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Pépé raconte-nous le collège... (suite)


Blaquière

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Pépé raconte nous le collège (suite et peut-être fin)

 

Il y en aurait tant à raconter !

Sept ans, c'est une vie... Et sept ans d'internat....

Le dortoir par exemple...

Le "lit en porte feuille".... Tu t'absentais un moment, pour aller à la douche ou parler avec un copain dans un autre dortoir... Et pendant ce temps, les copains te faisaient la farce : ils pliaient le drap du dessous de ton lit à moitié vers le haut et c'était avec lui qu'ils faisait le revers sur la couverture. Résultat, quand tu arrivais à la bourre au moment de l'extinction des feux, à dix heures, tu pouvais pas rentrer dans ton lit ! Il te fallait refaire tout ton lit dans le noir. Ça a bien dû m'arriver un fois ou deux je crois !

Il y avait aussi pour les teigneux, les pénibles, les emmerdeurs en forme de punition, "la bite au cirage"... On comprend de quoi il s'agissait ! Au cirage noir, évidemment !

Il y aura eu aussi quelques scènes d'anthologie. Le copain B... (celui du "lavabo garni") réputé grand péteur devant l’Éternel, à quatre pattes sur son lit,  en pyjama (on gardait sa pudeur) ; et ses comparses, briquet allumé à la main, placé au bon endroit pour vérifier la combustion théorique du "méthane" dont on nous avait parlé en chimie....

Sans résultat probant je dois l'avouer...

Plus étonnant, ce copain, eurasien. Puijane. Un gars sérieux, très sérieux et de plus très gentil. Dont on disait qu'il était champion du Laos de Boxe Thaïlandaise... Ce genre de sport où régulièrement à la fin du combat l'un des adversaires sort sur un brancard quand il n'est pas mort... Inutile de dire que personne ne lui cherchait noise à lui ! Quand il rentrait de vacances, des vacances pendant lesquelles il avait pu reprendre un peu son entraînement, il nous montrait ses mains : elles étaient... comme de la pierre ! C'était impressionnant. Une expérience avait eu lieu. Il s'était mis à plat ventre ou sur le dos sur son lit avec quatre copains qui l'immobilisaient. Un sur chaque membre... au top donné il était sensé tenter de se libérer... Peuchère ! En une fraction de seconde, il avait envoyé les quatre copains en l'air ! Et bien sûr sans leur faire le moindre mal !

Il nous avait expliqué quelques rudiments d'autodéfense. Comment se tenir... Légèrement de profil, jamais de face... le pied gauche en avant, les bras souples presque allongés... Avant chaque combat il nous expliquait qu'ils se faisaient craquer toutes leurs jointures, comme on fait craquer les doigts... Toute la colonne vertébrale aussi ! En tirant sur la peau au dessus de chaque vertèbre... On entendait un petit "cloc" ! Il s'agissait d'arriver à une souplesse maximum de tout le corps... C'était un vrai personnage ce Puijane. Un type très calme.

La jeunesse, l'adolescence, c'est tout et son contraire ! Une grande naïveté qu'on dira "romantique". On a vécu au jour le jour l'exécution de Chessman, comme un drame profond qui nous touchait personnellement ! Caryl Chessman qui avait passé aux États Unis plus de dix ans dans les couloirs de la mort et qui d'assassin qu'il était au départ était devenu un vrai penseur, un intellectuel, et qui avait écrit des ouvrages extrêmement humains... Le matin où l'annonce de son exécution nous était parvenue, nous nous regardions tous d'un air triste, bouleversé ; nous étions tous en deuil ! Pareil pour Kennedy, bien sûr ! Le soir à l'étude la nouvelle nous avait frappés : "ILS ont assassiné Kennedy" !

Un sensation précise sur le coup que le monde s'effondrait soudain... Qu'on ne pourrait plus jamais vivre comme avant... Et pourtant, le lendemain, rien n'avait changé : "INTERROGATION ÉCRITE !" Décidément, les adultes étaient insensibles et cyniques ! Ils ne nous laissaient aucun répit !

Et l'encyclique de Jean XXIII ? "Pacem in terris" ! Un texte essentiel ! Tout y était dit ! Il fallait l'avoir ce texte ! Je l'ai donc acheté ! Lu? C'est moins sûr... On devinait ce qu'il pouvait y être dire : La paix c'est bien, la guerre c'est mal...

Face à cette grand naïveté véritablement "téléphonée", presque une façon de penser imposée, obligatoire, une étonnante clairvoyance. Pour ce (ou ceux) qu'on a directement sous les yeux. Comme tel mythomane (pas méchant au demeurant)  qui dans le monde des adultes saura toujours donner le change mais qui sera surnommé "Boumbarde" au bout de quelques mois seulement... (Bombarde, les coups de barres !)

Mais c'est le monde adulte où l'imposture est généralisée qui est là en cause. Tout doit s'y tenir, s'y soutenir. On ne peut que se serrer les coudes.... Ou alors, tout est remis en question... Et les longs et laborieux faux parcours y seraient entièrement remis en question. Une vie entière à se mentir et à mentir aux autres. C'est au dessus de nos forces.

Quand on est jeune on n'a rien compris à tout ça et on peut pleurer sincèrement Chessman et Kennedy.

Au début des années soixante, on a eu une grosse arrivé de pieds-noirs aux lycée... Ils sont bien sûr devenu des copains. Ils nous ont appris ce beau mot simple et sonore d'OAS ! Organisation de l'Armée Secrète ! On ne savait pas ce que ça signifiait, mais pour un adolescent, Une "Armée Secrète", c'est trop sexy ! Puisqu' en plus ça semblait rebelle au pouvoir en place.  Je me suis donc inventé et dessiné une carte de l'OAS : "O" Bleu,  "A" blanc et "S" rouge ! Aux crayons de couleur ! Et je l'ai mise dans mon porte-feuille. Dès lors, quand on descendait le soir du collège d'en haut au collège d'en bas, en rang, encadrés par les surveillants, j'avais un peu peur que les gendarmes ne me contrôlent (contrôlassent !). Je ne savais pas du tout de quoi il s'agissait, mais l'Armée Secrète c'était trop classe et je vivais ça, à fond ! Les copains avaient été expulsés de chez eux, il "fallait bien faire" quelque chose !

Les souvenirs s'accrochent aux lieux précisément... Et c'est juste sur ce Cours la Liberté en sortant du collège d'en haut que j'avais peur d'être arrêté comme soldat de l'OAS, c'est exactement à ce même endroit à un ou deux mètres près,  lors de cette invraisemblable course des cent tours du cours de la Liberté de Brignoles, que mon père en hurlant "Vas-y Bobet!" avait rattrapé au vol son dentier, expulsé intempestivement au deuxième "b" de Bobet !

Aurait-il voulu mordre son fils OAS ?!!!

Mon père, dont les gendarmes étaient venus prendre les mesures sous les oliviers du Clos de Margot à Font Marcellin, pour un uniforme de gendarme de réserve au cas où la République serait en danger sur sa gauche par les communistes pro FLN  et sur sa droite par l'OAS ...

Mon père en slip sous les oliviers entouré de deux gendarmes le mètre ruban de couturière à la main, qui avait signalé aux dits gendarmes :

.. Vous ne craignez pas que si quelqu'un nous surprend dans cette tenue, on puisse se méprendre sur ce qu'on fait ?!"

Moi OAS ?!

Comme circonstances "exténuantes", je dirai que c'était cette année-là précisément que j'arrivais tout juste de la planète Véga à la recherche de mon amour des étoiles... Je n'étais pas encore bien au courant des us et coutumes terrestres, pas au courant de tous les tenants et les... abêtissants !

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 280 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)

Et celui qui réveillait tout le dortoir avec ces cris de cauchemar ?

Et ces pieds-noirs qui nous méprisaient ?

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
il y a 4 minutes, Talon 1 a dit :

Et celui qui réveillait tout le dortoir avec ces cris de cauchemar ?

Et ces pieds-noirs qui nous méprisaient ?

Raconte-nous ta version ! On est preneurs sans réserve !

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