Aller au contenu

"Qu'est-ce que la connerie, madame ?"

Noter ce sujet


Exo7

Messages recommandés

Membre, 101ans Posté(e)
Exo7 Membre 874 messages
Mentor‚ 101ans‚
Posté(e)

Le feu allait passer au rouge. Je m'engageai sur la chaussée de la rue Gay-Lussac en courant. Une jeune femme à lunettes me héla. Moment d'hésitation. Il s'en est fallut de peu que je me fasse renverser par une voiture. Je m'en souviendrai : c'était le jour des morts.

 

- Excusez-moi, me dit la dame. Mais c'est une chance pour moi de vous rencontrer. Je suis assistante à l'université de (...). Mes étudiants m'ont posé une question qui m'a déroutée : "Qu'est-ce que l'intelligence ?" Qu'auriez-vous répondu à ma place ? 

- Ce serait très long à dire. Mais d'abord une autre question, madame : qu'est-ce que la connerie ? 

- Vous êtes grossier, monsieur, qu'est-ce qui vous permet cette impertinence ? 

- Je ne voulais pas vous offenser. Et ma question est pertinente. En inversant, apparemment, la question de vos étudiants, mon but est de faire éclairer la notion d'intelligence, trop globale, en somme d'élever le débat...

- Je ne vois pas comment ?

- Vous admettez qu'on peut-être à la fois con et intelligent ? Les deux mots ne sont pas du même registre. Quand on dit de quelqu'un qu'il est intelligent, on fait référence, d'habitude, à ses capacités d'abstraction, à la logique de ses raisonnements... Ce qui n'exclut pas la connerie. Alors, si le contraire de la connerie, ce n'est pas la logique, l'intelligence académique qu'est-ce que c'est ? 

- Je commence à saisir. Vous voulez dire sans doute qu'il y a plusieurs façons d'être intelligent. Mais avez-vous une réponse à votre question ? 

- Un début de réponse, oui. J'ai entrepris jadis une recherche sur la connerie. Les résultats étaient très encourageants. Et puis les volontaires pour constituer la population d'expérience, c'est pas ça qui manque. C'est le temps qui m'a fait défaut. Alors j'ai espéré qu'un de mes élèves s'emparerait de mon idée, de mon projet. Un beau sujet de thèse ! Eh bien, non ! Ma proposition les mettait mal à l'aise... Le sujet manquait de respectabilité... Et la notion en question, ils la voyaient mal comme un objet de science. Il y a comme ça un tas d'objets qui courent les rues et que les psychologues laissent filer.

- ça commence à m'intéresser. Je me suis préoccupée jusqu'à maintenant du processus de résolution des problèmes. Vous voyez... le cognitivisme. Passer du cognitivisme à la "con...", ça m'ouvrirait des horizons. Vous accepteriez de diriger ma thèse là dessus ?...

- Je ne suis pas certain qu'un tel sujet vous convienne... Il y a un recul à prendre. Et puis vous savez que je suis à la retraite. Mon espérance de vie est limitée. Mieux vaut prendre quelqu'un qui ait le temps de survivre à votre travail : ça risque d'être long.

- Vous êtes déjà à la retraite ? ça m'étonne...

- Pourquoi, ça n'y paraît pas ? 

-... Non... et puis j'étais sûre que vous étiez encore en activité, et puis vous avez traversé la rue avec tant de vélocité.

- C'était une fuite en avant. Et d'ailleurs tout le monde a l'air plus jeune que son âge, c'est bien connu.

- Oui, on dit ça. 

- Mais pourquoi la question de vos étudiants vous a-t-elle perturbée ? 

- Parce que je venais de lire l'interview du Pr. Changeux, ou il disait que l'intelligence n'est pas un mot scientifique.

- Alors en fin de compte, qu'avez-vous répondu à vos étudiants ? 

- Je leur ai donné plusieurs réponses. Je leur ai d'abord dit que l'intelligence, c'est la faculté d'adaptation. 

- On n'est pas beaucoup plus avancé. La notion d'adaptation est aussi vague que la notion d'intelligence. 

- Oui, alors je leur ai proposé aussi la définition attribuée à Binet : l'intelligence, c'est ce que mesurent mes tests.

- Qu'est-ce qu'ils ont dit, vos étudiants ? 

- Ils ont rigolé... 

- Et ça s'est terminé là ? 

- Non, je leur ai conseillé de vous lire. 

- De me lire ? Mais quoi exactement. 

- Votre manuel qui est vraiment excellent. Votre Psychologie est notre ouvrage de base, notre bible.

- Mais cet ouvrage n'est pas de moi ! il est de Maurice Reuchlin...

- Ah ! vous n'êtes pas Maurice Reuchlin ? 

- Non, je suis pas Maurice Reuchlin, pas du tout... 

Nouveau choc pour cette pauvre dame. Elle me prie de l'excuser. Je lui dis qu'il n'y a pas de quoi. Elle reste comme pétrifiée à la station du 38 où nous sommes parvenus. Mon autobus arrive. Je ne sais plus si je lui ai dit mon nom en la quittant. 

 

René Zazzo. Où en est la psychologie de l'enfant ? (folio.)

R. Zazzo, collaborateur du professeur Henri Wallon et son successeur en 1950 à la direction du Laboratoire de psychobiologie de l'enfant. Ses recherches personnelles sur les jumeaux se présentent comme une méthode de portée générale pour l'analyse des processus d'individualisation. Il met en évidence que les jumeaux, biologiquement identiques et élevés dans le même milieu, sont psychologiquement différents.  Ainsi l'hérédité et les facteurs de milieu n'expliquent pas à eux seuls la formation de la personnalité. 

La vie en commun donne aux deux partenaires des rôles complémentaires : c'est l'effet de couple, révélé par les jumeaux, qui joue aussi bien pour les non-jumeaux, pour n'importe quel couple. 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 15 615 messages
Forumeur confit,
Posté(e)
il y a 43 minutes, Exo7 a dit :

Le feu allait passer au rouge. Je m'engageai sur la chaussée de la rue Gay-Lussac en courant.

Ce que je trouve comique chez certains, c’est l’art consistant systématiquement à inverser la réalité des faits, en leur faveur bien entendu.

Une femme à lunette pose une question tout à fait pertinente que nous pourrions traiter ici sur le forum en toute simplicité :  Qu’est-ce que l’intelligence ?

Un con s’engage en courant sur la chaussée au moment ou le feu tricolore va basculer au risque de se faire renverser !

Pour ma part la connerie n’est pas chez cette dame à lunette…je regrette profondément ! :D

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 75ans Posté(e)
hybridex Membre 8 333 messages
Maitre des forums‚ 75ans‚
Posté(e)
il y a 48 minutes, Enchantant a dit :

Ce que je trouve comique chez certains, c’est l’art consistant systématiquement à inverser la réalité des faits, en leur faveur bien entendu.

Une femme à lunette pose une question tout à fait pertinente que nous pourrions traiter ici sur le forum en toute simplicité :  Qu’est-ce que l’intelligence ?

Un con s’engage en courant sur la chaussée au moment ou le feu tricolore va basculer au risque de se faire renverser !

Pour ma part la connerie n’est pas chez cette dame à lunette…je regrette profondément ! :D

Je te sens une vocation de spécialiste en connerie différentielle, il y  du taf.

@Exo7 cite René Zazzo qui fait référence à Maurice Reuchlin et les deux sont des spécialistes en Psychologie différentielle

Connerie et intelligence sont anti symétriques par rapport au discours et à la pratique:

Il est très difficile de discourir sur la connerie sans pratiquer en même temps

Il est très facile au contraire de discourir sur l'intelligence sans pratiquer en même temps

  • Like 1
  • Haha 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 57ans Posté(e)
lysiev Membre 8 465 messages
Maitre des forums‚ 57ans‚
Posté(e)

Les temps  changent avant c'était un inconnu vous offre des fleurs et maintenant c'est une inconnue vous pose des questions philosophiques.:laugh:

Voilà un exemple de connerie , je peux en dire d'autres , c'est facile :D

  • Haha 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 101ans Posté(e)
Exo7 Membre 874 messages
Mentor‚ 101ans‚
Posté(e)

"En m'intéressant à la connerie, je ne fais donc pas exception à la règle. C'est elle qui me frappe, avant même de savoir exactement ce qu'elle est, et en sachant encore moins ce qui pourrait être son contraire. 

Cependant la question m'est présente à l'esprit puisque j'affirme au départ que son contraire n'est pas l'intelligence logique ou celle qu'on mesure avec les tests habituels. En somme c'est une autre dimension, une autre forme d'intelligence que je cherche.

Pour ce faire, j'ai utilisé la technique du témoignage.

J'ai adressé à une centaine de personnes (psychiatres, médecins, psychologues du centre Sainte-Anne dont fait partie l'hôpital Henri-Rousselle où je travaillais) une liste d'environ 120 noms comprenant les 100 destinataires et, en plus, une vingtaine de personnalités du petit monde de la psychiatrie parisienne.

Le travail demandé était simple : il s'agissait pour chaque répondant de cocher d'une croix le nom d'une personne qu'il considérait comme c... Dans mon questionnaire, le mot était évidemment écrit en toutes lettres et j'expliquais en quelques lignes le but très "scientifique" de mon enquête (détecter une forme d'inintelligence envisagée jadis par un psychiatre français, Chaslin, et que les travaux de Binet avaient rejetée dans l'ombre).

J'aurais un total anonymat des répondants, et je prenais l'engagement de ne jamais publier le palmarès de ce concours.

 

La quasi totalité des questionnaires me fut retournée avec des croix plus ou moins nombreuses. 

Deux résultats sautaient aux yeux : d'abord une très jolie distribution des suffrages : une courbe en J. Quatre ou cinq noms étaient crédités de croix par plus de 85 % des votants. Puis il y avait un rapide dégradé.

Mais aussi cette constatation moins attendue : aucun nom, je dis bien aucun, n'était exempt de croix.

En bref chacun de nous est le con de quelqu'un. Moi même aussi, bien entendu, mais comme j'ai promis le top-secret, je ne donnerai pas mon score. " 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 15 615 messages
Forumeur confit,
Posté(e)
il y a une heure, hybridex a dit :

Je te sens une vocation de spécialiste en connerie différentielle,

Je l'ignorais complètement...mais cela fait plaisir d'être reconnu par ses pairs ! :D

  • Haha 3
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 76ans Posté(e)
G2LLOQ Membre 20 776 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)
il y a 23 minutes, Enchantant a dit :

Je l'ignorais complètement...mais cela fait plaisir d'être reconnu par ses pairs ! :D

Et moi , je ne suis pas dans le groupe de tète  ?         il groupetto  dans le giro d'Italie !

  • Haha 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 101ans Posté(e)
Exo7 Membre 874 messages
Mentor‚ 101ans‚
Posté(e)

"Les évidences viennent avec l'âge, l'une après l'autre, et quand elles se sont installées, nous ne pouvons pas imaginer qu'il fut un temps où elles n'étaient pas, puisque justement elles sont des évidences. 

Avant les découvertes de la psychologie, vous et moi n'en savions rien, ou le devinions à peine. Et combien d'adultes, parents et maîtres n'en savent toujours rien ? 

Il faudrait en tirer toutes les conséquences au point de vue pédagogique. Il faudrait que chaque maître comprenne bien que ce qui est évidence pour lui ne l'est pas encore pour son élève. Notamment quand il enseigne les maths, ces vérités hors du temps, mais pas seulement.

En conclusion de tout cela

L'image que nous avions naguère de l'enfant (et qui règne encore dans l'esprit de la plupart des gens) s'est ouverte. Je ne sais pas quelle serait la moins mauvaise métaphore pour exprimer cette transformation : une anamorphose, le déploiement d'un éventail ? 

En fait : l'enfant est beaucoup plus précoce qu'on ne le pensait pour tout ce qui est réception, assimilation des données du monde extérieur, physique et humain, bref pour son adaptation et son autonomie dans le présent ; et beaucoup plus tardif pour tout ce qui est du domaine des évidences logiques, et pour ces constructions spécifiquement humaines par lesquelles s'élabore le dédoublement mental de soi et du monde.

Je tiens enfin à faire remarquer que la quasi-totalité des recherches qui ont abouti à cette découverte n'avaient aucune intention d'ordre utilitaire. En un temps où l'on insiste sur la rentabilité de la recherche, sur la professionnalisation de nos universités, il faut clamer bien fort le droit à la recherche inutile, et pour les sciences humaines peut-être plus que pour les sciences dites exactes.

Il n'est évidemment pas question de nier la nécessité de rentabilité en certains domaines, ou de considérer que toute recherche est honorable pourvu qu'elle soit désintéressée..."

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 101ans Posté(e)
Exo7 Membre 874 messages
Mentor‚ 101ans‚
Posté(e)

"L'intelligence signifiait adaptation avec son double mouvement d'accommodation et d'assimilation au réel, on en a conclu (voir Piaget notamment) que le raisonnement, que la logique est le processus d'adaptation par excellence.

C'est ce que Reuchlin a récusé. S'il fallait suivre les longs chemins du raisonnement chaque fois que nous avons à réagir en vitesse, nous y risquerions notre vie.

Quand j'ai traversé la rue Gay-Lussac, en regardant les voitures qui arrivaient à ma droite, et en anticipant le passage du feu vert au feu rouge, j'ai mobilisé mes habitudes, mes intuitions perspectives, mes réflexes et pas du tout mes capacités de raisonnement : si j'avais entrepris un calcul qui fasse intervenir la distance de la voiture et sa vitesse, la largeur de la rue et ma propre vitesse à la traverser, je serais resté sur le bord du trottoir ou retrouvé au milieu de la chaussée en piteux état. Sauf rares exceptions, le raisonnement n'est pas adaptation.

Déjà en abordant la créativité ou pensée divergente, en analysant les ressorts de l'humour, en nous interrogeant sur la connerie, nous larguons plus ou moins les amarres de la logique. Mais si la connerie, comme le prétend Romain Gary par la bouche de M. Cohn, est la plus grande puissance spirituelle de tous les temps, si elle est partout présente, pourquoi ne pas l'englober en une approche plus vaste de nos conduites réelles ? 

Ce que Reuchlin évoque, me semble-t-il, quand il parle d'intelligence de réalisation, et que je désignerais plus humblement, en attendant de savoir comment ça fonctionne, comme intelligence quotidienne

Mais par quel bout la prendre ? Une réponse m'a été fournie dans un ouvrage de J.P Vernant et Marcel Detienne, publié voici quelques (dizaines) d'années : Par les conduites de ruse

Voilà donc un autre objet, nouveau pour la psychologie, mais aussi vieux que le monde : l'intelligence rusée, avec sa déesse jusqu'alors ignorée de moi, Mètis."(Les Ruses de l'intelligence. La Mètis des Grecs - Flammarion, 1974.)

 

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 75ans Posté(e)
hybridex Membre 8 333 messages
Maitre des forums‚ 75ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, Exo7 a dit :

Quand j'ai traversé la rue Gay-Lussac, en regardant les voitures qui arrivaient à ma droite, et en anticipant le passage du feu vert au feu rouge, j'ai mobilisé mes habitudes, mes intuitions perspectives, mes réflexes et pas du tout mes capacités de raisonnement : si j'avais entrepris un calcul qui fasse intervenir la distance de la voiture et sa vitesse, la largeur de la rue et ma propre vitesse à la traverser, je serais resté sur le bord du trottoir ou retrouvé au milieu de la chaussée en piteux état. Sauf rares exceptions, le raisonnement n'est pas adaptation.

Dans l'instantané c'est vrai, mais le skieur qui connaitra le physique de ses trajectoires deviendra plus performant qu'un autre, celui qui aura échappé de justesse à l'accident lors d'une traversée de la rue Gay-Lussac, aura réfléchi aux causes et aux moyens de se protéger saura traverser de façon sure même dans des situations où l'irréfléchi risquerait sa vie.

L'intelligence du quotidien, c'est au moins pour une part, la capacité à engranger, par le raisonnement, l'acquis d'expériences anciennes, suffisamment intégré pour ne plus solliciter la reflexion.

Pour  laisser un enfant traverser seul la rue Gay-Lussac, sans la moindre surveillance on attend qu'il ait atteint une maturité suffisante, qu'il ne fonce pas uniquement à l'instinct

Il n'y a pas plus fallacieux et piégeux que l'évidence, c'est, par exemple, une notion que les maths refusent dès qu'elles veulent être un peu rigoureuses. Le prof de math que tu donnes en exemple n'est pas plus un vrai mathématicien qu'un pédagogue.

Le rapport de l'intelligence avec la logique est un rapport complexe car un cerveau humain n'est pas une machine logique, c'est à dire, une machine dont le fonctionnement est régi par la logique formelle comme un ordinateur. Un cerveau est capable de logique ce qui est tout à fait différent

Au contraire d'une machine purement logique, un esprit humain supporte des contradictions internes et c'est indispensable pour sa survie car ses compréhensions partielles du monde ne peuvent pas être complètement cohérentes entre elles et il doit s'en accomoder.

Face à de telles incohérence, un ordinateur ne faisant appel qu'à la logique plante. Les "intelligences artificielles" sont programmées de telle sorte, qu'elles intègrent  l'illogisme. Mais, du coup, ces machines, sont dépourvues de toute capacité de détection de leurs illogismes, elles ne savent jamais dans quelle mesure elles ont raison.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 101ans Posté(e)
Exo7 Membre 874 messages
Mentor‚ 101ans‚
Posté(e)

Le sujet porte sur l'histoire du développement de l'intelligence et de son relais le développement de l'expérience... pas sur l'AI ni sur les romans de San Antonio.

"Les fondateurs de la psychologie moderne : Wallon, Gesell, Piaget, ont tous enseigné à René Zazzo que rien ne pouvait être déduit de manière dogmatique et que, dans le domaine des sciences tout dépend aussi de l'expérience.

Ainsi nous fait-il comprendre, avec simplicité et humour, à quel point les découvertes récentes (enfin on est dans les années 80 pour avoir un recul suffisant) modifient en profondeur l'image que nous avons de l'homme."

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

  • 2 mois après...
Membre, 101ans Posté(e)
Exo7 Membre 874 messages
Mentor‚ 101ans‚
Posté(e)

Facteur de développement parmi d'autres, le milieu peut-il engendrer des enfants exceptionnels au sens anglo-saxon du terme, c'est-à-dire des enfants arriérés ? (Mais on peut tout aussi bien l'entendre dans le sens laudatif - les prétendus "surdoués" - et se poser à leur propos la même question).

Partons de quelques constats bruts, mais d'abord, précisons quelques notions clés. Le terme de milieu défavorisé est évidemment relatif. C'est question de degré et aussi question de nature.

Question de degré : en un même pays, en une même société, on peut observer toute une graduation des milieux défavorisés, sans solution de continuité avec les milieux plus ou moins privilégiés. Mais quel est le critère de la hiérarchie ? Économique, culturel ? Pour savoir si le milieu agit sur le développement intellectuel de l'enfant, et comment, il faut identifier les facteurs éventuels de cette action. Ils peuvent être multiples et différents.

Dans nos pays où la malnutrition a pratiquement disparu (quoique !), ce qui distingue un milieu défavorisé d'un milieu privilégié, c'est principalement le niveau culturel des parents. Dans la plupart des pays du Tiers Monde, le critère du culturel serait dérisoire lorsqu'on sait que 15 millions d'enfants y meurent avant leur cinquième anniversaire, par manque de soins et de nourriture.

 

Le problème de la débilitation, tant mentale que physique, se pose donc tout autrement chez eux que chez nous. 

Retenons donc cette notion : au dessous d'un certain niveau de vie, les facteurs "sociaux" du développement intellectuel de l'enfant sont d'abord d'ordre économique, c'est-à-dire au plan individuel d'ordre physiologique.

Chez nous il y a sans doute une corrélation entre le niveau culturel et le niveau économique, mais celui-ci a dépassé , en général, la barre de la malnutrition. Alors la richesse relative des milieux se définit en termes de culture.

Une preuve frappante : à revenus familiaux égaux, les enfants d'instituteurs ont un développement intellectuel plus rapide (ce qu'exprime le fameux QI) que les enfants d'ouvriers. Pour expliquer cette différence, il n'y a pas lieu d'invoquer des facteurs de nutrition ou des facteurs d'hérédité, mais tout simplement les stimulants d'ordre culturel. L'intelligence se nourrit d'intelligence...

 

Très rarement, la pauvreté socioculturelle ne saurait, à elle seule, déterminer une arriération sévère, mais elle peut jouer comme facteur secondaire. 

Considérons par hypothèse deux jumeaux identiques, médiocrement doués au sens génétique du terme. On les sépare. L'un est élevé dans un milieu riche culturellement, l'autre dans un milieu pauvre. Le premier, favorisé, se développera par exemple avec un QI de 85, l'autre avec un QI de 70, c'est-à-dire dans la zone de débilité.

Pour deux autres jumeaux, séparés eux aussi, et placés dans des milieux semblables à ceux de l'exemple précédent, le premier pourrait atteindre un QI de 120 et l'autre de 90 si leur patrimoine génétique est de richesse moyenne. 

Dans ce cas-là, le moins favorisé des deux échapperait, et de loin, à l'arriération mentale malgré la pauvreté culturelle de son milieu.

 

Pour ce qui est des Tests. Quelque soit le test, verbal ou non verbal, de raisonnement ou d'intelligence pratique, la différence de milieu engendre une différence de performances, et toujours dans le même sens. 

Les tests ne créent pas la différence, mais ils l'objectivent et du même coup ils dénoncent les méfaits des inégalités familiales qu'une école mieux organisée, qu'une éducation mieux éclairée devrait combattre et réduire !!

Il faut qu'on se mette bien dans la tête qu'à partir de la donnée initiale, génétique, variable d'un enfant à l'autre, mais non d'un milieu social à l'autre, l'individu édifie son intelligence (en toutes ses formes) avec les matériaux que lui fournit son milieu, avec les nourritures culturelles qu'il ingère, qu'il assimile d'âge en âge. 

L'intelligence n'est pas un objet que l'enfant porte en lui dès sa naissance et qui se révélerait, qui s'épanouirait comme une fleur japonaise. Elle est une construction, une création. Il ne faut pas se bercer de l'illusion que derrière les apparences d'une intelligence médiocre ou débile, il y a une intelligence qui sommeille et qu'une épreuve indépendante de la culture pourrait découvrir.

Il n'y a rien à découvrir au delà de ce qui a été construit.

Sauf pour des sujets victimes d'un blocage affectif à un moment donné, la notion d'un potentiel psychologique est un leurre. Le potentiel, s'il a un sens, est d'ordre cérébral, héréditaire.

Mais il ne faut confondre les conditions d'existence de l'intelligence (ici le patrimoine génétique) avec l'intelligence elle-même. Celle-ci n'existe que dans la mesure où elle s'est faite. Elle n'est que ce qu'elle est, telle qu'elle s'exprime dans les conduites de l'enfant, dans les tests qui en fournissent un échantillon.

Amen...

Modifié par Exo7
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 72ans Posté(e)
Anna Purna Membre 884 messages
Mentor‚ 72ans‚
Posté(e)
Le 09/02/2023 à 21:55, hybridex a dit :

Dans l'instantané c'est vrai, mais le skieur qui connaitra le physique de ses trajectoires deviendra plus performant qu'un autre, celui qui aura échappé de justesse à l'accident lors d'une traversée de la rue Gay-Lussac, aura réfléchi aux causes

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/04/25/cerveau-comment-nos-mouvements-influencent-nos-etats-mentaux-et-reciproquement_6170971_1650684.html

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 75ans Posté(e)
hybridex Membre 8 333 messages
Maitre des forums‚ 75ans‚
Posté(e)
Le 21/04/2023 à 00:02, Exo7 a dit :

Il n'y a rien à découvrir au delà de ce qui a été construit.

Sauf pour des sujets victimes d'un blocage affectif à un moment donné, la notion d'un potentiel psychologique est un leurre. Le potentiel, s'il a un sens, est d'ordre cérébral, héréditaire.

Tout est dit dans le "sauf" car on ne peut dissocier les émotions et les compétences rationnelles qui influent très fortement l'une sur l'autre aussi bien positivement que négativement

C'est ce qui fait que chacun de nous surexploite ou sous exploite préférentiellement différentes compétences qu'il exprime plus ou moins selon le contexte

Ce qui a été construit n'est pas uniquement ce qui se révèle, loin de là et la construction n'est jamais achevée

On a une célèbre actrice qui passe pour intello et dont la scolarité c'est terminée dans une filière pour déficients intellectuels

Dans un contexte bien sécurisé j'ai fait découvrir et valider leurs capacités de passage à l'abstraction à des OS en usine qui avaient tous vécu l'échec scolaire

Peut-être que ce qui différencie le plus l'homme du reste du règne animal c'est sa capacité à toujours évoluer dans la durée, contrairement à un chien par exemple dont on dit que l'éducation doit impérativement se faire dans sa première année.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Rejoindre la conversation

Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

Chargement
×