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Quand les esclaves antillais bâtissaient les grandes routes de Corse.


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Membre+, Posté(e)
goods Membre+ 35 581 messages
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Quand les esclaves antillais bâtissaient les grandes routes de Corse.

Les archives départementales de Corse-du-Sud recèlent des histoires méconnues et peu documentées. C'est le cas de ces centaines d'Antillais déportés par Napoléon après les expéditions menées en Guadeloupe et en Haïti entre 1802 et 1814.

On retrouve des passages racontés de cette histoire dans les fascicules Annales historiques de la Révolution Française au chapitre des Révolutions aux colonies de Francis Arzalier.

Sous les ordres des généraux Richepanses et Leclerc, "des centaines d'Antillais ont été déportés en métropole, à Brest puis, pour beaucoup, en Corse". L'Empereur, Napoléon, voulait détruire les forces favorables à l'abolition de l'esclavage et consolider l'Empire dans ces régions éloignées.

Mais pour l'auteur, "une motivation seconde s'est rapidement manifestée : cet apport de main d'oeuvre corvéable à merci allait être mis au service d'un projet d'envergure visant à parachever l'inclusion de la Corse dans l'ensemble français en y mettant en oeuvre une politique explicitement coloniale".

En chiffres

1802 date à laquelle les premiers déportés Antillais arrivent à Ajaccio

5 c'est le nombre d'années de travaux forcés qu'on subit ces déportés

422 déportés vers la France, 183 Guadeloupéens et 239 Haïtiens

25 centimes. C'est le prix d'une journée de travail d'un ouvrier déporté, contre 1,20F à 2F pour les autres.

Du bagne de Brest à la Corse

Si une partie de l'expédition vers la "reconquête des Antilles" a été un échec, notamment avec la mort du général Leclerc et d'une partie de ses troupes à la suite d'une épidémie de fièvre jaune, une seconde partie, en Guadeloupe, a été "une réussite" pour les projets de l'Empire.

Napoléon dit alors "Richepanse nous a embarrassés de 1500 Noirs qui sont arrivés à Brest, qu'il avait extraits de la Guadeloupe et qu'il avait d'abord envoyés aux États-Unis où l'on a pas voulu les recevoir. Ces hommes ont été déposés au bagne en attendant", d'après les mémoires du général Decaen.

Sur les conseils du Premier consul, le 20 septembre 1802 part de Brest le premier navire avec 49 déportés haïtiens. Durant la même période, le préfet maritime de Brest signale que la capacité d'accueil du bagne d'Ajaccio a été augmentée à 550 détenus.

Ainsi, fin octobre, début novembre 1802, 84 déportés Antillais arrivent à Ajaccio sous "haute surveillance" après 40 jours de "voyage aux fers". Ils sont rejoints par le "rapatriement des 300 à 350 forçats de l'île d'Elbe".

Travaux publics

Le 15 novembre 1802, des directives du ministre de la Marine et des Colonies transmet "au préfet de Corse les ordres des consuls : « comme la masse de ces hommes déjà arrivés dans nos ports, et qui vont être transférés en Corse, s'élève à plus de 1 200, et qu'ils doivent être suivis d'un nombre plus considérable encore, j'ai lieu de croire que le ministre de l'Intérieur aura jugé à propos de les distribuer entre les deux départements de cette île, pour être employés dans les ateliers publics qu'il se propose d'y établir »".

D'ici la fin du mois de novembre, plus de 1000 déportés, dont des Guadeloupéens et des Haïtiens, sont envoyés en Corse, dispersés entre les ports de Saint-Florent, Ajaccio et Bastia.

"Ils seront habillés à leur arrivée"

C'est ainsi que les grands travaux de la Corse, redevenue française, ont pu débuter à moindre coût pour l'Empire. En effet, l'arrêté des consuls organisant la déportation antillaise en Corse est très précise.

On peut y lire que les déportés "seront habillés à leur arrivée" en Corse et "rémunérés 25 centimes par jour" de travail quand un ouvrier moyen du continent se "paye entre 1F,20 et 2F" précise l'auteur de cette recherche. Ils seront dispatchés début 1803 dans différents ateliers publics. Notamment pour la construction de mâts de navires depuis les forêts de Vizzavona et d'Aitone a destination du port de Toulon.

En regroupant les données, l'auteur arrive à un compte de 422 Antillais déportés vers la Corse : "183 Guadeloupéens et 239 Haïtiens". Mais il précise que "ce relevé est évidemment susceptible d'un certain nombre d'erreurs".

Parmis eux se trouvent des personnages de haut rang : "des bourgeois, des notables, des députés, officiers, capitaines, etc."

Dans les écrits, "le crime de ces hommes est donc très clair : c'est d'avoir soutenu, voire dirigé la lutte pour la liberté des Noirs, contre le rétablissement de l'esclavage".

L'église des capucins d'Ajaccio transformée en lieu d'accueil

À Ajaccio l'accueil des déportés est un véritable souci pour le préfet Maritime de Toulon. Il décide de remettre en état "la maison conventuelle et l'église des capucins, bien national laissé à l'abandon".

Ainsi "par lettre du 5 janvier 1803, le ministre de l'Intérieur autorise le préfet du Golo à réaliser les réparations nécessaires « à la maison des capucins qui doit servir de retraite à ces hommes de couleur jusqu'à ce qu'ils soient répartis dans les ateliers »".

Rapidement, la Marine souhaite se débarrasser de la gestion des bagnes, trop coûteuse « pour la subsistance des nègres ». C'est l'autorité civile qui reprend la gestion des bagnes et organise un "système de travail forcé".

"Au reste les autorités veillent à ce que le régime de ces travailleurs forcés ne soit pas trop adouci : une note du 25 mars 1803 rappelle que « les Noirs doivent être nourris comme forçats à la fatigue »".

Construction de la RN 193 entre Ajaccio et Corte

Le 18 juin 1803, l'ingénieur des Ponts et Chaussées en charge des travaux rend compte au Préfet de l'opération. Il explique que les hommes ont été divisés en deux classes distinctes.

"La première classe est celle des détenus au bagne, ils sont au nombre de soixante-seize, sont logés aux capucins d'Ajaccio où il a été fait quelques réparations pour les y recevoir, sont presque nus parce qu'on ne savait pas quelle était l'administration qui devait les habiller, couchent à terre dans une église extrêmement malsaine et sont nourris aujourd'hui par les Ponts et Chaussées [...] on les emploie en attendant que les travaux des ports acquièrent plus d'activité, à l'ouverture de la partie de la grande route d'Ajaccio à Corte comprise entre la caserne d'Ajaccio et Sainte-Lucie".

La deuxième classe est celle des déportés. "On les a stationnés à Bocognano où ils travaillent à une partie de la grande communication de Corte à Ajaccio. On les a habillés, et ils reçoivent de la guerre une ration de pain égale à celle des soldats".

Envoyés en Corse car ils sont "paresseux et indociles"

Mais pour cet ingénieur, le travail fourni, même s'il coûte beaucoup moins cher à l'Empire que s'ils avaient été réalisés par d'autres ouvriers, "est médiocre".

« Ces Américains sont naturellement paresseux et indociles, craignent peu les punitions qu'on leur inflige et préfèrent la condition la plus malheureuse à l'usage des moyens qui leur sont fournis pour la leur adoucir : ainsi le gouvernement qui a cru vraisemblablement, en les envoyant en Corse, les utiliser avec d'autant plus d'avantages que le climat de ce pays se rapproche le plus de celui sous lequel ils sont nés, dépensera des fonds immenses sans un succès sensible ».

Morts et épuisés à la tâche

Dans les échanges et les rapports de construction, Francis Arzalier a étudié l'épuisement de cette "troupe" destinées aux grands travaux. En octobre 1804, "sont répartis en trois compagnies, occupés à construire des routes, les fortifications des ports et à assécher des marais, et occupés, donc, en divers lieux de la Corse".

C'est notamment à cette période que la grande route qui passe par le col de Vizzavona a été construite. Mais rapidement, en décembre 1803, la troisième compagnie est dissoute, il n'en reste que trop peu d'hommes pour effectuer des travaux.

Suite de l'article.

 

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Membre, 75ans Posté(e)
boeingue Membre 23 346 messages
Maitre des forums‚ 75ans‚
Posté(e)

comme le corse ne travail pas .......

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 43ans Posté(e)
sovenka Membre 8 563 messages
43ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
Posté(e)

J'ignorais tout cela, je viens d'apprendre quelque chose. Merci !

Il faudrait ériger un monument au bord de ladite route corse en la mémoire de tous ces malheureux, d'ailleurs je suis sûre que bien des Corses ne sont même pas au courant.

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Membre, 72ans Posté(e)
new caravage Membre 36 333 messages
Maitre des forums‚ 72ans‚
Posté(e)
il y a 3 minutes, sovenka a dit :

J'ignorais tout cela, je viens d'apprendre quelque chose. Merci !

Il faudrait ériger un monument au bord de ladite route corse en la mémoire de tous ces malheureux, d'ailleurs je suis sûre que bien des Corses ne sont même pas au courant.

Ou alors bien des corses n'en ont rien à foutre !

il y a 4 minutes, boeingue a dit :

comme le corse ne travail pas .......

Ou pas souvent!

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Membre, Voyageur, 71ans Posté(e)
Plouj Membre 113 215 messages
71ans‚ Voyageur,
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il y a 45 minutes, new caravage a dit :

Ou alors bien des corses n'en ont rien à foutre !

Et ils ont bien raison.

Bon il est où ce Napoléon, qu'il présente ses excuses et sa repentance, c'est la mode en ce moment !!

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Membre, 72ans Posté(e)
new caravage Membre 36 333 messages
Maitre des forums‚ 72ans‚
Posté(e)

J'ai chez moi le monumental bouquin de Jacques Gregori ; Nouvelle histoire de la Corse  471 pages ,chez Jérôme Martineau éditeur dépôt légal 1967 mais il n'en est pas question une seule fois,pas un chapitre,pas une ligne.

               Merci à Goods pour avoir comblé cette lacune!

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