Aller au contenu

Il y a 80 ans... la drôle de guerre (suite)


Gouderien

Messages recommandés

Membre, Obsédé textuel, 73ans Posté(e)
Gouderien Membre 38 422 messages
73ans‚ Obsédé textuel,
Posté(e)

Au début de 1940, les États-Unis étaient neutres, et entendaient bien le rester. Pour satisfaire les (nombreux) isolationnistes Roosevelt avait fait voter en octobre 39 un « Neutrality Act », qu’il amenda cependant dès le mois suivant de la clause « Cash and Carry » : les Américains acceptaient de vendre des armes et du matériel aux belligérants… à condition que ceux-ci les transportent et les payent. C’était, évidemment faire un pas en direction des Alliés, puisque ceux-ci possédaient la maîtrise des mers. Le président américain inaugurait ainsi la tactique des petits pas qui, en deux ans, conduirait, lentement mais sûrement, l’Amérique sur le chemin de la guerre.

A la suite de l’incident de Mechelen-sur-Meuse, Hitler fut amené à revoir le plan d’offensive à l’0uest. Il fut séduit par les idées du général von Manstein, qui proposait une stratégie révolutionnaire : il s’agissait d’attaquer la Belgique et les Pays-Bas avec des forces importantes, appuyées par des blindés, des parachutistes et un fort soutien aérien : l’assaut devait être assez impressionnant pour attirer en Belgique l’élite des forces alliées, la Ire armée française et le corps expéditionnaire britannique. Mais ce n’était qu’un leurre : suivant l’expression du critique militaire britannique sir Basil Liddell Hart, c’était la « muleta du matador ». Et pendant ce temps la véritable offensive viendrait plus au sud et à l’est, à travers les Ardennes. C’est dans ce massif boisé, que les Français jugeaient impraticables aux chars, qu’on allait faire passer la masse des divisions blindées allemandes, afin de frapper au point faible du dispositif allié : la charnière de Sedan, peu fortifiée et défendue par des unités de deuxième catégorie. L’idée était géniale… et risquée : pour peu que les Alliés réagissent assez promptement, des centaines de chars allemands risquaient de se retrouver bloqués sur les sentiers étroits des forêts des Ardennes. Mais si le plan fonctionnait, après avoir enfoncé le front français, les « Panzerdivisionen » fonceraient vers la mer, et encercleraient les armées alliées imprudemment entrées en Belgique. Après plusieurs reports, le jour « J » fut finalement fixé au 10 mai 1940.

Mais d’ici là, il allait se passer pas mal de choses… Le 16 février 1940, le navire ravitailleur du « Graf von Spee » (qui s’était sabordé en décembre au large de Montevideo), l’« Altmark », fut abordé, dans la meilleure tradition des corsaires, par le destroyer « Cossack » du capitaine Vian. Les Britanniques se ruèrent à bord au cri de « Voilà la marine ! », et libérèrent un certain nombre de marins alliés prisonniers. Tout cela se passa dans les eaux territoriales de la Norvège – un pays neutre. Cet incident convainquit Hitler que les Alliés n’hésiteraient pas, éventuellement, à violer la neutralité norvégienne. Or la Norvège était très importante aux yeux des Allemands, car c’est par le port de Narvik que transitait en hiver – quand la Baltique était gelée – le fer suédois, essentiel à l’économie allemande. Hitler décida donc, avant d’attaquer à l’Ouest, de s’emparer de la Norvège ; pour faire bonne mesure, on en profiterait pour faire main basse sur le Danemark, ce qui interdirait la mer Baltique aux marines alliées. Le projet était risqué, car la flotte allemande n’était pas de taille à affronter la Royal Navy. Mais on comptait sur le soutien de l’aviation, et l’utilisation des parachutistes. Le Führer fixa le début de l’opération au 9 avril ; or, par une étrange coïncidence, ce fut aussi le jour choisi par les Alliés pour leur propre intervention en Norvège. Car, comme l’avait deviné Hitler, les Britanniques et les Français avaient décidé de miner les eaux norvégiennes, afin de couper la « Route du fer ».

Pour le moment, le front était toujours aussi calme. Les soldats étaient surtout occupés à lutter contre le froid d'un hiver assez rude. En attendant qu'on se batte, les bonnes dames de l'œuvre du "Vin chaud du soldat" contribuaient de leur mieux à l'alcoolisation intégrale de l'armée française. Le 26 janvier 1940, le colonel de Gaulle avait envoyé à 80 personnalités civiles ou militaires, dont Léon Blum et Paul Reynaud, ainsi qu'aux généraux Gamelin et Weygand, un mémorandum fondé sur l’analyse des opérations de Pologne et intitulé « L'Avènement de la force mécanique ». Ce texte insistait sur la nécessité de constituer de grandes unités autonomes blindées, plutôt que de disperser les chars au sein d'unités tactiques plus larges, comme le préconisait la doctrine officielle. L’influence de ce mémorandum fut négligeable. De Gaulle avait tout de même le soutien de Paul Reynaud ; les deux hommes se connaissaient depuis plusieurs années. Or, ce même Reynaud allait bientôt accéder au pouvoir…

En effet, la guerre russo-finlandaise avait fini par se terminer. Après les déboires initiaux de l’Armée rouge, Staline avait nommé un maréchal compétent, Semion Timochenko, avec pour mission d’en finir avec la Finlande. Malgré un large – mais insuffisant – soutien international, la Finlande ne pouvait supporter un long conflit contre l’URSS. A la fin de février et au début de mars, l’Armée rouge enfonça la ligne Mannerheim. Mis en présence de propositions de paix « raisonnables » de la part de Moscou, les Finlandais préférèrent signer un armistice. Le 12 mars 1940, le conflit cessa. L’union soviétique mit la main sur la ville de Viipuri (aussitôt rebaptisée Vyborg) et sur une partie de la Carélie, mais du moins la Finlande conservait son indépendance.

Cette guerre brève mais sanglante (on compta environ 50.000 morts soviétiques et un nombre encore plus grand de blessés et de gelés, les pertes finlandaises étant bien moindres) eut plusieurs conséquences importantes :

1)    1 ) Elle jeta les Finlandais dans les bras des Allemands ;

2)    2) Elle convainquit le monde entier (et en particulier l’état-major allemand) que l’Armée rouge « n’était pas un adversaire redoutable pour une armée moderne » ;

3)    3) Staline, lui, était plutôt content de son armée ; il se vanta d’avoir déjoué les plans des impérialistes ; mais l’état-major de l’Armée rouge retint toutefois une leçon importante de ce conflit : il fallait améliorer les équipements d’hiver ;

4)  4)  Enfin, la conséquence la plus inattendue de la « guerre d’hiver » fut que sa conclusion… entraîna la chute du gouvernement français.

La nouvelle de la signature de la paix entre l’URSS et la Finlande éclata comme un coup de tonnerre à Paris. Commencés le 14 mars, les débats à la Chambre des députés et au Sénat aboutirent le 21 à la chute du cabinet Daladier, et à la nomination d’un nouveau président du Conseil, Paul Reynaud. Celui constitua aussitôt un nouveau gouvernement, dans lequel Daladier était ministre de la Guerre - Reynaud s'attribuant quant à lui le portefeuille des Affaires étrangères. On reprochait à Daladier de ne pas avoir mené la guerre avec assez de détermination, et en particulier de ne pas avoir aidé suffisamment la Finlande. Effectivement, le corps expéditionnaire préparé pour intervenir dans ce pays n’avait toujours pas quitté ses ports (on allait bientôt lui trouver une autre mission). Ceux qui critiquaient la « mollesse » de Daladier se rendaient-ils compte que s’il avait fait preuve de plus de diligence, on aurait pu se retrouver en guerre avec la Russie – alors qu’on n’était déjà pas capable de faire la guerre à l’Allemagne ? En tout cas on le remplaça par un représentant de la droite modérée, Paul Reynaud, petit homme ambitieux et énergique, qui avait maintenant à affronter une lourde tâche, d’autant que son adversaire Daladier avait toujours la haute main sur la Défense nationale, et qu’il soutenait le généralissime Gamelin, que Reynaud jugeait – à juste titre – incompétent.

Reynaud signa le 28 mars 1940 à Londres avec la Grande-Bretagne une convention selon laquelle aucun des deux pays ne concluerait de paix séparée avec l'Allemagne. Daladier s'était toujours opposé à une telle convention, or Reynaud la signa sans se faire préciser quelle serait la contribution britannique à la guerre, notamment du point de vue de l'aviation. Cette convention ne fut même pas discutée au sein du Conseil des ministres ou présentée au Parlement, alors qu'elle engageait la France au point de vue international. Elle pèsera beaucoup sur les relations franco-britanniques. Au cours de la même réunion, on discuta très sérieusement des représailles militaires à exercer contre l’URSS après son agression contre la Finlande, et on évoqua bien entendu le prochain mouillage de mines dans les eaux norvégiennes, qui devait priver l’Allemagne du fer suédois - l'intervention en Norvège n'étant d'ailleurs, dans l'esprit des Français et des Britanniques, qu'une première étape avant l'envoi de troupes en Finlande afin de relancer le conflit contre l'Union soviétique.

De haut en bas :

- Le général (futur maréchal) Erich von Manstein;

- Le colonel (futur général) de Gaulle, en compagnie du président Lebrun;

- Paul Reynaud;

- Le maréchal Semion Timochenko.

EVM-titre.png

CDGtre.png

PR.jpg

SM.png

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Membre, 65ans Posté(e)
pila Membre 18 571 messages
Baby Forumeur‚ 65ans‚
Posté(e)

Il fallait envahir l'Allemagne en 1935-1936, quand le fou-furieux a commencé ses reconquêtes (territoires allemands démilitarisés). La Presse n'a eu de cesse d'éditer des articles avant et après 1933 sur la dangerosité de cet individu. Et personne n'a rien fait !

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

@Gouderien

je suis vraiment épaté et admiratif de toutes tes connaissances et de tes réflexions sur l'histoire de cette époque. Et de ta passion en général pour l'histoire que je partage: Merci !

Quand je te lis, j'ai l'impression de m'élever...

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Obsédé textuel, 73ans Posté(e)
Gouderien Membre 38 422 messages
73ans‚ Obsédé textuel,
Posté(e)
il y a 13 minutes, Blaquière a dit :

@Gouderien

je suis vraiment épaté et admiratif de toutes tes connaissances et de tes réflexions sur l'histoire de cette époque. Et de ta passion en général pour l'histoire que je partage: Merci !

Quand je te lis, j'ai l'impression de m'élever...

Merci!

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité lumic
Invités, Posté(e)
Invité lumic
Invité lumic Invités 0 message
Posté(e)
il y a 32 minutes, Blaquière a dit :

@Gouderien

je suis vraiment épaté et admiratif de toutes tes connaissances et de tes réflexions sur l'histoire de cette époque. Et de ta passion en général pour l'histoire que je partage: Merci !

Quand je te lis, j'ai l'impression de m'élever...

Oui mais quoi de neuf ...

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 1 heure, lumic a dit :

Oui mais quoi de neuf ...

Gna gna gna ! Si l'histoire ne te passionne pas tu peux pas comprendre !

Moi, mon père qui avait pourtant pris le maquis s'amusait souvent à se grimer en Hitler... Avec un bouchon brûlé il se faisait la petite moustache carrée sous le nez, et comme il était brun, avec les cheveux raides il se faisait la mèche  sur le front ! Il prenait un air dur et il nous faisait peur !

Ma belle-mère qui a 99 ans, il y a encore un an (maintenant elle sait plus trop où elle est...) nous demandait trois fois par jour : "il est mort comment Hitler?"

Tout ça, c'est viscéral !

(Je dis ça juste pour dire des conneries. ça n'a pas d'importance...)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité lumic
Invités, Posté(e)
Invité lumic
Invité lumic Invités 0 message
Posté(e)
il y a 18 minutes, Blaquière a dit :

Gna gna gna ! Si l'histoire ne te passionne pas tu peux pas comprendre !

Moi, mon père qui avait pourtant pris le maquis s'amusait souvent à se grimer en Hitler... Avec un bouchon brûlé il se faisait la petite moustache carrée sous le nez, et comme il était brun, avec les cheveux raides il se faisait la mèche  sur le front ! Il prenait un air dur et il nous faisait peur !

Ma belle-mère qui a 99 ans, il y a encore un an (maintenant elle sait plus trop où elle est...) nous demandait trois fois par jour : "il est mort comment Hitler?"

Tout ça, c'est viscéral !

(Je dis ça juste pour dire des conneries. ça n'a pas d'importance...)

Si si , j ' aime beaucoup l ' histoire puisque c ' est justement l ' histoire des hommes , donc de nous tous ...

Ensuite que Générale Machin ou Truc , oui c ' est important de le savoir mais on n ' entend pas par exemple et à  se demander , pourquoi quelques experts n ' évoquent pas plus que ça ceux et celles qui livrèrent les batailles ...

Pas grand chose par exemple sur ces premiers  soldats Français morts sur le champ de bataille , comme ci ils n ' avaient jamais existés ...

La gloire concerne essentiellement les soldats , pas les politiques , ni les généraux bien planqués et souvent incompétents ...

Par contre RMC , retrace assez bien le courage de ces soldats anonymes ...

L ' un des témoignages qui m ' a le plus impressionné est celui d ' un soldat évoquant le sort de l ' un de ses camarades sortant brûlant vif d ' un char et celui ci allant s ' asseoir , comme ci peut être il ne sentait plus rien ...

 

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
il y a 15 minutes, lumic a dit :

Si si , j ' aime beaucoup l ' histoire puisque c ' est justement l ' histoire des hommes , donc de nous tous ...

Ensuite que Générale Machin ou Truc , oui c ' est important de le savoir mais on n ' entend pas par exemple et à  se demander , pourquoi quelques experts n ' évoquent pas plus que ça ceux et celles qui livrèrent les batailles ...

Pas grand chose par exemple sur ces premiers morts soldats Français morts sur le champ de bataille , comme ci ils n ' avaient jamais existés ...

La gloire concerne essentiellement les soldats , pas les politiques , ni les généraux bien planqués et souvent incompétents ...

Par contre RMC , retrace assez bien le courage de ces soldats anonymes ...

L ' un des témoignages qui m ' a le plus impressionné est celui d ' un soldat évoquant le sort de l ' un de ses camarades sortant brûlant vif d ' un char et celui ci allant s ' asseoir , comme ci peut être il ne sentait plus rien ...

 

 

Oui ! Mais l'un n'empêche pas l'autre.

Mon beau père chef de char qui a assisté et contré la première charge des chars allemands dans les Ardennes  et a sauvé 9 de ses camarades dont les chars étaient foutus, ce jour-là, écrivait à sa femme à Reims le soir même :

"File vite chez Titine (une cousine) en Bretagne : nous avons perdu la guerre!"

Bon, on sait que la Bretagne a été occupée aussi par la suite...

 

Pour la guerre de 14, il y a quelques années, on avait sorti "les lettres de poilus"... ça te prenait aux tripes.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Obsédé textuel, 73ans Posté(e)
Gouderien Membre 38 422 messages
73ans‚ Obsédé textuel,
Posté(e)
il y a 19 minutes, lumic a dit :

Si si , j ' aime beaucoup l ' histoire puisque c ' est justement l ' histoire des hommes , donc de nous tous ...

Ensuite que Générale Machin ou Truc , oui c ' est important de le savoir mais on n ' entend pas par exemple et à  se demander , pourquoi quelques experts n ' évoquent pas plus que ça ceux et celles qui livrèrent les batailles ...

Pas grand chose par exemple sur ces premiers  soldats Français morts sur le champ de bataille , comme ci ils n ' avaient jamais existés ...

La gloire concerne essentiellement les soldats , pas les politiques , ni les généraux bien planqués et souvent incompétents ...

Par contre RMC , retrace assez bien le courage de ces soldats anonymes ...

L ' un des témoignages qui m ' a le plus impressionné est celui d ' un soldat évoquant le sort de l ' un de ses camarades sortant brûlant vif d ' un char et celui ci allant s ' asseoir , comme ci peut être il ne sentait plus rien ...

 

 

Je suis d'accord avec toi, sauf que ce que j'écris ici est un très bref résumé des événements; pour rentrer plus dans le détail il faudrait un texte bien plus long, qui n'aurait pas sa place ici.

En ce qui concerne "les premiers soldats Français morts sur le champ de bataille", dans la période décrite (jusqu'en mars 1940), il y en avait eu assez peu, le front étant calme. L'"offensive française" de septembre 39 avait fait une trentaine de morts, et ensuite il n'y avait eu que de l'activité de patrouilles ou de corps francs, aucun combat d'importance. L'un des héros de cette époque était un certain Joseph Darnand… qui allait faire parler de lui ensuite pour de toutes autres raisons...

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
Constantinople Membre 18 329 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
Le 04/03/2020 à 14:00, Gouderien a dit :

Au début de 1940, les États-Unis étaient neutres, et entendaient bien le rester. Pour satisfaire les (nombreux) isolationnistes Roosevelt avait fait voter en octobre 39 un « Neutrality Act », qu’il amenda cependant dès le mois suivant de la clause « Cash and Carry » : les Américains acceptaient de vendre des armes et du matériel aux belligérants… à condition que ceux-ci les transportent et les payent. C’était, évidemment faire un pas en direction des Alliés, puisque ceux-ci possédaient la maîtrise des mers. Le président américain inaugurait ainsi la tactique des petits pas qui, en deux ans, conduirait, lentement mais sûrement, l’Amérique sur le chemin de la guerre.

A la suite de l’incident de Mechelen-sur-Meuse, Hitler fut amené à revoir le plan d’offensive à l’0uest. Il fut séduit par les idées du général von Manstein, qui proposait une stratégie révolutionnaire : il s’agissait d’attaquer la Belgique et les Pays-Bas avec des forces importantes, appuyées par des blindés, des parachutistes et un fort soutien aérien : l’assaut devait être assez impressionnant pour attirer en Belgique l’élite des forces alliées, la Ire armée française et le corps expéditionnaire britannique. Mais ce n’était qu’un leurre : suivant l’expression du critique militaire britannique sir Basil Liddell Hart, c’était la « muleta du matador ». Et pendant ce temps la véritable offensive viendrait plus au sud et à l’est, à travers les Ardennes. C’est dans ce massif boisé, que les Français jugeaient impraticables aux chars, qu’on allait faire passer la masse des divisions blindées allemandes, afin de frapper au point faible du dispositif allié : la charnière de Sedan, peu fortifiée et défendue par des unités de deuxième catégorie. L’idée était géniale… et risquée : pour peu que les Alliés réagissent assez promptement, des centaines de chars allemands risquaient de se retrouver bloqués sur les sentiers étroits des forêts des Ardennes. Mais si le plan fonctionnait, après avoir enfoncé le front français, les « Panzerdivisionen » fonceraient vers la mer, et encercleraient les armées alliées imprudemment entrées en Belgique. Après plusieurs reports, le jour « J » fut finalement fixé au 10 mai 1940.

Mais d’ici là, il allait se passer pas mal de choses… Le 16 février 1940, le navire ravitailleur du « Graf von Spee » (qui s’était sabordé en décembre au large de Montevideo), l’« Altmark », fut abordé, dans la meilleure tradition des corsaires, par le destroyer « Cossack » du capitaine Vian. Les Britanniques se ruèrent à bord au cri de « Voilà la marine ! », et libérèrent un certain nombre de marins alliés prisonniers. Tout cela se passa dans les eaux territoriales de la Norvège – un pays neutre. Cet incident convainquit Hitler que les Alliés n’hésiteraient pas, éventuellement, à violer la neutralité norvégienne. Or la Norvège était très importante aux yeux des Allemands, car c’est par le port de Narvik que transitait en hiver – quand la Baltique était gelée – le fer suédois, essentiel à l’économie allemande. Hitler décida donc, avant d’attaquer à l’Ouest, de s’emparer de la Norvège ; pour faire bonne mesure, on en profiterait pour faire main basse sur le Danemark, ce qui interdirait la mer Baltique aux marines alliées. Le projet était risqué, car la flotte allemande n’était pas de taille à affronter la Royal Navy. Mais on comptait sur le soutien de l’aviation, et l’utilisation des parachutistes. Le Führer fixa le début de l’opération au 9 avril ; or, par une étrange coïncidence, ce fut aussi le jour choisi par les Alliés pour leur propre intervention en Norvège. Car, comme l’avait deviné Hitler, les Britanniques et les Français avaient décidé de miner les eaux norvégiennes, afin de couper la « Route du fer ».

Pour le moment, le front était toujours aussi calme. Les soldats étaient surtout occupés à lutter contre le froid d'un hiver assez rude. En attendant qu'on se batte, les bonnes dames de l'œuvre du "Vin chaud du soldat" contribuaient de leur mieux à l'alcoolisation intégrale de l'armée française. Le 26 janvier 1940, le colonel de Gaulle avait envoyé à 80 personnalités civiles ou militaires, dont Léon Blum et Paul Reynaud, ainsi qu'aux généraux Gamelin et Weygand, un mémorandum fondé sur l’analyse des opérations de Pologne et intitulé « L'Avènement de la force mécanique ». Ce texte insistait sur la nécessité de constituer de grandes unités autonomes blindées, plutôt que de disperser les chars au sein d'unités tactiques plus larges, comme le préconisait la doctrine officielle. L’influence de ce mémorandum fut négligeable. De Gaulle avait tout de même le soutien de Paul Reynaud ; les deux hommes se connaissaient depuis plusieurs années. Or, ce même Reynaud allait bientôt accéder au pouvoir…

En effet, la guerre russo-finlandaise avait fini par se terminer. Après les déboires initiaux de l’Armée rouge, Staline avait nommé un maréchal compétent, Semion Timochenko, avec pour mission d’en finir avec la Finlande. Malgré un large – mais insuffisant – soutien international, la Finlande ne pouvait supporter un long conflit contre l’URSS. A la fin de février et au début de mars, l’Armée rouge enfonça la ligne Mannerheim. Mis en présence de propositions de paix « raisonnables » de la part de Moscou, les Finlandais préférèrent signer un armistice. Le 12 mars 1940, le conflit cessa. L’union soviétique mit la main sur la ville de Viipuri (aussitôt rebaptisée Vyborg) et sur une partie de la Carélie, mais du moins la Finlande conservait son indépendance.

Cette guerre brève mais sanglante (on compta environ 50.000 morts soviétiques et un nombre encore plus grand de blessés et de gelés, les pertes finlandaises étant bien moindres) eut plusieurs conséquences importantes :

1)    1 ) Elle jeta les Finlandais dans les bras des Allemands ;

2)    2) Elle convainquit le monde entier (et en particulier l’état-major allemand) que l’Armée rouge « n’était pas un adversaire redoutable pour une armée moderne » ;

3)    3) Staline, lui, était plutôt content de son armée ; il se vanta d’avoir déjoué les plans des impérialistes ; mais l’état-major de l’Armée rouge retint toutefois une leçon importante de ce conflit : il fallait améliorer les équipements d’hiver ;

4)  4)  Enfin, la conséquence la plus inattendue de la « guerre d’hiver » fut que sa conclusion… entraîna la chute du gouvernement français.

La nouvelle de la signature de la paix entre l’URSS et la Finlande éclata comme un coup de tonnerre à Paris. Commencés le 14 mars, les débats à la Chambre des députés et au Sénat aboutirent le 21 à la chute du cabinet Daladier, et à la nomination d’un nouveau président du Conseil, Paul Reynaud. Celui constitua aussitôt un nouveau gouvernement, dans lequel Daladier était ministre de la Guerre - Reynaud s'attribuant quant à lui le portefeuille des Affaires étrangères. On reprochait à Daladier de ne pas avoir mené la guerre avec assez de détermination, et en particulier de ne pas avoir aidé suffisamment la Finlande. Effectivement, le corps expéditionnaire préparé pour intervenir dans ce pays n’avait toujours pas quitté ses ports (on allait bientôt lui trouver une autre mission). Ceux qui critiquaient la « mollesse » de Daladier se rendaient-ils compte que s’il avait fait preuve de plus de diligence, on aurait pu se retrouver en guerre avec la Russie – alors qu’on n’était déjà pas capable de faire la guerre à l’Allemagne ? En tout cas on le remplaça par un représentant de la droite modérée, Paul Reynaud, petit homme ambitieux et énergique, qui avait maintenant à affronter une lourde tâche, d’autant que son adversaire Daladier avait toujours la haute main sur la Défense nationale, et qu’il soutenait le généralissime Gamelin, que Reynaud jugeait – à juste titre – incompétent.

Reynaud signa le 28 mars 1940 à Londres avec la Grande-Bretagne une convention selon laquelle aucun des deux pays ne concluerait de paix séparée avec l'Allemagne. Daladier s'était toujours opposé à une telle convention, or Reynaud la signa sans se faire préciser quelle serait la contribution britannique à la guerre, notamment du point de vue de l'aviation. Cette convention ne fut même pas discutée au sein du Conseil des ministres ou présentée au Parlement, alors qu'elle engageait la France au point de vue international. Elle pèsera beaucoup sur les relations franco-britanniques. Au cours de la même réunion, on discuta très sérieusement des représailles militaires à exercer contre l’URSS après son agression contre la Finlande, et on évoqua bien entendu le prochain mouillage de mines dans les eaux norvégiennes, qui devait priver l’Allemagne du fer suédois - l'intervention en Norvège n'étant d'ailleurs, dans l'esprit des Français et des Britanniques, qu'une première étape avant l'envoi de troupes en Finlande afin de relancer le conflit contre l'Union soviétique.

De haut en bas :

- Le général (futur maréchal) Erich von Manstein;

- Le colonel (futur général) de Gaulle, en compagnie du président Lebrun;

- Paul Reynaud;

- Le maréchal Semion Timochenko.

EVM-titre.png

CDGtre.png

PR.jpg

SM.png

   1) Elle jeta les Finlandais dans les bras des Allemands ;

2 2) Elle convainquit le monde entier (et en particulier l’état-major allemand) que l’Armée rouge « n’était pas un adversaire redoutable pour une armée moderne » ;

3)3) Staline, lui, était plutôt content de son armée ; il se vanta d’avoir déjoué les plans des impérialistes ; mais l’état-major de l’Armée rouge retint toutefois une leçon importante de ce conflit : il fallait améliorer les équipements d’hiver ;

HOn oublie souvent ce conflit finno socialiste et ses consésquences. Bravo pour cet article avec un bel esprit de synthèse sans être simpliste.

 

 

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×