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La vierge voilée de Strazza : un marbre transparent qui fascine


Mórrígan

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Membre, Cóínnéóídh mé do bhás, Posté(e)
Mórrígan Membre 13 766 messages
Cóínnéóídh mé do bhás,
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ENTRETIEN

Elle suscite régulièrement un fort engouement sur les réseaux sociaux. Il faut dire que la "Vierge voilée" de Giovanni Strazza, taillée dans un bloc de marbre, témoigne de la virtuosité du sculpteur par son saisissant effet de transparence. Pourtant, très peu de documentation existe à son sujet.

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La Vierge voilée, de Giovanni Strazza, milieu du XIXe siècle Crédits :  @Megapixx~/flickr

"Extraordinaire !", "L'Italie est consternante de beauté, mais je n'ai jamais été aussi soufflée", "Pure beauté"... La Vierge voilée, une sculpture du milieu du XIXe siècle que l'on doit à Giovanni Strazza, suscite régulièrement des commentaires extatiques sur les réseaux sociaux. Pourtant, de ce sculpteur lombard formé à Rome par Pietro Terenari, on ne sait pas grand chose... pas plus que sur cette oeuvre aux effets textiles virtuoses, venue de Rome à Terre-Neuve en 1856, et aujourd'hui conservée chez des soeurs de la Présentation de l'archidiocèse de St. John's, au Canada. Pour lever le voile, nous avons rencontré Claire Barbillon, directrice de l'Ecole du Louvre, spécialisée dans la sculpture du XIXe siècle et auteur de Comment regarder la sculpture (2017).

 

En tant qu'historienne de l'art, quel regard portez-vous sur cette "Vierge voilée" ?

Quand je regarde cette œuvre de Strazza, je ne peux quand même pas oublier qu’il s’agit d’une sculpture religieuse. Je ne sais pas grand chose de l’œuvre. Je pense malgré tout que c’est la Vierge Marie, même si on pourrait aussi penser qu’il s’agit d’une vierge, la virginité étant toujours un gage de pureté et de spiritualité. Qu’il s’agisse de la Vierge Marie ou d’une vierge, comme étaient vierges par exemple les vestales, il y a l’idée d’une pureté, d’un rapport au divin qui n’est pas entaché par la sensualité et la sexualité. La première chose qui frappe quand on regarde ce visage, c’est l'ambiguïté entre un souci de figurer la spiritualité par les yeux fermés, par ce qu’on devine d’émotion contenue, et le contraire qui est cette perturbation par les degrés divers de l’épaisseur du voile, qui crée comme une sorte de vague, de mouvance qui brouille l’image.

Que sait-on sur cette œuvre, et plus largement sur cet art de tailler des voiles dans le marbre ?

C'est une œuvre très caractéristique d’une tradition italienne qui remonte plutôt au XVIIIe siècle, et plus particulièrement à la tradition napolitaine, qui consiste à travailler, tailler de manière virtuose le marbre, et à jouer sur l'ambiguïté entre ce qui est révélé de la figure humaine et ce qui est dissimulé au regard. Si on veut vraiment en faire l’archéologie, c’est la tradition du "drapé mouillé" qu’on trouve déjà dans la sculpture grecque hellénistique. C’est un défi que se jettent les sculpteurs depuis toujours, car c’est une façon de travailler sur la figure humaine, la précision de son rendu anatomique, et sur son dévoilement au regard, qui est un jeu perpétuel de dissimulation et de révélation.

Pourquoi, à votre avis, cette œuvre suscite-t-elle un pareil engouement à chaque fois qu'elle est postée sur les réseaux sociaux ?

La virtuosité produit toujours son effet, et c’est bien normal. Ce qui est beaucoup commenté, c’est la perfection de la maîtrise technique, et elle est incontestable. Il y a un travail de taille, et c’est vrai qu’il est effectué avec une virtuosité fascinante. Là aussi il y a un effet de contraste : le marbre est un matériau dur, qui résiste au ciseau, à la taille, et il semble ici d’une souplesse et d’une légèreté qui créent un paradoxe. À mon avis, la raison de la fascination c’est la combinaison de tous ces paradoxes, toutes ces ambiguïtés, entre force et fragilité, pureté et sensualité…

Suite de l'article https://www.franceculture.fr/sculpture/la-vierge-voilee-de-strazza-un-marbre-transparent-qui-fascine

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 15 624 messages
Forumeur confit,
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il y a 22 minutes, Léna-Postrof a dit :

Il faut dire que la "Vierge voilée" de Giovanni Strazza, taillée dans un bloc de marbre, témoigne de la virtuosité du sculpteur par son saisissant effet de transparence.

Les chefs d’œuvre artistiques ont ce pouvoir, de stimuler immédiatement l’imaginaire des contemplateurs. La vierge voilée de Strazza en est un, incontestablement  

Lorsqu’on observe les statuts de Michel Ange par exemple, on sait immédiatement qu’on est en présence de chefs d’œuvre, peu de personne ne peuvent rester complètement insensible à la prouesse artistique et à toutes les interrogations qu’elles suscitent immédiatement.

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 800 messages
107ans‚ ©,
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Cette sculpture est absolument incroyable. Elle fait partie des oeuvres pour lesquelles si je me plante devant, la fascination agit et je suis capable de rester là plusieurs heures. 

 

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Membre, Posté(e)
PASCOU Membre 92 138 messages
Maitre des forums‚
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il y a 24 minutes, Léna-Postrof a dit :

ENTRETIEN

Elle suscite régulièrement un fort engouement sur les réseaux sociaux. Il faut dire que la "Vierge voilée" de Giovanni Strazza, taillée dans un bloc de marbre, témoigne de la virtuosité du sculpteur par son saisissant effet de transparence. Pourtant, très peu de documentation existe à son sujet.

image.png.e78f896d92e2e82dbbb05a78ea42ca59.png

 

La Vierge voilée, de Giovanni Strazza, milieu du XIXe siècle Crédits :  @Megapixx~/flickr

"Extraordinaire !", "L'Italie est consternante de beauté, mais je n'ai jamais été aussi soufflée", "Pure beauté"... La Vierge voilée, une sculpture du milieu du XIXe siècle que l'on doit à Giovanni Strazza, suscite régulièrement des commentaires extatiques sur les réseaux sociaux. Pourtant, de ce sculpteur lombard formé à Rome par Pietro Terenari, on ne sait pas grand chose... pas plus que sur cette oeuvre aux effets textiles virtuoses, venue de Rome à Terre-Neuve en 1856, et aujourd'hui conservée chez des soeurs de la Présentation de l'archidiocèse de St. John's, au Canada. Pour lever le voile, nous avons rencontré Claire Barbillon, directrice de l'Ecole du Louvre, spécialisée dans la sculpture du XIXe siècle et auteur de Comment regarder la sculpture (2017).

 

En tant qu'historienne de l'art, quel regard portez-vous sur cette "Vierge voilée" ?

Quand je regarde cette œuvre de Strazza, je ne peux quand même pas oublier qu’il s’agit d’une sculpture religieuse. Je ne sais pas grand chose de l’œuvre. Je pense malgré tout que c’est la Vierge Marie, même si on pourrait aussi penser qu’il s’agit d’une vierge, la virginité étant toujours un gage de pureté et de spiritualité. Qu’il s’agisse de la Vierge Marie ou d’une vierge, comme étaient vierges par exemple les vestales, il y a l’idée d’une pureté, d’un rapport au divin qui n’est pas entaché par la sensualité et la sexualité. La première chose qui frappe quand on regarde ce visage, c’est l'ambiguïté entre un souci de figurer la spiritualité par les yeux fermés, par ce qu’on devine d’émotion contenue, et le contraire qui est cette perturbation par les degrés divers de l’épaisseur du voile, qui crée comme une sorte de vague, de mouvance qui brouille l’image.

Que sait-on sur cette œuvre, et plus largement sur cet art de tailler des voiles dans le marbre ?

C'est une œuvre très caractéristique d’une tradition italienne qui remonte plutôt au XVIIIe siècle, et plus particulièrement à la tradition napolitaine, qui consiste à travailler, tailler de manière virtuose le marbre, et à jouer sur l'ambiguïté entre ce qui est révélé de la figure humaine et ce qui est dissimulé au regard. Si on veut vraiment en faire l’archéologie, c’est la tradition du "drapé mouillé" qu’on trouve déjà dans la sculpture grecque hellénistique. C’est un défi que se jettent les sculpteurs depuis toujours, car c’est une façon de travailler sur la figure humaine, la précision de son rendu anatomique, et sur son dévoilement au regard, qui est un jeu perpétuel de dissimulation et de révélation.

Pourquoi, à votre avis, cette œuvre suscite-t-elle un pareil engouement à chaque fois qu'elle est postée sur les réseaux sociaux ?

La virtuosité produit toujours son effet, et c’est bien normal. Ce qui est beaucoup commenté, c’est la perfection de la maîtrise technique, et elle est incontestable. Il y a un travail de taille, et c’est vrai qu’il est effectué avec une virtuosité fascinante. Là aussi il y a un effet de contraste : le marbre est un matériau dur, qui résiste au ciseau, à la taille, et il semble ici d’une souplesse et d’une légèreté qui créent un paradoxe. À mon avis, la raison de la fascination c’est la combinaison de tous ces paradoxes, toutes ces ambiguïtés, entre force et fragilité, pureté et sensualité…

Suite de l'article https://www.franceculture.fr/sculpture/la-vierge-voilee-de-strazza-un-marbre-transparent-qui-fascine

Incroyable..fascinant en effet.

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Invité Le Dionysiaque
Invités, Posté(e)
Invité Le Dionysiaque
Invité Le Dionysiaque Invités 0 message
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Corradini me fait cet effet.

 

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Aucune description de photo disponible.

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Membre, Cóínnéóídh mé do bhás, Posté(e)
Mórrígan Membre 13 766 messages
Cóínnéóídh mé do bhás,
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Il y a 20 heures, Enchantant a dit :

Les chefs d’œuvre artistiques ont ce pouvoir, de stimuler immédiatement l’imaginaire des contemplateurs. La vierge voilée de Strazza en est un, incontestablement  

Lorsqu’on observe les statuts de Michel Ange par exemple, on sait immédiatement qu’on est en présence de chefs d’œuvre, peu de personne ne peuvent rester complètement insensible à la prouesse artistique et à toutes les interrogations qu’elles suscitent immédiatement.

Et même inachevé. La Pieta Rondanini :

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https://www.lepoint.fr/culture/la-pieta-rondanini-derniere-sculpture-de-michel-ange-change-d-ecrin-17-04-2015-1922375_3.php

C'est aussi la seule oeuvre du pavillon exposée dans un ancien hôpital pour soldats pestiférés au sein du Castello Sforzesco (Milan).

Il y a quelque chose dans l'oeuvre et dans l'atmosphère qui impose le respect. 

Il y a 20 heures, Le Dionysiaque a dit :

Corradini me fait cet effet.

 

Antonio-Corradini.jpg?resize=600%2C664

 

Aucune description de photo disponible.

Le travail sur la transparence est aussi prodigieux. 

Les photos en contreplongée sont superbes. 

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Invité Le Dionysiaque
Invités, Posté(e)
Invité Le Dionysiaque
Invité Le Dionysiaque Invités 0 message
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il y a 9 minutes, Léna-Postrof a dit :

Les photos en contreplongée sont superbes. 

Je gage qu'elles le sont encore plus aux yeux d'un homme à qui cet angle de vue fameux sur le corps féminin rappelle l'instant préliminaire.

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Membre, Cóínnéóídh mé do bhás, Posté(e)
Mórrígan Membre 13 766 messages
Cóínnéóídh mé do bhás,
Posté(e)
il y a 48 minutes, Le Dionysiaque a dit :

Je gage qu'elles le sont encore plus aux yeux d'un homme à qui cet angle de vue fameux sur le corps féminin rappelle l'instant préliminaire.

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Il semblerait qu’il s’agisse de « La pudeur ». Il y a aussi « La foi » et « La vérité ». 

Les femmes voilées ne sont pas censées donner aux hommes l’envie de faire du sexe de nos jours (l’effet inverse est souvent recherché) et quel que soit l’angle de vue. 

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Invité Le Dionysiaque
Invités, Posté(e)
Invité Le Dionysiaque
Invité Le Dionysiaque Invités 0 message
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Il y a 6 heures, Léna-Postrof a dit :

Il semblerait qu’il s’agisse de « La pudeur ».

Le sens italien de la pudeur et sa joie de vivre jusque sur un monument funéraire dans une chapelle. On ne fera jamais plus solaire que la culture italienne, on ne fera pas plus bel art que la renaissance italienne, plus belles femmes que les Italiennes, plus réjouissante langue que l’italien et ses sonorités… sans parler de leur charcuterie, je vais m’arrêter là.

Il y a 6 heures, Léna-Postrof a dit :

Les femmes voilées ne sont pas censées donner aux hommes l’envie de faire du sexe de nos jours (l’effet inverse est souvent recherché) et quel que soit l’angle de vue. 

Le contraste est immense. Nous avons d’un côté une civilisation islamique où la pudeur est au service de la mort, la mort prématurées des vivants qui s’enferment et renoncent au beau, et de l’autre une civilisation européenne et plus particulièrement italienne où la pudeur est le terrain de jeu de l’érotisme et de la vie, où les contraintes servent de défis à vivre plus intensément.

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Membre, Cóínnéóídh mé do bhás, Posté(e)
Mórrígan Membre 13 766 messages
Cóínnéóídh mé do bhás,
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Il y a 18 heures, Le Dionysiaque a dit :

Le sens italien de la pudeur et sa joie de vivre jusque sur un monument funéraire dans une chapelle. On ne fera jamais plus solaire que la culture italienne, on ne fera pas plus bel art que la renaissance italienne, plus belles femmes que les Italiennes, plus réjouissante langue que l’italien et ses sonorités… sans parler de leur charcuterie, je vais m’arrêter là.

Le contraste est immense. Nous avons d’un côté une civilisation islamique où la pudeur est au service de la mort, la mort prématurées des vivants qui s’enferment et renoncent au beau, et de l’autre une civilisation européenne et plus particulièrement italienne où la pudeur est le terrain de jeu de l’érotisme et de la vie, où les contraintes servent de défis à vivre plus intensément.

Les français ont aussi cette joie de vivre, qui suscite chez les obscurantistes une réprobation et l'envie d'annihiler. 

L'Italie est chère à mon coeur. Gavée, minaude, de mozzarella et des gnocchis façonnés par nonna, je ne serai de toute façon pas objective (je vous laisse les femmes).

Le voile est intéressant chez Strazza, tout comme Corandini. La technique est incroyable et le marbre, le plus difficile à travailler. Une prouesse. Il y a là tout un jeu de transparence avec la matière qui force l'admiration et jusqu'au vêtement, pour Corandini. À la différence d'Houdon (La frileuse) par exemple, le voile n'est pas austère, bien qu'il soit le seul vêtement. Chez Houdon, il s'agit d'une frileuse (je verrais un mendiante). La matière de l'étoffe, qui est suggérée, joue.

Il se dit que la chevelure est la plus belle parure de la Femme. C'est ainsi qu'il eut s'agit de cacher la beauté aux yeux des autres hommes. En plus de la possessivité des hommes et de la soumission des femmes, il était avancé qu'il protégeait des agressions, des crimes. Il permettait en sus de dissocier les épouses, des prostituées. L'Islam politique tient les mêmes arguments, et avec plus de force ces dernières années. 

Avec la transparence, néanmoins, je pense au mariage ou au veuvage, à un usage plus ponctuel, quoi qu'il s'agisse d'une oeuvre religieuse pour Strazza. Le voile n'est ni épais, ni informe et il met en valeur. 

Au siècle dernier, les veuves italiennes portaient encore, dans leur quotidien, des vêtements et un voile noir (communément appelé "voile des lamentations"). Les espagnoles le portaient aussi, noir et en dentelle (mantille). Il est recommandé de porter un voile pour rencontrer le Pape. J'y vois toujours la marque de la religion, bien que le voile reste patriarcal et non sacré, à mon sens. 

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