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Il y a 80 ans... la tragédie de juin 1940 (2).


Gouderien

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 703 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
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A partir de ce moment, la question n’est plus trop de savoir si la France va être battue, mais bien ce qui va se passer après la défaite. Aussi bien en France qu’en Allemagne, quelques hommes ont des idées très précises à ce sujet…

 

Le 8 juin s’achève l’évacuation de la Norvège par les Alliés. Le lendemain, les Allemands réoccupent Narvik. C’est une défaite de plus mais, au regard de ce qui se passe en France au même moment, personne n’y prête attention.

Weygand, abandonnant la tactique des "hérissons", ordonne le repli de la Xe armée sur la Seine et de la VIIe armée sur Paris, qui a été constituée en camp retranché.

La ligne de défense alliée, hâtivement mise en place sur la Somme, a donc été enfoncée. Cette fois-ci, pourtant, on s'est bien battu. Si le front a craqué, c'est en raison de l'infériorité numérique des armées françaises, et du manque de blindés et d'avions. Le général Weygand avait organisé ses positions en de multiples points d'appui, capables de se défendre dans toutes les directions. Truffés de canons de 75, utilisés comme pièces antichars, ces "hérissons" ont résisté vigoureusement, à la surprise des généraux allemands. Désormais, ce n'était plus la panique : aguerris, conscients de l'enjeu, les soldats français s'accrochaient désespérément au terrain. Des villages perdus ont été repris. Des points d'appui encerclés, parfois dépassés par les blindés ennemis, refusaient de se rendre et continuaient à résister. Mais, une fois de plus, ce sont les Panzerdivisionen qui ont fait la différence...

Les Allemands réussissent à franchir l'Aisne, à 9 kilomètres en amont de Soissons. Dans la matinée, l'ennemi parvient à traverser une deuxième fois, à 5 kilomètres à l'ouest de Soissons, à Pommiers. Une attaque en tenaille contre Soissons remporte un plein succès, et, dans la soirée, la tête de pont créée par les Allemands sur la rive gauche de l'Aisne a quarante kilomètres de largeur... Devant cette situation, la VIe armée française doit se replier au sud, sur la Marne.

Rommel n'est évidemment pas resté inactif pendant ce temps-là. Il a percé un faible rideau de troupes anglaises qui avait été tendu sur la Béthune et l'Andelle, et il fonce vers Elbeuf. La Xe armée accentue dès lors sa séparation, le tronçon ouest se retirant vers Le Havre, et le tronçon est vers Pontoise.

Au soir, le IIIe groupe d'armées est donc établi sur la Basse-Seine, la position avancée de Paris et la Marne. "Si cette ligne est traversée, déclare Weygand, le moment sera venu à partir duquel une défense coordonnée du territoire deviendra impossible."

Pour le généralissime, il ne restera plus alors qu'à capituler. De Gaulle, qui le rencontre ce jour-là, est d'un tout autre avis. Pour lui, même si la France est battue, il reste l'Empire et le monde. De Gaulle est tellement choqué par le pessimisme de Weygand qu'il demande à Paul Reynaud de lui retirer son commandement, "puisqu'il a renoncé à vaincre". Reynaud lui répond que ce n'est pas possible pour le moment.

 

Le 9 juin, la Wehrmacht occupe Dieppe, Rouen et Compiègne. Rommel atteint la Seine à Elbeuf. Cependant, tous les ponts sur le fleuve ayant sauté, les Allemands ne peuvent le franchir pour le moment. Une partie de la Xe armée est prise au piège entre les panzers, la Seine et la mer. Elle se retire dans Saint-Valéry-en-Caux, en espérant s'embarquer.

Au matin, le groupe d'armées A de von Rundstedt attaque à l'Est, en Champagne. Dans un ordre du jour, Weygand proclame : "L'offensive ennemie est déclenchée maintenant sur tout le front (...) L'ordre demeure pour chacun de se battre sans esprit de recul". Mais cet ordre sera difficile à exécuter, car la supériorité allemande est écrasante... Von Rundstedt dispose en effet de la plupart des blindés allemands, car ceux qui n'ont pas pu percer les 5 et 6 juin au sud de Péronne lui ont été transférés. Au total, de l'Aisne à la Meuse, les Allemands alignent 59 divisions (dont 8 blindées) contre seulement 23 divisions françaises... Malgré tout, les premiers assauts allemands vont se heurter à une résistance tenace. La 14e DI du général de Lattre de Tassigny remporte même un beau succès, en repoussant les éléments ennemis qui avaient commencé à franchir l'Aisne, et en faisant 800 prisonniers. Ce n'est qu'à la fin de l'après-midi que deux petites têtes de pont sont créées, de part et d'autre de Château-Porcien. Guderian décide aussitôt d'y faire passer deux de ses divisions blindées, les 1re et 2e Panzerdivisionen.

Plus à l'ouest, dans la région de Soissons, où les Allemands ont déjà créé une forte poche, leur progression est nettement inquiétante. Au soir, ils atteignent l'Ourcq.

A ce moment, Weygand, de plus en plus pessimiste, écrit, dans une note qu'il remettra le lendemain à Paul Reynaud : "la rupture définitive de nos lignes peut survenir d'un moment à l'autre."

C’est ce jour que meurt au combat Léo Lagrange, ancien ministre du Front populaire et connu comme le « père des congés payés ».

 

Le grand quartier général se transporte de La Ferté-sous-Jouarre à Briare, près de Tours. Weygand conseille au gouvernement de quitter Paris.

Ce même jour, de Gaulle se rend à Londres, afin de demander à nouveau de l'aide à Churchill. C'est la première fois que les deux hommes se rencontrent. Visiblement, ils se font mutuellement une forte impression, et se comprennent tout de suite. Malgré tout, Churchill répond "No" au général : il ne croit plus à une victoire française, et doit penser à la défense de son propre pays. Alors de Gaulle, oubliant sa mission, dit au Premier ministre anglais qu'il a tout à fait raison, et que c'est la meilleure chose qu'il puisse faire.

En effet, les avions anglais n'auraient pas suffi alors à empêcher la défaite de la France. Mais, plus tard, ils permettront de gagner la bataille d'Angleterre. "En empêchant les vingt-cinq escadrilles de participer à la Bataille de France, écrit Herman Wouk, [Churchill] agit brutalement, sagement et sans panache ; mais il fit prendre à la guerre le cours qui se termina cinq longues années plus tard, quand Hitler se suicida et que l'Allemagne nazie s'effondra. Cet exploit plaça Winston Churchill dans la compagnie des rares individus à avoir sauvé des pays et peut-être des civilisations."

(Extrait de "Le Souffle de la Guerre", Robert Laffont.) 

A Rome, dans la soirée, le comte Ciano avertit les ambassadeurs de France et de Grande-Bretagne de la déclaration de guerre de l'Italie. Interrogé sur les motifs de son pays, il réplique que l'Italie ne fait qu'exécuter les plans établis en collaboration avec l'Allemagne. "C'est un coup de poignard dans le dos d'un homme tombé à terre", déclare François-Poncet, l'ambassadeur français, au gendre du Duce. Puis il ajoute : "Les Allemands sont de durs maîtres, vous allez l'apprendre à votre tour."

En récompense de son intervention, l'Italie pourra, après la défaite de la France, s'asseoir à la table des négociations d'armistice.

Entre 21 et 22 heures, au cours d'un Conseil des ministres à l'Élysée, Paul Reynaud apprend à ses auditeurs consternés l'entrée en guerre de l'Italie contre les Alliés. Puis il leur expose la nécessité où se trouve le gouvernement de quitter la capitale. Des instructions préliminaires sont données en vue du départ.

 

Le lendemain, 10 juin 1940, l’Italie déclare la guerre à la France et à la Grande-Bretagne. Dans un grand discours prononcé à Rome, depuis le balcon de sa résidence du Palais de Venise, Mussolini déclare, devant 250.000 Italiens enthousiastes :

"Une heure marquée par le destin sonne dans le ciel de notre pays, l'heure des décisions irrévocables. La déclaration de guerre a déjà été remise aux ambassadeurs de Grande-Bretagne et de France. (...) Nous vaincrons ! Aux armes, peuple d'Italie ! C'est le moment de prouver votre bravoure !"

Mais le président américain Franklin Roosevelt est d’un tout autre avis sur ce sujet :

"N'hésitons pas, chacun d'entre nous, à proclamer certaines vérités.

Nous, en tant que nation, et ceci s'applique à toutes les autres nations américaines, sommes irrésistiblement convaincus que la victoire militaire et navale des dieux de la force et de la haine, mettrait en danger les institutions démocratiques dans le monde occidental, et c'est pour cela que toute notre sympathie va à ces nations qui donnent leur sang pour combattre ces forces... C'est le 10 juin 1940 que la main qui tenait le poignard a frappé dans le dos de son voisin."

En fait Mussolini vient de commettre l’erreur de sa vie. Une Italie neutre serait sortie renforcée de la guerre, mais en entrant dans le conflit, le Duce a signé sa propre condamnation.
La flotte italienne est certes puissante (c’est la 5e marine du monde), mais l’armée manque de tout, y compris de chaussures, et les chars italiens sont des cercueils roulants

Le problème de fond, c’est qu’en 1940 l’Italie est encore un pays essentiellement agricole, qui ne possède pas la base industrielle nécessaire pour participer avec des chances de succès à une guerre mondiale. D’ailleurs le moral du peuple comme de l'armée est bas.

Cependant, dans les Alpes, l'armée italienne dispose tout de même d'une supériorité numérique écrasante par rapport aux Français : face à 85.000 soldats français (groupés en 3 divisions d'infanterie et 3 secteurs fortifiés), il y a 3 armées italiennes totalisant 30 divisions. On peut s'attendre à ce qu'avec une pareille supériorité, les Italiens prennent l'offensive.

Mais avec trois divisions seulement, l’armée française des Alpes bloquera toute avance des Italiens, qui en seront réduits à demander aux Allemands – qui refuseront – l’autorisation de faire passer des troupes par l’Allemagne, afin de prendre les Français à revers.

La déclaration de guerre de l’Italie achève de démoraliser des dirigeants français, qui n’avaient pas vraiment besoin de ça. 

Dans le nord de la France, les Allemands poursuivent leur avance. A 6 heures du matin, la 1re Panzerdivision débouche de la tête de pont de Château-Porcien et marche sur la deuxième ligne française, qui s'appuie sur une autre rivière, la Retourne. A 16 heures, les défenses sont débordées, et les Panzers franchissent le cours d'eau. Vers 17 heures, les Français contre-attaquent avec les 200 chars du "Groupement Buisson". Une violente bataille s'engage, au cours de laquelle les blindés allemands subissent de lourdes pertes. Mais leur supériorité numérique est telle, que ces succès français ne peuvent rien changer à l'issue des combats.

D'ailleurs, entre-temps, la 2e Panzer a débouché à son tour de la tête de pont de Château-Porcien. Dans l'après-midi, elle atteint les abords nord de Reims, refoulant la VIe armée française vers la Marne. Dès lors, la IVe armée, menacée d'être débordée sur sa gauche, doit cesser sa belle résistance sur la Retourne et se replier vers le sud.

Un nouveau front est créé, sur la ligne Marne-Montagne de Reims-Argonne. Mais sur ces positions n'arrivent que des unités épuisées et éclaircies. C'est la fin de la résistance organisée... Pendant ce temps, immédiatement à l'est de Paris, les Allemands ont franchi l'Ourcq et poussent vers la Marne, tandis qu'à l'ouest de la capitale, ils commencent à traverser la Basse-Seine. Paris est donc menacée d'un double débordement.

A l'ouest, enfin, les Allemands atteignent Fécamp.

La catastrophe qu'appréhendait Weygand dès le 29 mai, la rupture définitive du front, est en train de se produire...

A 10 heures du matin, le généralissime a remis à Paul Reynaud la note qu'il avait rédigée la veille. A 10h30, le Comité de guerre se réunit. Le président du Conseil déclare que Paris est de plus en plus menacée, et qu'il est nécessaire que le gouvernement se retire à Tours. A 17 heures, un nouveau conseil a lieu, qui fixe le départ à minuit. Les députés, les sénateurs et le corps diplomatique (sauf l'ambassadeur américain, William Bullitt, qui veut demeurer à Paris afin de protéger la population), suivront le gouvernement. A 23 heures, la radio annonce : "Le gouvernement est obligé de quitter la capitale pour des raisons militaires impérieuses." Devant les ministères et les ambassades, de longs convois automobiles se forment, qui, un peu avant minuit, commencent à s'ébranler en direction de la Loire. Ce départ va donner le signal d'un autre exode : en automobile aussi, des Parisiens commencent à quitter leur capitale.

La foule devant le palais de Venise, à Rome, 10 juin 1940.

déc.jpg

Le cuirassé italien "Vittorio Veneto".

VV.jpg

Char italien M13/40.

M13.jpg

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Membre, 66ans Posté(e)
Condorcet Membre 10 257 messages
Baby Forumeur‚ 66ans‚
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Le 09/07/2020 à 12:01, Gouderien a dit :

La flotte italienne est certes puissante (c’est la 5e marine du monde), mais l’armée manque de tout, y compris de chaussures, et les chars italiens sont des cercueils roulants

Concernant les véhicules il y a une exception cependant, c'est l'automitrailleuse Autoblinda Modelo 40 et modèles suivants, considéré comme l'une des meilleures automitrailleuse de la guerre. Sa vitesse, sa fiabilité et sa grande autonomie l'ont fait exceller en Afrique du Nord.

AB41-04.wwii.jpg

Il y avait aussi les moteurs de char, notamment celui de l'Ansaldo P26/40 (char inspiré du T34, anecdotique car trop tardif), très supérieurs à ceux des allemands qui furent maladivement sous motorisés durant toute la guerre.

Image illustrative de l’article Char Ansaldo P26/40

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 703 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
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Il y a 2 heures, Condorcet a dit :

Concernant les véhicules il y a une exception cependant, c'est l'automitrailleuse Autoblinda Modelo 40 et modèles suivants, considéré comme l'une des meilleures automitrailleuse de la guerre. Sa vitesse, sa fiabilité et sa grande autonomie l'ont fait exceller en Afrique du Nord.

AB41-04.wwii.jpg

Il y avait aussi les moteurs de char, notamment celui de l'Ansaldo P26/40 (char inspiré du T34, anecdotique car trop tardif), très supérieurs à ceux des allemands qui furent maladivement sous motorisés durant toute la guerre.

Image illustrative de l’article Char Ansaldo P26/40

Oui, les Italiens avaient quelques bons matériels, si on cherche bien... Mais produits en trop petit nombre, et surtout trop tard. Rommel lui-même était effaré quand il voyait dans quelles conditions les Italiens faisaient la guerre (ce qui n'a pas empêché bien sûr les Allemands - et Rommel entre autres - de les traiter comme des alliés de seconde zone).

Je confirme pour l'Autoblinda Modelo 40, qui était une excellente automitrailleuse. Par contre l'Ansaldo P26/40 est venu trop tard dans la guerre pour servir dans l'armée italienne. Mais les Allemands en ont produit (et utilisé une centaine), en les comparant au Panzer Mk IV. En raison d'un manque de moteurs, une quarantaine d'entre eux ont été enterrés et utilisés dans un rôle statique.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Char_Ansaldo_P26/40

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 703 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
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La suite... bientôt.

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