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Je ne veux pas appeler ça des mots d'enfants!

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Ambre Agorn

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 164 messages
Mentor‚ 35ans‚
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C'est la plus grande leçon de ma vie!

Dans cette jungle humaine, je suis une prédatrice qui n'a pas peur. C'est ce que je croyais.

Je suis comme un fruit sucré, mûr et gorgé de fraîcheur pour celui qui a la gorge brûlante.

Un appât parfait pour la prédatrice qui veille et traque perpétuellement.

Sur son lit de mort, mon père n'a rien dit: il était déjà figé par le vide de tout ce qui faisait de lui un humain quand je l'ai découverts. Méconnaissable. Je l'ai trouvé curieux, différent, comme s'il était une énigme. Qu'est-ce qui s'est figé sur son visage au moment où il est mort. Pas la peur. Je connais bien la peur, même si je ne l'éprouve pas. Non, ce n'est pas ça qui trace son visage de mort, ce masque. Ses yeux sont ternes, leur paupière s'affaisse de chaque côté, empêchant le globe mort d'être caché aux miens. Toutes les rides sont attirées par la pesanteur et convergent vers des oreilles qui, elles, n'ont pas changé, contrastant avec le masque de mort, les faisant paraître monstrueuses pour ceux qui l'observeraient. Le nez n'a plus sa place de centre de la figure, car le menton s'est affaissé au point de disparaître, confondu avec les plis du cou. La bouche en devient alors, par la symétrie, centre de ce visage qui n'est plus le sien. Non, il n'y a plus mon père, ce n'est pas mon père qui est là, affaissé et méconnaissable. Il faut être fou pour tenter de renouer l'image de celui qui présidait à mon enfance avec ce morceau de viande molle et affaissée face à moi. Il n'a plus rien d'humain, il n'a plus rien d'une cible, il n'a plus rien d'un prédateur, il n'est qu'un support inerte où la vie grouillera de son impudence, son arrogance et son indifférence habituelle. Il n'est plus qu'un trésor qui retourne au giron de la terre pour être dévalisé et pris par qui de droit. Quel est donc ce masque, alors? Il n'y a rien que je reconnaisse là. Justement, il n'y a rien.

C'est la plus grande leçon de ma vie!

Ce ne sont pas les derniers mots de ce qui était mon père, c'est le silence qui me donne cette leçon.

Vide. Il est vide. Il ne paraît plus, il n'a plus l'arrogance de la vie, il est le dernier des derniers qui n'a plus de place aucune parmi ceux qu'il avait coutume de nommer les siens.

Ce n'est pas un masque de mort que ce tas difforme porte sur lui. Il a perdu tous les masques. Il n'est plus rien aux yeux de ceux qui passent, tels des fantômes près de lui en se signant et se frappant la poitrine. Ils ont honte. Honte de ce qui se présent à eux sans le masque du minimum de tenue sociale. Ils ont honte de moi, car j'observe le silence et le vide sans pudeur, sans peur, sans émotion aucune.

Ils sont là, tête baissée. Tellement prévisibles et connaissables. Tellement méprisables et plein de bruits. Ils sont grotesques dans leur ostentatoire peine qui n'en est pas. Ils ont honte. Ils ont peur que les autres voient leurs inefficaces efforts pour ressentir ce qui est de mise. Et ils se jaugent entre eux. Ils n'ont d'yeux que pour leurs voisins. Ils espionnent, ils copient les meilleurs. Ils érigent leurs idoles et les imitent pour gagner en assurance et reprendre du poil de la bête. A mes yeux, ils ne sont que mauvais gibier puant.

Est-ce cela la tristesse? On ne me demande pas si je suis triste. Chacun, apparemment, a un mode opératoire différent pour afficher sa tristesse. Pour autant savent-ils ce qu'elle est? Sont-ils triste pour cet ancien homme que la mort rend à la matière inerte? Non, ce n'est pas possible: un mort ne peut compatir à la tristesse affichée, un mort ne peut réagir à la tristesse mise à jour. Pourquoi sont-ils tristes? L'évocation de leurs souvenirs? Des souvenirs qui intégreraient l'individu qu'était mon géniteur? Mais pourquoi l'évocation de ces souvenirs bons et mauvais seraient déclencheurs de tristesse? N'ont-ils pas le pouvoir de les extraire de leur réalité? Peut-être est-ce ceci: ils sont triste de devoir constater que même leurs rêves de souvenirs n'efface plus la réalité? Déni. Orgueil. Vanité. Ils sont vils et me reprocheront de ne pas être des leurs.

Car aujourd'hui, j'ai compris la plus grande leçon de ma vie!

J'ai passé ma vie à vouloir faire partie du troupeau. J'ai réussi haut la main! Ce qu'on attend de moi est que je fasse comme tout le monde. Pour autant je sais ce que cache leur apparente chaleur. En mourant, ce tas de viande froide m'a confirmé que tout ceci n'était que cinéma, jeux d'acteurs et rôles plus ou moins bien joués. Faire semblant. Oublier même, ho! summum de l'art, qu'on fait semblant. Il n'y a que prédateur caché derrière les paupières de chacun. Un prédateur qui sommeille et qu'un autre croquera quand ce temps sera venu. Je suis en haut de la chaîne, car je n'éprouve pas la peur.

Mais maintenant je la connais, je la ressens, elle résonne et me saute aux yeux: tout le monde à peur et se cache. Ce mort n'éprouve plus cette peur, c'est pourquoi il leur fait honte: il est impudique. Il est nu, là où il avait l'habitude de se tenir caché.

Alors, je me lève, je quitte ce chevet froid, sincère et nu. Ils attendent de moi une dignité dont seule la fille de ce notable serait capable dans une telle circonstance. Malgré cela, je n'agis pas comme eux, alors ils me craignent. Ils font de moi un monstre qu'ils adulent et me haïssent. Je ne dois pas pleurer, cela ne sied pas à mon rang, pensent-ils. Je ne pleure pas parce qu'il n'y a que la terre qui ait besoin d'eau, et ce mort lui donnera sa part aujourd'hui. Inutile de dilapider ce qui ne doit pas être distribué en son temps. Il n'est pas le temps de pleurer.

Je suis une prédatrice riche et crainte, désirée et inaccessible. Un fruit vénéneux dont personne ne connaît le poison. Je sais que je les tiens tous au creux de ma paume. Rien de ce qu'ils font ne parvient à m'attendrir ou me faire pitié. La peur les atterrent. Croyant se battre pour la vie, ils ne font que se battre pour la mort, amassant un tas de babioles et d'êtres chers pour les rassurer.

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 471 messages
Forumeur confit,
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il y a une heure, Ambre Agorn a dit :

Il n'a plus rien d'humain, il n'a plus rien d'une cible, il n'a plus rien d'un prédateur, il n'est qu'un support inerte où la vie grouillera de son impudence, son arrogance et son indifférence habituelle.

Que de haine manifeste envers ce que vous désignez comme votre prédateur de père sur son lit de mort ?

Assurément ce père de son vivant, à dû vous faire souffrir au-delà de notre entendement raisonné et raisonnable ?

Votre message est infiniment triste à lire, aucune évocation du souvenir d’un instant joyeux et aimant entre vous et votre père dans votre enfance ?

C’est là que je mesure la chance que j’ai eu d’avoir été aimé par mes parents, comme le sont la grande majorité des parents envers leurs enfants.

Modifié par Enchantant
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Membre, Posté(e)
MelleNoir Membre 4 218 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
il y a 31 minutes, Enchantant a dit :

Que de haine manifeste envers ce que vous désignez comme votre prédateur de père sur son lit de de mort ?

Assurément ce père de son vivant, à dû vous faire souffrir au-delà de notre entendement raisonné et raisonnable ?

Votre message est infiniment triste à lire, aucune évocation du souvenir d’un instant joyeux et aimant entre vous et votre père dans votre enfance ?

C’est là que je mesure la chance que j’ai eu d’avoir été aimé par mes parents, comme le sont la grande majorité des parents envers leurs enfants.

Bonjour Enchantant,

Ne soyez pas trop sévère.

Moi je vois dans ce texte un bel hommage à  ce père,  l hommage d une fille qui se redresse et s élève  grâce  à  une force et une autorité nouvelle et un sentiment accru d autorité.  Tout à  l image que lui a enseigné ce père,  justement. 

C est sûrement  l hommage qu il aurait espèré avoir. Il a été dur pour atteindre son but et pour tomber ainsi en disgrâce. Ambre reconnaît par ce texte ses efforts mérités.

L esprit  et la vision d Ambre, prennent de l ampleur et de l energie grace à  l inversion du pouvoir de ce "père " disparu et indique juste la séparation definitive d avec lui et d avec tout ce qu il a été.

Modifié par MelleNoir
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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 471 messages
Forumeur confit,
Posté(e)
il y a 14 minutes, MelleNoir a dit :

Moi je vois dans ce texte un bel hommage à  ce père,

Curieux comme l’interprétation d’un même texte peut être reçu et compris différemment par les participants distanciés que nous sommes ?

Votre lecture est peut-être la bonne, comparée à la mienne ?

 

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Membre, 52ans Posté(e)
dbm27 Membre 1 449 messages
Mentor‚ 52ans‚
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Il y a 1 heure, Enchantant a dit :

Que de haine manifeste envers ce que vous désignez comme votre prédateur de père sur son lit de mort ?

Assurément ce père de son vivant, à dû vous faire souffrir au-delà de notre entendement raisonné et raisonnable ?

Votre message est infiniment triste à lire, aucune évocation du souvenir d’un instant joyeux et aimant entre vous et votre père dans votre enfance ?

C’est là que je mesure la chance que j’ai eu d’avoir été aimé par mes parents, comme le sont la grande majorité des parents envers leurs enfants.

Je vois pas comment tu peux lire l'expression de la haine vis à vis de son père.

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 471 messages
Forumeur confit,
Posté(e)
il y a 2 minutes, dbm27 a dit :

Je vois pas comment tu peux lire l'expression de la haine vis à vis de son père.

Bon...il semblerait que je ne sache pas très bien lire et comprendre ce que je lis ? 

Deux personnes pour me le signaler, cela fait beaucoup, il y a sans doute une part de vérité ?

Mais je ne promet pas faire des progrès de lecture, c'est trop tard, je suis trop vieux ! :D

 

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Membre, Posté(e)
le merle Membre 21 605 messages
Maitre des forums‚
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il y a 1 minute, Enchantant a dit :

Bon...il semblerait que je ne sache pas très bien lire et comprendre ce que je lis ? 

Deux personnes pour me le signaler, cela fait beaucoup, il y a sans doute une part de vérité ?

Mais je ne promet pas faire des progrès de lecture, c'est trop tard, je suis trop vieux ! :D

 

Bonjour

j'aime t'à logique .nous ne pouvons plaire à tout le monde ?bien sur , la raison se partage , mais la sensibilité est propre à chacun et nous somme tous différent sans en être coupable ?

Bonne journée

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Membre, 52ans Posté(e)
dbm27 Membre 1 449 messages
Mentor‚ 52ans‚
Posté(e)
il y a 8 minutes, Enchantant a dit :

Bon...il semblerait que je ne sache pas très bien lire et comprendre ce que je lis ? 

Deux personnes pour me le signaler, cela fait beaucoup, il y a sans doute une part de vérité ?

Mais je ne promet pas faire des progrès de lecture, c'est trop tard, je suis trop vieux ! :D

 

Si, des fois : tu as compris ma phrase. C'est un bon début, un pari pour l'avenir.

il y a 4 minutes, le merle a dit :

Bonjour

j'aime t'à logique .nous ne pouvons plaire à tout le monde ?bien sur , la raison se partage , mais la sensibilité est propre à chacun et nous somme tous différent sans en être coupable ?

Bonne journée

Ma sensibilité a vu dans le texte le récit d'un match de tennis. Est-ce propre à moi-même ?

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Membre, Posté(e)
MelleNoir Membre 4 218 messages
Maitre des forums‚
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Il y a 1 heure, Enchantant a dit :

Curieux comme l’interprétation d’un même texte peut être reçu et compris différemment par les participants distanciés que nous sommes ?

Votre lecture est peut-être la bonne, comparée à la mienne ?

 

Venant de moi, ce n était nullement une critique et vous le savez bien. Il n y a pas de bonne ou de mauvaise lecture à  faire.

C est parce que nos mots reagissent simplement à l image que nous ont transmis nos parents et ce qu ils ont été avec nous.

Souvent, même  lorsque les gens ou les choses qui nous ont empêchés  d avancer ont disparu , on peut rester bloqué  sur leur perte  parce qu on les craint encore .. Je trouve bien, qu Ambre ne freine pas son évolution et qu elle confronte tout ce qui pourrait l empêcher de poursuivre cette évolution en exprimant son ressenti sincère de l image qu elle avait de son père. . 

En fait, on ne peut pas lui reprocher de ne pas être hypocrite ! Au contraire c est même à  saluer et c est cela que j ai voulu exprimer.

 

Mais je vous comprends aussi, Enchantant, parce que personnellement je viens de perdre ma maman et l hommage que je lui ai rendu était à  l image de la maman aimante qu elle a toujours été et à  la hauteur de tout l amour que je lui portais en retour.

 

Bien à  vous.

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

Je me souviens d'avoir pensé la même chose pour mon grand père aussi sur son lit de mort.

Qu'il n'y avait pas de différence entre là son visage et à 10 centimètres le traversin sur lequel il était posé.

Il n'était pas plus dans ce visage, dans cette forme, que dans le traversin.

Il n'était plus là.

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Membre, 55ans Posté(e)
guernica Membre 22 528 messages
Maitre des forums‚ 55ans‚
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la mort de nos parents, c'est terrible.... On leur caresse tendrement le visage, mais ils sont froids, tellement froids, loin déjà très loin dans le néant ou peut être dans un ailleurs dont on a aucune idée. J'ai demandé au monsieur des pompes funèbres de mélanger leurs cendres, c'est ce qu'ils voulaient.

Modifié par guernica
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Membre, Conteuse aux fils d'argent, 95ans Posté(e)
Ludwige Membre 804 messages
Forumeur alchimiste ‚ 95ans‚ Conteuse aux fils d'argent,
Posté(e)

L'image de la mort m'a toujours terrifiée et j'ai mis beaucoup de temps pour oublier les images de mes parents sur leur dernière demeure 

Maintenant, je pense davantage que ce pourrait être pire si c'était l'un de mes enfants 

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 164 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 8 heures, Enchantant a dit :

Que de haine manifeste envers ce que vous désignez comme votre prédateur de père sur son lit de mort ?

Assurément ce père de son vivant, à dû vous faire souffrir au-delà de notre entendement raisonné et raisonnable ?

Votre message est infiniment triste à lire, aucune évocation du souvenir d’un instant joyeux et aimant entre vous et votre père dans votre enfance ?

C’est là que je mesure la chance que j’ai eu d’avoir été aimé par mes parents, comme le sont la grande majorité des parents envers leurs enfants.

Et bien alors! Enchantant, que vous arrive-t-il? Des problèmes de lunette sans doute, rien de plus.

En fait ce n'est pas mon histoire. Même si j'ai enterré mon père il n'y a pas si longtemps, ce n'est pas mon histoire que je raconte là. Mais l'histoire dont je suis dépositaire. Pourtant il y a quelques reflets de ce que j'ai écrit qui font écho en moi.

La personne dont je suis la dépositaire est une fille aimante, peut-être même celle qui aimait le plus son père. Si par aimer on entend comprendre, entendre et ne pas juger. Elle est atteinte, comme son père d'une forme de handicape: celui de ne pas connaître ou reconnaître ses émotions. Soit qu'elle n'en éprouve pas, soit qu'elle ne sait pas les éprouver comme le commun des mortels. Elle a douze ans et en semble 100, tellement elle est calme et sereine, tellement elle fait naître la haine, la gène et la honte sur son passage parce qu'elle n'est pas comme les autres. Son père était pareil, mais lui était méchant envers tout le monde sauf avec sa femme et sa fille unique. Je crois qu'entre eux il y avait une sorte de compréhension qui ne passait pas par des émotions, des mots ou des jugements. J'ai cru entendre que c'était la seule personne qu'elle arrivait à nommer "humain qu'elle aime".

Quand elle m'a racontée son histoire, je crois qu'elle me testait. Je suis une inconnue qui, pourtant, travaille comme si elle était d'un autre temps: je file la laine au rouet sur les marchés. Elle m'a provoqué et s'attendait peut-être à étudier la foule d'émotions qui devraient se dépeindre et être jouées à l'évocation de ce qu'elle m'a racontée. Mais rien. Je sais observer, parce que j'ai longtemps été réduite au silence. Alors j'ai tout de suite compris qu'elle n'appelait pas la pitié, la commisération ou quelque chose de jouissif dans l'évocation de souffrances.

Même si pour moi cela n'a pas été aussi froid et calme, j'ai ressenti des choses inconnues à la vue de mon père que personne ne voulait voir, car il a été défiguré par les services mortuaires. C'est vrai que j'ai pensé que ce n'était pas mon père ce truc répugnant et grotesque. J'ai combattu des choses contradictoires, j'ai douté de la sincérité de plusieurs personnes, car elles ne pouvaient pas sincèrement éprouver une véritable peine, donc c'était forcément un masque à porter dans de telles circonstances. Je déteste aussi entendre les gens qui disent: "je comprends" ou "si tu as besoin de parler je suis là, surtout n'hésite pas". Ils ne peuvent penser ce qu'ils disent, ils n'ont pas réfléchi comme moi à la conséquence des mots que l'on dit et l'adéquation véritable avec ce que l'on vit. C'est dans ces moments où la mort est à nos côtés que certaines choses sont difficiles à supporter.

Pour en revenir à cette fille, elle subit régulièrement des jugements à l'emporte pièce et se fait souvent traitée de monstre, parce qu'elle n'est pas comme tout le monde, même si elle fait des efforts pour paraître le plus ordinaire possible.

C'est un diamant cette fille que j'ai rencontré là!

Modifié par Ambre Agorn
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Membre, 55ans Posté(e)
guernica Membre 22 528 messages
Maitre des forums‚ 55ans‚
Posté(e)
il y a 8 minutes, Ambre Agorn a dit :

Et bien alors! Enchantant, que vous arrive-t-il? Des problèmes de lunette sans doute, rien de plus.

En fait ce n'est pas mon histoire. Même si j'ai enterré mon père il n'y a pas si longtemps, ce n'est pas mon histoire que je raconte là. Mais l'histoire dont je suis dépositaire. Pourtant il y a quelques reflets de ce que j'ai écrit qui font écho en moi.

La personne dont je suis la dépositaire est une fille aimante, peut-être même celle qui aimait le plus son père. Si par aimer on entend comprendre, entendre et ne pas juger. Elle est atteinte, comme son père d'une forme de handicape: celui de ne pas connaître ou reconnaître ses émotions. Soit qu'elle n'en éprouve pas, soit qu'elle ne sait pas les éprouver comme le commun des mortels. Elle a douze ans et en semble 100, tellement elle est calme et sereine, tellement elle fait naître la haine, la gène et la honte sur son passage parce qu'elle n'est pas comme les autres. Son père était pareil, mais lui était méchant envers tout le monde sauf avec sa femme et sa fille unique. Je crois qu'entre eux il y avait une sorte de compréhension qui ne passait pas par des émotions, des mots ou des jugements. J'ai cru entendre que c'était la seule personne qu'elle arrivait à nommer "humain qu'elle aime".

Quand elle m'a racontée son histoire, je crois qu'elle me testait. Je suis une inconnue qui, pourtant, travaille comme si elle était d'un autre temps: je file la laine au rouet sur les marchés. Elle m'a provoqué et s'attendait peut-être à étudier la foule d'émotions qui devraient se dépeindre et être jouées à l'évocation de ce qu'elle m'a racontée. Mais rien. Je sais observer, parce que j'ai longtemps été réduite au silence. Alors j'ai tout de suite compris qu'elle n'appelait pas la pitié, la commisération ou quelque chose de jouissif dans l'évocation de souffrances.

Même si pour moi cela n'a pas été aussi froid et calme, j'ai ressenti des choses inconnues à la vue de mon père que personne ne voulait voir, car il a été défiguré par les services mortuaires. C'est vrai que j'ai pensé que ce n'était pas mon père ce truc répugnant et grotesque. J'ai combattu des choses contradictoires, j'ai douté de la sincérité de plusieurs personnes, car elles ne pouvaient pas sincèrement éprouver une véritable peine, donc c'était forcément un masque à porter dans de telles circonstances. Je déteste aussi entendre les gens qui disent: "je comprends" ou "si tu as besoin de parler je suis là, surtout n'hésite pas". Ils ne peuvent penser ce qu'ils disent, ils n'ont pas réfléchi comme moi à la conséquence des mots que l'on dit et l'adéquation véritable avec ce que l'on vit. C'est dans ces moments où la mort est à nos côtés que certaines choses sont difficiles à supporter.

Pour en revenir à cette fille, elle subit régulièrement des jugements à l'emporte pièce et se fait souvent traitée de monstre, parce qu'elle n'est pas comme tout le monde, même si elle fait des efforts pour paraître le plus ordinaire possible.

C'est un diamant cette fille que j'ai rencontré là!

pourquoi les gens la qualifient-elle de monstre ? Parce qu'elle ne montre pas ses sentiments, qu'elle ne pleure pas aux enterrements ? Ou parce qu'effectivement elle a un problème d'autisme ou d'asperger,  par exemple ? Dans un village ou une petite ville, ça doit être difficile à vivre.

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 471 messages
Forumeur confit,
Posté(e)
il y a 31 minutes, Ambre Agorn a dit :

En fait ce n'est pas mon histoire. Même si j'ai enterré mon père il n'y a pas si longtemps, ce n'est pas mon histoire que je raconte là. Mais l'histoire dont je suis dépositaire.

Vous avez incontestablement des qualités d’écrivaine, je pense sans à doute tort que les personnes qui écrivent s’épanchent sur leur propre ressentiment ou ressenti, comme je peux le faire moi-même lorsque j’interprète un texte, sans imaginer un seul instant que ces écrits peuvent être complètement fictionnel ou le produit de l’imagination de son auteure.

Je ne suis pas écrivain, ni poète, un peu brut de décoffrage tout simplement, ceci explique peut-être cela ?

Mais sachez je n’avais aucune intention de vous froisser ou de vous faire de la peine avec ma réaction au premier degré de votre description.

J’ai bien conscience que le monde serait très ennuyeux et tristounet, si nous étions tous fabriqué dans le même moule.

Amitiés,

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 164 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 8 heures, MelleNoir a dit :

Bonjour Enchantant,

Ne soyez pas trop sévère.

Moi je vois dans ce texte un bel hommage à  ce père,  l hommage d une fille qui se redresse et s élève  grâce  à  une force et une autorité nouvelle et un sentiment accru d autorité.  Tout à  l image que lui a enseigné ce père,  justement. 

C est sûrement  l hommage qu il aurait espèré avoir. Il a été dur pour atteindre son but et pour tomber ainsi en disgrâce. Ambre reconnaît par ce texte ses efforts mérités.

L esprit  et la vision d Ambre, prennent de l ampleur et de l energie grace à  l inversion du pouvoir de ce "père " disparu et indique juste la séparation definitive d avec lui et d avec tout ce qu il a été.

Tu es gentille et délicate!

Je suis touchée par ta capacité à vouloir voir quelque chose de beau.

Merci

Il y a 6 heures, MelleNoir a dit :

Venant de moi, ce n était nullement une critique et vous le savez bien. Il n y a pas de bonne ou de mauvaise lecture à  faire.

C est parce que nos mots reagissent simplement à l image que nous ont transmis nos parents et ce qu ils ont été avec nous.

Souvent, même  lorsque les gens ou les choses qui nous ont empêchés  d avancer ont disparu , on peut rester bloqué  sur leur perte  parce qu on les craint encore .. Je trouve bien, qu Ambre ne freine pas son évolution et qu elle confronte tout ce qui pourrait l empêcher de poursuivre cette évolution en exprimant son ressenti sincère de l image qu elle avait de son père. . 

En fait, on ne peut pas lui reprocher de ne pas être hypocrite ! Au contraire c est même à  saluer et c est cela que j ai voulu exprimer.

 

Mais je vous comprends aussi, Enchantant, parce que personnellement je viens de perdre ma maman et l hommage que je lui ai rendu était à  l image de la maman aimante qu elle a toujours été et à  la hauteur de tout l amour que je lui portais en retour.

 

Bien à  vous.

 

C'est vrai ce que vous dites: nous réagissons aux mots comme nous avons appris à réagir. Autrement dit, les mots éveillent en nous différentes choses.

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 164 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 5 heures, Blaquière a dit :

Je me souviens d'avoir pensé la même chose pour mon grand père aussi sur son lit de mort.

Qu'il n'y avait pas de différence entre là son visage et à 10 centimètres le traversin sur lequel il était posé.

Il n'était pas plus dans ce visage, dans cette forme, que dans le traversin.

Il n'était plus là.

J'ai éprouvé ce genre de chose à l'enterrement de ma grand mère quand j'avais 8ans. Je ne la connaissais pas. Je ne l'avais vue que deux fois dans ma vie. J'ai été beaucoup plus touchée et effarée par la tête des gens, l'ambiance qu'il y avait. Et les gens venaient me dire qu'ils comprenaient ma peine. Et j'avais peur qu'ils me gronde parce que je ne pleurais pas, parce que je n'aurais pas fait comme il était attendu que je fasse.

il y a 47 minutes, guernica a dit :

pourquoi les gens la qualifient-elle de monstre ? Parce qu'elle ne montre pas ses sentiments, qu'elle ne pleure pas aux enterrements ? Ou parce qu'effectivement elle a un problème d'autisme ou d'asperger,  par exemple ? Dans un village ou une petite ville, ça doit être difficile à vivre.

Je suppose que la vie n'est pas rose quand les autres voient une personne différente, trop différente pour être acceptée. Je ne sais pas si elle est autiste ou autre. La seule chose qu'elle m'ait dite c'est qu'elle n'avait jamais éprouvé de peur et qu'elle n'avait presque rien ressenti quand son père est mort. "Je suis un monstre" a-t-elle dit. Mais était-ce pour avoir mon avis, ou le croyait-elle vraiment?

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 164 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
il y a 25 minutes, Enchantant a dit :

Vous avez incontestablement des qualités d’écrivaine, je pense sans à doute tort que les personnes qui écrivent s’épanchent sur leur propre ressentiment ou ressenti, comme je peux le faire moi-même lorsque j’interprète un texte, sans imaginer un seul instant que ces écrits peuvent être complètement fictionnel ou le produit de l’imagination de son auteure.

Je ne suis pas écrivain, ni poète, un peu brut de décoffrage tout simplement, ceci explique peut-être cela ?

Mais sachez je n’avais aucune intention de vous froisser ou de vous faire de la peine avec ma réaction au premier degré de votre description.

J’ai bien conscience que le monde serait très ennuyeux et tristounet, si nous étions tous fabriqué dans le même moule.

Amitiés,

Pas de problèmes, Enchantant!

Il n'y a sans aucun doute certaines choses qui m'ont été faciles à dire ou décrire parce que je connais ou reconnais ces choses: vous avez sans doute raison. Même si c'était l'histoire d'une autre, mes mots, ma sensibilité, mon vécu s'y sont infusés. Je l'ai racontée parce qu'elle m'a touchée. Où? Peut-être serait-ce impudique ou pas le lieu pour le dire!?

Je crois qu'on est tous un peu poète, un peu artiste, un peu quelque chose. C'est juste que ça sort différemment pour les uns et pour les autres.

Je ne suis nullement froissée...d'autant que je ne me sens pas vraiment visée!

Mais je vous sais grée d'avoir dit ce que vous en pensiez: ceci est précieux à mes yeux.

Amicalement

Il y a 5 heures, Ludwige a dit :

L'image de la mort m'a toujours terrifiée et j'ai mis beaucoup de temps pour oublier les images de mes parents sur leur dernière demeure 

Maintenant, je pense davantage que ce pourrait être pire si c'était l'un de mes enfants 

A la mort de mon père, mon grand-père était là pour enterrer son fils unique.

Le doigt de la mort fait des traces qu'on a du mal à prévoir...

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Membre, 55ans Posté(e)
guernica Membre 22 528 messages
Maitre des forums‚ 55ans‚
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il y a 15 minutes, Ambre Agorn a dit :

J'ai éprouvé ce genre de chose à l'enterrement de ma grand mère quand j'avais 8ans. Je ne la connaissais pas. Je ne l'avais vue que deux fois dans ma vie. J'ai été beaucoup plus touchée et effarée par la tête des gens, l'ambiance qu'il y avait. Et les gens venaient me dire qu'ils comprenaient ma peine. Et j'avais peur qu'ils me gronde parce que je ne pleurais pas, parce que je n'aurais pas fait comme il était attendu que je fasse.

Je suppose que la vie n'est pas rose quand les autres voient une personne différente, trop différente pour être acceptée. Je ne sais pas si elle est autiste ou autre. La seule chose qu'elle m'ait dite c'est qu'elle n'avait jamais éprouvé de peur et qu'elle n'avait presque rien ressenti quand son père est mort. "Je suis un monstre" a-t-elle dit. Mais était-ce pour avoir mon avis, ou le croyait-elle vraiment?

c'est elle, elle est en pleine crise d'adolescence et c'est terrible de perdre son père à ce moment là

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