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Peut-on penser dans le quotidien ?


satinvelours

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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« Pour autant que l’on puisse en juger, il n’y a absolument rien de commun entre le livre Gamma de la Métaphysique d’Aristote et le fait d’acheter son pain chez le boulanger. » 
Bruce Bégout 

Depuis ses origines, la philosophie semble être en froid avec la vie quotidienne.
Avec sa théorie des Idées, Platon a placé d’emblée la philosophie sur des hauteurs métaphysiques, loin des considérations de la vie quotidienne. Cette méfiance originelle de la philosophie à l’encontre du quotidien apparaît très nettement au travers de l’opposition systématique de la philosophie avec l’opinion commune depuis Socrate jusqu’à Hegel en passant par Descartes.

Pour la tradition philosophique rationaliste qui est largement dominante en Occident, tout se passe comme si le quotidien était marqué par une sorte de coefficient inhérent de perversité. La tabula rasa de Descartes constitue en quelque sorte une véritable déclaration de guerre contre la vie quotidienne et toutes les illusions qu’elle sécrète. Dans une telle optique, le quotidien est considéré comme le domaine d’action privilégié du « malin génie » qui nous trompe en permanence en nous donnant l’illusion de l’évidence du réel qui nous entoure.

Pour Descartes, seule la pensée réflexive du cogito nous permet d’échapper à ce sortilège du quotidien. Ainsi pour cette tradition philosophique rationaliste et spiritualiste incarnée au plus haut point par Descartes, on ne peut plus penser dans le quotidien !

La philosophie pourtant va réagir contre une telle pensée unique rationaliste en revalorisant la vie quotidienne. La réflexion a déjà lieu avec l’école cynique et son illustre figure de proue Diogène. Ce dernier expliquait le mouvement en se déplaçant, nu dans son tonneau, pour ne citer que l’anecdote la plus décente !

Nietzsche et Kierkegaard se sont inscrits dans une telle filiation en attaquant avec vigueur la pensée systématique de l’hégélianisme, accusée à tort ou à raison, de substituer des abstractions logiques à la concrétude de vitale dont la vie quotidienne serait le lieu privilégié.


Kierkegaard est d’ailleurs le philosophe qui pense dans le quotidien par excellence, car sa philosophie est le fruit direct de ses pensées de ses expériences vécues. Mais il faut attendre le XXe siècle, avec la phénoménologie, pour que la vie quotidienne soit véritablement appréhendée en tant que telle par la philosophie. Avec l’idée d’un retour à « la chose en soi » et les concepts directeurs d’intentionnalité et de réduction phénoménologique, Husserl est le père de cette nouvelle approche philosophique.

De manière significative, les disciples iront plus loin que le maître dans leur volonté de réhabiliter la pensée du quotidien. Ainsi, Heidegger dans son analyse existentiale, va défendre l’idée que nos tonalités affectives ont une signification philosophique profonde. Et dans le même ordre d’idées, Sartre, dans sa psychanalyse existentielle, va s’intéresser à nos goûts et dégoûts, révélateurs de notre projet existentiel fondamental.

C’est incontestablement le philosophe contemporain Bruce Bégout qui va pousser le plus loin cette pensée du quotidien à travers son œuvre monumentale La découverte du quotidien. Pour Bégout, nous devons redécouvrir le quotidien au-delà des images éculées de banalité et de trivialité qu’il véhicule, pour y retrouver l’énigme même de la condition humaine. Le projet de son livre est de nous dévoiler l’essence cachée de la quotidienneté qui fait que toute vie humaine est toujours aussi une vie quotidienne.

Bien que brillant, le livre très long de Bégout peut susciter l’ennui, car par définition le quotidien n’est pas très intéressant. De plus, il illustre parfaitement le paradoxe fondamental de l’entreprise phénoménologique qui se propose de parler des choses simples, mais qui a besoin pour ce faire d’employer des concepts difficiles. Là où Descartes a su nous parler avec simplicité des choses les plus transcendantes, Husserl semble s’être perdu un peu dans des complications pour nous parler des choses les plus immanentes.

Donc si l’on doit, et peut pense, le quotidien, la tâche n’en demeure pas moins extrêmement difficile, un peu comme si l’évidence se dérobait à la pensée.

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 163 messages
79ans‚ Talon 1,
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Lisez Alain ou l'anthropologie.

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
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Il y a 1 heure, satinvelours a dit :

« Pour autant que l’on puisse en juger, il n’y a absolument rien de commun entre le livre Gamma de la Métaphysique d’Aristote et le fait d’acheter son pain chez le boulanger. » 
Bruce Bégout 

Depuis ses origines, la philosophie semble être en froid avec la vie quotidienne.
Avec sa théorie des Idées, Platon a placé d’emblée la philosophie sur des hauteurs métaphysiques, loin des considérations de la vie quotidienne. Cette méfiance originelle de la philosophie à l’encontre du quotidien apparaît très nettement au travers de l’opposition systématique de la philosophie avec l’opinion commune depuis Socrate jusqu’à Hegel en passant par Descartes.

Pour la tradition philosophique rationaliste qui est largement dominante en Occident, tout se passe comme si le quotidien était marqué par une sorte de coefficient inhérent de perversité. La tabula rasa de Descartes constitue en quelque sorte une véritable déclaration de guerre contre la vie quotidienne et toutes les illusions qu’elle sécrète. Dans une telle optique, le quotidien est considéré comme le domaine d’action privilégié du « malin génie » qui nous trompe en permanence en nous donnant l’illusion de l’évidence du réel qui nous entoure.

Pour Descartes, seule la pensée réflexive du cogito nous permet d’échapper à ce sortilège du quotidien. Ainsi pour cette tradition philosophique rationaliste et spiritualiste incarnée au plus haut point par Descartes, on ne peut plus penser dans le quotidien !

La philosophie pourtant va réagir contre une telle pensée unique rationaliste en revalorisant la vie quotidienne. La réflexion a déjà lieu avec l’école cynique et son illustre figure de proue Diogène. Ce dernier expliquait le mouvement en se déplaçant, nu dans son tonneau, pour ne citer que l’anecdote la plus décente !

Nietzsche et Kierkegaard se sont inscrits dans une telle filiation en attaquant avec vigueur la pensée systématique de l’hégélianisme, accusée à tort ou à raison, de substituer des abstractions logiques à la concrétude de vitale dont la vie quotidienne serait le lieu privilégié.


Kierkegaard est d’ailleurs le philosophe qui pense dans le quotidien par excellence, car sa philosophie est le fruit direct de ses pensées de ses expériences vécues. Mais il faut attendre le XXe siècle, avec la phénoménologie, pour que la vie quotidienne soit véritablement appréhendée en tant que telle par la philosophie. Avec l’idée d’un retour à « la chose en soi » et les concepts directeurs d’intentionnalité et de réduction phénoménologique, Husserl est le père de cette nouvelle approche philosophique.

De manière significative, les disciples iront plus loin que le maître dans leur volonté de réhabiliter la pensée du quotidien. Ainsi, Heidegger dans son analyse existentiale, va défendre l’idée que nos tonalités affectives ont une signification philosophique profonde. Et dans le même ordre d’idées, Sartre, dans sa psychanalyse existentielle, va s’intéresser à nos goûts et dégoûts, révélateurs de notre projet existentiel fondamental.

C’est incontestablement le philosophe contemporain Bruce Bégout qui va pousser le plus loin cette pensée du quotidien à travers son œuvre monumentale La découverte du quotidien. Pour Bégout, nous devons redécouvrir le quotidien au-delà des images éculées de banalité et de trivialité qu’il véhicule, pour y retrouver l’énigme même de la condition humaine. Le projet de son livre est de nous dévoiler l’essence cachée de la quotidienneté qui fait que toute vie humaine est toujours aussi une vie quotidienne.

Bien que brillant, le livre très long de Bégout peut susciter l’ennui, car par définition le quotidien n’est pas très intéressant. De plus, il illustre parfaitement le paradoxe fondamental de l’entreprise phénoménologique qui se propose de parler des choses simples, mais qui a besoin pour ce faire d’employer des concepts difficiles. Là où Descartes a su nous parler avec simplicité des choses les plus transcendantes, Husserl semble s’être perdu un peu dans des complications pour nous parler des choses les plus immanentes.

Donc si l’on doit, et peut pense, le quotidien, la tâche n’en demeure pas moins extrêmement difficile, un peu comme si l’évidence se dérobait à la pensée.

La phénoménologie est une approche philosophique du quotidien ? Les concepts de conscience intentionnelle et de conscience phénoménologique sont souvent employés aujourd’hui par les neuro scientifiques. Il s’agirait de bien définir ces concepts.

Je ne connais pas Husserl et je m’y perds un peu dans sa bibliographie. Par quel livre faudrait il commencer ?

Des que l’on aborde la phénoménologie nous sommes d’abord aiguillés sur Hegel et la phénoménologie de l’esprit. Mais y a t il un lien entre la phénoménologie de l’esprit et Husserl ?

Ce n’est pas évident de trouver un fil conducteur.

Il y a aussi le problème du vocabulaire. Le existential de Heidegger n’est pas le existentiel de Sartre.

En tout cas vous me donnez envie de lire Bruce Bégout et je viens de commander son livre.

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Membre, Posté(e)
g.champion Membre 700 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 9 heures, satinvelours a dit :

Depuis ses origines, la philosophie semble être en froid avec la vie quotidienne.

il me semble que la philosophie cherche à penser le quotidien et que cela la conduit à élaborer des idées qui s'écartent de la pensée qu'elle juge naïve. On peut y voir une sorte de désir de se "distinguer", ou bien une quête de lucidité face aux lieux communs que les hommes répètent avec tout le danger que cela constitue pour la survie (exemple : Socrate est condamné par une démocratie en proie à la parole inauthentique des sophistes).

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
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Il y a 2 heures, g.champion a dit :

il me semble que la philosophie cherche à penser le quotidien et que cela la conduit à élaborer des idées qui s'écartent de la pensée qu'elle juge naïve. On peut y voir une sorte de désir de se "distinguer", ou bien une quête de lucidité face aux lieux communs que les hommes répètent avec tout le danger que cela constitue pour la survie (exemple : Socrate est condamné par une démocratie en proie à la parole inauthentique des sophistes).

Il y a une indication, donnée par Bégout  sur ce qu’est le quotidien : aller chercher son pain. 

Nous pourrions faire le détail de la vie quotidienne d’une personne. Est-ce que la philosophie s'intéresse à ce quotidien ? Est-ce que la philosophie pense ce quotidien ? 

Si je fais attention à ce que vous écrivez vous semblez penser que le souci quotidien des gens c’est leurs pensées et non pas leurs actes, que les gens ne sont pas occupés par l’accomplissement d’actes quotidiens obligés ( se lever, lever les enfants, leur donner un petit déjeuner, se préparer à aller travailler, prendre le train, accomplir les actes de son métier, etc) mais qu’ils sont occupés à élaborer des pensées (naïves). Bien sûr quand les personnes accomplissent leurs actes quotidiens ils pensent, mais ils ne pensent pas à élaborer des pensées naïves, ils pensent au comment réaliser au mieux leurs actes quotidiens ( par exemple : bien voir si les enfants ont lacé  leurs chaussures pour éviter qu’ils se cassent la g. dans la rue )

J’ai beau lire Platon dans tous les sens je ne saurai pratiquement rien du quotidien des gens de son époque.

 

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Membre, 43ans Posté(e)
InstantEternité Membre 1 134 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
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Il y a 13 heures, satinvelours a dit :

Depuis ses origines, la philosophie semble être en froid avec la vie quotidienne.

Voilà une preuve de l'originalité de la philosophie de Heidegger. Lui il s'est justement intéressé à ce quotidien mais pour dire que ce que nous vivons dans le quotidien c'est inauthentique. Ce n'est pas notre vrai "Etre", mais nous nous réfugions dans ce quotidien pour échapper à ce que nous sommes réellement : l'authenticité.

Peut-être c'est ce que les autres philosophes pensaient du quotidien : c'est inauthentique donc c'est pourquoi ils ne s'intéressaient pas à ce thème vu qu'ils cherchent tous la vérité et la sagesse, la philosophie !

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il y a 17 heures, Annalevine a dit :

La phénoménologie est une approche philosophique du quotidien ? Les concepts de conscience intentionnelle et de conscience phénoménologique sont souvent employés aujourd’hui par les neuro scientifiques. Il s’agirait de bien définir ces concepts.

Je ne connais pas Husserl et je m’y perds un peu dans sa bibliographie. Par quel livre faudrait il commencer ?

Des que l’on aborde la phénoménologie nous sommes d’abord aiguillés sur Hegel et la phénoménologie de l’esprit. Mais y a t il un lien entre la phénoménologie de l’esprit et Husserl ?

Ce n’est pas évident de trouver un fil conducteur.

Il y a aussi le problème du vocabulaire. Le existential de Heidegger n’est pas le existentiel de Sartre.

En tout cas vous me donnez envie de lire Bruce Bégout et je viens de commander son livre.

 Le terme phénoménologie est apparu en effet tout d’abord chez Hegel,  mais le père fondateur en est bien Husserl.

La phénoménologie nous donne une ligne directrice « le retour aux choses même » c’est-à-dire de revenir à l’essence des choses.

 Vous demandez comment approcher Husserl ?  Je vous conseillerai le petit livre de Nathalie Depraz « Husserl », dans la collection Synthèses. C’est une bonne approche me semble-t-il pour découvrir ce philosophe.

Vous verrez le livre de Bruce Bégout est très bien structuré. Il nous propose plusieurs problématiques que posent à la philosophie le monde quotidien. C’est une longue traversée de la vie, et un essai pour déterminer la nature exacte de la réalité quotidienne.

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il y a 10 heures, g.champion a dit :

il me semble que la philosophie cherche à penser le quotidien et que cela la conduit à élaborer des idées qui s'écartent de la pensée qu'elle juge naïve. On peut y voir une sorte de désir de se "distinguer", ou bien une quête de lucidité face aux lieux communs que les hommes répètent avec tout le danger que cela constitue pour la survie (exemple : Socrate est condamné par une démocratie en proie à la parole inauthentique des sophistes).

Le quotidien n’occupe aucunement les philosophies antiques.

La philosophie a quelques difficultés à saisir le réel car il est fuyant.

Il y a un énorme fossé entre la philosophie et la réalité quotidienne. C’est ce que la philosophie doit reconnaître pour élaborer une véritable philosophie du quotidien. Le quotidien c’est aussi « les robinets qui fuient, les factures à payer, le lit à faire tous les matins… » 

Bégout  nous dit que le philosophe éprouve peut-être une certaine nostalgie d’être enfermé dans la cage de verre de sa réflexion, et ne pouvoir se fondre dans les faits de la vie quotidienne pour les vivre de l’intérieur. Ce qu’il appelle la mélancolie du réel. 

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Invité Spontzy
Invités, Posté(e)
Invité Spontzy
Invité Spontzy Invités 0 message
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Bonjour. 

Aliocha-satin répond à Aliocha-Anna. 

Ça se voit, c'est le seul cas où il reste courtois. :)

A plus 

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Invité hell-spawn
Invités, Posté(e)
Invité hell-spawn
Invité hell-spawn Invités 0 message
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Quand les philosophes traitent de l'amour, ils ne se basent pas sur leur quotidien, leurs désirs, leur joie, leurs souffrances, la difficulté d'être heureux sans philosophie ... ?

Philosopher c'est prendre de la distance, prendre de la hauteur vis a vis du quotidien, essayer de comprendre la difficulté d'être.

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
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Il y a 5 heures, satinvelours a dit :

 Le terme phénoménologie est apparu en effet tout d’abord chez Hegel,  mais le père fondateur en est bien Husserl.

La phénoménologie nous donne une ligne directrice « le retour aux choses même » c’est-à-dire de revenir à l’essence des choses.

 Vous demandez comment approcher Husserl ?  Je vous conseillerai le petit livre de Nathalie Depraz « Husserl », dans la collection Synthèses. C’est une bonne approche me semble-t-il pour découvrir ce philosophe.

Vous verrez le livre de Bruce Bégout est très bien structuré. Il nous propose plusieurs problématiques que posent à la philosophie le monde quotidien. C’est une longue traversée de la vie, et un essai pour déterminer la nature exacte de la réalité quotidienne.

J’ai tout de même fait une erreur. Les existentialistes partent souvent du quotidien pour exposer leur philosophie. Je pense surtout à Sartre avec la Nausée où il y expose sa philosophie à partir d’évènements pris au quotidien. Il y a aussi Simone de Beauvoir qui parfois utilise aussi le détail de la vie quotidienne pour y exposer ses idées. Même dans l’Etre et le Néant Sartre utilise des scènes de la vie quotidienne en illustration de sa philosophie.

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Le 22/08/2019 à 16:55, Annalevine a dit :

J’ai tout de même fait une erreur. Les existentialistes partent souvent du quotidien pour exposer leur philosophie. Je pense surtout à Sartre avec la Nausée où il y expose sa philosophie à partir d’évènements pris au quotidien. Il y a aussi Simone de Beauvoir qui parfois utilise aussi le détail de la vie quotidienne pour y exposer ses idées. Même dans l’Etre et le Néant Sartre utilise des scènes de la vie quotidienne en illustration de sa philosophie.

Sartre fait la description d’objets le galet, la pipe, le verre de bière, dès les premières pages de la Nausée. Il y a donc de façon répétitive, quasi récurrente, cette description d’objets du quotidien qui hantent Roquentin. Et ce sont ces objets du quotidien qui lui font découvrir sa propre existence. 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Le chemin est long pour la philosophie avant de se glisser dans le quotidien !

Le quotidien est une source permanente de surprises et de tensions, ce qui n’est pas exactement ce que peut nous offrir l’ordinaire. 

Le quotidien échappe au philosophe car il n’a besoin d’aucune justification philosophique : « il appartient à une région où il n’y a rien à connaître… C’est ce qu’il y a de plus difficile à découvrir  » Maurice Blanchot - La parole quotidienne. 

 C’est ce quotidien, pourtant toujours présent et évident, qui déroute le philosophe.

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
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Il y a 3 heures, satinvelours a dit :

Le chemin est long pour la philosophie avant de se glisser dans le quotidien !

Le quotidien est une source permanente de surprises et de tensions, ce qui n’est pas exactement ce que peut nous offrir l’ordinaire. 

Le quotidien échappe au philosophe car il n’a besoin d’aucune justification philosophique : « il appartient à une région où il n’y a rien à connaître… C’est ce qu’il y a de plus difficile à découvrir  » Maurice Blanchot - La parole quotidienne. 

 C’est ce quotidien, pourtant toujours présent et évident, qui déroute le philosophe.

Le philosophe tente d’établir des vérités durables, ou, au moins, des représentations stables du monde. Le quotidien pourtant oblige à sans cesse remettre en cause nos représentations. Puisque vous et moi nous nous connaissons dans le réel et que nous mettons en commun nos réflexions sur nos méthodes d’enseignement nous pouvons partager ici notre communauté de pensée  : il est impossible de ranger sous des déterminations stables les jeunes dont nous nous occupons parce que ces jeunes sont Autres , non adaptés aux méthodes généralistes de l’enseignement. Nous sommes constamment  obligés d’inventer, de trouver des méthodes ponctuelles adaptées. C’est ce quotidien changeant qui déroutent les psy , les sociologues et partant les philosophes. Mais pourquoi nous sommes sans cesse dans l’invention ? Parce que nous avons sans cesse en vue l’action, le résultat : faire en sorte que les enfants comprennent et se saisissent de notre enseignement pour construire leur autonomie. Trop de penseurs se désintéressent totalement de l’action. C’est grâce à ce désintéressement aussi qu’ils parviennent à construire des représentations du monde stables : ils ne soumettent jamais leurs idées à l’expérience, ou, quand ils le font c’est un fiasco ( confer Platon quand il voulut appliquer dans le réel ses idées).

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g.champion Membre 700 messages
Baby Forumeur‚
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il y a 39 minutes, Annalevine a dit :

Le philosophe tente d’établir des vérités durables

qu'est-ce qui pousse à chercher la vérité ? la vérité peut-elle être changeante ? n'est-ce pas le changement qui le pousse à chercher ce qui ne change pas et que l'on nomme vérité ou loi ?

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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Nous pourrions poser cette question : quelle pensée nous gouverne dans le quotidien ?

En tant qu’observateur du quotidien  chacun identifie chez l’autre une certaine façon de penser dont l’autre n’a pas toujours conscience. Cette remarque peut être ainsi retournée : quelle pensée l’autre peut-il identifier en moi lorsqu’il m’observe dans le quotidien ?

Souvent il y a un fossé, parfois un abime entre la pensée philosophique dont se pare socialement le penseur et la pensée pratique qui le pilote dans les actes sociaux quotidiens. C’est ce gap qui, aux yeux du public, dévalorise considérablement la philosophie  : cette inadéquation entre une pensée officielle et une pensée pratique qui vient, parfois, la contredire.

Mais je pourrais considérer le risque de creuser soi même cet abime et décider d'élucider d’abord, avant toute considération philosophique, quelle philosophie, dont je n’ai pas toujours conscience, détermine mes actes quotidiens.

Ce travail est rarement fait dans la vie courante mais, ce qui est plus étonnant, c’est que les philosophes non plus ne font pas ce travail. D’où ce décalage étonnant entre leur philosophie officielle et l’esprit que tout le monde peut voir à l’oeuvre dans leur actes quotidiens, esprit qui, parfois, vient en contradiction frontale avec leur philosophie officielle.

Dommage que ce travail ne soit pas fait.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il y a 6 heures, Annalevine a dit :

Nous pourrions poser cette question : quelle pensée nous gouverne dans le quotidien ?

En tant qu’observateur du quotidien  chacun identifie chez l’autre une certaine façon de penser dont l’autre n’a pas toujours conscience. Cette remarque peut être ainsi retournée : quelle pensée l’autre peut-il identifier en moi lorsqu’il m’observe dans le quotidien ?

Souvent il y a un fossé, parfois un abime entre la pensée philosophique dont se pare socialement le penseur et la pensée pratique qui le pilote dans les actes sociaux quotidiens. C’est ce gap qui, aux yeux du public, dévalorise considérablement la philosophie  : cette inadéquation entre une pensée officielle et une pensée pratique qui vient, parfois, la contredire.

Mais je pourrais considérer le risque de creuser soi même cet abime et décider d'élucider d’abord, avant toute considération philosophique, quelle philosophie, dont je n’ai pas toujours conscience, détermine mes actes quotidiens.

Ce travail est rarement fait dans la vie courante mais, ce qui est plus étonnant, c’est que les philosophes non plus ne font pas ce travail. D’où ce décalage étonnant entre leur philosophie officielle et l’esprit que tout le monde peut voir à l’oeuvre dans leur actes quotidiens, esprit qui, parfois, vient en contradiction frontale avec leur philosophie officielle.

Dommage que ce travail ne soit pas fait.

Le philosophe pense que « l’homme ordinaire » ne connaît pas l’essence des choses, ou refuse de la connaître parce que son unique pensée serait de s’interroger seulement sur le propre déroulement de sa vie et celle de ses proches.

 Pourtant, l’homme du quotidien est loin d’ignorer cette essence des choses, mais refuse de la connaître, car pour lui c’est une connaissance inquiétante. Il refuse le quotidien mais ce n’est pas simplement de l’ignorance.

Le penseur,  même s’il remet en cause la quotidienneté, bénéficie pourtant lui aussi de la quotidianisation. L’assurance du monde lui est garantie dans le quotidien, quand bien  même il ne veut assumer cette expérience.

 

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
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Il y a 1 heure, satinvelours a dit :

Le philosophe pense que « l’homme ordinaire » ne connaît pas l’essence des choses, ou refuse de la connaître parce que son unique pensée serait de s’interroger seulement sur le propre déroulement de sa vie et celle de ses proches.

 Pourtant, l’homme du quotidien est loin d’ignorer cette essence des choses, mais refuse de la connaître, car pour lui c’est une connaissance inquiétante. Il refuse le quotidien mais ce n’est pas simplement de l’ignorance.

Le penseur,  même s’il remet en cause la quotidienneté, bénéficie pourtant lui aussi de la quotidianisation. L’assurance du monde lui est garantie dans le quotidien, quand bien  même il ne veut assumer cette expérience.

 

L’homme du quotidien refuse de connaître l’essence des choses... Pour être plus concret je dirai que l’homme du quotidien refuse de connaître les ressorts intimes de de ses comportements, de ses opinions, de ses actions. Ou s’il ne refuse pas de connaître ces ressorts alors il les cache. Pas de manière générale tout de même.

Problème  : c’est que le philosophe est lui aussi un homme du quotidien, et quand il est engagé dans le quotidien, dans les nécessités du quotidien, lui aussi refuse de connaître l’essence de ses comportements !

C’est pour cela qu’il passe outre le quotidien.

Ce qui est tout de même paradoxal s’agissant d’un homme ou d’une femme dont on peut penser qu’il tend vers une certaine lucidité. 

La peur c’est de découvrir en soi des motivations contraires aux normes. Et cette peur est encore plus vive chez le philosophe qui se veut universel c’est à dire qui veut à tout prix rencontrer en lui que des valeurs universelles. Cela dit tout le monde n’a pas peur de ses singularités. Mais quand ces singularités c’est la violence contre telle ou telle « humanité » bien sûr c’est pas évident à vivre ni à dire !

Par exemple j’aurais bien aimé qu’Heidegger nous dise pourquoi il a adhéré au parti nazi, pourquoi il a viré les juifs des universités. Car découvrir en lui des singularités, découvrir en lui ce que les âmes falotes appellent le mal m’aurait passionnée. Car le philosophe doit être passionné aussi bien par le mal que par le bien. 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il y a 22 heures, Annalevine a dit :

L’homme du quotidien refuse de connaître l’essence des choses... Pour être plus concret je dirai que l’homme du quotidien refuse de connaître les ressorts intimes de de ses comportements, de ses opinions, de ses actions. Ou s’il ne refuse pas de connaître ces ressorts alors il les cache. Pas de manière générale tout de même.

Problème  : c’est que le philosophe est lui aussi un homme du quotidien, et quand il est engagé dans le quotidien, dans les nécessités du quotidien, lui aussi refuse de connaître l’essence de ses comportements !

C’est pour cela qu’il passe outre le quotidien.

Ce qui est tout de même paradoxal s’agissant d’un homme ou d’une femme dont on peut penser qu’il tend vers une certaine lucidité. 

La peur c’est de découvrir en soi des motivations contraires aux normes. Et cette peur est encore plus vive chez le philosophe qui se veut universel c’est à dire qui veut à tout prix rencontrer en lui que des valeurs universelles. Cela dit tout le monde n’a pas peur de ses singularités. Mais quand ces singularités c’est la violence contre telle ou telle « humanité » bien sûr c’est pas évident à vivre ni à dire !

Par exemple j’aurais bien aimé qu’Heidegger nous dise pourquoi il a adhéré au parti nazi, pourquoi il a viré les juifs des universités. Car découvrir en lui des singularités, découvrir en lui ce que les âmes falotes appellent le mal m’aurait passionnée. Car le philosophe doit être passionné aussi bien par le mal que par le bien. 

Pourquoi découvrir le quotidien alors qu’il est l’évidence même ? C’est une fausse évidence. Les problèmes quotidiens ne sont en fait pas le caractère problématique du quotidien mais plutôt les petites tracasseries de la vie.

Notre époque, avec une certaine tendance de la philosophie contemporaine, glisse vers le concret. Il y a une véritable ruée vers le quotidien, pour ne parler que des blogs, photos numériques et autres talk-show.  On s’empare de tous les détails de la vie quotidienne en se persuadant qu’elle est extraordinaire.  Sont reproduites les activités ménagères sans intérêt, les recettes de cuisine, les conversations sans aucune importance, mais cela conforte dans cette sécurisation.

Ce monde quotidien que l’on adopte tous les jours empêche d’être parcouru par le doute et l’insécurité. 

 Mais est-ce que tout cela aide à la connaissance du quotidien ? Ce n’est pas sûr ! 

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Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
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Il y a 2 heures, satinvelours a dit :

Pourquoi découvrir le quotidien alors qu’il est l’évidence même ? C’est une fausse évidence. Les problèmes quotidiens ne sont en fait pas le caractère problématique du quotidien mais plutôt les petites tracasseries de la vie.

Notre époque, avec une certaine tendance de la philosophie contemporaine, glisse vers le concret. Il y a une véritable ruée vers le quotidien, pour ne parler que des blogs, photos numériques et autres talk-show.  On s’empare de tous les détails de la vie quotidienne en se persuadant qu’elle est extraordinaire.  Sont reproduites les activités ménagères sans intérêt, les recettes de cuisine, les conversations sans aucune importance, mais cela conforte dans cette sécurisation.

Ce monde quotidien que l’on adopte tous les jours empêche d’être parcouru par le doute et l’insécurité. 

 Mais est-ce que tout cela aide à la connaissance du quotidien ? Ce n’est pas sûr ! 

Il y a un certain pessimisme là ! Toutes ces actions qui  peuvent paraître dérisoires ne sont pas faites accompagnées d’une pensée dérisoire. Empêcher d'être parcouru par le doute et l’insécurité c’est déjà signifier que nous sommes parcourus par le doute et l’insécurité. C’est la réponse donnée à ce doute et à  l’insécurité que tu stigmatises. Mais les personnes qui tentent de s’abimer dans des actions quotidiennes dérisoires sont des personnes qui pensent aussi. Ce sont leurs pensées que nous ne connaissons pas, ce sont leurs doutes que nous ne connaissons pas, ce sont leurs insécurités que nous ne connaissons pas. Tout cela n’intéresse pas le philosophe professionnel, c’est dommage. 

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