, mais en tirant cette leçon éthique selon laquelle espoir rime avec illusion/manque aussi longtemps que je n’agis pas sur le réel avec ce que j’ai, et avec ce que je suis. L’on ne redémarre jamais avec rien. Tel guitariste est amputé d’un de ses cinq doigts de la main, il rebondit en inventant un nouvelle façon de jouer (Django Reinhardt), parce qu’il fait avec ce qu’il a, avec ses 4 doigts restants. Il ne focalise pas sur un vain espoir fondé sur le rêve de pouvoir rejouer avec 5 doigts, mais il désire seulement ce dont il ne manque pas : encore 4 précieux doigts. Le manque est dans l'espoir, pas dans le désir. La source d’énergie du désespéré se trouve dans son refus d’attendre davantage, dans sa révolte, dans les larmes et les cris. Le désespoir « émeut » sa volonté. C’est l’émotion qui est vecteur d’action, point la raison. (Nous cherchons à remonter du concept « désespoir » à sa source première, de la transposition sonore à son excitation nerveuse). Dans cet exemple, le réel n’a jamais été prié d’aller se faire voir ailleurs. Point de fol idéal, mais juste la volonté d’agir sur le réel avec les moyens du bord. Même dans les moments les plus désespérés, avant de mourir, la révolte est toujours possible. Songeons au personnage de Katow, dans La Condition humaine de Malraux, qui décide d'affronter la torture et offre, par pure générosité, sa dose de cyanure à d'autres captifs pour leur permettre d’avoir une mort plus humaine. Ethique de l’action, donc, fondée sur le réel, dans l’esprit du stoïcisme. Ethique du désespoir - impliquant la reconnaissance du droit imprescriptible du réel à être perçu.
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Objection : L'espoir porte sur le temps, sur l'avenir, sur l'idéal, sur un calcul ou un projet. Or, la révolte porte sur le présent. Il me semble donc que la révolte relève du courage du désespoir. Si j'ai tout perdu, même l'espoir, il me reste encore une petite parcelle de courage en moi, qui dépend de moi seul, n'ayant désormais plus rien à perdre, plus rien à craindre. A la différence de l'espoir, le courage a affaire au présent et relève de la volonté. Il ne tient qu'à moi de vouloir être courageux, et non de l'espérer. Vouloir être courageux, c'est déjà être courageux.
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Le mythos faisait la part de l'irrationalité de l'homme, ce qui me semblait en effet une façon efficace de créer du lien social. Mais lorsque la mythologie devient une institution politique, avec une morale dogmatique et arbitraire, l'édifice finit en effet par s'écrouler, ne nous laissant plus qu'un ordonnancement scientifique de l'univers par le logos triomphant. Reste à savoir s'il n'existerait pas un envers chaotique à ce monde ordonné, simple reflet de l'univers chaotique/affectif de chaque individu.
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Je me permets d'extraire cette phrase où est abordée la question du soulagement dans ton analyse dont j'apprécie par ailleurs l'absence de tout dogmatisme facilitant le dialogue. Je ne peux parler qu'en mon nom... S'il est bien un point sur lequel j'ai la plus grande exigence vis-à-vis de moi-même, c'est mon effort d'appréhender le monde tel qu'il est. A mes yeux, la question du soulagement, de l'épanouissement personnel, de la sagesse, etc., passe après cette exigence. Dans ce monde dont je suis le produit, ce sont les questions métaphysiques qui s'imposent à moi, je les reçois de plein fouet et je me dois de les aborder, conscient de tout l'inconfort que cela peut produire. C'est une éthique de l'inconfort qui prévaut, dont la seule limite à ne pas franchir serait celle de la folie. Malgré toute mon admiration pour la science, j'en refuse un certain confort, en ce sens qu'elle me propose des modèles/réductions mathématiques de l'univers, somme toute assez rassurants puisque fondés en raison, mais qui ne sont autres que des simulations de Kosmos (= maquillage). Or, le monde tel qu'il est, tel que je le vis, n'est pas un ensemble réduit et réducteur d'équations mathématiques. C'est bien autre chose, et les plus belles constructions de la raison ne répondront jamais au chaos de mes questionnements. Raison pour laquelle, par exemple, le génial chercheur qu'était Blaise Pascal a tout laissé tomber du jour au lendemain, tellement il se rendit compte que la science ne pensait pas, en ce sens qu'elle ne répondait à aucune question métaphysique. Chercher pour l'amour de faire de la recherche scientifique n'était rien d'autre qu'un "divertissement" confortable pour soi (même si en partie utile pour l'humanité). Je ne m'étends pas sur mon refus identique de trouver un quelconque réconfort dans lesdites religions (espoir de vivre après la mort pour les uns, diminuer la souffrance pour les autres, etc.), ni même dans le confort de la suspension du jugement sceptique (agnosticisme), puisque chaque fois, il ne s'agit pas d'appréhender le monde tel qu'il est (c'est-à-dire inconfortable, im-monde) mais tel qu'il devrait être (un monde paradisiaque), c'est-à-dire en gros prendre ses désirs pour des réalités.
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En seulement deux phrases, tu dis tout et son contraire. Parce que tu vas trop vite. Cela a le mérite de la spontanéité mais assurément pas de la réflexion pourtant nécessaire dans ce débat, brûlant s'il en est, sinon tu auras bien du mal à pourfendre des évidences qui n'en sont pas. C'est encore aller vite en besogne ! Le juriste Montaigne est capable de tourner et retourner les points de vue jusqu'à te rendre fou. Pour te faire une idée de son relativisme et son anti-dogmatisme, en ce qui concerne des points polémiques de religion, tu pourrais - pourquoi pas ?! -refaire une nouvelle tentative en parcourant l'Apologie de Raymond Sebond (Livre II, Chap. 12), où il prend la défense d'un religieux tout en faisant une critique radicale de ses thèses. En ce qui concerne ce mot "spiritualité", évidemment, tu es parti au quart de tour ! Sur ce terme complètement galvaudé actuellement, des réserves s'imposaient comme cela a été mentionné au moins à deux reprises quant à la difficulté même à définir au mieux ce terme (dommage que tu n'en tiennes pas compte). Pour le commun, "spiritualité" rimerait avec non-violence. Et si la spiritualité, en tant que façon éthique de vivre sa vie cherchait à se prévaloir des ravages d'une certaine douceur parfois bien plus dévastatrice que la pire des violences ? Et si la spiritualité pouvait me permettre d'appréhender le monde de façon plus sensuelle et esthétique en travaillant à aiguiser davantage ma sensibilité, mes sens ? En dépit des apories de la raison, après Kant, il y a eu l'intuitionnisme bergsonien, une autre façon d'appréhender, par l'intuition, le temps dans sa durée, etc.
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Cet exemple permet de comprendre les limites/excès de l'espoir, ses effets parfois dévastateurs. Si cet homme ne suit pas la voie de la révolte au moment opportun, il va s'enfermer dans un amour platonique torturant et un espoir aveugle et détestable qui ne débouchera sur rien. Tout est affaire de dosage entre espoir et révolte. Je signe un contrat avec quelqu'un, j'ai l'espoir que ce contrat sera respecté. L'espoir a donc cette vertu de rendre possible la réalisation de projets entre gens de parole. Si le contrat n'est pas tenu, je me révolte. Petite conclusion : Lorsqu'un topic porte sur une qualité/vertu, il est extrêmement enrichissant de s'interroger sur la qualité/vertu opposée et complémentaire (je dis bien vertu opposée, et non vice ! ). Je me fais seulement l'écho de ce que Blaise Pascal a si bien formulé en disant : "Je n'admire point un homme qui possède une vertu dans toute sa perfection, s'il ne possède en même temps dans un pareil degré la vertu opposée...". Donc, ne pas se contenter de rappeler banalement les mérites de l'espoir (en s'enfermant de surcroît dans un "point barre" !), mais ouvrir un débat d'idées en s'interrogeant sur les inconvénients de l'espoir, ce qui va nous conduire à mettre en évidence les avantages de la révolte (bravo pour cette approche intuitive, Dompteur !).
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Je trouve remarquable ton intervention à bien des égards, y compris ta conclusion. L'étiquetage facile a toujours l'inconvénient de faire l'impasse sur la complexité et la singularité de toute quête spirituelle. Comme toi, je pense que le terme même de "spiritualité" reste à creuser afin de le décanter au mieux de son contenu doxique (avec ses déductions simplistes du type : spiritualité/esprit, donc primauté de l'esprit sur le corps, alors même que dans toute quête spirituelle, il y a un vécu où le corps, me semble-t-il aura toujours son mot à dire).
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Je partage ces analyses plus haut, en ce qui concerne l'origine et la pratique des religions monothéistes qui ont de quoi justifier la mécréance. Cela justifie pleinement l'introduction du processus de sécularisation en France depuis 1905, et la plus grande vigilance, car rien n'est jamais acquis définitivement, ces religions étant par essence prosélytes et avides de pouvoir. Néanmoins, même si je ne me retrouve pas dans ces religions, je me réserve le droit aux questionnements métaphysiques (la philosophie première) et à leur suspension agnostique parfois pour ne pas devenir fou.
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Aristote quant à lui faisait de l'indignation une vertu (avec deux excès à éviter : la haine/envie et la joie maligne/jalousie). Vertu décapante et tonique.