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Pensée maîtresse d'une maîtresse à penser

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mary.shostakov

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Membre, 84ans Posté(e)
mary.shostakov Membre 695 messages
Forumeur expérimenté‚ 84ans‚
Posté(e)

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L’homme est un animal social, un animal politique et un animal moral. Est-ce à dire que la science, et plus particulièrement la biologie, peut nous éclairer sur la dimension éthique de l’existence humaine ? On a longtemps pensé que non. C'est peut-être à partir de cette « exceptionnalité » que peuvent s'expliquer les retards de la psychologie morale humaine, trop longtemps engluée dans un rationalisme quasi-mystique. Mais les progrès en primatologie, génétique, neurobiologie et autres disciplines « chapeautées » par la théorie de l’évolution ont bouleversé la donne, et ont provoqué des changements de perspective en philosophie des sciences et épistémologie. Non seulement la biologie peut expliquer l’émergence de la morale, mais certains pensent qu’elle a aussi son mot à dire sur le contenu de celle-ci. Une approche biologique de la morale est-elle légitime ? Tout un courant de pensée, déjà ancien, a répondu à cette question par la négative.

Le raisonnement «antinaturaliste» peut se simplifier ainsi : l’originalité humaine procède de la culture, qui est un détachement progressif de la nature. L’homme trouve son humanité dans un processus d’arrachement au déterminisme biologique, dont le libre-arbitre est la plus pure expression. L’homme n’a donc pas d’autre nature que celle qu’il se donne par ses constructions individuelles et sociales : il naît vierge de toute préprogrammation. Tout n’est que convention, artifice – tout sauf quelques données élémentaires qui intéressent tout au plus la physiologie, l’anatomie ou la médecine.

Cette idée jadis populaire est fausse.

On a redécouvert l’importance de la composante biologique des traits et comportements humains. Sous l’égide de la science, et non plus de la philosophie. Dès lors, l’antinaturalisme se trouve de plus en plus contesté par les scientifiques eux-mêmes, secondés de philosophes, et ce mouvement s'est accéléré depuis le dernier quart du XXe siècle. Le coup d’envoi symbolique de l’assaut contre la forteresse «antinaturaliste» a été donné en 1975, lorsque Edward O. Wilson fait paraître une œuvre monumentale : «Sociobiology, the New Synthesis». Ce chercheur américain provoque alors l’une des plus importantes controverses scientifiques du siècle passé. Il se fait le porte-parole de tout un courant de recherche né dans les années 1960, notamment avec Desmond Morris, visant à comprendre les bases biologiques des comportements sociaux et incluant l’homme dans le champ légitime de ses travaux.

Trois vagues successives vont remettre au goût du jour les explications naturalistes de la morale.

Une première vague, née dans les années 1960, est un renouveau du darwinisme appelé néodarwinisme, dont les représentants les plus connus sont William Hamilton, George Williams, Richard Dawkins, Robert Trivers et Edward O. Wilson lui-même. Ces auteurs et d’autres opèrent trois révolutions intellectuelles. D’abord, ils postulent que le schéma darwinien de survie du plus apte (variation-sélection-adaptation) explique aussi bien les traits physiques que les comportements complexes (psychologiques notamment). Ensuite, ils considèrent que l’adaptation biologique (la «fitness» darwinienne) s’exerce au niveau de l’individu et non du groupe. Enfin, ils font l’hypothèse que la sélection différentielle se comprend quant à elle au niveau du gène, seule unité réellement transmise par l’hérédité. Appliqué (grossièrement) à notre sujet, le raisonnement néodarwinien donne ceci : la morale est un comportement codé par des gènes, qui a été sélectionné au cours de l’évolution car il favorisait la survie des individus qui en étaient porteurs.

Une deuxième vague, se développant à partir des années 1970, est issue de l’étude du comportement des animaux (l’éthologie) et plus particulièrement de l’analyse de nos plus proches cousins, les singes (la primatologie). Un certain nombre de chercheurs, dont les plus connus sont Frans de Waal, Jane Goodall ou Christopher Boehmvdans le monde anglo-saxon, Jacques Vauclair ou Dominique Lestel dans la francophonie, ont souligné la présence chez les animaux de comportements moraux ou proto-moraux dépassant le simple cadre de l’anecdote. Chez les grands singes notamment, observés à l’état sauvage ou en captivité, les interactions individuelles laissent place à des logiques d’empathie, d’altruisme et de réciprocité qui évoquent fortement ce que les humains qualifient de «morale». Ces observations suggèrent logiquement que cette dernière est issue de l’évolution biologique plus que d’une création culturelle humaine sui generis.

Une troisième vague scientifique a contesté la position antinaturaliste à partir des années 1980. Celle-là est venue de la psychologie et des sciences du cerveau. Elle retrouve le darwinisme de la première vague sur certains points, mais s’intéresse d’abord aux explications neurophysiologiques et développementales de la morale — comme de l’ensemble des traits complexes de la cognition humaine : mémoire, intelligence ou langage. Ses représentants les plus connus sont Jean-Pierre Changeux, Antonio Damasio, Joseph LeDoux, John Tooby, Leda Cosmides ou encore Michael Gazzaniga et Robert Plomin. La question posée ici est : quelles sont les zones fonctionnelles du cerveau impliquées dans le jugement moral ? Et subsidiairement : en quoi cette neuro-anatomie de l’éthique nous aide-t-elle à comprendre les fondements de l’activité morale ?

Anthropologues, psychologues, généticiens, neurobiologistes, zoologistes… les travaux des auteurs que nous venons de citer sont de nature scientifique. Comment échappent-ils à la supposée «erreur naturaliste» de leurs prédécesseurs ? De plusieurs manières. D’abord, la critique de l’erreur naturaliste reposait elle-même sur un certain nombre d’erreurs, notamment une conception erronée de la nature humaine. À moins de défendre une position religieuse ou métaphysique, tous les faits à notre disposition laissent penser que l’homme procède de l’évolution biologique au même titre que toutes les autres espèces vivantes sur Terre. Tous les traits humains, sans exception, possèdent une base matérielle, moléculaire, cellulaire, qui influe sur leur expression. L’existence de cette influence n’est plus guère niée, même si sa nature exacte reste l’objet de l’investigation scientifique. Ensuite, les scientifiques ne prétendent pas émettre un jugement de valeur sur le contenu concret, prescriptif de la morale (et de la politique).

 

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Peggy Sastre est docteur en philosophie des sciences.

Le sujet de sa thèse de doctorat a été le suivant :

Généalogies de la morale : perspective nietzschéenne et darwinienne sur l'origine des comportement et des sentiments moraux

Résumé de cette thèse :

Nietzsche comme Darwin envisagent la morale de manière évolutive, comme l'héritage temporaire de diverses sédimentations successives. Nietzsche comme Darwin remettent à plat toute une tradition antérieure, philosophique pour l'un, biologique et naturaliste pour l'autre. Tous deux poussent à voir la morale, certes comme un ensemble de règles et d'interdits structurant une société, mais comme un ensemble relatif, déterminé par des contextes, des environnements, des physiologies extra-morales. Le philosophe, comme le scientifique, eux mêmes inscrits dans une histoire et une évolution toujours inachevée à l'heure actuelle, font exploser les normes et les catégories morales anciennes, qu'elles soient métaphysiques, révélées, éternelles, fixes et définitives. Et tous deux, en observant, expliquant et critiquant la morale, provoquent une interrogation sur ses marges et son dépassement, par-delà d'ailleurs la science et la philosophie : qu'est-ce que l'individu pour le troupeau, qu'est-ce que l'homme pour son espèce ?

Elle a publié une douzaine de livres.

Les plus remarquables sont Ex Utero, La Haine orpheline et Ce que je veux sauver, son dernier livre, qui fait un tabac en France et hors de France aussi.

 

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Par ailleurs, Peggy Sastre a quelque choses qui la rend exceptionnelle à mes yeux :

 

C'est ma copine !

 

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 026 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)

C'est "la conscience de soi" qui a développé la morale. La morale s'apprend. Comme les conséquences d'une action. Sans la conscience de soi, on ne verrait pas les conséquences, car elle permet de se transporter dans le futur. Non, l'écureuil qui fait des provisions n'a pas cette conscience; il obéit à ses gènes.

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Membre, 84ans Posté(e)
mary.shostakov Membre 695 messages
Forumeur expérimenté‚ 84ans‚
Posté(e)
il y a 4 minutes, Talon 1 a dit :

C'est "la conscience de soi" qui a développé la morale. La morale s'apprend. Comme les conséquences d'une action. Sans la conscience de soi, on ne verrait pas les conséquences, car elle permet de se transporter dans le futur. Non, l'écureuil qui fait des provisions n'a pas cette conscience; il obéit à ses gènes.

 

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 026 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)
Il y a 18 heures, mary.shostakov a dit :

 

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Les capacités mentales non exploitées avant 5 ans sont perdues à jamais. Si on enferme un bébé dans uns cage sans lignes verticales; devenu adulte, il ne verra jamais l'horizon.

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