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citation de Sartre


Teuth

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Membre, 42ans Posté(e)
Teuth Membre 6 messages
Forumeur Débutant‚ 42ans‚
Posté(e)

Bonsoir à tous! En me baladant sur le net j'ai trouvé cette belle citation de Sartre "que la conscience essaye de se reprendre de coincider enfin avec elle même tout au chaud volets clos elle s'anéantit". J'aurai aimé avoir votre avis et peut être vos explications. J'espère vous lire! Belle soirée 

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Membre, 153ans Posté(e)
Black Dog Membre 4 688 messages
Forumeur vétéran‚ 153ans‚
Posté(e)

Bonsoir, sans le contexte de la phrase, prise isolément comme ça on a toutes les chances de se tromper sur son interprétation et sur ce que Sartre a bien voulu dire. Est-elle tirée de L'Etre et le Néant ?

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Membre, 42ans Posté(e)
Teuth Membre 6 messages
Forumeur Débutant‚ 42ans‚
Posté(e)

Malheureusement je n'ai point le contexte...

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Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
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https://fhqanv.fr/texte-de-sartre-lintentionnalite-de-la-conscience/

texte de Sartre : l’intentionnalité de la conscience

Publié le 5 février 2017 par admin

[…] Contre tout « psychologisme », Husserl ne se lasse pas d’affirmer qu’on ne peut pas dissoudre les choses dans la conscience. Vous voyez cet arbre-ci, soit. Mais vous le voyez à l’endroit même où il est : au bord de la route, au milieu de la poussière, seul et tordu sous la chaleur, à vingt lieues de la côte méditerranéenne. Il ne saurait entrer dans votre conscience, car il n’est pas de même nature qu’elle. Vous croyez ici reconnaître Bergson et le premier chapitre de Matière et Mémoire. Mais Husserl n’est point réaliste : cet arbre sur son bout de terre craquelé, il n’en fait pas un absolu qui entrerait, par après, en communication avec nous. La conscience et le monde sont donnés d’un même coup : extérieur par essence à la conscience, le monde est, par essence, relatif à elle. C’est que Husserl voit dans la conscience un fait irréductible qu’aucune image physique ne peut rendre. Sauf, peut-être, l’image rapide et obscure de l’éclatement. Connaître, c’est « s’éclater vers », s’arracher à la moite intimité gastrique pour filer, là-bas, par-delà soi, vers ce qui n’est pas soi, là-bas, près de l’arbre et cependant hors de lui, car il m’échappe et me repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu’il ne se peut diluer en moi : hors de lui, hors de moi. Est-ce que vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vos pressentiments ? Vous saviez bien que l’arbre n’était pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres et que la connaissance ne pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à la possession. Du même coup, la conscience s’est purifiée, elle est claire comme un grand vent, il n’y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ; si, par impossible, vous entriez « dans » une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejeté au-dehors, près de l’arbre, en pleine poussière, car la conscience n’a pas de « dedans » ; elle n’est rien que le dehors d’elle-même et c’est cette fuite absolue, ce refus d’être substance qui la constituent comme une conscience. Imaginez à présent une suite liée d’éclatements qui nous arrachent à nous-mêmes, qui ne laissent même pas à un « nous-mêmes » le loisir de se former derrière eux, mais qui nous jettent au contraire au-delà d’eux, dans la poussière sèche du monde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejetés, délaissés par notre nature même dans un monde indifférent, hostile et rétif ; vous aurez ainsi le sens profond de la découverte que Husserl exprime dans cette fameuse phrase : « Toute conscience est conscience de quelque chose. » Il n’en faut pas plus pour mettre un terme à la philosophie douillette de l’immanence, où tout se fait par compromis, échanges protoplasmiques, par une tiède chimie cellulaire. La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand-route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumière. Être, dit Heidegger, c’est être-dans-le-monde. Comprenez cet « être-dans » au sens de mouvement. Être, c’est éclater dans le monde, c’est partir d’un néant de monde et de conscience pour soudain s’éclater-conscience-dans-le-monde. Que la conscience essaie de se reprendre, de coïncider enfin avec elle-même, tout au chaud, volets clos, elle s’anéantit. Cette nécessité pour la conscience d’exister comme conscience d’autre chose que de soi, Husserl la nomme « intentionnalité ».

J’ai parlé d’abord de la connaissance pour me faire mieux entendre : la philosophie française, qui nous a formés, ne connaît plus guère que l’épistémologie. Mais, pour Husserl et les phénoménologues, la conscience que nous prenons des choses ne se limite point à leur connaissance. La connaissance ou pure « représentation » n’est qu’une des formes possibles de ma conscience « de » cet arbre ; je puis aussi l’aimer, le craindre, le haïr, et ce dépassement de la conscience par elle-même, qu’on nomme « intentionnalité », se retrouve dans la crainte, la haine et l’amour. Haïr autrui, c’est une manière encore de s’éclater vers lui, c’est se trouver soudain en face d’un étranger dont on vit, dont on souffre d’abord la qualité objective de « haïssable ». Voilà que, tout d’un coup, ces fameuses réactions « subjectives », haine, amour, crainte, sympathie, qui flottaient dans la saumure malodorante de l’Esprit, s’en arrachent ; elles ne sont que des manières de découvrir le monde. Ce sont les choses qui se dévoilent soudain à nous comme haïssables, sympathiques, horribles, aimables. C’est une propriété de ce masque japonais que d’être terrible, une inépuisable, irréductible propriété qui constitue sa nature même, — et non la somme de nos réactions subjectives à un morceau de bois sculpté. Husserl a réinstallé l’horreur et le charme dans les choses. Il nous a restitué le monde des artistes et des prophètes : effrayant, hostile, dangereux, avec des havres de grâce et d’amour. Il a fait la place nette pour un nouveau traité des passions qui s’inspirerait de cette vérité si simple et si profondément méconnue par nos raffinés : si nous aimons une femme, c’est parce qu’elle est aimable. Nous voilà délivrés de Proust. Délivrés en même temps de la « vie intérieure » : en vain chercherions-nous, comme Amiel, comme une enfant qui s’embrasse l’épaule, les caresses, les dorlotements de notre intimité, puisque finalement tout est dehors, tout, jusqu’à nous-mêmes : dehors, dans le monde, parmi les autres. Ce n’est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous découvrirons : c’est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes.

Jean-Paul Sartre, Situations I, janvier 1939. Ed. Gallimard p. 30-33.

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Membre, 42ans Posté(e)
Teuth Membre 6 messages
Forumeur Débutant‚ 42ans‚
Posté(e)
il y a 13 minutes, hybridex a dit :

 

il y a 18 minutes, Ines Presso a dit :

https://fhqanv.fr/texte-de-sartre-lintentionnalite-de-la-conscience/

texte de Sartre : l’intentionnalité de la conscience

Publié le 5 février 2017 par admin

[…] Contre tout « psychologisme », Husserl ne se lasse pas d’affirmer qu’on ne peut pas dissoudre les choses dans la conscience. Vous voyez cet arbre-ci, soit. Mais vous le voyez à l’endroit même où il est : au bord de la route, au milieu de la poussière, seul et tordu sous la chaleur, à vingt lieues de la côte méditerranéenne. Il ne saurait entrer dans votre conscience, car il n’est pas de même nature qu’elle. Vous croyez ici reconnaître Bergson et le premier chapitre de Matière et Mémoire. Mais Husserl n’est point réaliste : cet arbre sur son bout de terre craquelé, il n’en fait pas un absolu qui entrerait, par après, en communication avec nous. La conscience et le monde sont donnés d’un même coup : extérieur par essence à la conscience, le monde est, par essence, relatif à elle. C’est que Husserl voit dans la conscience un fait irréductible qu’aucune image physique ne peut rendre. Sauf, peut-être, l’image rapide et obscure de l’éclatement. Connaître, c’est « s’éclater vers », s’arracher à la moite intimité gastrique pour filer, là-bas, par-delà soi, vers ce qui n’est pas soi, là-bas, près de l’arbre et cependant hors de lui, car il m’échappe et me repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu’il ne se peut diluer en moi : hors de lui, hors de moi. Est-ce que vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vos pressentiments ? Vous saviez bien que l’arbre n’était pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres et que la connaissance ne pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à la possession. Du même coup, la conscience s’est purifiée, elle est claire comme un grand vent, il n’y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ; si, par impossible, vous entriez « dans » une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejeté au-dehors, près de l’arbre, en pleine poussière, car la conscience n’a pas de « dedans » ; elle n’est rien que le dehors d’elle-même et c’est cette fuite absolue, ce refus d’être substance qui la constituent comme une conscience. Imaginez à présent une suite liée d’éclatements qui nous arrachent à nous-mêmes, qui ne laissent même pas à un « nous-mêmes » le loisir de se former derrière eux, mais qui nous jettent au contraire au-delà d’eux, dans la poussière sèche du monde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejetés, délaissés par notre nature même dans un monde indifférent, hostile et rétif ; vous aurez ainsi le sens profond de la découverte que Husserl exprime dans cette fameuse phrase : « Toute conscience est conscience de quelque chose. » Il n’en faut pas plus pour mettre un terme à la philosophie douillette de l’immanence, où tout se fait par compromis, échanges protoplasmiques, par une tiède chimie cellulaire. La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand-route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumière. Être, dit Heidegger, c’est être-dans-le-monde. Comprenez cet « être-dans » au sens de mouvement. Être, c’est éclater dans le monde, c’est partir d’un néant de monde et de conscience pour soudain s’éclater-conscience-dans-le-monde. Que la conscience essaie de se reprendre, de coïncider enfin avec elle-même, tout au chaud, volets clos, elle s’anéantit. Cette nécessité pour la conscience d’exister comme conscience d’autre chose que de soi, Husserl la nomme « intentionnalité ».

J’ai parlé d’abord de la connaissance pour me faire mieux entendre : la philosophie française, qui nous a formés, ne connaît plus guère que l’épistémologie. Mais, pour Husserl et les phénoménologues, la conscience que nous prenons des choses ne se limite point à leur connaissance. La connaissance ou pure « représentation » n’est qu’une des formes possibles de ma conscience « de » cet arbre ; je puis aussi l’aimer, le craindre, le haïr, et ce dépassement de la conscience par elle-même, qu’on nomme « intentionnalité », se retrouve dans la crainte, la haine et l’amour. Haïr autrui, c’est une manière encore de s’éclater vers lui, c’est se trouver soudain en face d’un étranger dont on vit, dont on souffre d’abord la qualité objective de « haïssable ». Voilà que, tout d’un coup, ces fameuses réactions « subjectives », haine, amour, crainte, sympathie, qui flottaient dans la saumure malodorante de l’Esprit, s’en arrachent ; elles ne sont que des manières de découvrir le monde. Ce sont les choses qui se dévoilent soudain à nous comme haïssables, sympathiques, horribles, aimables. C’est une propriété de ce masque japonais que d’être terrible, une inépuisable, irréductible propriété qui constitue sa nature même, — et non la somme de nos réactions subjectives à un morceau de bois sculpté. Husserl a réinstallé l’horreur et le charme dans les choses. Il nous a restitué le monde des artistes et des prophètes : effrayant, hostile, dangereux, avec des havres de grâce et d’amour. Il a fait la place nette pour un nouveau traité des passions qui s’inspirerait de cette vérité si simple et si profondément méconnue par nos raffinés : si nous aimons une femme, c’est parce qu’elle est aimable. Nous voilà délivrés de Proust. Délivrés en même temps de la « vie intérieure » : en vain chercherions-nous, comme Amiel, comme une enfant qui s’embrasse l’épaule, les caresses, les dorlotements de notre intimité, puisque finalement tout est dehors, tout, jusqu’à nous-mêmes : dehors, dans le monde, parmi les autres. Ce n’est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous découvrirons : c’est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes.

Jean-Paul Sartre, Situations I, janvier 1939. Ed. Gallimard p. 30-33.

Merci beaucoup!! J'ai pu lire les articles, et enfin comprendre réellement!! Merci de votre aide précieuse! :)

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Membre, 75ans Posté(e)
hybridex Membre 8 333 messages
Maitre des forums‚ 75ans‚
Posté(e)
il y a 7 minutes, Teuth a dit :

 

Merci beaucoup!! J'ai pu lire les articles, et enfin comprendre réellement!! Merci de votre aide précieuse! :)

De rien. Qwant, le moteur de recherche est ton ami. Tu saisis la phrase entre guillemets dans la zone de recherche et le moteur te la trouve.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Il y a 12 heures, Ines Presso a dit :

https://fhqanv.fr/texte-de-sartre-lintentionnalite-de-la-conscience/

texte de Sartre : l’intentionnalité de la conscience

Publié le 5 février 2017 par admin

[…] Contre tout « psychologisme », Husserl ne se lasse pas d’affirmer qu’on ne peut pas dissoudre les choses dans la conscience. Vous voyez cet arbre-ci, soit. Mais vous le voyez à l’endroit même où il est : au bord de la route, au milieu de la poussière, seul et tordu sous la chaleur, à vingt lieues de la côte méditerranéenne. Il ne saurait entrer dans votre conscience, car il n’est pas de même nature qu’elle. Vous croyez ici reconnaître Bergson et le premier chapitre de Matière et Mémoire. Mais Husserl n’est point réaliste : cet arbre sur son bout de terre craquelé, il n’en fait pas un absolu qui entrerait, par après, en communication avec nous. La conscience et le monde sont donnés d’un même coup : extérieur par essence à la conscience, le monde est, par essence, relatif à elle. C’est que Husserl voit dans la conscience un fait irréductible qu’aucune image physique ne peut rendre. Sauf, peut-être, l’image rapide et obscure de l’éclatement. Connaître, c’est « s’éclater vers », s’arracher à la moite intimité gastrique pour filer, là-bas, par-delà soi, vers ce qui n’est pas soi, là-bas, près de l’arbre et cependant hors de lui, car il m’échappe et me repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu’il ne se peut diluer en moi : hors de lui, hors de moi. Est-ce que vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vos pressentiments ? Vous saviez bien que l’arbre n’était pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres et que la connaissance ne pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à la possession. Du même coup, la conscience s’est purifiée, elle est claire comme un grand vent, il n’y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ; si, par impossible, vous entriez « dans » une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejeté au-dehors, près de l’arbre, en pleine poussière, car la conscience n’a pas de « dedans » ; elle n’est rien que le dehors d’elle-même et c’est cette fuite absolue, ce refus d’être substance qui la constituent comme une conscience. Imaginez à présent une suite liée d’éclatements qui nous arrachent à nous-mêmes, qui ne laissent même pas à un « nous-mêmes » le loisir de se former derrière eux, mais qui nous jettent au contraire au-delà d’eux, dans la poussière sèche du monde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejetés, délaissés par notre nature même dans un monde indifférent, hostile et rétif ; vous aurez ainsi le sens profond de la découverte que Husserl exprime dans cette fameuse phrase : « Toute conscience est conscience de quelque chose. » Il n’en faut pas plus pour mettre un terme à la philosophie douillette de l’immanence, où tout se fait par compromis, échanges protoplasmiques, par une tiède chimie cellulaire. La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand-route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumière. Être, dit Heidegger, c’est être-dans-le-monde. Comprenez cet « être-dans » au sens de mouvement. Être, c’est éclater dans le monde, c’est partir d’un néant de monde et de conscience pour soudain s’éclater-conscience-dans-le-monde. Que la conscience essaie de se reprendre, de coïncider enfin avec elle-même, tout au chaud, volets clos, elle s’anéantit. Cette nécessité pour la conscience d’exister comme conscience d’autre chose que de soi, Husserl la nomme « intentionnalité ».

J’ai parlé d’abord de la connaissance pour me faire mieux entendre : la philosophie française, qui nous a formés, ne connaît plus guère que l’épistémologie. Mais, pour Husserl et les phénoménologues, la conscience que nous prenons des choses ne se limite point à leur connaissance. La connaissance ou pure « représentation » n’est qu’une des formes possibles de ma conscience « de » cet arbre ; je puis aussi l’aimer, le craindre, le haïr, et ce dépassement de la conscience par elle-même, qu’on nomme « intentionnalité », se retrouve dans la crainte, la haine et l’amour. Haïr autrui, c’est une manière encore de s’éclater vers lui, c’est se trouver soudain en face d’un étranger dont on vit, dont on souffre d’abord la qualité objective de « haïssable ». Voilà que, tout d’un coup, ces fameuses réactions « subjectives », haine, amour, crainte, sympathie, qui flottaient dans la saumure malodorante de l’Esprit, s’en arrachent ; elles ne sont que des manières de découvrir le monde. Ce sont les choses qui se dévoilent soudain à nous comme haïssables, sympathiques, horribles, aimables. C’est une propriété de ce masque japonais que d’être terrible, une inépuisable, irréductible propriété qui constitue sa nature même, — et non la somme de nos réactions subjectives à un morceau de bois sculpté. Husserl a réinstallé l’horreur et le charme dans les choses. Il nous a restitué le monde des artistes et des prophètes : effrayant, hostile, dangereux, avec des havres de grâce et d’amour. Il a fait la place nette pour un nouveau traité des passions qui s’inspirerait de cette vérité si simple et si profondément méconnue par nos raffinés : si nous aimons une femme, c’est parce qu’elle est aimable. Nous voilà délivrés de Proust. Délivrés en même temps de la « vie intérieure » : en vain chercherions-nous, comme Amiel, comme une enfant qui s’embrasse l’épaule, les caresses, les dorlotements de notre intimité, puisque finalement tout est dehors, tout, jusqu’à nous-mêmes : dehors, dans le monde, parmi les autres. Ce n’est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous découvrirons : c’est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes.

Jean-Paul Sartre, Situations I, janvier 1939. Ed. Gallimard p. 30-33.

Merci ! Grandiose ce texte de Sarte que tu nous as mis. Comme toujours, quel style, quelle clarté !

"vos estomacs sombres" "la moite intimité gastrique" "une tiède chimie cellulaire' "la philosophie douillette de l’immanence"  fallait le dire ça !

Il n'empêche que dire :

"Cette nécessité pour la conscience d’exister comme conscience d’autre chose que de soi, Husserl la nomme « intentionnalité »."

et :

"Husserl a réinstallé l’horreur et le charme dans les choses."

J'ai l'impression que c'est dire une chose et son contraire : L'intentionnalité c'est plaquer ses désirs sur les choses... Ou au moins les inventer, les former (ses désirs, ses intentionnalités)  à mesure qu'on découvre les choses.

Si je voulais être exact, je dirais que nos désirs ne sont ni en nous ni dans les choses, et que nous les empruntons tout finis chez l'Autre. Ca j'en suis sûr !  Le désir est une jalousie ! L'horreur  intrinsèque à un masque japonais j'y crois pas une seconde. Elle ne peut être qu'une imitation de l'horreur qu'elle inspire (à mon avis !) à l'Autre.

A ce régime autant dire que je ne peux croire en Dieu que parce qu'il existe ! Ben non : je n'y crois que parce que d'autres y croient !

Je suis en attente de savoir ce que l'Autre désire ou ressent  pour le désirer et le ressentir moi-même.

Aimer une femme parce qu'elle est aimable ? Certainement pas ! Mais parce que je pense qu'un Autre même hypothétique l'aimerait : Oui !

 

Sartre disait ailleurs, "l'enfer c'est les autres" (c'est bien connu !) , mais pourquoi ne pas accepter complètement que ( toute ) ma conscience, en fait, c'est les autres, vient des autres, vient de ce que non pas je suis les autres mais que je me prends pour les autres...

En tout cas c'est la conscience générique. On ne peut qu'espérer en notre pouvoir de la faire évoluer.

Ce n’est pas loin du monde que la conscience s’anéantit mais loin des autres.

On le constate bien quand on est devant quelque chose de "trop nouveau "! On ne sait pas par quel bout la prendre ! L'aimer, ne pas l'aimer ?  La vouloir, ne pas la vouloir ? Le plus souvent c'est encore pire : on ne la voit même pas !

 

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Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

Merci ! Grandiose ce texte de Sarte que tu nous as mis. Comme toujours, quel style, quelle clarté !

"vos estomacs sombres" "la moite intimité gastrique" "une tiède chimie cellulaire' "la philosophie douillette de l’immanence"  fallait le dire ça !

Il n'empêche que dire :

"Cette nécessité pour la conscience d’exister comme conscience d’autre chose que de soi, Husserl la nomme « intentionnalité »."

et :

"Husserl a réinstallé l’horreur et le charme dans les choses."

J'ai l'impression que c'est dire une chose et son contraire : L'intentionnalité c'est plaquer ses désirs sur les choses... Ou au moins les inventer, les former (ses désirs, ses intentionnalités)  à mesure qu'on découvre les choses.

Si je voulais être exact, je dirais que nos désirs ne sont ni en nous ni dans les choses, et que nous les empruntons tout finis chez l'Autre. Ca j'en suis sûr !  Le désir est une jalousie ! L'horreur  intrinsèque à un masque japonais j'y crois pas une seconde. Elle ne peut être qu'une imitation de l'horreur qu'elle inspire (à mon avis !) à l'Autre.

A ce régime autant dire que je ne peux croire en Dieu que parce qu'il existe ! Ben non : je n'y crois que parce que d'autres y croient !

Je suis en attente de savoir ce que l'Autre désire ou ressent  pour le désirer et le ressentir moi-même.

Aimer une femme parce qu'elle est aimable ? Certainement pas ! Mais parce que je pense qu'un Autre même hypothétique l'aimerait : Oui !

 

Sartre disait ailleurs, "l'enfer c'est les autres" (c'est bien connu !) , mais pourquoi ne pas accepter complètement que ( toute ) ma conscience, en fait, c'est les autres, vient des autres, vient de ce que non pas je suis les autres mais que je me prends pour les autres...

En tout cas c'est la conscience générique. On ne peut qu'espérer en notre pouvoir de la faire évoluer.

Ce n’est pas loin du monde que la conscience s’anéantit mais loin des autres.

On le constate bien quand on est devant quelque chose de "trop nouveau "! On ne sait pas par quel bout la prendre ! L'aimer, ne pas l'aimer ?  La vouloir, ne pas la vouloir ? Le plus souvent c'est encore pire : on ne la voit même pas !

 

Mais moi, je n'ai aucun mérite, je me suis contentée de répondre à l'auteur du sujet en postant le texte dont est issue sa citation. Si génie il y a, c'est Kant.

Mais merci quand même :rolle:

 

 

0C2C6AD5-14FD-44AB-91C0-0B1BA3D3A4F1.gif

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)
Il y a 1 heure, Ines Presso a dit :

Mais moi, je n'ai aucun mérite, je me suis contentée de répondre à l'auteur du sujet en postant le texte dont est issue sa citation. Si génie il y a, c'est Kant.

Mais merci quand même :rolle:

 

 

0C2C6AD5-14FD-44AB-91C0-0B1BA3D3A4F1.gif

Je vais te faire marronner !

Si j'ai tant vanté le texte de Sartre, c'est que j'avais presque peur que tu l'aies transcrit pour la citation, sans trop le lire !!!!!

(ne tape pas !) :smile2:

Chaque fois que je vois un texte de Sartre je suis épaté par la perfection de son style...

Lui oui que c'est un écrivain. Encore plus qu'un philosophe !

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Il y a 6 heures, Blaquière a dit :

Je vais te faire marronner !

Si j'ai tant vanté le texte de Sartre, c'est que j'avais presque peur que tu l'aies transcrit pour la citation, sans trop le lire !!!!!

(ne tape pas !) :smile2:

Chaque fois que je vois un texte de Sartre je suis épaté par la perfection de son style...

Lui oui que c'est un écrivain. Encore plus qu'un philosophe !

Je préfère Camus :p

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)
Il y a 2 heures, Ines Presso a dit :

Je préfère Camus :p

Moi j'arrive mal  à le suivre Camus, il me laisse indifférent... ça m'intéresse pas ce qu'il dit... J'essaie, j'essaie... Je vais encore essayer !...

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