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Etymologie de l'âme


existence

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Le mot âme (espagnol et portugais alma, italien anima) est issu d'une racine indo-européenne exprimant l'idée du souffle. En dérivent le verbe allemand atmen (respirer) et le sanskrit âtman (le soi, l'âme individuelle). L'âme est assimilée à l'air nécessaire à la vie qui se maintient jusqu'au dernier souffle de l'homme. L'origine de l'âme est donc plus physique que métaphysique et ne postule pas forcément la croyance en une vie après la mort.

Le grec a d'ailleurs utilisé cette racine pour former des mots au sens purement physique comme anémos (le vent, cf anémomètre) et, probablement, anémonè (l'anémone est une fleur s'ouvrant au souffle du vent).

En latin, cette racine est employée dans un sens tantôt spirituel, tantôt matériel. Animus est le principe pensant de l'homme, anima l'âme opposée au corps mais aussi l'air que la respiration amène dans les poumons. Jung s'est servi de cette opposition animus-anima pour désigner la masculinité de l'esprit et la féminité de l'âme, présentes en chaque être des deux sexes un peu comme le yang et le yin chinois.

L'animal est ainsi nommé parce qu'il est animé, vivant, actif comme l'homme qui fait partie de son règne. Dans les langues indo-européennes, avant la distinction du féminin et du masculin, il y avait deux genres : l'animé s'appliquait aux humains, aux animaux, aux végétaux (qui ont une vie et la mort) et aux astres (qui sont ou semblent en mouvement) tandis que l'inanimé (ancêtre de notre neutre) était réservé aux minéraux inertes. La frontière entre les deux genres n'a jamais été étanche et l'on trouve un écho de cette porosité dans les célèbres vers de Lamartine ("Milly") :

"Objets inanimés, avez-vous donc une âme

Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?"

L'ambiguïté des sentiments de l'âme se manifeste dans des composés tels que animosité (ardeur négative), pusillanimité (ardeur faible), longanimité (ardeur durable, patience), équanimité (égalité d'âme), magnanimité (grandeur d'âme) et unanimité (âmes en accord).

Ce dernier terme pose le problème de l'âme collective (ou de l'inconscient collectif selon l'expression de Jung). A la grande époque du nationalisme, on parlait volontiers "d'âme française" ou "d'âme allemande" pour désigner des traits de caractère supposés communs à tous les membres d'un même peuple et propres à celui-ci. Freud, à qui la notion d'âme (Seele en allemand) n'était pas étrangère, ne l'appliquait qu'à l'individu et se méfiait de tout psychisme de groupe, lequel supposerait des communications invisibles et une transmission de pensée relevant de la parapsychologie.

Reste la question controversée de l'âme après la mort, et donc hors du corps.L'animisme est, précisément, la croyance en des âmes agissant en dehors des humains vivants et se logeant dans les animaux, les astres, les rivières ou les volcans, tous animés par des forces invisibles et, donc mystérieuses, auxquelles la réincarnation, dans les religions indiennes, est un ultime hommage.

Le terme "animisme" a été sinon inventé du moins théorisé par un médecin allemand, Georg Ernst Stahl (1660-1734), qui faisait de l'âme le siège des forces vitales. Cet animisme effaçait les frontières entre psychologie et physiologie par une doctrine vitaliste qui donnait à l'âme une force extracorporelle.

Chimiquement, cette force est un gaz, l'oxygène nécessaire à la vie. Le spirituel retrouve ici son sens aérien, celui du latin spiritus qui désigne à la fois la respiration du corps et l'inspiration de l'âme.

Le couple latin anima/spiritus a son correspondant en grec avec pneuma/psychè. Pneuma possède un sens biologique aussi bien que théologique : la pneumologie s'intéresse aux poumons et la pneuomatologie au Saint-Esprit. Psychè a aussi cette double signification relative à l'âme et au souffle et a même fini par désigner le papillon, animal à la légèreté pneumatique.

En hébreux, ruah désigne l'air en mouvement et le souffle de vie, nèphech la gorge (organe de l'alimentation et de la respiration) et l'âme. En chinois, qi représente l'air de l'atmosphère et le souffle vital de la médecine taoïste.

Une telle ambivalence des mots dans des langues aussi différentes montre à quel point les religions ont cherché à perpétuer la vie pour vaincre la mort, symbolisée par le dernier souffle. La médecine a le même objectif grâce à la réanimation que le jargon médical appelle parfois ressuscitation.

Odon Vallet, Petit lexique des mots essentiels, 2001

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