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Au bord des mondes

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chekhina

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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Comment peut-il y avoir une anthropologie d'un monde où les humains ne sont pas présents (anthropologie de la nature telle qu'en parle Descola). 

Réponse : les humains sont présents partout dans la nature et la nature elle-même est le produit d'une anthropisation. Ainsi la forêt amazonienne n'est pas une forêt vierge, elle a été transformée par des siècles de pratiques culturales.

La distinction humain/ non-humain n'entérine pas une fracture insurmontable, elle distingue deux mondes irrémédiablement intriqués.

C'est aussi d'intrication dont parle Nathalie Cabrol (l'astrobiologiste) lorsqu'elle note que la vie et l'environnement ont co-évolué. L'environnement de la vie, ou encore l'inanimé a co-évolué avec la vie, dans la mesure où la vie a engendré un nouvel inanimé (de nouveaux matériaux) tandis que l'inanimé a imposé des conditions d'évolution à la vie. L'animé et l'inanimé sont intriqués.

Meziane écrit : "L'anthropologie (version Descola) examine la nature non comme un objet séparé des humains mais comme une réalité sans cesse recomposée à travers une multiplicité d'ontologies"

Les ontologies sont donc des discours relatant des relations spécifiques entre humains et non-humains (ou entre vie et inanimé).

Ces discours sont délicats à préciser car les mots mêmes de humain, non-humain, vie, inanimé sont variables quant à leurs définitions quant aux point de vue adoptés. 

 

 

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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Dans sa conférence "Sur l'instabilité de la (notion de) nature" [Face à Gaïa ; huit conférences sur le nouveau régime climatique ; chez la Découverte ] Bruno Latour, qui cherche lui aussi à sortir et du dualisme nature/culture et du concept "nature" écrit : "Nous allons essayer de descendre de la "nature" vers la multiplicité du monde...Cette opération conduit à poser ces deux questions : quels existants ont été choisis et quelles formes d'existence ont été préférées".

Il note le vocabulaire afférent à ces questions : métaphysiques, ontologies, cosmologies, mais ce qui est essentiel ce sont bien ces questions : quels existants ont été CHOISIS par tel ou tel collectif (telle ou telle civilisation) et quelles relations entre ces existants ont été Préférés. Avant même donc que se développe les métaphysiques, les ontologies ou les cosmologies il y a un CHOIX et une Préférence, les collectifs choisissent les existants et les types de relation avant de développer ensuite leurs discours. Ou encore : les discours philosophiques se déroulent à l'intérieur de choix préalables.

Remonter jusqu'à ces choix est une opération  difficile car elle oblige à provincialiser sa propre culture, ce qui est sans doute difficile pour les Occidentaux mais tout aussi difficile pour les non-Occidentaux, chaque collectif croyant en la vérité (absolu) de sa philosophie, chaque collectif ne s'apercevant pas que sa vérité est d'abord une croyance ou une hypothèse. 

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  • 3 semaines après...
Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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J’ai abandonné la lecture de Meziane et je n’ai pas réussi à écouter sa conférence. Il soulève pourtant des questions qui m’intéressent mais sa pensée s’enfonce dans des méandres  qui m’étouffent. 


J’ai noté que l’animisme est caractérisé par Descola non par l’âme mais par l’intériorité. Ce concept me mobilise car je pense que ce que nous appelons : la vie,  se caractérise justement par cette notion d’intériorité. Nous ne parvenons toujours pas à définir la vie. Il existe plus d’une centaine de définitions qui sont en fait des descriptions. Il manque quelque chose à toutes ces descriptions. Si j’ajoute à toutes les descriptions cette qualité là : l’intériorité, alors je pense que nous progressons. Reste à comprendre ce que cela signifie : l’intériorité. 
 

Il y a chez Meziane un discours sur le colon qui me séduit. Il dit que la colonisation certes affecte le colonisé mais qu’elle affecte aussi le colon. Le colon ne sort pas indemne de la colonisation. Sa représentation du monde en sort affectée. Le prix à payer dans notre propension à dégrader un humain dans son humanité, ce prix à payer c’est de subir à notre tour une dégradation morale.
 

Il y a enfin cette façon qu’ont les anthropologues de chercher les raisons inconscientes qui président à l’accomplissement des actes observables ( conscients). Ce recours à l’inconscient est périlleux, d’autant que l’anthropologue est doté lui même d’un inconscient dont il est probable qu’il ne sait rien.  
 

Ha il y a encore autre chose : la sécularisation, concept important chez Meziane. La sécularisation précède t elle la colonisation ? Mais il y a aussi cette autre question : la sécularisation peut elle rendre compte de l’émergence de l’esprit du capitalisme ? 

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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Le sentiment d'une présence est issu de la perception d'une action sur soi, une action issue d'un "extérieur". Quelque chose, issue d'un extérieur, agit sur moi au point d'alerter ma conscience.

L'immédiateté c'est de penser qu'il s'agit d'une illusion, cette immédiateté de pensée étant la conséquence de l'ambiance culturelle locale ou régionale ou civilisationnelle locale. Nous sommes tellement encombrés par ces déchets du passé, Dieu et autres Athéismes, qu'il nous devient difficile de nous sortir de cette déchèterie.

Si je parviens à m'extirper de cette déchèterie alors je constate qu'il ne s'agit pas d'une illusion. Il y a bien action de "quelque chose" issue d'un extérieur, même si cette action est transmise par un appareil mental intérieur (lequel est constamment soumis à un bombardement particulaire externe, via les sens).

Du coup cela redonne du crédit à la tentative de Jung lorsqu'il émet l'hypothèse d'un inconscient collectif. Mais le choix de ses mots, inconscient et collectif, doit être revu. Je préfère tenter d'utiliser des concepts comme réseau, au sein duquel sont localisés les existants, les étants. Cela signifie alors que tous les étants sont reliés entre eux par des "forces" agissant en réseau. Cela signifie que nous ne sommes pas séparés des autres étants de l'univers mais reliés à eux par ce réseau (ce champ dirait on en physique). En résumé nous sommes en connexion avec l'univers entier. Nous ne sommes pas isolés. Mais au point où nous en sommes dans nos connaissances nous ne savons rien des forces qui gouvernent ce réseau.

Quand je parle de "présence" probablement suis-je en train d'humaniser l'action de ces forces. 

Bon sang j'ai posté ce message dans le fil "au bord des mondes" alors que je voulais le poster dans le fil "philosophons" !

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Membre, 27ans Posté(e)
al-flamel Membre 865 messages
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Le 18/05/2024 à 23:29, chekhina a dit :

J’ai abandonné la lecture de Meziane et je n’ai pas réussi à écouter sa conférence. Il soulève pourtant des questions qui m’intéressent mais sa pensée s’enfonce dans des méandres  qui m’étouffent. 


J’ai noté que l’animisme est caractérisé par Descola non par l’âme mais par l’intériorité. Ce concept me mobilise car je pense que ce que nous appelons : la vie,  se caractérise justement par cette notion d’intériorité. Nous ne parvenons toujours pas à définir la vie. Il existe plus d’une centaine de définitions qui sont en fait des descriptions. Il manque quelque chose à toutes ces descriptions. Si j’ajoute à toutes les descriptions cette qualité là : l’intériorité, alors je pense que nous progressons. Reste à comprendre ce que cela signifie : l’intériorité. 
 

Il y a chez Meziane un discours sur le colon qui me séduit. Il dit que la colonisation certes affecte le colonisé mais qu’elle affecte aussi le colon. Le colon ne sort pas indemne de la colonisation. Sa représentation du monde en sort affectée. Le prix à payer dans notre propension à dégrader un humain dans son humanité, ce prix à payer c’est de subir à notre tour une dégradation morale.
 

Il y a enfin cette façon qu’ont les anthropologues de chercher les raisons inconscientes qui président à l’accomplissement des actes observables ( conscients). Ce recours à l’inconscient est périlleux, d’autant que l’anthropologue est doté lui même d’un inconscient dont il est probable qu’il ne sait rien.  
 

Ha il y a encore autre chose : la sécularisation, concept important chez Meziane. La sécularisation précède t elle la colonisation ? Mais il y a aussi cette autre question : la sécularisation peut elle rendre compte de l’émergence de l’esprit du capitalisme ? 

Bonjour @chekhina, j'ai mis en suspend mes lectures dont celle de Meziane.

J'en reprendrais le résumé dès que j'en aurai le temps et la force. 

De ce que j'ai compris de la lecture de Meziane, c'est effectivement que la sécularisation résulte d'un processus d'adaptation impériale faite par les Grandes découvertes et les grandes conquêtes de l'époque moderne et contemporaine. Et plus je me renseigne sur l'histoire des autres empires et des autres religions, plus je pense que cette affirmation tombe sous le sens. 

Il y a également un lien intéressant qui nécessiterait d'être approfondi entre d'un côté la sécularisation comme processus impérial et colonial chez Meziane et de l'autre ce que Pierre Musso appelle Religion Industrielle ou fétichisme industriel, cette croyance selon laquelle l'industrie serait plus ou moins l'alpha et l'oméga du salut des Hommes, et de l'arrivée de l'Homme dans son essence véritable qui renferme l'absolu. C'est je crois cela qui se joue dans l'esprit du capitalisme (mais pas que dans le capitalisme d'ailleurs...), ça et une ethique du contrat privé comme façon d'organiser l'entente entre les Hommes. 

L'ambition de dépassement de cet Esprit par un autre, plus écologique, plus social consiste à marcher sur un chemin dont on ne perçoit pas les bords ni la destination mais au delà desquels on aperçoit l'abîme. À moins que l'abîme fasse partie du chemin ? 

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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Finalement je vais rester sur ce fil : « au bord des mondes » et abandonner le fil « philosophons » ; je me tiens comme Meziane, moi aussi, au bord des mondes. Finalement j’éprouve une certaine tendresse pour Meziane ( mais il m’agace parfois, tant sa pensée est touffue).

Je suis en train de créer une disponibilité en moi. 
Parfois je m’allonge et je me dis : je vais mourir, et quand je me dis cela alors j’aménage en moi cette disponibilité. 

Cette disponibilité suppose que je pense qu’il existe une réalité, au delà de moi, au delà des hommes. Cette réalité apparaît quand je me prépare à mourir. Il me faut m’appuyer sur cette dramatisation pour parvenir à chasser tous les bruits de ce monde. 

C’est parce que je pense qu’il existe une réalité au delà de moi et des humains que je forme ce sentiment de présence. J’humanise quelque chose d’inconnu, il est bien possible que j’humanise ce que Meziane appelle le non-humain.

L’humain n’est pas le seul à porter une vitalité, au delà de lui, au bord des mondes, il existe une réalité qui porte en elle une vitalité dont nous ne savons rien, dont je ne sais rien. En créant cette disponibilité cette réalité  vient étendre son onde jusque dans mon esprit. Et je ressens cela comme étant une présence, même si ce mot : présence, est une humanité dont je recouvre peut être indûment  l’onde. 
 

Ainsi au bord des mondes il y a cet océan mystérieux qui porte lui aussi la Vie. Je marche sur la plage, et son eau doucement glisse sur mes chevilles. 
 

Ah tiens @al-flamelvous m’avez écrit. Je vais prendre le temps de vous lire et de vous répondre. Je vais reprendre la lecture de Meziane. En fait il me porte à réfléchir à plein de sujets que j’ai laissés en suspens. Il est très inspirant.

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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Il y a 2 heures, al-flamel a dit :

Bonjour @chekhina, j'ai mis en suspend mes lectures dont celle de Meziane.

J'en reprendrais le résumé dès que j'en aurai le temps et la force. 

De ce que j'ai compris de la lecture de Meziane, c'est effectivement que la sécularisation résulte d'un processus d'adaptation impériale faite par les Grandes découvertes et les grandes conquêtes de l'époque moderne et contemporaine. Et plus je me renseigne sur l'histoire des autres empires et des autres religions, plus je pense que cette affirmation tombe sous le sens. 

Il y a également un lien intéressant qui nécessiterait d'être approfondi entre d'un côté la sécularisation comme processus impérial et colonial chez Meziane et de l'autre ce que Pierre Musso appelle Religion Industrielle ou fétichisme industriel, cette croyance selon laquelle l'industrie serait plus ou moins l'alpha et l'oméga du salut des Hommes, et de l'arrivée de l'Homme dans son essence véritable qui renferme l'absolu. C'est je crois cela qui se joue dans l'esprit du capitalisme (mais pas que dans le capitalisme d'ailleurs...), ça et une ethique du contrat privé comme façon d'organiser l'entente entre les Hommes. 

L'ambition de dépassement de cet Esprit par un autre, plus écologique, plus social consiste à marcher sur un chemin dont on ne perçoit pas les bords ni la destination mais au delà desquels on aperçoit l'abîme. À moins que l'abîme fasse partie du chemin ? 

C’est en lisant Meziane que je me suis rappelé que cette origine du capitalisme était une question que je n’avais toujours pas résolue. Je n’avais pas pensé à cette idée de sécularisation. Je vais la fouiller.

Ce livre de Pierre Musso je vais le commander depuis le temps que j’en entends parler. 
Cette origine du capitalisme est importante à élucider  car elle a jeté l’humanité dans une civilisation nouvelle qui a notamment complètement modifié notre rapport avec le temps et avec l’espace. Il y a bien sûr bien d’autres conséquences. L’éthique du contrat privé semble être le fondement idéologique du néo libéralisme dont je me suis aperçu récemment qu’il avait été sciemment construit par des intellectuels juste avant la guerre de 1939. Je ne pensais pas que l’idéologie du néo libéralisme résultait à ce point là de décisions délibérées, conscientes, mises systématiquement en œuvre. 
Nous ne pourrons pas dépasser ces idéologies capitalistes et néo libérales par la volonté. Nous ne pourrons les dépasser que s’il existe réellement un monde au delà des mondes, et s’il existe, que si nous parvenons à le percevoir. Il est nécessaire que le non humain existe réellement. Sinon l’humanité disparaîtra en développant toujours plus cette mauvaiseté que nous voyons aujourd’hui croître partout et qui conduit les uns à souhaiter la destruction des autres pour x raisons qui ne sont que des prétextes pour véhiculer cette étrange mauvaiseté. C’est étrange cet effondrement actuel dans des guerres désirées. À mon avis cette mauvaiseté croissante provient d’une énergie humaine qui ne rencontre pour le moment que le néant ou l’abîme lorsqu’elle vient buter sur le bord des mondes sans rien apercevoir au delà. 

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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Quelque chose m’arrête…Je ne sais pas si je vais remonter la piste ouverte par Meziane. Parce que je ne sais pas si je trouverai la clé. Je crois que la piste n’arrêtera  jamais de remonter.

 
Je trouverai bien une cause au tragique de nos temps, la connaissance de la cause  rehaussera les contours de la tragédie redoutée, mais elle ne l’empêchera pas. 

Connaître la cause illuminera  les obscurités mais elle confirmera aussi l’inéluctable.

 
Je me perds dans une étude sans fin…Je cherche à éviter ce qui est déjà arrivé, je m’efforce sans cesse de trouver la cause qui puisse ruiner une réalité qui est pourtant déjà actualisée. 


Je ne pourrai jamais empêcher que les choses soient.

C’est une quête du pouvoir magique de la pensée. Mais même si je trouve in fine la pensée magique ce sera trop tard : les choses sont.

Si je trouve la pierre philosophale, la preuve ou la cause celée, alors je communierai avec les destins tous réunis et je serai  l’un de ces destins. 
 

Nous descendrons la rue dans la ville, tous vêtus de noir, nos fusils libéreront  les balles meurtrières, nous marcherons, silencieux, nous sommes la guerre, froide et calme, nous sommes la terreur au visage de glace. 
 

Ce ne sont plus les causes que je dois rechercher, je veux être ce que je suis devenu dans la forge de leur infini ressentiment, le ressentiment des puissants contre la Vie. 

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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Quand Meziane parle du rapport entre les indigènes et les ethnologues ( on dit aujourd’hui : anthropologues) il apparaît ceci : les ethnologues occidentaux sont capables de discerner les déterminations inconscientes qui pilotent les comportements conscients des indigènes alors que ceux ci en sont bien incapables. Constat : les indigènes sont des imbéciles. Non seulement ce sont des imbéciles mais comme toute structure inconsciente détermine implacablement tout comportement conscient tant que nous ne prenons pas conscience de cette structure inconsciente les indigènes sont voués à être éternellement conditionnés par leur inconscient. Non seulement les indigènes sont des imbéciles mais en plus ils sont aliénés ad vitam aeternam par l’impossibilité pour eux de prendre conscience de leurs déterminations inconscientes. 
 

Si maintenant je passe outre cette superbe du colon je suis conduit à me demander si nous ne nous trompons pas à propos de l’inconscient.

 
Peut on vraiment prétendre connaître l’inconscient ? Ne lui fait on pas dire n’importe quoi ? 

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Membre, 27ans Posté(e)
al-flamel Membre 865 messages
Mentor‚ 27ans‚
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Le 21/05/2024 à 21:26, chekhina a dit :

Ah tiens @al-flamelvous m’avez écrit. Je vais prendre le temps de vous lire et de vous répondre. Je vais reprendre la lecture de Meziane. En fait il me porte à réfléchir à plein de sujets que j’ai laissés en suspens. Il est très inspirant.

Je me rends compte, que ce dont j'ai besoin, c'est d'émulation et de partage sur mes lectures. C'est à la base la raison pour laquelle je me suis inscrit ici. Et d'organisation aussi... Je vais essayer de reprendre la lecture de Meziane. 

Aussi, si ça vous intéresse pour un prochain livre, on pourrait organiser des sessions d'arpentage sur un livre dans l'idéal qu'on souhaiterait lire tous les deux. 

À deux les sessions d'arpentage risquent d'être plus longues. Ce serait encore mieux avec encore plus de monde. 

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
Posté(e)
Il y a 14 heures, al-flamel a dit :

Je me rends compte, que ce dont j'ai besoin, c'est d'émulation et de partage sur mes lectures. C'est à la base la raison pour laquelle je me suis inscrit ici. Et d'organisation aussi... Je vais essayer de reprendre la lecture de Meziane. 

Aussi, si ça vous intéresse pour un prochain livre, on pourrait organiser des sessions d'arpentage sur un livre dans l'idéal qu'on souhaiterait lire tous les deux. 

À deux les sessions d'arpentage risquent d'être plus longues. Ce serait encore mieux avec encore plus de monde. 

J’aime le mot : émulation. Il y a émulation entre vous et moi et non pas compétition. 

L’idée de choisir un livre que nous pourrions lire ensemble dans cet esprit d’émulation me plait. Et bien sûr cette émulation est ouverte à tous et non à nous deux seuls.

Cela dit l’expérience montre que c’est une aventure périlleuse celle que vous projetez. En général il n’est pas possible de la mener bien loin.

Rapidement l’émulation tourne à la compétition ce qui ruine l’intérêt du dialogue.

Mais je pense que nous pourrions bien choisir comme livre celui de Meziane. Car voici que je viens de le ressortir de ma bibliothèque et je me mets à le relire.

Sous votre influence, je me dis que je passe à côté de trop de choses quand je le lis. Par exemple je néglige trop la notion de sécularisation, je néglige trop la notion de sous sol, etc. 
 

Donc je viens de reprendre son livre, j’en suis aux diverses ontologies, quand il s’appuie sur Descola et je m’aperçois que je suis passé beaucoup trop vite sur la notion de naturalisme. C’est agaçant car je dois sans cesse reprendre le travail.  
 

En relisant Meziane il me vient une critique que j’ai souvent envie de formuler à l’encontre des philosophes : ils exposent leurs idées dans une abstraction achevée sans expliquer comment ils parviennent à cette abstraction. C’est là une différence avec les scientifiques. Ceux ci expliquent comment ils passent du concret, du détail concret jusqu’à la plus grande abstraction.  Il est possible de les suivre. Avec les philosophes qui exposent d’emblée le résultat abstrait de leur travail il faut sans cesse pour le lecteur reconstituer le chemin qu’ils ont suivi en essayant de deviner de quel concret ils sont partis. C’est pénible. 
 

Bon dans mon prochain message je repartirai du texte de Meziane. En fait si Meziane me plait c’est qu’il parle à partir d’une culture et d’une sensibilité très différentes de la mienne. Cette différence me permet de distinguer l’intérêt de sujets que les Occidentaux négligent de trop. 

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Membre, 27ans Posté(e)
al-flamel Membre 865 messages
Mentor‚ 27ans‚
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Il y a 13 heures, chekhina a dit :

J’aime le mot : émulation. Il y a émulation entre vous et moi et non pas compétition. 

L’idée de choisir un livre que nous pourrions lire ensemble dans cet esprit d’émulation me plait. Et bien sûr cette émulation est ouverte à tous et non à nous deux seuls.

Cela dit l’expérience montre que c’est une aventure périlleuse celle que vous projetez. En général il n’est pas possible de la mener bien loin.

Rapidement l’émulation tourne à la compétition ce qui ruine l’intérêt du dialogue.

Mais je pense que nous pourrions bien choisir comme livre celui de Meziane. Car voici que je viens de le ressortir de ma bibliothèque et je me mets à le relire.

Sous votre influence, je me dis que je passe à côté de trop de choses quand je le lis. Par exemple je néglige trop la notion de sécularisation, je néglige trop la notion de sous sol, etc. 
 

Donc je viens de reprendre son livre, j’en suis aux diverses ontologies, quand il s’appuie sur Descola et je m’aperçois que je suis passé beaucoup trop vite sur la notion de naturalisme. C’est agaçant car je dois sans cesse reprendre le travail.  
 

En relisant Meziane il me vient une critique que j’ai souvent envie de formuler à l’encontre des philosophes : ils exposent leurs idées dans une abstraction achevée sans expliquer comment ils parviennent à cette abstraction. C’est là une différence avec les scientifiques. Ceux ci expliquent comment ils passent du concret, du détail concret jusqu’à la plus grande abstraction.  Il est possible de les suivre. Avec les philosophes qui exposent d’emblée le résultat abstrait de leur travail il faut sans cesse pour le lecteur reconstituer le chemin qu’ils ont suivi en essayant de deviner de quel concret ils sont partis. C’est pénible. 
 

Bon dans mon prochain message je repartirai du texte de Meziane. En fait si Meziane me plait c’est qu’il parle à partir d’une culture et d’une sensibilité très différentes de la mienne. Cette différence me permet de distinguer l’intérêt de sujets que les Occidentaux négligent de trop. 

Je ne me sens pas en compétition, ici.  Je n'ai personne à impressionner. Vous pouvez être davantage cultivé, être plus intelligent que moi, que ça ne changerait pas, et ce que je pense de moi et ce que je crois de vous. Vous êtes ce qu'il y a de plus familier pour moi sur ce forum. 

Pour ce qui est des penseurs, des intellectuels, j'avoue partager la même difficulté que vous à les lire, ou tout du moins à bien les comprendre. C'est pourquoi j'accorde beaucoup d'importance à l'esprit et aux intentions d'un auteur en général avant de le lire. Mais il faut avouer qu'avec Meziane, j'ai senti plusieurs difficultés y compris dans son premier livre. J'ai dû croisé plusieurs informations sur ce qu'il présente de ces bouquins en vidéo et des articles qu'il a pu écrire précédemment. Et de ce que j'en comprends, sa critique fondamentale porte sur l'anthropologie de la Religion, et sur le concept même de Religion qu'il considère comme un construit occidental. 

Je ne partage pas totalement son point de vue, du moins je ne cerne pas totalement la façon dont il repense les différents effets qu'on suppose inhérents à la Religion mais je trouve le point de vue particulièrement intéressent. 

Le prochain message que je posterai concernera le chapitre 3 : le discours des traditions. J'espère faire ça rapidement. 

Bonne soirée à vous. 

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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Il y a 10 heures, al-flamel a dit :

Je ne me sens pas en compétition, ici.  Je n'ai personne à impressionner. Vous pouvez être davantage cultivé, être plus intelligent que moi, que ça ne changerait pas, et ce que je pense de moi et ce que je crois de vous. Vous êtes ce qu'il y a de plus familier pour moi sur ce forum. 

Pour ce qui est des penseurs, des intellectuels, j'avoue partager la même difficulté que vous à les lire, ou tout du moins à bien les comprendre. C'est pourquoi j'accorde beaucoup d'importance à l'esprit et aux intentions d'un auteur en général avant de le lire. Mais il faut avouer qu'avec Meziane, j'ai senti plusieurs difficultés y compris dans son premier livre. J'ai dû croisé plusieurs informations sur ce qu'il présente de ces bouquins en vidéo et des articles qu'il a pu écrire précédemment. Et de ce que j'en comprends, sa critique fondamentale porte sur l'anthropologie de la Religion, et sur le concept même de Religion qu'il considère comme un construit occidental. 

Je ne partage pas totalement son point de vue, du moins je ne cerne pas totalement la façon dont il repense les différents effets qu'on suppose inhérents à la Religion mais je trouve le point de vue particulièrement intéressent. 

Le prochain message que je posterai concernera le chapitre 3 : le discours des traditions. J'espère faire ça rapidement. 

Bonne soirée à vous. 

Je me suis remis à la lecture de MAM mais décidément c’est difficile. Je crois comprendre ma difficulté : MAM écrit à partir d’un point de vue qui lui est propre, celui d’un peuple colonisé. Or, quelle que soit mon opinion quant à la colonisation, je suis issu d’un peuple de colons, la France, et mon origine a modelé dans une large mesure ma sensibilité. MAM emploie les concepts en leur donnant une couleur, un sens qui sont ceux d’un peuple colonisé. Je peux tenter de me mettre à sa place mais il faudrait que je crée en moi une disponibilité totale pour recevoir  sa sensibilité. Or je ne me sens pas disponible pour cela.

Je vais lire le troisième chapitre pour être en mesure de vous apporter une réplique constructive.

Nous pourrions choisir ensuite un autre ouvrage, pourquoi pas celui de Musso, que je n’ai pas encore lu. À voir. ( Je suis également porté à approfondir ma connaissance de l’idéologie du néo libéralisme que je ne soupçonnais pas être construite avec tant de soin par tant d’idéologues).

Comme vous je ne porte pas sur moi même un regard inquiet quant à mon intelligence et ma culture, je me juge  sur le résultat de mes actions professionnelles, sociales et familiales, sans jamais m’inquiéter de savoir si je suis intelligent ou pas.

A bientôt. 

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Membre, 27ans Posté(e)
al-flamel Membre 865 messages
Mentor‚ 27ans‚
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Le 26/05/2024 à 10:29, chekhina a dit :

Je me suis remis à la lecture de MAM mais décidément c’est difficile. Je crois comprendre ma difficulté : MAM écrit à partir d’un point de vue qui lui est propre, celui d’un peuple colonisé. Or, quelle que soit mon opinion quant à la colonisation, je suis issu d’un peuple de colons, la France, et mon origine a modelé dans une large mesure ma sensibilité. MAM emploie les concepts en leur donnant une couleur, un sens qui sont ceux d’un peuple colonisé. Je peux tenter de me mettre à sa place mais il faudrait que je crée en moi une disponibilité totale pour recevoir  sa sensibilité. Or je ne me sens pas disponible pour cela.

Je vais lire le troisième chapitre pour être en mesure de vous apporter une réplique constructive.

Nous pourrions choisir ensuite un autre ouvrage, pourquoi pas celui de Musso, que je n’ai pas encore lu. À voir. ( Je suis également porté à approfondir ma connaissance de l’idéologie du néo libéralisme que je ne soupçonnais pas être construite avec tant de soin par tant d’idéologues).

Comme vous je ne porte pas sur moi même un regard inquiet quant à mon intelligence et ma culture, je me juge  sur le résultat de mes actions professionnelles, sociales et familiales, sans jamais m’inquiéter de savoir si je suis intelligent ou pas.

A bientôt. 

Finalement, je vais devoir abandonner pendant un bon moment mes lectures. Manifestement je n'en ai plus l'énergie. 

Des idées émergent, je ne sais ce qu'elles valent mais mon attention est actuellement concentrée sur leur développement. 

Je vais devoir vous laisser continuer la lecture de Meziane. Je ne manquerai pas de vous lire. 

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Membre, 55ans Posté(e)
chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
Posté(e)
Le 29/05/2024 à 11:54, al-flamel a dit :

Finalement, je vais devoir abandonner pendant un bon moment mes lectures. Manifestement je n'en ai plus l'énergie. 

Des idées émergent, je ne sais ce qu'elles valent mais mon attention est actuellement concentrée sur leur développement. 

Je vais devoir vous laisser continuer la lecture de Meziane. Je ne manquerai pas de vous lire. 

Je suis moi même actuellement pris dans d’autres engagements, à caractères familiaux, il m’est difficile de revenir au forum.

Mais j’ai du temps disponible et je me sens lié à vous par la promesse que je vous ai faite d’étudier le chapitre 3. J’aime être en accord avec moi meme  en respectant cette promesse. 
 

Je vais faire une étude textuelle. La manière de penser de MAM me déroute. Le mieux est que je le suive pas à pas. 
 

Page 85. MAM tente de trouver un critère qui permette de comparer les différentes « visions du monde » des collectifs humains. Trouver un critère qui ne soit pas teinté de colonialisme est difficile. Il va même plus loin : il tente de trouver un critère qui ne soit pas exclusivement propre à la culture  occidentale. Il écrira plus loin que le mot religion lui même appartient à la culture romaine. Faire des comparaisons entre différentes « visions » des collectifs humains à partir d’un critère qui appartient d’abord à l’un de ces collectifs ne peut pas être un travail objectif. 
Le concept de culture, comme celui de nature, comme celui de religion, ce sont des concepts d’abord occidentaux ( puis coloniaux). 
Je comprends donc qu’il tente de ne pas pratiquer une anthropologie marquée par des concepts occidentaux ( il dit aussi : Européens). Je comprends aussi qu’il parle ou écrit à partir d’une « vision » déterminée par son appartenance arabe et musulmane. Comment lorsque nous sommes arabe et musulman pratiquer une anthropologie sauve des concepts européens ? Sachant que les Européens ne savent pas eux mêmes que leurs concepts sont européens c’est à dire marqués par une Histoire ( un espace et un temps spécifiques). 
 

A suivre.

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al-flamel Membre 865 messages
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Chapitre 3 : Le Discours des traditions Et la fin de la croyance

Meziane poursuit ici l’analyse des travaux de Talal Asad. A la place d’une anthropologie se proposant de déchiffrer les pratiques indigènes en les restituant dans un système de croyances et en une réligion, Asad souhaite y substituer le discours des traditions ou la tradition discursive.

L’objet du chapitre est ici de montrer en quoi la critique d’Asad rend inopérente l’usage des concepts de Croyance et de Religion en Anthropologie, et d’étudier la proposition d’Asad de leur substituer la tradition et le discours. Il s’agit également pour Meziane de rompre avec l’anthropologie coloniale, dont l’orientalisme est un reliquat pseudo-savant en repartant de la généalogie opérée par Asad.

Meziane emploie de nouveau la critique d’Asad sur l’anthropologie religieuse en distinguant deux approches majeures de l’anthropologie, l’herméneutique et le fonctionnalisme. Ces deux approches forment pour Asad des approches qui portent en elles un dessein impérial et colonial.

Pour Asad, c’est seulement au XVIIIe siècle que des définitions universelles de la religion ont vu le jour. Le primat de la foi et des croyances sur les pratiques caractériserait la Religion. Il en résulterait une comparaison portant sur les différents systèmes de croyances, les différentes religions. S’est établie au cœur de l’anthropologie de la religion une terminologie découlant la hiérarchie évolutive des systèmes de croyances dressée par Hegel, allant de la plus primitive (le fétichisme) à la plus évoluée (le monothéisme et le Christianisme).

En faisant la généalogie de cette hiérarchie évolutive, Asad opère une généalogie de l’Anthropologie de la Religion dans son dessein impérial.

Pour ce faire, il repart de la distinction latine opérée entre le Religio (les cultes acceptés) d’une part et le Superstitio (et les cultes barbares).A partir du IXe siècle, la distinction prend un sens plus fort en ce que le Superstitio désigne le culte des fausses divinités. Au XVIe siècles, les missionnaires chrétiens voient dans le culte que les indigènes voue à leurs idoles la marque du diable qui introduit dans les sacrifices et rites indiègnes une ressemblance avec les sacrements chrétiens dans le but de les tromper. L’Indigène est inhumain ou bestial puisque sous l’emprise du diable, mais il porte en puissance une certaine humanité car il est convertible. Il peut être sauvé.

Le langage de l’Église s’est par la suite universalisé en s’humanisant. L’anthropologie conçu comme « vérité de la théologie » s’est emparé du langage de l’Église et l’a étendu aux pratiques indigènes à travers la catégorie de Religion.

Toutefois, cette catégorie de religion n’est pas propre à l’Occident seulement, contrairement à ce que pourrait en penser Asad. Il y a effectivement eu un développement musulman assimilable au concept de religion développé par le philosophe Al Farabi qu’il nomme Al-Milla et qui désigne un ensemble d’opinions prescrites à une communauté par son fondateur. Par ce concept, Farabi élabore une théorie politique de la tradition prophétique (sunna). Mais la critique du concept de religion par Asad se veut surtout une comme critique du concept de Religion comme catégorie anthropologique

L’objet de la critique d’Asad vise donc à substituer au concept de Religion celui de  Tradition discursive dans l’anthropologie spécifique de l’Islam mais peut être plus largement comme catégorie d’une anthropologie générale. Cette substitution permet de décrire les pratiques des indigènes selon certaines exigences.

- Description amorale des traditions

- Sans volonté de déchiffrement à partir d’une théorie et d’un langage qui leurs seraient étrangères

- Renoncer à l’opposition traditions/modernité

- Permettre la comparaison des traditions entre elles pour mieux décrire leur singularité.

Cependant pour Meziane, cette substitution de la religion par la tradition introduit un primat des pratiques qui comporte une limite, celle de perdre de vue les dimensions métaphysiques des pratiques.

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chekhina Membre 599 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
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Il y a 1 heure, al-flamel a dit :

Chapitre 3 : Le Discours des traditions Et la fin de la croyance

Meziane poursuit ici l’analyse des travaux de Talal Asad. A la place d’une anthropologie se proposant de déchiffrer les pratiques indigènes en les restituant dans un système de croyances et en une réligion, Asad souhaite y substituer le discours des traditions ou la tradition discursive.

L’objet du chapitre est ici de montrer en quoi la critique d’Asad rend inopérente l’usage des concepts de Croyance et de Religion en Anthropologie, et d’étudier la proposition d’Asad de leur substituer la tradition et le discours. Il s’agit également pour Meziane de rompre avec l’anthropologie coloniale, dont l’orientalisme est un reliquat pseudo-savant en repartant de la généalogie opérée par Asad.

Meziane emploie de nouveau la critique d’Asad sur l’anthropologie religieuse en distinguant deux approches majeures de l’anthropologie, l’herméneutique et le fonctionnalisme. Ces deux approches forment pour Asad des approches qui portent en elles un dessein impérial et colonial.

Pour Asad, c’est seulement au XVIIIe siècle que des définitions universelles de la religion ont vu le jour. Le primat de la foi et des croyances sur les pratiques caractériserait la Religion. Il en résulterait une comparaison portant sur les différents systèmes de croyances, les différentes religions. S’est établie au cœur de l’anthropologie de la religion une terminologie découlant la hiérarchie évolutive des systèmes de croyances dressée par Hegel, allant de la plus primitive (le fétichisme) à la plus évoluée (le monothéisme et le Christianisme).

En faisant la généalogie de cette hiérarchie évolutive, Asad opère une généalogie de l’Anthropologie de la Religion dans son dessein impérial.

Pour ce faire, il repart de la distinction latine opérée entre le Religio (les cultes acceptés) d’une part et le Superstitio (et les cultes barbares).A partir du IXe siècle, la distinction prend un sens plus fort en ce que le Superstitio désigne le culte des fausses divinités. Au XVIe siècles, les missionnaires chrétiens voient dans le culte que les indigènes voue à leurs idoles la marque du diable qui introduit dans les sacrifices et rites indiègnes une ressemblance avec les sacrements chrétiens dans le but de les tromper. L’Indigène est inhumain ou bestial puisque sous l’emprise du diable, mais il porte en puissance une certaine humanité car il est convertible. Il peut être sauvé.

Le langage de l’Église s’est par la suite universalisé en s’humanisant. L’anthropologie conçu comme « vérité de la théologie » s’est emparé du langage de l’Église et l’a étendu aux pratiques indigènes à travers la catégorie de Religion.

Toutefois, cette catégorie de religion n’est pas propre à l’Occident seulement, contrairement à ce que pourrait en penser Asad. Il y a effectivement eu un développement musulman assimilable au concept de religion développé par le philosophe Al Farabi qu’il nomme Al-Milla et qui désigne un ensemble d’opinions prescrites à une communauté par son fondateur. Par ce concept, Farabi élabore une théorie politique de la tradition prophétique (sunna). Mais la critique du concept de religion par Asad se veut surtout une comme critique du concept de Religion comme catégorie anthropologique

L’objet de la critique d’Asad vise donc à substituer au concept de Religion celui de  Tradition discursive dans l’anthropologie spécifique de l’Islam mais peut être plus largement comme catégorie d’une anthropologie générale. Cette substitution permet de décrire les pratiques des indigènes selon certaines exigences.

- Description amorale des traditions

- Sans volonté de déchiffrement à partir d’une théorie et d’un langage qui leurs seraient étrangères

- Renoncer à l’opposition traditions/modernité

- Permettre la comparaison des traditions entre elles pour mieux décrire leur singularité.

Cependant pour Meziane, cette substitution de la religion par la tradition introduit un primat des pratiques qui comporte une limite, celle de perdre de vue les dimensions métaphysiques des pratiques.

Vous faites une synthèse du troisième chapitre mais cette synthèse me gêne car elle suit les schémas de pensée occidentaux. Or il m’apparaît que MAM tente de sortir des méthodes propres à la philosophie occidentale. Disons que, pour moi, MAM m’intéresse en ce qu’il heurte mes habitudes de pensée, mes habitudes culturelles. 
Dès le début du troisième  chapitre il insiste sur ce fait : ce sont les Européens qui ont inventé le concept de nature, ce sont les Européens qui ont construit le concept de religion. 
Je n’aborde pas le texte de MAM à la manière d’un Européen, ou, du moins, je tente de sortir du cadre européen. Je veux dire : et si les concepts de nature et de religion n’avaient de sens qu’au sein de la culture européenne, si leur sens s’évanouissait au sein d’autres cultures, cela ne signifierait il pas que nous nous trompons en donnant un sens objectif à ces concepts ? Ou encore : peut être est il possible de penser le monde, au sein d’autres cultures, sans élaborer les concepts de religion ou encore de nature ou encore de culture. 
Vous faites un travail d’universitaire occidental quand vous mentionnez l’herméneutique et le fonctionnalisme. Vous ne pratiquez pas la critique de ces concepts. Pourtant, soyez attentif, c’est ce que MAM fait quand il parle d’herméneutique. Il le fait d’une manière si contraire à nos habitudes de pensée que nous avons du mal à LIRE sa critique. Il montre que l’herméneutique oblige à transformer en TEXTE ( en écrit) les pratiques indigènes observées puis, ensuite, l’occidental pratique une critique du TEXTE ( de l’écrit). L’occidental travaille sur un TEXTE, un écrit. Mais l’écrit lui même n’est il pas une déformation, une transformation, une dénaturation de la pratique indigène ? 
Vous voyez en quoi MAM remet en cause notre manière même de penser telle que nous l’apprenons dans nos cultures, nos lycées, nos universités.

C’est très subtil la critique de MAM et nous avons acquis de tels réflexes culturels que même lorsque MAM insiste sur le fait que l’herméneutique nécessite une transformation en TEXTE d’une pratique et que cette transformation est loin d’être anodine nous ne LISONS pas ce que MAM écrit.
Nous sommes dans une confusion du TEXTE et du visible, du TEXTE et de la parole, et cette confusion nous ne la distinguons même plus tant nous sommes habitués à transformer la PAROLE en TEXTE sans voir que cette transformation est une dénaturation.  
Pour moi la critique de MAM de notre propre culture occidentale universitaire est importante. Elle oblige à considérer que nos modes de pensée sont sans doute efficaces à l’intérieur de notre culture ou civilisation mais qu’ils ne le sont peut être pas au sein d’autres civilisations. Ma démarche n’est pas de reconnaître l’authenticité des autres civilisations, elle est de tenter de modifier nos modes de pensée, considérant que nos modes de pensée occidentaux nous conduisent à l’échec voire à la catastrophe sociale. 

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Membre, 27ans Posté(e)
al-flamel Membre 865 messages
Mentor‚ 27ans‚
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il y a une heure, chekhina a dit :

Vous faites une synthèse du troisième chapitre mais cette synthèse me gêne car elle suit les schémas de pensée occidentaux. Or il m’apparaît que MAM tente de sortir des méthodes propres à la philosophie occidentale. Disons que, pour moi, MAM m’intéresse en ce qu’il heurte mes habitudes de pensée, mes habitudes culturelles. 
Dès le début du troisième  chapitre il insiste sur ce fait : ce sont les Européens qui ont inventé le concept de nature, ce sont les Européens qui ont construit le concept de religion. 
Je n’aborde pas le texte de MAM à la manière d’un Européen, ou, du moins, je tente de sortir du cadre européen. Je veux dire : et si les concepts de nature et de religion n’avaient de sens qu’au sein de la culture européenne, si leur sens s’évanouissait au sein d’autres cultures, cela ne signifierait il pas que nous nous trompons en donnant un sens objectif à ces concepts ? Ou encore : peut être est il possible de penser le monde, au sein d’autres cultures, sans élaborer les concepts de religion ou encore de nature ou encore de culture. 
Vous faites un travail d’universitaire occidental quand vous mentionnez l’herméneutique et le fonctionnalisme. Vous ne pratiquez pas la critique de ces concepts. Pourtant, soyez attentif, c’est ce que MAM fait quand il parle d’herméneutique. Il le fait d’une manière si contraire à nos habitudes de pensée que nous avons du mal à LIRE sa critique. Il montre que l’herméneutique oblige à transformer en TEXTE ( en écrit) les pratiques indigènes observées puis, ensuite, l’occidental pratique une critique du TEXTE ( de l’écrit). L’occidental travaille sur un TEXTE, un écrit. Mais l’écrit lui même n’est il pas une déformation, une transformation, une dénaturation de la pratique indigène ? 
Vous voyez en quoi MAM remet en cause notre manière même de penser telle que nous l’apprenons dans nos cultures, nos lycées, nos universités.

 

Qu'entendez vous par schémas de pensée occidentaux ? Qu'est-ce qui dans mon résumé suit des schémas de pensées occidentaux ? Quel est l'objectif que Meziane poursuit dans ce livre à votre avis ? L'objectif est dans le titre même du livre penser une anthropologie métaphysique

il y a une heure, chekhina a dit :

Pour moi la critique de MAM de notre propre culture occidentale universitaire est importante. Elle oblige à considérer que nos modes de pensée sont sans doute efficaces à l’intérieur de notre culture ou civilisation mais qu’ils ne le sont peut être pas au sein d’autres civilisations.

"Nos modes de pensée" ne se sont pas construits en vase clôt justement mais par les autres civilisations, pour les penser, pour maintenir ce même choix consistant à les convertir ou les déshumaniser. 

Il y a 1 heure, chekhina a dit :

Il montre que l’herméneutique oblige à transformer en TEXTE ( en écrit) les pratiques indigènes observées puis, ensuite, l’occidental pratique une critique du TEXTE ( de l’écrit). L’occidental travaille sur un TEXTE, un écrit. Mais l’écrit lui même n’est il pas une déformation, une transformation, une dénaturation de la pratique indigène ? 
Vous voyez en quoi MAM remet en cause notre manière même de penser telle que nous l’apprenons dans nos cultures, nos lycées, nos universités.

N'oubliez pas qu'il s'agit en fait surtout de la critique formulée par Talal Asad qui s'inscrit dans un cadre spécifique celle de faire une anthropologie de l'islam dans laquelle le point de vue des musulmans serait le point d'arrivée et non le point de départ. C'est l'emploi d'une nouvelle méthodologie dans laquelle Asad analyse l'islam non comme une religion mais comme une tradition discursive. Et c'est cette tradition discursive que Meziane analyse puis critiquera dans ce chapitre et dans le chapitre suivant, dans l'objectif de formuler une autre anthropologie. 

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