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Je me souviens... (Mi rapèli, Amarcord, Me recuerdo, Remember, Vergiss mein nicht...)


Blaquière

Messages recommandés

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

Je me souviens...

 

Dernière nouvelle :

Il n'y a plus assez de chauffeurs de cars... alors les enfants vont se retrouver en pensionnats...

Moi comme un couillon :

 -- Et alors ? C'était le bon temps !"

Ma femme :

--Tu te souviens pas comme tu étais malheureux ?"

 Re-moi :

-- Un jour, deux jours, une semaine ? Un mois ? Pas plus sur 7 ans. Seulement à la rentrée des vacances de la Noël en sixième. Là je reconnais je me suis senti perdu ! Quand on est petit, un mois, trois mois, six mois c'est une éternité !"

Après ça et surtout vers la fin, en terminale on était dans la Carrée, un dortoir spécial pour cinq élèves... on était comme les Chefs du Lycée !  Totalement respectés !  On y faisait même le réveillon de Noël le dernier soir avant les vacances  !  Un petit bémol cependant : la Carrée se trouvait juste au dessus des appartements du Principal, alors...

PAS LE MOINDRE BRUIT !

Mais là je vais trop vite ! A peine j'arrive que je suis déjà à la fin....

Non avant, surtout du temps de la sixième, c'était pas dimanche tous les jours !

Tiens le dimanche, justement....

Ma sœur de deux ans mon ainée ne revenait au début que tous les 15 jours à la maison. Moi  c'était DEJA toutes les semaines dès le début...  Quand j'ai dit ça à mon petit fils qui entrait en sixième et qui était inquiet de partir de la maison tout un jour complet, il m'a dit les yeux grands ouverts comme s'il avait reçu un coup sur la tête :

--TOUTE UNE SEMAINE ?!!!

 Et je parle pas de mon père qui partait à l'Ecole Supérieure pour plus d'un mois...

Il faut dire que Brignoles, c'est loin : 20 Kilomètres !

Enfin il est même arrivé à ma mère de faire ces 20 km en Mobilette pour nous faire sortir le jeudi après midi et nous offrir 4 bonnes heures de Liberté !

Donc je me souviens...

Ca y est j'arrive ! Le préambule est fini ! Merde ! je deviens comme mon père ! On se foutait toujours de lui : "Alors c'est fini ce préambule ?!" Mais il faut nous comprendre ! si on n'installe pas le décor, en premier, y'a pas de théâtre possible !

Donc, les premières années, c'était dur. Je le reconnais. Le pire c'était le dimanche soir quand on savait que le lendemain matin, on allait partir au car de 7 heures pour une semaine entière.

Une éternité !

Alors j'essayais de brûler toutes mes cartouches de liberté jusqu'à la lie !

(Euh !... Elle est bien cohérente ma métaphore, vous croyez ?!)

Bon ! Vous m'avez compris quand même. Les dimanches après midi, presque toujours, on allait en famille au "CINEMA CINEVOG" du Village. C'était Jeannot E. Un copain de mon père. Un vrai rouge. Un résistant qui s'était fait avec mon père de faux papiers pour ne pas partir aux travaux obligatoires en Allemagne et qui avait créé le CINEMA CINEVOG en bas de la Rue des Italiens. Il s'occupait aussi des projections...

Mais à la fin du film, vers 5 heures du soir... Il faisait encore un peu jour, même "au plus gros de l'hiver" et ça me faisait un tout petit créneau de liberté avant ma semaine entière d'enfermement... Alors, je sortais du cinéma en courant jusqu'à la Maison. Le film en était encore au générique final que j'étais déjà dehors... Je me souviens encore des remarques qui fusaient : "Mais où tu cours comme ça ?"

Une fois à la Maison, je m'harnachais rapidement. Je prenais mon arc, mes flèches, mon carquois fait dans un gros bambou trouvé près du bassin d'Alain, mon copain -Bambou de plus de 5 cm de diamètre, Hein ? Pas ces petits bambous gros comme le petit doigt qu'on trouve partout maintenant ! -  Et je partais en courant vers les poulaillers à la sortie du village. Vers l'Est...

Là un brin d'aventure m'attendait sans aucun doute... Je redevenais pour quelques minutes l'homme des bois que j'ai toujours été au plus profond de moi...

 

Llora flecha sin blanco,
la tarde sin mañana,
y el primer pájaro muerto
sobre la rama...

 (Federico Garcia Lorca)

 

(Pleure la flèche sans but,
Le soir sans le matin,
et le premier oiseau mort
Sur la ramée...)

 

 

 

 

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Membre, 64ans Posté(e)
Good Venins Membre 1 332 messages
Forumeur vétéran‚ 64ans‚
Posté(e)
il y a 24 minutes, Blaquière a dit :

"Alors c'est fini ce préambule ?

Bonjour,

 

Attention dans les prés-en-bulles, on croise des vaches volantes...:dance:

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Membre, 77ans Posté(e)
hybridex Membre 9 895 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
il y a une heure, Blaquière a dit :

Je me souviens...

 

Dernière nouvelle :

Il n'y a plus assez de chauffeurs de cars... alors les enfants vont se retrouver en pensionnats...

Moi comme un couillon :

 -- Et alors ? C'était le bon temps !"

Ma femme :

--Tu te souviens pas comme tu étais malheureux ?"

 Re-moi :

-- Un jour, deux jours, une semaine ? Un mois ? Pas plus sur 7 ans. Seulement à la rentrée des vacances de la Noël en sixième. Là je reconnais je me suis senti perdu ! Quand on est petit, un mois, trois mois, six mois c'est une éternité !"

Après ça et surtout vers la fin, en terminale on était dans la Carrée, un dortoir spécial pour cinq élèves... on était comme les Chefs du Lycée !  Totalement respectés !  On y faisait même le réveillon de Noël le dernier soir avant les vacances  !  Un petit bémol cependant : la Carrée se trouvait juste au dessus des appartements du Principal, alors...

PAS LE MOINDRE BRUIT !

Mais là je vais trop vite ! A peine j'arrive que je suis déjà à la fin....

Non avant, surtout du temps de la sixième, c'était pas dimanche tous les jours !

Tiens le dimanche, justement....

Ma sœur de deux ans mon ainée ne revenait au début que tous les 15 jours à la maison. Moi  c'était DEJA toutes les semaines dès le début...  Quand j'ai dit ça à mon petit fils qui entrait en sixième et qui était inquiet de partir de la maison tout un jour complet, il m'a dit les yeux grands ouverts comme s'il avait reçu un coup sur la tête :

--TOUTE UNE SEMAINE ?!!!

 Et je parle pas de mon père qui partait à l'Ecole Supérieure pour plus d'un mois...

Il faut dire que Brignoles, c'est loin : 20 Kilomètres !

Enfin il est même arrivé à ma mère de faire ces 20 km en Mobilette pour nous faire sortir le jeudi après midi et nous offrir 4 bonnes heures de Liberté !

Donc je me souviens...

Ca y est j'arrive ! Le préambule est fini ! Merde ! je deviens comme mon père ! On se foutait toujours de lui : "Alors c'est fini ce préambule ?!" Mais il faut nous comprendre ! si on n'installe pas le décor, en premier, y'a pas de théâtre possible !

Donc, les premières années, c'était dur. Je le reconnais. Le pire c'était le dimanche soir quand on savait que le lendemain matin, on allait partir au car de 7 heures pour une semaine entière.

Une éternité !

Alors j'essayais de brûler toutes mes cartouches de liberté jusqu'à la lie !

(Euh !... Elle est bien cohérente ma métaphore, vous croyez ?!)

Bon ! Vous m'avez compris quand même. Les dimanches après midi, presque toujours, on allait en famille au "CINEMA CINEVOG" du Village. C'était Jeannot E. Un copain de mon père. Un vrai rouge. Un résistant qui s'était fait avec mon père de faux papiers pour ne pas partir aux travaux obligatoires en Allemagne et qui avait créé le CINEMA CINEVOG en bas de la Rue des Italiens. Il s'occupait aussi des projections...

Mais à la fin du film, vers 5 heures du soir... Il faisait encore un peu jour, même "au plus gros de l'hiver" et ça me faisait un tout petit créneau de liberté avant ma semaine entière d'enfermement... Alors, je sortais du cinéma en courant jusqu'à la Maison. Le film en était encore au générique final que j'étais déjà dehors... Je me souviens encore des remarques qui fusaient : "Mais où tu cours comme ça ?"

Une fois à la Maison, je m'harnachais rapidement. Je prenais mon arc, mes flèches, mon carquois fait dans un gros bambou trouvé près du bassin d'Alain, mon copain -Bambou de plus de 5 cm de diamètre, Hein ? Pas ces petits bambous gros comme le petit doigt qu'on trouve partout maintenant ! -  Et je partais en courant vers les poulaillers à la sortie du village. Vers l'Est...

Là un brin d'aventure m'attendait sans aucun doute... Je redevenais pour quelques minutes l'homme des bois que j'ai toujours été au plus profond de moi...

 

Llora flecha sin blanco,
la tarde sin mañana,
y el primer pájaro muerto
sobre la rama...

 (Federico Garcia Lorca)

 

(Pleure la flèche sans but,
Le soir sans le matin,
et le premier oiseau mort
Sur la ramée...)

 

 

 

 

Ça me fait plaisir de voir évoquée, sous des couleurs souriantes,  une période qui, pour moi,  a été la plus glauque de ma vie.

Pas encore 10 ans, pensionnaire de 6ème à l'Institution de l'Immaculée Conception. Un dimanche sur deux à la maison, deux semaines de boîte

Enfin, le dimanche... pas complet, parce qu'à 17h 30 train pour le Chef Lieu et à 18h 30 mise en boîte.

Je me souviens de ces soirées de dimanche lugubres en salle d'étude silencieuse et grise accompagné de deux ou trois congénères partageant le même sort, tous les autres pensionnaires ne revenant que le lundi matin

Je me souviens de l'ignoble rata fait des restes d’abats des poulets qu'on nous avait servi le samedi

Je me souviens de la petite vieille toute ratatinée et puante qui prétendait nous apprendre le latin,  qui nous appelait "mes chers petits êtres" et n'en n'avait rien à battre de notre sort et de nos apprentissages. Oh pas méchante certes.

Je me souviens que les enseignements étaient nuls et profondément ennuyeux, que je n'avais pas le niveau et que je le savais, pourtant dans les classements j'étais troisième de la classe  (sur 24)

Je déprimais complètement.

Je me souviens que le supérieur (ainsi se désignait le cureton dirlo) ouvrait notre courrier, le lisait,  le commentait publiquement quand il ne correspondait pas aux règles établies par lui et nous en faisait la leçon

Je me souviens que la très grande fierté de ce supérieur, c'étaient les chiottes neuves à la turque qu'il avait fait visiter à la rentrée à tous les parents

Je me souviens que l'année suivante, rentré dans un lycée de bon niveau, j'ai ramé comme un malade pour essayer de rattraper le niveau, sans y parvenir, ce qui m'a valu un redoublement, salvateur.

 

 

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, hybridex a dit :

Ça me fait plaisir de voir évoquée, sous des couleurs souriantes,  une période qui, pour moi,  a été la plus glauque de ma vie.

Pas encore 10 ans, pensionnaire de 6ème à l'Institution de l'Immaculée Conception. Un dimanche sur deux à la maison, deux semaines de boîte

Enfin, le dimanche... pas complet, parce qu'à 17h 30 train pour le Chef Lieu et à 18h 30 mise en boîte.

Je me souviens de ces soirées de dimanche lugubres en salle d'étude silencieuse et grise accompagné de deux ou trois congénères partageant le même sort, tous les autres pensionnaires ne revenant que le lundi matin

Je me souviens de l'ignoble rata fait des restes d’abats des poulets qu'on nous avait servi le samedi

Je me souviens de la petite vieille toute ratatinée et puante qui prétendait nous apprendre le latin,  qui nous appelait "mes chers petits êtres" et n'en n'avait rien à battre de notre sort et de nos apprentissages. Oh pas méchante certes.

Je me souviens que les enseignements étaient nuls et profondément ennuyeux, que je n'avais pas le niveau et que je le savais, pourtant dans les classements j'étais troisième de la classe  (sur 24)

Je déprimais complètement.

Je me souviens que le supérieur (ainsi se désignait le cureton dirlo) ouvrait notre courrier, le lisait,  le commentait publiquement quand il ne correspondait pas aux règles établies par lui et nous en faisait la leçon

Je me souviens que la très grande fierté de ce supérieur, c'étaient les chiottes neuves à la turque qu'il avait fait visiter à la rentrée à tous les parents

Je me souviens que l'année suivante, rentré dans un lycée de bon niveau, j'ai ramé comme un malade pour essayer de rattraper le niveau, sans y parvenir, ce qui m'a valu un redoublement, salvateur.

 

 

 

Merci de nous avoir raconté ton calvaire..

Moins de 10 ans en pensionnat, j'arrive même pas à imaginer l'angoisse... Moi la sixième c'était déjà à 11 ans... et c'était dur...

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