Le souffle du rêveur
Ne court-on pas tous d’une façon ou d’une autre après l’immortalité ?
Par la possession : l’argent illimité nous donne l’illusion de tout pouvoir posséder donc de tout pouvoir contrôler, avec pour fantasme sous-jacent de contrôler le temps donc notre propre mort.
Le pouvoir, sans parler d’argent, est aussi une forme de contrôle sur les autres, les choses, qui rassure, évite de voir que le temps file. Tels des cailloux au creux de nos mains nous empêchant de voir l'eau filer entre nos doigts crispés.
Le fait de vouloir transmettre à tout prix, ces profs qui ne peuvent plus s’arrêter de parler, tant et si bien qu’ils ne savent plus écouter, eux aussi tentent désespérément de remplir un vase de terreau qui, ils l’espèrent, fera pousser de nouvelles fleurs après leur mort, comme pour survivre à travers leurs idées.
Le plaisir, n’est-il pas aussi une forme d’expansion de la vie, non dans le temps, mais dans l’espace, via l’intensité de la sensation, le renforcement du sentiment d’être vivant ? Certains courent après les plaisirs, les collectionnent, comme pour se souvenir, comme pour revivre encore et toujours ce sentiment d’éternité, d’absolu, de complétude de l'instant.
Même l'ascète, semblant à l'inverse renoncer à tout, cultive en fait le sublime, l'art du devoir et de l'abnégation, comme pour en faire un bouquet qu'il pourra brandir face au regard intransigeant de la grande faucheuse.
Ces gens qui veulent redonner le sourire aux autres, ces clowns qui vont dans les hôpitaux faire rire les enfants, ces poètes, ces musiciens qui redonnent de l’espoir, eux aussi espèrent faire germer cette petite graine qui transmettra et fera croitre la vie au-delà et après eux.
La vie est une maladie sexuellement transmissible, mais pas que. Elle se transmet d’une infinité de façons, toutes les fois où il y a de la beauté, de la passion, et c’est comme si vivre et perpétuer la vie était une seule et même chose. On ne peut être pleinement vivant sans contaminer les autres de cette envie de vivre, cette rage même parfois. C’est plus fort que soi.
Et quand on s’endort, quand on laisse tomber, elle nous rappelle toujours à l’ordre, elle trouve toujours le moyen de se faire entendre, quitte à en passer par de la souffrance ou de la violence (malchance, maladies, drames). Et même, parfois, paradoxalement, par la mort : comme dans « Le cercle des poètes disparus », cet enfant incompris par son père qui préfèrera se donner la mort plutôt que de tuer son rêve de devenir comédien.
La vie fait tout pour nous réveiller, nous faire rêver-éveillé, nous pousser à faire vivre et grandir le rêve. S’éveiller, aider les autres à s’éveiller, n’est-ce pas se rappeler et leur rappeler sans cesse et par tous les moyens imaginables que la vie est passion, beauté, folie ? Que c’est un crime que de ne pas tuer l’ennui ? Que c’est une folie que de vivre sagement ? Que ne pas jouir, c’est mourir un peu ?
Le symbole de la vie, c’est le souffle. "Rendre son dernier souffle". Le souffle, c’est ce qui maintient en vie, mais c’est aussi le vent : ce qui transmet, ce qui dissémine les graines. La vie a pour essence même la transmission. Pas de vie sans mouvement. La vie ne peut que s’étendre, se propager, se partager. L’univers est en expansion parait-il…
La vie, c’est le souffle du rêveur qui tente de prolonger et d’étendre son rêve à l’infini. "The show must go on"... !
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