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Mots d'enfants


Ambre Agorn

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
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Tout est parti d'un mot que ma fille a dit à son papy: "les yeux servent à écouter le silence".

Je la voyais, mais elle ne savait pas que j'étais là, assise devant le feu. J'aime à regarder ma fille et mon beau-père. Il arrive à lui laisser le droit à sa vision du monde et l'encourage en jouant le rôle d'un gentil fou joyeux plein de sagesse. Je la vois perdre ses touts petits doigts dans les fils emmêlés de sa barbe, et sa petite voix ponctue celle plus grave de l'homme. Elle affectionne particulièrement qu'on lui fournisse de quoi alimenter son petit dictionnaire personnel. Elle demande qu'on lui nomme chaque partie de son corps, qu'on lui explique ce qu'est l'énergie et si elle a raison quand elle dit que nous sommes tous des animaux. Elle pose inlassablement toutes les questions auxquelles elle n'a pas compris les réponses. Elle agrandit à chaque fois son inventaire dès qu'une nouvelle information se présente à elle.

Aujourd'hui, Papy lui demanddait à quoi servait chaque partie de son corps:

_" A quoi servent les jambes?" --" A marcher et courir et sauter"

_ "A quoi servent les yeux?" -- "A écouter le silence"

_ "A quoi sert le nez?" -- "Ben je sais pas, à écouter le bruit peut-être?"

Pourquoi la sagesse semble-t-elle se fondre souvent dans les mots des enfants? La sagesse n'est définitivement pas l'appanage des adultes , ni de la gente cultivée.

La sagesse c'est la douceur simple et tranquille de la vie. La sagesse c'est de ne pas perdre l'essentiel de vue. La sagesse c'est vivre comme un enfant tranquille: laisser les influences passer en soi et laisser celles qui résonnent en nous accomplir ce qu'elles ont à y faire.

Ma fille à deux ans et demi

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
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Je parlais de la raison pure avec mon mari. Saoûlées par notre conversation qui, je me disais, n'avait rien pour les intéresser, les filles commençaient à me faire sentir qu'un peu plus d'attention de ma part leurs serait plus agréable.

Puis, se servant d'un léger silence dans la conversation la petite dit, d'une voix bien claire:

-"Vous, vous raisonnez et moi, j'ai raison".

Elle mit fin d'une façon décisive à notre conversation sur la raison...

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Membre, 60ans Posté(e)
eriu Membre 11 242 messages
Maitre des forums‚ 60ans‚
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Voilà , ce sont les enfants qui sont les plus grands philosophes .. écouter l'enfant qui est en nous :) 

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Membre, 60ans Posté(e)
eriu Membre 11 242 messages
Maitre des forums‚ 60ans‚
Posté(e)

Je me permet de mettre ce petit trésor ici .. un régal :) 

 

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Mes petits enfants, 7 et 10 ans :

"Il a quoi comme budget le Père Noël cette année ?..."

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)

C'était un rêve récurrent étant petite. Je dis rêve, car pour moi, à ce moment de ma vie, le rêve endormie et le rêve éveillée n'avait pas grande différence.

Je m'asseillais devant la porte de la maison, sur un carton au soleil et je regardais les autres enfants jouer. Je devais avoir 5 ou 6 ans quand ces rêves/pensées ont commencés.

Ce n'est pas que je ne jouais pas avec les autres enfants, bien au contraire, me mettre à part constituait pour moi une mise en retrait tout à fait inhabituelle et choisie.

Donc en regardant les enfants jouer, je me disais que j'aurai très bien pu être l'un d'eux. J'aurai très bien pu ne pas me trouver sur le carton en ce moment et être l'un des enfants que je voyais. J'aurai très bien pu être celui que je regardais en train de chercher à attraper le prochain loup, ou bien être celui qui s'était assis parce qu'il s'était légèrement blessé le genoux. D'ailleurs il me regarde, et, au moment où nos yeux se croisent, j'étais en train de vivre dans ses yeux et me "voyais" au loin en train sur mon carton. Je m'imaginais vraiment que je pouvais être chacun des enfants que j'avais sous les yeux et même ceux que je ne pouvais pas voir mais que je connaissais.

Ces moments me donnaient le vertige. J'avais le sentiment que mon être, ce qui me constituait était une chose vraiment fragile et improbable. Il suffisait que je décide que je n'étais plus moi, que je m'imagine être celui qui survaillait distraitement les enfants pour devenir cette personne. Je pensais que le hasard m'avait mis dans ce corps avec cet esprit, mais que n'importe quoi, surtout de très léger donc extrêmement puissant aurait pu tout changer, et je serai un esprit dans un autre corps en train de faire la même chose, mais au lieu de regarder les autres sur mon carton, je regarderai cet enfant au loin sur son carton, d'ailleurs ne l'avais-je pas fait un peu plus tôt? Et d'ailleurs était-ce vraiment un peu plus tôt? Est-ce que quelque part ça n'était pas vraiment arrivé et que j'étais aussi cet enfant là-bas, assis, le genou en feu? Oui j'étais aussi cet enfant, je l'ai été, et je le serai. Le temps dans le rêve n'est pas pareil et rien ne me semblait impossible, d'ailleurs je l'avais fait de voyager dans le temps, pour cela il me suffisait de rêver. Ou alors j'aurai pu être mon esprit et un autre corps sur ce carton et je n'aurai pas le même âge, je serai ma maman en train de regarder ses enfants en train de jouer. Mais je ne serai pas ma maman, je serai moi, la maman de deux filles, et tout aurait changé, d'aileurs je l'ai aussi fait: je suis cette maman-là, et je suis encore cette enfant qui regarde les autres, jamais les mêmes, et je suis aussi celui qui court pour toucher le prochain loup, et aussi celui qui s'est écorché le genou. Je savais et je sais que je suis chacun d'entr'eux. Je savais que j'avais ce pouvoir, parce que je le sentais dans ma main. Je sentais mon petit doigt devenir tellement immense et lourd qu'il me fallait me concentrer totalement sur ses moindres mouvements qui duraient une éternité dans la seconde. J'avais mal partout ou plutôt tout était canalisé dans mon petit doigt, comme si tout mon être s'était glissé dans mon petit doigt. Mais, malgré la taille imposante de mon petit doigt, il était d'une infini précision et d'une légèreté comparable à sa masse imposante.

Les mots me manquent pour décrire ce que je vivais... Quand je relis c'est tellement éloigné de ces expériences et fade, mais fade. Comment dire avec des mots ce qui ne peut pas être appréhender par la raison?

Quelqu'un peut-il m'aider? Y aurait-il quelqu'un pour me rejoindre et vivre une expérience qui ne pourrait pas être dite, mais juste vécue, vécue ensemble? Quelqu'un qui voudrait parler d'une chose tellement inhabituelle qu'il en perde les mots et pousse à le vivre plutôt que d'en parler?

La réalité et si fragile et si restreinte. Heureusement que l'inconnu est tellement plus immense, tellement plus palpitant et plein de possibilités insoupçonnées. Je sais que c'est le seul endroit qui me permettra de m'échapper de la réalité si solide, et de vivre tout ce qui semble interdit ou juste impossible.

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Membre, 51ans Posté(e)
Aruna Membre 527 messages
Forumeur balbutiant‚ 51ans‚
Posté(e)

Le phénomène du rêve a de multiples voies d'accès. Les mots égrainés en sont une. Un rayon de soleil qui passe à travers la fenêtre en est une autre, ou encore un souvenir, etc, etc...

Se laisser happer demande une certaine fluidité, mais cette fluidité, souvent nous l'avons, du moins certains d'entre nous, et en particulier les enfants.

Le rêve est de nature instable, mais un rêve particulier peut aussi potentiellement se révéler une prison, lorsque nous y avons été embarqués à notre insu. Ce que nous appelons réalité est peut être ce type de rêve au pouvoir hypnotique et ensorceleur.

Celui qui est rêvé fait partie du rêve. Mais celui qui rêve qui est-il?

 

 

 

 

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  • 1 mois après...
Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)

Depuis plusieurs jours, je tente de flotter et je me bat. Quand je me bat, je ne peux plus parler, ni écrire, ni penser, il faut que je vive dehors, il faut que je regarde, que je touche, que j'apprenne à mon corps.

Mes peurs s'éffritent en une seule peur. Tout se détruit et j'avance dans des sables mouvants. Tout ce qui semblait clair devient flou et mouvant. Plus rien n'est solide pour me soutenir. Tout s'effondre et je dois rester ferme pour ne pas perdre pied. Pour cela il me faut aller dehors, caresser un arbre, oublier ce qui est mouvant et instable, marcher à l'envers pour réapprendre à marcher, fermer les yeux pour apprendre à écouter, devenir muette pour pouvoir écouter.

La lutte semble éternelle, les monts infranchissables, les murs trop solides, la mer trop immense à boire, et ce flou, cette incertitude...

Je voudrai hurler, alors je me tais et j'écoute d'où me vient ce hurlement.

Je voudrai courrir, alors je m'assied et je traque l'urgence que mes jambes ont ressenties.

Je voudrai tout casser, alors je sème des graines pour construire et prendre soin de la vie fragile.

J'ai soif d'une rivière éternelle, alors je caresse la toile de l'araignée emperlées de rosée, pour n'en boire qu'une goutte.

Je voudrai m'arrêter et tout oublier, alors je vais rechercher mes souvenirs et je les rends à la terre un par un.

Je voudrai pleurer, alors j'innonde ce monde qui frappe à ma porte et tente de me parler.

A force d'oublier, j'apprends. A force d'agir, j'épure mes gestes. Mais rien n'est plus comme avant. Plus rien ne sera plus comme avant. Alors j'agis pour oublier, j'agis pour apprendre, apprendre à voir les leçons de ce monde, apprendre la mort pour enfin apprendre à vivre.

Alors le brouillard va se dissiper et me laisser voir tout ceux qui m'entourent. La brume se lèvera et je saurai que je suis le monde, que je suis le tigre et le chat, que je suis l'arbre et la mousse, que je suis le feu et l'eau, que je suis la brouillard et celui qui le traverse, que je suis un et mille en même temps, que je suis l'infini et le fini.

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  • 3 semaines après...
Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
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Parler, écrire a pour moi une fonction vitale.

Combien de fois j'ai failli fuir parce que ma propre situation face aux autres intervenants ici ou même ailleurs ou dans la vie courante, me semblait insoutenable! Mais à chaque fois je reviens avec encore plus envie d'en découdre.

Le détachement est un travail de longue haleine.

Je me suis demandée: qu'est-ce que je fais ici? Mais, malgré le sentiment de non-légitimité qui me fait douter, je ressens l'abandon comme une mise à mort, une conddamnation, un manque de respect pour autrui. Pourquoi? je ne sais pas. Je ne sais pas grand chose, et le peu que je sais me laisse incertaine. Pourtant je sais que je resterai tant que je n'aurai pas fini le travail, même si je le soupçonne d'être interminable.

Je me commence à me rendre compte que le forum est vécu comme irréel, virtuel, imaginaire. Parfois je me laisse happer par l'ambiance générale, je pers le fil de la réalité et j'oublie que je m'adresse à d'autres humains. Alors je me parle et soliloque. L'autre n'est plus que l'outil qui remplace le bavardage intérieur. Nous ne pouvons qu'être d'accord, nous congratuler ou nous battre. L'autre n'a alors d'existence qu'à travers mes yeux, et sa vie ne tient qu'au fait que je prenne en compte ce qu'il exprime ou non. La mort est donnée, sans autre forme de procès, sans aucun état d'âme. Ici l'autre est trop souvent compté comme moins que rien: des mots effaçables.

Je ne peux pas pour autant accorder toute l'attention que chaque personne demande, parce que je suis limitée par mes propres possibilités. Je n'y peux rien d'être un humain avec toutes ses limites. Alors je m'entraine à aiguiser ma perception. Que de travail, d'investissement, d'attention, d'énergie et de temps pour une seule flèche dans la cible. Mais la cible n'est pas le but, la cible n'est qu'un leurre pour l'esprit.

Les mots sont terrifiants de pouvoir, mais bien inutiles par moments. Les manier et apprendre leurs silences est tout un art.

Le temps est avare, parce qu'il compte et semble avoir tout pouvoir sur la vie. Celui qui donne ne compte plus. Celui qui donne tout son temps acquiert l'éternité, parce que l'éternité est sans temps. L'éternité n'existe pas parce qu'elle est hors du temps.

La terre est une mère, la seule qui se donne sans retenue, sans condition, sans compter. La clée de la porte de l'éternité. Celle qui reste en sentinelle pour nous permettre d'atteindre l'autre côté du décors, les autres mondes.

Les mots n'ont aucun pouvoir, mais ils sont parfois bien utiles. Le silence vit entre chaque mot. Plus de mots, plus de silence. Le silence est un leurre, un leurre pour l'esprit.

Il n'y a rien. Il n'y a rien, et pourtant je vibre avec toutes les autres vibrations, je vibre de toutes les vibrations. Plus de mot, plus de silence.

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Membre, 51ans Posté(e)
Aruna Membre 527 messages
Forumeur balbutiant‚ 51ans‚
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Il y a 9 heures, Ambre Agorn a dit :

Les mots n'ont aucun pouvoir, mais ils sont parfois bien utiles. Le silence vit entre chaque mot. Plus de mots, plus de silence. Le silence est un leurre, un leurre pour l'esprit.

L'esprit qui se leurre ne peut être leurré par le silence. Il ne voit ni n'entend le silence. Il ne voit que le mot et que cette cristallisation du mot qu'est la chose. C'est donc le mot et son cristal, la chose, qui leurrent l'esprit. 

On pourrait même dire que l'esprit est leurré dans son appréhension de lui même, en tant que mot et en tant que chose.

Si il s'apprehendait en tant que silence, il cesserait d'exister.

 

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
il y a 19 minutes, Aruna a dit :

L'esprit qui se leurre ne peut être leurré par le silence. Il ne voit ni n'entend le silence. Il ne voit que le mot et que cette cristallisation du mot qu'est la chose. C'est donc le mot et son cristal, la chose, qui leurrent l'esprit. 

On pourrait même dire que l'esprit est leurré dans son appréhension de lui même, en tant que mot et en tant que chose.

Si il s'apprehendait en tant que silence, il cesserait d'exister.

Justement ça me fait penser que je me demandais: qu'est-ce que le silence intérieur. J'arrivais facilement à m'imaginer cesser le bavardage dans ma tête. Mais c'est facile de fermer la bouche de tous ces bal bla bla internes. Pourtant je n'arrivais pas à trouver cela suffisant. Faire silence n'est qu'une autre façon de faire vivre les mots. Le silence n'est qu'un arrêt momentané d'un bruit précis, qui laisse place à tous les autres. Le sience n'est pas un but, le silence est un leurre pour laisser la place à autre chose, apprendre à laisser la place, apprendre à se tenir en arrière plan, apprendre à s'oublier.

Le silence intérieur est un concept-clée pour autre chose, la porte qui ouvre sur tout un chemin qui est autre chose. Autre chose qui ne peut être contenu dans des mots ou du silence. Il n'y a que l'expérimentation qui puisse permettre de sortir du concept en l'utilisant. Parce que l'expérimentation n'est pas une intellectualisation, pas des mots ni des silences. Le silence intérieur ne se comprend pas, il se vit pour pour cesser d'exister par l'esprit.

Pour vivre (l'acte de vivre), il faut arrêter d'intellectualiser. L'intellectualisation supperpose une façon de vivre qui supplante l'action elle-même. On ne vit plus, on est vécu par l'esprit. On n'est plus vivant, on est passif, on est enfermé, comme mis en pause, une mort en sursie.

Ainsi naît le temps. Le temps est un distributeur de souvenirs, de mots et de silences. Plus nous les stockons, plus nous cumulons de preuves de notre impuissance à vivre, plus nous nous convaincons de la légitimité de notre mise à l'écart, plus nous nous y habituons, plus nous consolidons les murs de notre prison.

Le silence est le passage pour stopper la construction, mais la destruction est à faire. Le silence est un électro-choc pour l'esprit, une façon radicale de lui apprendre à lâcher-prise. Lui apprendre à passer au second plan.

Le plus invraissemblable est que c'est un travail de l'esprit lui-même!

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  • 1 mois après...
Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
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Je cherchais ma fille. Je l'ai retrouvée dans le jardin, les mains derrière le dos, arpentant les allées le buste penché dans une attitude d'attention soutenue. Quand elle m’aperçut, elle me dit: "Je regarde les plantes, je regarde pour voir si elles ont besoin de moi ou de quelque chose, si elle poussent bien. Je fais comme toi, maman, parce que je veux devenir adulte".

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  • 1 mois après...
Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
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Les questions restent en suspens.

Les chemins sont camouflés de brume légère et pénétrante.

Les fantômes rencontrés entrent et sortent comme dans un ballet étrange.

Un ange a brisé la paix du monde. Il a posé une goutte aux milles cercles sur l'étang de ma vie.

Il a fait naître l'orage quand il a disparu, me faisant douter de son existence et de ma propre existence.

Je portai le monde, je l'ai sorti de mes entrailles, je lui ai tout donné de moi et il a tout emporté, je n'ai plus rien.

Je n'ai même plus ma propre peine, je ne peux pleurer sur sa perte.

Je n'ai rien perdu, je n'ai plus rien.

Je crie et le vent renvoie tout au fond de ma gorge. Mes larmes sont séchées avant même qu'elles ne trempent mes pupilles et que mes lèvres ne les boivent. Mes jambes ne marchent plus, mais quelque chose me tire. Mes yeux ne peuvent quitter cette superposition artistique qui joue une scène pleine de rire et de joie, mes oreilles entendent encore l'air qui se déséquilibre à son passage, mes seins sentent encore la succion de ses lèvres pleines, mes mains caressent sa dernière bosse, mon dos ploie sous sa fatigue.

Il faudra que je le lui dise, il faudra que je lui montre à mon corps que tout à changé, que tout change. Mais je sais qu'il le sait, il l'a toujours su et n'a toujours qu'agi en sachant ceci.

Je ne peux pas pleurer.

Je les vois tous en pleurs ou gênés par mes yeux secs, ils ne savent pas eux non plus. Ils ont appris ce qu'il faut faire, dire ou être, mais personne ne sait, ce n'est qu'une mascarade. Le plus triste est sans doute le décalage. Ils ne savent pas et c'est ça qui me rend triste.

Ils ne savent pas que je suis là, ils ne voient que leur peine, et la mienne leur manque. Ils pleurent le trou, le vide laissé par les liens arrachés. Ils ne savent pas que j'avais vraiment tout donné et que je ne peux plus regretter.

Elle aurai pu, et si elle avait, et si j'avais, et si je n'avais pas, elle aurait dû pouvoir faire, elle avait la vie devant elle, tout ce gâchis, c'est pas juste...Ils ne savent pas.

Ils ne savent pas que la tristesse est un immense gouffre et que si on s'y laisse tomber, on peut se tuer.

Ils ne savent pas que ma peine ne m'appartient pas, elle non plus n'était pas à moi ni à eux, elle ne retourne que d'où je l'avais sortie, enrichie de conscience et d'amour. Sa vie leur est offerte, et ils ne savent pas qu'ils ont frôlé le mystère infini de l'amour.

Oui je vais pleurer, oui je vais m'écrouler, oui je vais tomber au fond du gouffre, mais je ne le sais pas encore ou mon corps me prépare au choc. Il faut que je fasse mon deuil, car c'est inscrit ainsi et je ne puis m'y soustraire, mais je vais survivre car toute ma vie m'y a préparé.

Je ne suis plus de ce monde, ils ne savent pas.

La paix a brisé l'ange du monde. L'amour fit ce que la paix avait brisé.

Les fantômes sont des cordes vibrantes, tendues entres milles liens.

Les liens, les questions, l'équilibre renouvelé dans l'incertain...

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  • 2 mois après...
Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
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En tant que femme....

J'ai vu une femme jouer du piano. J'ai reconnu le toucher de ses doigts sur l'ivoire, son regard, et le léger balancement de tout son corps vivant la musique.

J'ai vu une femme jouer du violon. J'ai succombé à la souplesse de ses poignets, la grâce de son mouvement, la caresse sensuelle de son archet sur les cordes tendues.

J'ai vu une femme chanter. J'ai reconnu cette voix. Pourtant je l'entendais pour la première fois de cette façon. D'ordinaire, elle chante dans ma tête et mes oreilles l'entendent de l'intérieur.

J'ai vu une femme danser. Cet étrange langage qu'est l'expression du corps. Si je le laisse faire, il parle aux plantes et aux animaux, il s'accorde à l'onde musicale.

J'ai vu la puissance de la douceur. J'ai vu le pouvoir des femmes à la seule fragilité de leurs poignets et leurs formes tout en harmonie. J'ai vu le flot intarissable de leur amour. J'ai vu l'immense promesse de vie couler doucement et si sûrement de leur aura.

L'enfant qui naît de ses femmes est la promesse de vie pour l'humanité entière.

En tant que femme, j'ai donné naissance. J'ai dû découvrir l'enfant abandonné que je garde en moi. Cet enfant, il fallut que je le cajole pour lui apprendre qu'il n'est pas la victime qu'il croyait être. Ne pas m'attacher à lui pour le laisser libre de devenir adulte. Lui laisser la chance de toucher le fond à chaque fois qu'il en éprouve le besoin. Rien en vaut le fond pour avoir le choix et l'opportunité de rebondir. Le laisser jouer à faire semblant pour qu'il apprenne la nécessité de grandir.

En tant que femme adulte j'ai donné naissance. J'ai cajolé cet enfant pour lui donner le terreau où il pointa ses racines. Ne pas lui montrer mon attachement pour ne pas l'éclabousser dans ses choix. Souffrir de le voir peiner, mais garder ma propre souffrance pour lui laisser la chance de grandir et se construire. Rester juste en retrait et être son pilier quand il vacille et chancelle, sa lumière quand les larmes lui brouillent la vue, son électro-choc quand il suffoque, le souffle frais quand il est touché et à vif, et disparaître de la scène quand il sourit à la vie. Lui donner la chance de l'illusion et celle de la découvrir. Lui ouvrir les yeux pour lui laisser l'émerveillement de la découverte. Le voir tel qu'il se présente à moi pour lui apprendre à percevoir. Et le laisser me décevoir, se rebeller et me quitter. Il devra me quitter pour devenir l'adulte qu'il est appelé à devenir.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 8 heures, Ambre Agorn a dit :

En tant que femme....

J'ai vu une femme jouer du piano. J'ai reconnu le toucher de ses doigts sur l'ivoire, son regard, et le léger balancement de tout son corps vivant la musique.

J'ai vu une femme jouer du violon. J'ai succombé à la souplesse de ses poignets, la grâce de son mouvement, la caresse sensuelle de son archet sur les cordes tendues.

J'ai vu une femme chanter. J'ai reconnu cette voix. Pourtant je l'entendais pour la première fois de cette façon. D'ordinaire, elle chante dans ma tête et mes oreilles l'entendent de l'intérieur.

J'ai vu une femme danser. Cet étrange langage qu'est l'expression du corps. Si je le laisse faire, il parle aux plantes et aux animaux, il s'accorde à l'onde musicale.

J'ai vu la puissance de la douceur. J'ai vu le pouvoir des femmes à la seule fragilité de leurs poignets et leurs formes tout en harmonie. J'ai vu le flot intarissable de leur amour. J'ai vu l'immense promesse de vie couler doucement et si sûrement de leur aura.

L'enfant qui naît de ses femmes est la promesse de vie pour l'humanité entière.

En tant que femme, j'ai donné naissance. J'ai dû découvrir l'enfant abandonné que je garde en moi. Cet enfant, il fallut que je le cajole pour lui apprendre qu'il n'est pas la victime qu'il croyait être. Ne pas m'attacher à lui pour le laisser libre de devenir adulte. Lui laisser la chance de toucher le fond à chaque fois qu'il en éprouve le besoin. Rien en vaut le fond pour avoir le choix et l'opportunité de rebondir. Le laisser jouer à faire semblant pour qu'il apprenne la nécessité de grandir.

En tant que femme adulte j'ai donné naissance. J'ai cajolé cet enfant pour lui donner le terreau où il pointa ses racines. Ne pas lui montrer mon attachement pour ne pas l'éclabousser dans ses choix. Souffrir de le voir peiner, mais garder ma propre souffrance pour lui laisser la chance de grandir et se construire. Rester juste en retrait et être son pilier quand il vacille et chancelle, sa lumière quand les larmes lui brouillent la vue, son électro-choc quand il suffoque, le souffle frais quand il est touché et à vif, et disparaître de la scène quand il sourit à la vie. Lui donner la chance de l'illusion et celle de la découvrir. Lui ouvrir les yeux pour lui laisser l'émerveillement de la découverte. Le voir tel qu'il se présente à moi pour lui apprendre à percevoir. Et le laisser me décevoir, se rebeller et me quitter. Il devra me quitter pour devenir l'adulte qu'il est appelé à devenir.

Bizarre ! Je le dis tout de suite parce que je vais oublier :

J'ai lu une fraction de seconde ta première phrase : "en tant que femme"...

 Eh bien j'ai lu "en tant qu'homme !" J'ai immédiatement pensé : "pourquoi elle dit ça", et j'ai mieux regardé : "ben non : elle l'a pas dit "!

Je vais lire la suite... :)

PS : La suite est une beau programme... Plutôt de femme ou plutôt d'homme ? et pourquoi faudrait-il séparer les deux ? C'est un programme idéal... laisser courir la chance, l'aider, et être là au cas où....

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
il y a 22 minutes, Blaquière a dit :

Bizarre ! Je le dis tout de suite parce que je vais oublier :

J'ai lu une fraction de seconde ta première phrase : "en tant que femme"...

 Eh bien j'ai lu "en tant qu'homme !" J'ai immédiatement pensé : "pourquoi elle dit ça", et j'ai mieux regardé : "ben non : elle l'a pas dit "!

Je vais lire la suite... :)

PS : La suite est une beau programme... Plutôt de femme ou plutôt d'homme ? et pourquoi faudrait-il séparer les deux ? C'est un programme idéal... laisser courir la chance, l'aider, et être là au cas où....

Je suis bien tenté de le faire avec ceci: en tant qu'homme...

Mais, même si j'ai une sensibilité qui me permettrai de me rapprocher de la vérité, je ne pourrai rien affirmer, seulement imaginer.

Cela dit, à par le côté technique, je suis de celle qui pensent que c'est l'humain, une fois sa condition sexuelle animale dépassée, qui est capable de faire naître un adulte, qu'il soit du genre homme ou femme

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  • 3 semaines après...
Membre, 153ans Posté(e)
Flower00 Membre 4 769 messages
Maitre des forums‚ 153ans‚
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Pour ses deux ans, mon fils chantait devant la télé.

En tendant un peu l'oreille, je l'entendais chanter : Confiture bonne maman, c'est toi que j'aime tant !

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  • 6 mois après...
Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
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En fait, je m'aperçois que je suis de plus en plus mal à l'aise sur le forum. Pourtant je savais que j'étais là comme dans un théâtre, sur une scène, avec un rôle à tenir, un travail à remplir pour un certain gain. Peut-être est-ce ce rôle qui ne me convient plus, ou le métier de comédien ou alors le gain n'est plus assez équilibré? Qu'importe les états d'âme, marche ou crève, écrit ou disparaît si tu n'as rien à dire. Le pire c'est que je n'ai rien à dire et pourtant tant de mots silencieux se bousculent contre mes lèvres. Plus j'écris et plus je me reconnais dans chaque intervenant, du plus cynique au plus désabusé, du plus pessimiste au plus amère, du plus torturé au plus enjoué, du plus cartésien au plus exotique, du plus mathématicien au plus fantaisiste, du plus discret au plus exubérant... Je ne répond plus à des intervenants, je réponds à des idées qui auraient pu être les miennes et qui sont les miennes, des croyances, des schémas balisés et autoroutiers, des lueurs de génie pur et des fadaises graisseuses. Je me laisse envahir par chaque univers et j'en ressens du dégoût et de l'attrait, une certaine répulsion ainsi qu'un amour incontrôlé; je me perds et me salis, je me retrouve et me nettoie, de néant en néant je ne sais plus trop qui je suis et m'en trouve apaisée et pourtant emplie d'une urgence sans limite.

Mes pieds s'usent en voyage divers et variés, autant sur terre que dans les horizons plus vastes des espaces éthérés. Pourtant rien ne peux maintenant les arrêter et le retour en arrière ne fait plus partie de leur monde.

Je ne me sens légitime de rien. Un imposteur? Oui, c'est exactement cela: je suis un imposteur. J'écris et certains s'en pâment? J'écris et certains s'en moquent éperdument? J'écris et mes mots s'effacent dans le vent et la poussière? J'écris et des volutes s'encrent de la fumés du cigare du lecteur? Rien de ce que j'écris ne façonne le monde, car c'est la puissance que les mots charrient qui crée la direction. Il est urgent d'emplir tout acte de cette infini puissance, ce nectar dont chaque être aspire la force et douceur. De légitimité je n'en ai pas et je ne suis qu'un imposteur se drapant de nécessité pour être le vecteur de la puissance qui tente de le traverser. L'imposture est en moi, mais la retenir comme un souffle devant la flamme fragile de la bougie, et le miracle se crée, la puissance est transmise, la puissance trouve son véhicule et traverse les âges et les contrés, les maladies et l'inexpérience même: l'enfant saura lire la puissance dans un livre sans en lire chaque mot, le bourreau retiendra son bras devant la luminosité de celui qui voit enfin, le puissant de ce monde s'agenouillera en terre et sentira la pulsion primaire qui guida ses pas jusqu'à cet instant éternel, l'aveugle sera celui qui verra sans filtre, les amnésiques seront les creusets de la création et les ignorants seront les liens indispensables de la cohérence.

Je ne veux que ma place, j'accepte mon sort fut-il exécrable ou insignifiant, magique ou important. Je suis responsable de l'équilibre, pas du destin, responsable de mes actes mais pas de la puissance qui me traverse.

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  • 1 mois après...
Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
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Elle était là, en arrière de nous tous. Son aura scintillait faiblement, et je pensais qu'elle voulait rester en observatrice. Je voulais qu'elle se batte à mes côtés, je voulais qu'elle m'appuie et souligne ce que je pourrai dire avec des références tout à fait universitaires. Je désirai faire d'elle mon atout face à l'assemblée ou qu'elle prenne les rênes et nous emmène dans un monde merveilleusement nouveau. J'avais tout faux, et je le savais. Je lui ai donc laissé sa place au coin du feu dans le dos de tout le monde, en dehors du cercle de parole. J'ai fait confiance à ce que nous pouvions faire ensemble, sans pour autant être face à tous.

Et les mots furent lancés. Les mots qu'on utilise, qu'on défini, qu'on triture pour en faire sortir le suc de l'expérience, les mots qui passent pour tenter de faire découvrir et découvrir le monde de chacun de nous. Et puis il y eu cette phrase de trop ou cette phrase incomprise.Cette phrase fit basculer l'équilibre et le balancement vint s'arrêter sur la tête de mon observatrice. Elle ramassa doucement la balle, puis la faisant sauter entre ses mains elle attira l'attention du cercle entier. Elle relança la balle des mots dans le cercle. Le cercle était brisé, il avait agrandit son attention à celle qui, d'observatrice était passée actrice.

Le ton a changé, les mots furent plus vibrants et instables, plus intuitifs et créateurs et j'ai senti que je me liais sans aucune hésitation, j'épousais sans regard en arrière tout ce qui pourrait sortir de ce mouvement d'influence. L'équilibre des forces étaient en train de changer, mais recevoir une force ne veut pas pour autant dire qu'on sait quoi en faire, et la seule chose que je sais pouvoir faire, c'est donner accès à mes propres ressources à tout ceux qui recevront cette force.

Nous n'avons pas su tenir tête, car nous nous battons dans un monde où le courage est masculin, où les idées nouvelles sont l'apanage de ceux qui croient faire le monde. Nous, nous sommes enfermées dans un monde où le courage est fait de don, d'abnégation, où l'idée naît du monde créé, et non pas l'idée qui crée le monde.

Elle faisait un constat alarmant sur ce qui était horrible à ses yeux, elle accusait ses tortionnaires, elle accusait les complices, elle accusait l'enfermement millénaire dont elle sentait tout le poids, elle accusait les déterminismes qui sont en amont, elle nous exhortait à voir, à ouvrir les yeux sur la misère qu'on ne voit plus et qu'elle portait depuis son enfance. Je ne pouvais que la rejoindre, je me sentais incluse d'office dans ses ressentis et ses impuissances.

Aux yeux de tous, aux yeux de ceux qui possèdent le pouvoir, nous n'étions que femmes geignardes et sans doute sous influence néfaste de la panoplie de leurs hormones. Il y eu récrimination, réclamation du retour de force, de pouvoir, enlèvement de parole à celles qui usaient les oreilles de ceux qui ont le pouvoir et de celles qui sont bien heureuses d'être du côté des forts. Ceux qui ont la voix forte, qui ont l'habitude de parler pour être entendus, ceux qui ont pris l'habitude de diriger les choses parlèrent forts pour faire entendre leur outrage et prouver leurs intentions pures et justes.

Pourtant, malgré les apparences, le monde de compétition recula dans la tête de plusieurs d'entre nous. Et ce n'est pas une idée, c'est un fait qui se plaça en idée dans nos têtes, une idée qui créera un nouveau monde par sa force d'expérience, sa force de réalité éprouvée sur un champ de bataille.

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  • 1 mois après...
Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
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Je suis le dépositaire d'un fardeau.

C'est un livre. Il est arrivé dans mon monde, tard, un dimanche soir.

J'ai juste eu le temps d'apercevoir la couverture légèrement affaissée au niveau de la prise en main, des marques tordues dépassant de la tranche, un bloc de feuilles froissées et cornées en bas à l'angle. J'ai tout de suite su que ce livre avait quelque chose de spécial. Son porteur l'avait lové contre sa poitrine et ses deux bras le soutenait. Il doit peser, mais je ne sais pas vraiment si c'est un fait de la pesanteur ou si ce sont les secrets qu'il renferment qui pèsent sur les fins poignets de son gardien.

J'ai accueilli les voyageurs, je les ai nourri, je les ai écouté et je leur ai parlé. Sous mon toit ils se sont abandonnés au doux sommeil qui alourdissait leurs paupières. Cette nuit j'ai veillé. J'ai veillé et écouté les nouveaux souffles, j'ai tendu l'oreille au son de deux cœurs battant au rythme de tout ceux de ma maisonnée. J'ai veillé pour être disponible et prévenante à celui qui s'éveillerait dans le lit inconnu. J'ai veillé sur les âmes et les biens de mes hôtes. Et la nuit fut courte et calme, au matin le feu fut allumé pour raviver, réchauffer l'air et l'ambiance assoupie.

J'ai ouvert les secrets qui se cachent derrière les portes closes de la vie tranquille domestique.

Quand ils se préparaient à repartir, l'un d'eux s'avança et plaça entre mes mains cet énorme livre. Je n'ai pas entendu ce qu'il m'a dit, j'ai juste lu dans ses yeux. Il se séparait de ce livre physique, mais pour lui c'était surtout le partage du secret dont il avait pris connaissance et dont il espérait alléger le poids en me confiant ces pages à une lecture studieuse. Ce doit être une plume d'ange, car c'est un livre qui se transmet, un livre qu'on ne possède pas mais dont on est le gardien momentané.

J'ai accepté la garde et laissé repartir les voyageurs vers d'autres cieux qui me sont inconnus.

Depuis il est posé sur le chevet de mon lit. Parfois je le prend et feuillette les premières pages. Leur toucher me fait penser aux anciens livres de prière que je piquais dans les églises. Assise sur les agenouilloirs, je les prenais sur mes genoux pour m'enivrer de leurs odeurs et caresser la soie du papier fin comme un voile, je suivais du doigt les notes carrées qui s'égaillaient sur 4 lignes de portée, et je m'émerveillais des grosses lettres décorées d'un bestiaire extraordinaire ou de personnages torturés par la petite taille de leur décors.

Ce livre a une odeur de vieux livre, une odeur de livre qui a traîné dans plusieurs ambiances marquées. Il a cette odeur sucrée presque caramélisée qui se rapproche de l'odeur capiteuse de l’encens trop lourd en sucre. Il a une légère odeur de fumée de chandelle et une très forte odeur de tabac. Ce mélange de tabac caramélisé est détonnant et confère à ce livre un pouvoir qui m'hypnotise. J'ai l'impression d'avoir entre les mains, une énigme à décrypter, un casse-tête à décoder pour enfin arriver à le lire. Son contenu se mérite et je rechigne à m'y soumettre. L'ouvrir et le lire me projetterait dans une immensité où j'ai peur de me perdre ou d'y prendre goût et ne jamais pouvoir en revenir.

Un défi reste un défi tant qu'il n'est pas relevé. Ce livre s'est échu chez moi, je l'ai relevé et accepté son poids. Mais j'ai besoin de le dompter avant de le chevaucher et partir sur son dos explorer les terres qu'il renferme

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