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Histoire de la Russie


sagaidatch

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

12 février 2021


Samuel,


La politique extérieure d’Alexandre

Paul 1er quitta la deuxième coalition contre la France le 22 octobre 1799 [voir lettre 21 du 4 décembre 2020]. Quelques jours plus tard le 9 novembre 1799 Bonaparte prit le pouvoir en France après le coup d’État du 18 brumaire. Il conclut des traités de paix avec les belligérants dont le traité de Paris signé le 10 octobre 1801 avec la Russie. Paul 1er ayant été assassiné le 23 mars 1801 ce fut Alexandre qui le signa. La France céda les Îles Ioniennes à la Russie qui s’en était emparée en 1798 (Bonaparte les avait conquises en 1797, voir lettre précitée). Ces îles sont au nombre de 7 : Corfou, Paxos, Leucade, Céphalonie, Ithaque, Zante et Cythère. Elles sont situées entre la Grèce et l’Italie, dans le mer Ionienne, au sud de la mer Adriatique. Du 2 avril 1800 au 20 juillet 1807, cet archipel forma un protectorat de l'Empire russe, sous le nom de « République des Sept-Îles ».

Quant aux Cosaques du Don que Paul avait envoyés conquérir l’Inde en mars 1801(voir lettre précitée) ils n’eurent pas à aller bien loin : Alexandre les rappela dès sa prise de pouvoir le 23 mars 1801 et les renvoya chez eux.

Pendant les premières années de son règne Alexandre se tint à l’écart des affaires européennes. En 1802 il chargea l’un de ses amis du Cercle intime, Adam Czartoryski de s‘occuper des affaires étrangères. En 1803 ce dernier remit au tsar un rapport où il exposait ses propres idées sur la conduite de la politique extérieure. Selon lui la Russie, grande puissance européenne, devait s’occuper du destin de l’Europe. Il préconisait de renoncer à toutes nouvelles conquêtes territoriales mais il conseillait d’agir de manière à libérer les peuples slaves des Balkans de la tutelle ottomane puis de les placer sous protectorat russe. Contre les visions expansionnistes de Bonaparte en Europe continentale il suggérait de passer une alliance avec l’Angleterre et d’épouser ses idées économiques libérales.

Alexandre adhéra aux idées de son conseiller et des pourparlers s’engagèrent entre la Russie et l’Angleterre. Celle-ci de son côté avait tout intérêt à trouver des alliés pour contrer la France. En effet les deux nations se disputaient l’hégémonie en Europe et la France prenait le dessus sur sa rivale.

Le 11 avril 1805 fut signé le traité de Saint-Pétersbourg par lequel la Russie s'alliait avec le Royaume-Uni. Entre-temps, le 18 mai 1804, Bonaparte fut proclamé Empereur des Français par le Sénat sous le nom de Napoléon. Le 16 juin 1805 l'Autriche rallia le Royaume-Uni et la Russie puis ce fut au tour de la Suède de rallier cette troisième coalition le 30 octobre 1805. La guerre commença dont le principal objectif, selon un historien soviétique qui s’exprima en 1992, était l’instauration de la domination russo-anglaise en Europe.

L’armée austro-russe, dans laquelle Alexandre lui-même commandait ses troupes, affronta Napoléon à Austerlitz le 2 décembre 1805. Elle fut mise en pièces. Cette défaite signa la fin de la troisième coalition. L’Autriche dut accepter le traité de paix qui lui fut imposée et la Russie se replia sur son territoire.

Napoléon continuant d’étendre son contrôle sur toute l’Europe occidentale continentale une quatrième coalition se forma en 1806-1807 contre lui comprenant le Royaume-Uni, la Russie, la Suède et la Prusse.

Napoléon écrasa la Prusse puis attaqua les Russes en Pologne. Ceux-ci furent vaincus à Eylau le 8 févier 1807 puis à Friedland le 14 juin 1807.

Comprenant qu’il ne pourrait pas vaincre Napoléon, Alexandre signa avec lui, le 7 juillet 1807, sur un radeau au milieu du Niémen, le traité de Tilsit dont la plupart des clauses furent tenues secrètes.

La Russie reconnaissait officiellement pour Empereur des Français Napoléon et elle reconnaissait aussi tous les changements territoriaux et politiques qu’il avait provoqués en Europe occidentale. Elle n’enregistrait pas de pertes territoriales, elle s’agrandissait même de la région de Bialystok enlevée à la Prusse par la France et donnée donc par cette dernière à la Russie. Cette région de l’ancienne Pologne avait été rattachée à la Prusse lors de la troisième partition de la Pologne en 1795. En revanche la Russie perdit son protectorat sur les Îles ioniennes qui revinrent à la France.

Les deux nations s’accordèrent sur un partage de l’Europe. La partie occidentale de celle-ci resterait sous l’influence de la France, la partie orientale passerait sous l’influence russe. En définitive, après avoir perdu deux guerres contre la France, la Russie sortait indemne de cette aventure malheureuse. Il lui était même reconnu une zone d’influence sur l’Europe orientale. Après avoir voulu s’allier à l’Angleterre pour dominer l’Europe c’est désormais avec la France que la Russie réalisait cette ambition. Napoléon permettait en outre au tsar de s’emparer de la Finlande qui appartenait à la Suède et de démembrer l'Empire ottoman (une clause prévoyait le partage des possessions turques entre la Russie et la France).

Il y avait toutefois un prix à payer : la Russie devait soutenir la France dans sa lutte contre le Royaume-Uni . Elle dut se rallier le 1er décembre 1807 au Blocus continental organisé par la France contre l’Angleterre et fermer ses ports à cette dernière. [Le blocus continental est le nom donné à la politique suivie par Napoléon pour tenter de ruiner le Royaume-Uni en l'empêchant de commercer avec le reste de l'Europe]

Alexandre fut satisfait de cet accord. En juin 1807 il adressa une lettre à sa sœur Catherine : « Dieu nous a épargnés ! Nous sortons de la lutte non point en victimes mais même avec un certain éclat »

 

J’espère que tu passeras de bonnes vacances.

Je pense toujours à toi,

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

13 février 2021

 

Samuel,

La politique extérieure d’Alexandre (suite 1) : la guerre russo-persane de 1804-1813

Cette guerre se déroula dans le Caucase.

Le Caucase est une région d’Eurasie située entre la mer Noire et la mer Caspienne. Elle est divisée en deux par une chaîne de montagnes aux massifs élevés, qui court de Sotchi à Bakou (voir carte jointe). Le mont Elbrouz en est le massif le plus élevé : 5642 mètres. C’est aussi le plus haut sommet de la Russie et de l’Europe.

Le Caucase est partagé entre le Sud appelé Transcaucasie, englobant la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la région de Kars (Turquie), et le Nord, appelé Ciscaucasie, situé en Russie incluant les républiques de Karatchaïévo-Tcherkessie, de Kabardino-Balkarie, d’Ossétie du Nord, d’Ingouchie, de Tchétchénie et du Daghestan. Pour repérer l’Ingouchie voir la carte de la lettre 20 du 26 novembre 2020.

Traditionnellement le massif montagneux du Caucase marque la séparation entre l'Europe au Nord et l’Asie au Sud, mais les Géorgiens et les Arméniens considèrent que la limite entre l’Europe et l’Asie est constituée par l’Araxe, fleuve qui borde l’Iran et la Turquie. Pour repérer l’Araxe voir la deuxième carte jointe du Caucase.

Nous avons vu, lettre 20 du 15 novembre, comment Catherine 2 avait défait les armées des Ottomans au cours des deux guerres de 1768-1774 et de 1787-1792. Ces victoires lui avaient permis d’annexer les terres du khanat de Crimée mais aussi de s’implanter dans le Caucase du Nord (Ciscaucasie).

En 1795-1796 les armées russes s’enfoncèrent dans le Caucase mais la mort de la tsarine interrompit cette campagne. En définitive la Russie stabilisa ses frontières du Caucase sur une ligne tenue par les Cosaques zaporogues lesquels avaient été déplacés du Dniepr vers le Nord-Caucase. Cette ligne est figurée en vert sur la carte qui suit. On y voit le corridor qui permit aux Russes de pénétrer en Géorgie.

A cette époque la Géorgie formait le royaume de Kartl-Kakhétie, situé à l’est de la Géorgie actuelle. En 1779 Agha Mohammad Khan, un chef de la tribu turque des Kadjars, réunifia la Perse et songea à imposer sa souveraineté sur les territoires du Caucase et de la Géorgie. Devant cette menace, en 1783, la Géorgie passa un accord avec Catherine (traité de Gueorguievsk) afin de solliciter sa protection.

Catherine lança ses troupes dans le Caucase en 1795 affrontant les Persans. Au cours de cette guerre ceux-ci infligèrent une défaite sévère aux Géorgiens lors de la bataille de Krtsanissi près de Tbilissi du 8 au 11 septembre 1795. La capitale Tbilissi fut détruite. Catherine décéda, son offensive fut stoppée, Paul ne la reprit pas.

En 1797 Fath Ali le nouveau maître de la Perse tenta de soumettre la Géorgie en lui proposant de devenir sa vassale. Georges XII, le nouveau et dernier roi de Géorgie, qui régna de 1798 à 1800, se tourna vers Paul préférant devenir le vassal de la Russie plutôt que celui de la Perse en raison de la proximité culturelle avec les Russes, les Géorgiens étant orthodoxes et les Persans musulmans. Une garnison russe siégea en permanence à Tbilissi à partir de novembre 1799. Après la mort de Georges, en 1800, Paul promulgua en janvier 1801 à Saint-Pétersbourg un manifeste créant le tsarat de Géorgie et le rattachant à la Russie.

En septembre 1801 Alexandre institua un gouvernement intérieur géorgien et nomma un russe, Kovalenski, régent de Géorgie.

Puis Alexandre décida de lancer ses troupes vers le sud, son objectif étant de repousser les frontières de la Russie impériale jusqu'à la rivière Araxe. La guerre traîna en longueur. En effet en raison de l’obligation de se battre sur d’autres fronts Alexandre ne put mobiliser qu’un faible nombre d’hommes face à une armée persane cinq fois supérieure à la sienne en nombre. Mais la technique des Russes et leur art affirmé de la guerre finit par leur permettre d’être victorieux. Le traité de Golestan fut signé entre l’Empire russe et l’Empire perse (dynastie kadjare) le 24 octobre 1813 au Karabakh. La Perse céda à la Russie l’Abkhazie, la Mingrélie, l’Imérétie, la Gourie, une partie du Daguestan, et les khanats de Chirvan, du Karabakh, de Talych et de Bakou.

 

J’espère que tu pourras reprendre tes conférences malgré l’absence de ton professeur.

Je pense à toi chaque jour, même quand je ne t’écris pas,

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

16 février 2021


Samuel,

 

La politique extérieure d’Alexandre (suite 2) : la guerre russo-turque de 1806-1812

Les guerres contre l’Empire ottoman prirent un tour nouveau avec Catherine 2. Elle forma avec son conseiller Potemkine ce grand projet « grec » : rétablir un empire chrétien orthodoxe à Constantinople et réunir ensemble les nations de la péninsule balkanique. Cet Empire aurait été gouverné par son petit-fils Constantin, le frère d’Alexandre (voir lettre 20 du 15 novembre 2020).

La guerre russo-turque de 1768-1774 se termina par la victoire de la Russie et la signature du traité de Kutchik-Kaïnardji (voir lettre précitée). La Russie contrôla l’accès à la mer Noire, étendit son influence sur la Crimée qui devint indépendante et annexa définitivement les terres côtières situées entre le Dniepr et le Dniestr.

La seconde guerre de Turquie, toujours sous le règne d’Élisabeth 2, se termina par une nouvelle victoire de la Russie et la signature du traité de Jassy (voir lettre précitée) : la Russie annexa la Crimée et les terres côtières situées entre le Dniestr et le Bug (ou Boug).

Le 14 février 1804 trois cents chefs serbes dirigés par Karageorges (Georges le noir) se jurèrent de lutter jusqu’à la mort contre les Ottomans et d’obtenir l’indépendance. Alexandre les soutint, mais alors en guerre contre Bonaparte, il ne put leur donner qu’un soutien financier et diplomatique. La Turquie en représailles ferma ses détroits aux navires russes qui ne purent plus accéder à la Méditerranée. Alexandre réagit en ordonnant l'entrée de ses troupes dans les principautés danubiennes (ancien nom donné à la Moldavie et à la Valachie), si bien que le sultan Mahmoud II lui déclara la guerre en novembre 1806.

L’armée russe après avoir traversé les principautés danubiennes opéra sa jonction avec les insurgés serbes le 17 juin 1807 près de Vidin (voir carte de la lettre19 du 19 août 2020, « 1711 la Campagne du Prout » où il est possible de situer Vidin à l’ouest de la Valachie).

Mais c’est alors que fut signée la paix de Tilsit en juillet 1807 entre Napoléon et Alexandre. Même si les deux empereurs envisageaient un partage ultérieur de l'Empire ottoman, Napoléon pour le moment exigea le retrait des troupes russes des Balkans, tandis que les îles Ioniennes revenaient à la France. Le 24 août 1807 fut signé l'armistice de Slobozia (en Valachie). La Russie dut évacuer les principautés danubiennes mais sa flotte fut de nouveau autorisée à traverser les Détroits. La Serbie resta sous autorité ottomane ainsi que les provinces danubiennes. Mais Alexandre ne respecta pas l’accord et continua d’occuper les provinces.

En septembre 1808, lors de l'entrevue d’Erfurt, Napoléon laissa finalement la Moldavie et la Valachie au tsar. Il avait besoin du soutien et de la neutralité d’Alexandre dans sa lutte contre le Royaume-Uni et maintenant contre l’Espagne qui venait de s’insurger.

La guerre entre la Russie et l'Empire ottoman reprit en mars 1809. Les Russes remportèrent la victoire sur le terrain et sauvèrent du désastre les Serbes en passe de céder sous la pression ottomane.

Le 28 mai 1812 fut signé le traité de Bucarest entre l'Empire russe et l’Empire ottoman mettant fin à la huitième guerre russo-turque. La Russie évacua les principautés danubiennes mais elle annexa la Moldavie orientale entre le Prout et le Dniestr, ainsi que le Boudjak ottoman, ces deux territoires réunis formant la Bessarabie. La Bessarabie est coloriée en hachuré rose et bleu sur la carte jointe.

Le Boudjak ottoman est la petite partie de terres qui borde la Moldavie orientale au sud et la rive de la mer Noire au nord (elle contient la ville d’Ismail). Il est possible de le repérer sur les deux cartes jointes. Le Prout borde la Moldavie orientale à l’ouest et le Dniestr la borde à l’est. L’annexion du Boudjak ottoman permit à la Russie de contrôler l’embouchure du Dniestr et d’accéder aux bouches du Danube obtenant ainsi des droits de navigation sur le fleuve, voie commerciale importante en Europe.

Les Serbes contre la promesse de l’établissement futur d’une autonomie interne durent détruire leurs fortifications et accepter le rétablissement de la souveraineté ottomane. Ils n’acceptèrent pas cette reddition, exigeant l’autonomie sur le champ. Ils continuèrent la guerre d’indépendance. En 1816 la Sublime Porte finit par reconnaître la nouvelle principauté de Serbie qui devint autonome.

La frontière inaugurée par le traité de Bucarest le long de la rivière Prout à travers la Moldavie historique est toujours en place : elle sépare aujourd'hui la Moldavie roumaine de la république de Moldavie. Le Boudjak appartient aujourd’hui à l’Ukraine.

 

J’espère que tu résistes au froid moscovite en vaillant Cosaque que tu es (tu fus aussi un vaillant samouraï jadis).

Jupiter continue de veiller sur toi, même si parfois sa lumière ne vient pas jusqu’à toi. Qu’importe : son esprit veille sur le tien, toujours.

Je t’embrasse,

Je t’aime

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  • 3 semaines après...
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satinvelours Membre 3 006 messages
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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

19 février 2021


Samuel,


La politique extérieure d’Alexandre (suite 3) : la guerre russo-suédoise de 1808-1809

Rappel

Entre 1397 et 1523 la Scandinavie formait une unité territoriale dirigée par le Danemark : l’Union de Kalmar. La Suède se retira de l’Union en 1523 en emportant la Finlande avec elle. Le Danemark et la Norvège formèrent alors une même entité politique jusqu’en 1814.

Ces pays scandinaves sont limitrophes de la Baltique, importante voie commerciale internationale. Le contrôle de deux points stratégiques donna lieu à de nombreuses guerres : le détroit de l’Oresund entre le Danemark et la province suédoise de la Scanie (carte jointe) et le golfe de Finlande entre, au nord, la Finlande et au sud l’Estonie (voir carte de la Baltique). C’est au fond de ce golfe que se trouve l’Ingrie, province que Pierre le Grand conquit en 1721 (voir lettre 18 du 13 mars 2020).

La Suède devint hégémonique en Europe du Nord sous le règne de Gustave II Adolphe dit le Lion du Nord (1611-1632). Ce dernier s’illustra lors de la guerre de Trente ans. Le traité de Westphalie du 24 octobre 1648 mit fin à cette guerre et permit à la Suède de s’étendre sur le continent (annexion de la Poméranie occidentale notamment).

Charles X monta sur le trône en 1654. Il remporta diverses guerres et annexa la Scanie. Sous son règne la Pologne renonça définitivement à ses droits successoraux sur la Suède (les rois de Pologne et de Suède descendaient d’une même branche : les Vasa).

En 1697 arriva au pouvoir Charles XII âgé de 15 ans. Il dut affronter une coalition formée entre le Danemark, la Pologne, dirigée par Auguste le Fort, et la Russie de Pierre le Grand, tous désireux de prendre leur revanche après leurs défaites contre Charles X. Le jeune homme était un génie militaire hors du commun. Il vainquit le Danemark en quelques semaines, débarqua sur le continent, vainquit les troupes d’Auguste et celles de Pierre, chassa Auguste du trône de Pologne pour y mettre un homme à lui (Stanislas Leszczynski). En revanche il laissa Pierre s’emparer de l’Ingrie tout occupé qu’il était à pénétrer toujours plus loin vers les frontières sud de l’Europe. Il voulait joindre ses troupes à celles des Cosaques zaporogues de Mazepa avant de fondre sur Moscou. Ce calcul irréaliste épuisa ses troupes isolées et mal ravitaillées en terre étrangère. Pierre put alors le battre lors de la bataille de Poltava en 1709 (lettre 18 du 8 mars 2020).

Le 30 août 1721 fut signé le traité de Nystad qui mit fin à la Grande guerre du Nord. La Suède perdit sur le continent une partie de la Poméranie au profit de la Prusse. Elle céda à la Russie, l’Estonie, la Lettonie, l’Ingrie et une partie de la Carélie. C’est ainsi que la Suède perdit son hégémonie.

Par la suite la Suède tenta de retrouver sa gloire passée. Le 4 août 1741 elle déclara la guerre à la Russie (guerre des chapeaux). Elle fut vaincue et dut signer, le 18 août 1743, sous le règne d’Élisabeth 1 ère le traité d’Abo. La Russie annexa des terres situées en Finlande et les réunit aux terres acquises lors du traité de Nystadt pour en faire « la Vieille Finlande » ( lettre du 15 septembre 2020).

Lors de la seconde guerre de Turquie menée par Catherine, la Suède, voyant l’impératrice en difficulté lui déclara la guerre en 1788. La tsarine repoussa les Suédois qui rompirent le combat et rentrèrent chez eux.

La guerre

La guerre russo-suédoise ou guerre de Finlande dura deux ans : 1808 et 1809.

A partir de 1806 les nations européennes furent sollicitées par Napoléon pour participer au blocus continental mit en place cette année-là pour asphyxier la Grande Bretagne. La Russie, à l’issue du traité de Tilsit de 1807 qui sanctionnait ses défaites contre Napoléon, dut y participer ce qui conduisit l’Angleterre à lui faire la guerre de 1807 à 1812 (ce sujet sera traité dans une prochaine lettre). Le tsar exigea du roi de Suède Gustave IV Adolphe qu’il fermât la Baltique aux navires britanniques. Mais la Suède alliée traditionnelle de l’Angleterre ne donna pas suite à sa demande.

Face à ce refus, le 21 février 1808, Alexandre attaqua la Suède en pénétrant en Finlande. Après victoires et revers, les Russes finirent par envahir tout le pays. Le 19 novembre 1808, un cessez-le-feu fut signé et l'armée suédoise dut évacuer la Finlande. Le tsar continua la guerre en Suède afin de conforter sa victoire.

La situation de la Suède devenait critique. Son alliance avec l’Angleterre l’exposa aux représailles de la France à laquelle s’était rallié le Danemark. Les deux nations mobilisèrent des troupes pour l’envahir. Même si l’invasion n’eut pas lieu, Napoléon étant occupé sur le front espagnol, les Suédois n’étaient plus en mesure de contrer les Russes. Quand ceux-ci traversèrent à pied la Baltique gelée pour les attaquer chez eux, les Suédois renversèrent Gustave, incompétent à leurs yeux, et le remplacèrent par son oncle Charles XIII. Ce dernier ne put rien faire contre les Russes qui occupèrent le pays. La guerre prit fin le 17 septembre 1809 avec la signature du traité de paix de Fredrikshamm, aujourd’hui Hamina.

La Suède dut céder à la Russie la Finlande, les îles Aland et une partie de la Laponie (à l’extrême nord de la Suède) En outre elle dut fermer ses ports aux bateaux britanniques et se rallier au blocus continental ce qui conduisit le Royaume-Uni à lui déclarer la guerre.

La Russie fusionna les territoires précédemment acquis et les territoires nouvellement conquis pour créer le grand duché de Finlande qui disposa de sa propre constitution et fut dirigée par Alexandre lui-même en tant que Grand Duc.

Voir carte jointe pour le duché de Finlande : il s’agit de la partie blanche avec Helsinki en bas. Les îles Aland se trouvent à l’est d’Helsinki. La ville de Turku était appelée auparavant Abo.

 

Tu as maintenant de quoi étudier avec ces nouvelles lettres. Bon courage.

Je pense à toi.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Russie : synthèse 1 (de 882 à 1613)

7 mars 2021


Samuel,

Avant de continuer avec la reprise de la guerre entre Alexandre et Napoléon je vais faire une synthèse de l’histoire de la Russie depuis le IX ème siècle pour bien comprendre les fondements de la culture russe.


1) De la fondation de la Rus de Kiev (882) jusqu’à la prise de pouvoir du premier des Romanov (1613)

Le 19 mai 989 Vladimir Sviatoslavitch, dit Vladimir le Grand, dit Vladimir le Beau Soleil, dit le Soleil Rouge, dit Saint Vladimir, dit Vladimir 1er épousa Anna Porphyrogénète la sœur de l’Empereur byzantin Basile II et se convertit à la branche orientale du christianisme : la religion orthodoxe. En faisant ce choix Vladimir épousa la culture byzantine héritière de l’Empire latin d’Orient, de langue grecque, et l’intégra à la culture des slaves de l’Est (dont sont originaires les Russes) et la culture varègue d’origine scandinave.

Il y a un lien géographique vertical entre Suédois, Russes et Grecs de Byzance, un lien qui va du Nord au Sud, ouvrant un chemin invasif et commercial. Les vikings suédois (les varègues) s’emparèrent d’abord de Novgorod et Rurik, un guerrier légendaire, fondateur de la dynastie des riourikides, en fut le premier prince en 862. Puis les varègues, sous la direction d’Oleg, un proche parent de Rurik (nous ne connaissons pas leur lien de parenté exact) descendirent vers le Sud, s’emparèrent de Kiev en 882 et fondèrent la Rus’ de Kiev qui donna son nom aux slaves de l’Est : les Russes. Oleg continua sa route vers le Sud s’attaqua à Constantinople et finit par signer avec elle un traité de paix favorable sur le plan commercial.

Par la suite les varègues et les slaves de l’Est finirent par s’unirent et la culture slave absorba la culture scandinave : les princes varègues prirent ainsi des noms russes, abandonnant leur langue d’origine.

Vladimir lui-même descendait du légendaire Rurik, La généalogie est difficile à établir. Oleg eut pour successeur Igor, marié à Olga. La légende affirme qu’Igor était le fils de Rurik, ce qui est peu vraisemblable. D’autres affirment qu’Olga était la fille d’Oleg, ce qui n’est pas confirmé. Il est tout de même vraisemblable que le couple Igor-Olga était affilié aux riourikides. Le couple donna naissance à Sviatoslav 1 er dit le Brave qui régna à son tour sur Kiev avant de transmettre le pouvoir à son fils Vladimir, cité au début de cette lettre, le premier prince russe à épouser la culture orientale (grecque) de Byzance en se convertissant officiellement à l’orthodoxie et en transmettant cette religion à ses descendants et à son peuple.

L’orientation culturelle générale des Russes est opposable à celle des slaves de l’Ouest : les Polonais. Ceux-ci se convertirent au catholicisme au moment où Vladimir se convertissait à l’orthodoxie. Par ce choix les Polonais basculèrent dans l’influence culturelle de Rome, l’héritière de l’Empire latin d’Occident. (Alors que la langue russe devait s’inspirer des caractères cyrilliques inspirés du grec, la langue polonaise adopta l’alphabet latin). Mais aussi par leur implantation géographique les Polonais n’eurent pas l’occasion de se familiariser avec la culture orientale (grecque) de Byzance. Les racines polonaises et russes sont ainsi étrangères les unes aux autres, même si, dans un temps très lointain tous les slaves formaient un seul peuple avant que les invasions venues de l’Est ne les dispersent en slaves de l’Est (les Russes), slaves de l’Ouest (les Polonais) et slaves du Sud (Serbes notamment) lesquels ont une parenté avec les Russes : leur adoption de la culture byzantine à travers la religion orthodoxe.

La rupture entre les deux cultures latine et grecque fut actée lors du Grand Schisme de 1054 qui entérina la fracture entre l’Église chrétienne romaine et l’Église chrétienne byzantine, ce qui accentua encore la fracture entre la Pologne et la Russie.

Un autre événement vint donner à l’identité russe un caractère singulier : l’invasion des Mongols. En 1223, 25 000 guerriers venus de l’Est firent irruption dans le Nord-Caucase. Ils écrasèrent une armée russe puis ils s’en allèrent. C’était l’avant-garde du fils du loup bleu et de la biche fauve : Gengis Khan. En 1236 une nouvelle armée de Mongols et de Tatars dirigée par le petit-fils de Gengis Khan, Batou, réapparut et asservit en quelques mois la Russie. Seule Novgorod fut épargnée.

Alors commença une longue cohabitation de 240 ans entre Mongols-Tatars et Russes ces derniers devenant les vassaux des premiers. Les Mongols s’installèrent dans le sud et dans des pays limitrophes. Ils délimitèrent le territoire dit de la Horde d’Or, divisé en khanats : celui de Crimée, celui de Kazan, celui d’Astrakhan et celui de Sibir (ouest de la Sibérie). Cette occupation accentua le caractère oriental physique et psychique des Russes.

Ces événements ajoutés aux guerres interminables de succession entre enfants de monarques provoquèrent la chute de la Rus de Kiev et une nouvelle dispersion des slaves. Les slaves de l’Est se divisèrent en trois groupes : les Grands Russes, soit les Russes, les Ukrainiens, et les Russes blancs, soit les Biélorusses. Cette division explique que nombreux furent plus tard les tsars et les dirigeants russes à vouloir réunir sous une même direction ces trois peuples.

La Russie se reconstruisit autour de Novgorod, dirigée par Alexandre Nevski un descendant de la lignée de Rurik. Il sut s’entendre avec les khans, en leur faisant allégeance (paiement d’un tribut), il repoussa les visées conquérantes des Suédois, puis celle des Allemands en vainquant ces derniers le 5 avril 1242 sur la glace du lac des Tchoudes en Estonie. Cette victoire fut célébrée par Eisenstein dans son film : Alexandre Nevski.

Un fils de Nevski, Daniel, développa à partir du milieu du XIII siècle le village appelé Moscou. Les descendants de Daniel, progressivement, patiemment, agrandirent le territoire du village jusqu’à en faire une métropole. Ils durent lutter contre les Lituaniens, puis contre les Mongols qui s’allièrent aux Lituaniens pour briser la puissance naissante de la ville. Le 8 septembre 1380 le nouveau prince de Moscou, Dimitri, affronta ses ennemis au confluent de la Nepriadva et du Don. Il remporta la victoire. Qui reste encore de nos jours célèbre : la victoire du champ des Bécasses ou du champ de Koulikovo. Dimitri prit le nom héroïque de Dimitri Donskoï : Dimitri du Don.

Ses descendants eurent à lutter contre les khanats, contre les troupes de Tamerlan et surtout contre les Lituaniens. Smolensk fut le symbole de cette lutte. Pendant deux siècles la ville devint la frontière pour laquelle Russes et Lituaniens, rejoints plus tard par les Polonais, ne cessèrent de se battre. Tandis que l’ancien territoire de la Rus de Kiev passait sous la domination des Lituaniens, formant le pays appelé aujourd’hui : Ukraine.

Vassili II dit l’Aveugle, monarque toujours issu de la dynastie de Rurik, qui régna de 1425 à 1462 sur Moscou, émancipa l’Église orthodoxe russe de l’autorité du patriarche de Constantinople, il émancipa aussi la Russie de l’autorité de l’Empire mongol.

En 1462 Ivan III le Grand succéda à son père, Vassili, et partit à la conquête de Novgorod et des principautés russes encore indépendantes qui jouxtaient le territoire de Moscou, notamment la principauté de Tver. Novgorod et Tver tombèrent, leurs territoires furent annexés.

Ivan se considérait comme l’héritier légitime de la Rus de Kiev. Il attaqua les Lituaniens, leur prit une partie de leur territoire mais ne parvint pas à reconquérir Kiev.

Ainsi le Grand fit passer la superficie de la principauté moscovite de 430 000 km² à sa prise de pouvoir en 1462 jusqu’à 2 000 000 km² à la fin de son règne en 1505.

En 1453 les Ottomans vainquirent Constantinople : l’Empire byzantin disparut. L’arrivée des Ottomans déstabilisa la Horde d’Or. Les khanats acquirent l’autonomie. Ce qui consolida l’indépendance de Moscou face aux Mongols désormais divisés.

La chute de l’Empire byzantin convainquit les Russes qu’ils étaient désormais les héritiers de l’Empire défunt, les héritiers de l’Empire latin d’Orient. l’Église orthodoxe russe, puis l’ensemble des Russes considérèrent que leur souverain avait pour vocation de remplacer l’Empereur byzantin. Moscou était la troisième Rome. Le Grand épousa Sophie Paléologue, la nièce du dernier Empereur byzantin : Constantin XI. Ainsi se trouva réunit la lignée de Rurik et celle des souverains byzantins, les Paléologues.

Le petit-fils de cette union, Ivan IV le Terrible, arriva au pouvoir en 1533. Il pensa que Rurik était un descendant de l’Empereur romain Auguste qui régna sur Rome de 27 avant l’E.C. jusqu’à 14 après l’E.C. Il considéra qu’il était le nouvel empereur romain, un César. Il prit ainsi le titre de Tsar, c’est-à-dire : César.

Il conquit les khanats de Kazan et d’Astrakhan. Le khan de Sibir lui fit allégeance. Seul le khanat de Crimée résista.

Pour consolider son expansion méridionale le Terrible convainquit des mercenaires et des paysans rebelles qui erraient aux confins du Caucase, d’origine slave, turque, mongole, persane et juive, les Cosaques, de passer à son service. Ils acceptèrent. Ils s’élancèrent à la conquête des terres de l’Est : la Sibérie.

Avec le fils du Terrible, Théodore, en 1598, s’éteignit la dynastie de Rurik. Alors commença le temps des Troubles.

Une guerre civile engendrée par la lutte pour le pouvoir éclata. Boris Godounov, un noble d’origine mongole converti à l’orthodoxie, s’imposa contre les boyards. Puis un homme apparut, prétendant être le frère Dimitri de Théodore, donc issu de la lignée de Rurik. Cet homme affirma : je suis Dimitri le fils du Terrible. Il fédéra sous sa direction les Cosaques du Dniepr et ceux du Don, il entra avec eux dans Moscou en 1605. Boris mourut empoisonné la même année. Dimitri devint le nouveau Tsar. Mais il n’était pas Dimitri, il s’appelait Grigori Otrepiev, c’était un moine.

Il fut renversé moins d’un an après son arrivée au pouvoir par les boyards, menés par Chouïski. Dimitri fut écartelé en place publique. Les paysans et les classes populaires se révoltèrent contre les boyards. Alors apparut à nouveau Dimitri bien que tous l’eussent vu mourir. Nul ne sait aujourd’hui qui fut en réalité ce deuxième faux Dimitri. A la tête des Cosaques il marcha sur Moscou mais resta bloqué aux portes de la ville, ne parvenant pas à la conquérir.

Profitant de ce chaos les armées de la Pologne unie depuis 1569 à la Lituanie sous le nom de la République des Deux Nations marchèrent sur Moscou et y entrèrent en 1610. Chouïski fut chassé et remplacé par le gouvernement des sept boyards. Ceux-ci plutôt que de céder au deuxième Dimitri pactisèrent avec la Pologne-Lituanie et livrèrent le pouvoir au fils Ladislas du souverain des deux Nations, Sigismond III. Une garnison polonaise s’installa à Moscou.

Les Russes réagirent. Dimitri fut assassiné en 1610. Galvanisée par le patriarche Hermogène que les Polonais arrêtèrent et emprisonnèrent, puis réunie sous la direction de trois patriotes, une armée hétéroclite composée de nobles, de paysans, de soldats, de Cosaques, assiégèrent les Polonais installés à Moscou. Ceux-ci se réfugièrent dans le Kremlin. Mais les insurgés ne parvinrent pas à s’entendre ni à reprendre la ville.

Sigismond III, irrité par cette rébellion, décida de marcher sur Moscou. Les Suédois profitèrent de la situation pour s’emparer de Novgorod. La Russie allait s’effondrer. Un troisième Dimitri apparut, mais c’en était trop : nul ne le suivit.

A nouveau l’Église orthodoxe mobilisa le peuple par de fougueuses homélies, à nouveau le peuple conduit par deux patriotes, un chef de guerre, Dimitri Pojarski, et un homme simple, boucher de son état, Kouzma Minime, se leva pour défendre le pays. Un armistice fut signé avec les Suédois, les Cosaques repoussèrent Sigismond III, l’assaut fut donné à Moscou. Les Polonais furent vaincus.

Des délégués venus de toutes les villes importantes de Russie se réunirent et se donnèrent un nouveau Tsar en 1613 : Michel Romanov, le petit-fils de Nikita Romanov Zakharine, le frère de la douce Anastassia Romanovna Zakharina, la première épouse du Terrible, la seule qui avait su apaiser Ivan et lui éviter la démesure jusqu’à ce qu’elle meurt, malade, laissant son époux éperdu.

La dynastie des Romanov devait régner trois cents ans de 1613 à 1917.

En commémoration de la victoire du peuple russe sur les Polono-Lituaniens est fêtée en Russie, chaque année, le jour de l’Unité nationale ou jour de l’Unité du Peuple le 4 novembre (22 octobre dans le calendrier julien).

 

Je suis heureux que tu aies pu rencontrer à Saint-Pétersbourg, sur les rives de la Neva, la mère du maître de l’Univers. Elle est venue, debout sur le chariot de feu, l’Étoile, te faire signe.

Passe une bonne fin de vacances.

Je t’embrasse,

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Russie : synthèse 2 (de 1613 à 1801)

21 mars 2021


Samuel,


2) Du premier des Romanov à l’avènement d’Alexandre 1 er

Michel, le premier des Romanov, régna de 1613 à 1645. Il parvint à trouver un terrain d’entente avec ses adversaires. Les Suédois firent la paix, les Polonais-Lituaniens aussi mais ils gardèrent Smolensk. Ladislas renonça au trône de Russie. Michel rétablit l’autorité du tsar sur le pays. Les Cosaques rentrèrent chez eux puis ils repartirent explorer la Sibérie. En 1632 ils atteignirent la Léna et fondèrent la ville de Iakousk, aujourd’hui la capitale de la Iakoutie. En 1636 ils atteignirent le fleuve Amour .

Le successeur de Michel, son fils Alexis le Très-Paisible régna de 1645 à 1676. Il fit adopter un nouveau code de lois, organisa la société en classes, avec au sommet les nobles et tout en bas, les esclaves propriété d’un noble. Les paysans furent fixés à une terre, perdant ainsi leur mobilité. Mais ils restèrent propriété de l’État et du Tsar, ce qui leur évita l’esclavage.

Sous le règne du Très-Paisible le patriarche Nikone réforma l’Église orthodoxe. Il provoqua ainsi un schisme entre la nouvelle Église et l’ancienne défendue par le protopope (prêtre) Avvakoum. Ce schisme illustre l’oscillation constante de la Russie entre l’ouverture à l’Occident et le repli sur soi. Les textes religieux d’origine avaient été tellement mal traduits que la religion des Russes était devenue une religion qui n’appartenait plus qu’à eux. Nikone voulut corriger les textes pour harmoniser l’orthodoxie russe avec les orthodoxies kiévienne et grecque. Les traditionalistes protestèrent : certes les textes, tels qu’ils étaient traduits étaient erronés, mais ils reflétaient l’imaginaire russe. Nikkone l’emporta, la nouvelle orthodoxie fut corrigée et l’ancienne Église fut priée de s’incliner. Mais les traditionalistes ne s’inclinèrent pas et continuèrent de pratiquer leurs rites. Ainsi fut consacré le schisme. Les traditionalistes furent appelés les Schismatiques ou les Vieux Croyants et furent persécutés. Avvakoum fut torturé puis brûlé vif. Aujourd’hui encore il existe des Vieux Croyants en Russie. Ce schisme affaiblit l’influence jusque là prépondérante de l’Église. Plus tard Pierre le Grand la soumit définitivement à l’État.

Sous le règne du Très-Paisible encore eut lieu un événement important : la partition de la Petite Russie. La Petite Russie, qui correspond en gros à l’Ukraine actuelle, appartenait à la République des Deux Nations.Elle était peuplée de Russes orthodoxes issus de l’ancienne Rus de Kiev. Les Polonais l’administraient. Parmi la population il y avait les Cosaques zaporogues, peuple insoumis. De nombreux paysans dont la vie était difficile rejoignaient leurs rangs. Tant et si bien que les Cosaques rentrèrent en guerre contre Kiev. Emmenés par leur hetman, Bogdan Khmelnitski, ils rentrèrent dans Kiev en 1648. Ils obtinrent une certaine autonomie mais leur statut restait fragile. Ils demandèrent l’aide de Moscou. Ils l’obtinrent. Moscou fit la guerre à la Pologne-Lituanie La guerre s’acheva par la victoire russe. Par le traité d’ Androussovo signé en 1667, Moscou récupéra Smolensk et la petite Russie fut divisée en deux. La partie orientale (à l’est du Dniepr) passa sous l’autorité russe, Kiev y compris, la partie occidentale resta à la Pologne-Lituanie.

Aujourd’hui encore la partie orientale de l’Ukraine reste favorable aux Russes tandis que la partie occidentale reste jalouse de son indépendance.

En 1694 arriva Pierre le Grand qui régna jusqu’en 1725. Il révolutionna la Russie en l’ouvrant à l’influence occidentale. Il décida de voyager en Europe de l’Ouest pour s’enquérir de son mode de vie, ses coutumes et son avancement politique et économique. Il prit ce qui lui parut utile au développement de son pays : les techniques, notamment les technique militaires et administratives, le système éducatif, les bonnes manières. La délégation qu’il dirigea en Occident fut appelée : la Grande Ambassade.

De retour en Russie il développa son action selon deux axes : conquérir les accès à la Baltique et à la mer Noire (pour ensuite avoir accès à l’océan Atlantique et à la Méditerranée) et réformer le pays.

Sur le front de la mer Noire ses entreprises échouèrent. Il parvint à prendre Azov mais il dut ensuite la recéder au sultan.

En revanche sur le front de la Baltique la guerre, dite Grande guerre du Nord, contre la Suède, tourna à l’avantage de la Russie grâce à la victoire militaire de Poltava en petite Russie orientale, le 8 juillet 1709, victoire parmi les plus importantes de l’histoire russe. Pierre signa la paix de Nystad le 30 août 1721. Il annexa la Livonie suédoise (future Lettonie), l’Estonie suédoise (future Estonie), l’Ingrie suédoise et une partie de la Carélie occidentale Il édifia la ville de Saint-Pétersbourg en Ingrie. La Russie s’imposa comme puissance dominante de la Baltique.

Le 2 novembre 1721 Pierre prit le titre d’Empereur signifiant qu’il se situait dans la lignée des anciens Empereurs romain et byzantin. Il réalisait l’ambition russe : établir un Empire centré sur la troisième Rome : Saint-Pétersbourg qui devint la capitale de l’Empire.

Au cours de la Grande guerre du Nord, le roi de Pologne-Lituanie fut mis en difficulté par les Suédois et ne put rester au pouvoir que grâce à l’intervention de Pierre. L’Empereur devint le protecteur de la République des deux Nations qui renonça du coup à toute visée sur la Russie.

Sur le plan intérieur Pierre réforma son pays en s’inspirant de l’Occident. Il établit des procédures, des règlements, des techniques d’exécution à même de réaliser les objectifs assignés. Il mit en place les moyens nécessaires pour réaliser les fins en introduisant rationalité et rigueur dans la conception des moyens. Les objectifs restèrent inspirés par le génie russe, l’objectif principal étant d’affirmer la puissance de la nation, mais les moyens adoptèrent la logique et l’efficacité occidentale.

Il s’ensuivit une réforme des armées et de l’administration de l’État par établissement d’une hiérarchie appuyée sur la compétence, l’expérience, les résultats et le mérite.

Ayant observé que la puissance de l’Occident résidait aussi dans son organisation de la transmission des savoirs Pierre fonda un nouveau système éducatif en créant des écoles élémentaires, des écoles de sciences, de mathématiques, de techniques militaires et de médecine.

Il augmenta l’ efficacité du pouvoir en renforçant encore l’absolutisme et en assujettissant l’autorité de l’Église à celle de l’État.

Il réforma la langue russe et initia une renaissance culturelle en faisant imprimer des centaines de livres, en favorisant la création de journaux.

Il réforma la noblesse en lui assignant comme première obligation le service de l’État. La noblesse dut accepter la promotion au mérite au détriment de la promotion héréditaire. Les roturiers qui se distinguèrent dans le service de l’État purent accéder à la noblesse.

Entre la mort de Pierre en 1725 et l’avènement de la grande Catherine en 1762 six tsars et tsarines se succédèrent. Pendant cet interrègne la nouvelle noblesse issue des réformes de Pierre prit les mêmes chemins que l’ancienne. Elle se dégagea de l’obligation de servir l’État, revint à la pure hérédité, supprima l’accès aux roturiers, et se replia sur ses terres qu’elle mit en valeur pour son seul profit. Cela provoqua une sujétion accrue des paysans qui finirent par vivre une condition d’esclaves. Les tsars en voulant s’attirer les faveurs de la noblesse lui céda de nouvelles terres prélevées sur les possessions de l’État avec leurs paysans attachés ce qui augmenta le servage. D’une manière générale sur le plan intérieur la Russie se replia à nouveau sur elle-même.

Sur le plan extérieur les dirigeants ne parvinrent pas à faire reculer l’Empire ottoman, échouant là comme échouèrent leurs prédécesseurs. Des guerres sporadiques éclatèrent contre la Suède, terminées victorieusement, permettant d’accroître les annexions jusqu’à la création de la « Vieille Finlande » assujettie au pourvoir russe. En Pologne l’interventionnisme russe s’affirma. Le roi fut choisi par le tsar et des troupes finirent même par stationner sur son territoire.

A l’Est la conquête de la Sibérie orientale par les Cosaques continua. Ils arrivèrent au Kamtchatka, redécouvrirent le détroit de Béring (découvert une première fois par un Cosaque en 1648) avant de partir à la conquête de l’Alaska. En 1732 ils mirent le pied en Alaska du Nord puis ils explorèrent tout le pays. En 1784 une première colonie russe s’y installa pratiquant le commerce des fourrures (loutres de mer notamment).

Arriva au pouvoir, en 1762, la grande Catherine.

Sur le plan intérieur ses intentions libérales héritées des philosophes français des Lumières furent rapidement contrariées. D’une part la Révolution française, héraut de la Liberté, en pratiquant le rejet de la monarchie au profit de la république, en affirmant la primauté des droits de l’homme et du citoyen sur l’arbitraire politique diffusait une vision du monde social contraire aux inclinations despotiques de la tsarine. Ensuite la révolte de Pougatchev l’effraya quant à la violence de la paysannerie en rébellion. Elle abandonna rapidement ses idées libérales et pratiqua au contraire une concentration des pouvoirs entre les mains de la noblesse, très largement acquise à sa cause grâce à la distribution généreuse de terres d’ État. Il s’agissait de maintenir le peuple dans la plus stricte sujétion afin d’éviter toute rébellion ou révolution immaitrisables.

Sur le plan extérieur la Russie acquit une telle puissance qu’elle fut désormais en mesure de concurrencer dans sa vision politique de l’Europe les visions des deux nations les plus puissantes de l’époque : la Grande-Bretagne et la France.

Sur le front ottoman Catherine réussit à finaliser les projets de ses prédécesseurs : elle conquit et annexa les terres du khanat de Crimée, dernier khanat issu de l’ère mongole qui résistait encore. Cette annexion comprit la Crimée, les territoires côtiers situés entre le Dniepr et le Boug, jusque là contrôlés par les Zaporogues sous protectorat ottoman (la petite Russie occidentale), les territoires situés entre le Boug et le Dniestr (création

d’Odessa, en référence à l’Odyssée d’Ulysse) ainsi que les terres situées au Nord du Caucase, la Kabardia. La Russie contrôlait désormais les accès à la mer d’Azov et à la mer Noire. En obtenant par surcroît de la Sublime Porte le droit utiliser les détroits du Bosphore et des Dardanelles, elle eut accès à la Méditerranée. En acquérant la Kabardia la Russie s’ouvrait une voie vers l’Orient.

Sur le front Ouest Catherine fit disparaître la Pologne-Lituanie. Elle annexa les territoires de la Biélorussie et de l’Ukraine récupérant toute l’ancienne Rus de Kiev. Elle réunit à nouveau sous une seule autorité les trois peuples, Ukrainiens, Grands Russes et Russes Blancs issus de l’éclatement de la Rus et du peuple uni des slaves de l’Est. Elle annexa en outre le territoire de l’ancienne Lituanie. La branche purement polonaise de la République des deux Nations fut partagée entre la Prusse et l’Autriche. Elle agrandit ainsi son pays de près de 470 000 km².

Catherine conçut le grand projet dit « projet grec ». Il s’agissait de faire tomber Constantinople et de placer sous l’autorité de Saint-Pétersbourg l’ancien Empire d’Orient dont la Grèce et ses îles. Il s’agissait aussi de conquérir le Caucase dans son intégralité afin de prendre la Turquie à revers et de progresser vers l’Orient pour atteindre l’Inde et concurrencer la Grande-Bretagne sur ses propres terres coloniales. Même l’Europe centrale et septentrionale (Autriche, Prusse, Suède, Danemark) devait passer sous la suzeraineté russe. Elle mourut en 1796 léguant à son petit-fils Alexandre qu’elle chérissait son ambition.

Le règne de Paul 1er est considéré comme sans intérêt. Pourtant même si Paul fut détesté sur le plan intérieur il faut tout de même noter qu’il s’opposa activement à la France lorsque celle-ci, sur l’initiative de Bonaparte, prit pied en Égypte. La Russie voulait conquérir la Turquie et ne laisser à personne la possibilité de la précéder dans cette opération. Or l’Égypte faisait partie de l’Empire ottoman. Paul 1 er n’hésita pas à s’allier avec les Ottomans pour repousser Bonaparte. Il y parvint et il imposa sa présence en Grèce. Puis fort de son succès il décida d’attaquer la France pour juguler voire briser une révolution qui prônait le renversement des monarchies et donc des Empires. Il participa à la seconde coalition. Si Paul ne put rentrer en France c’est que ses succès firent peur à son alliée l’Autriche qui l’abandonna. Ce que voyant, Paul rompit la coalition et rentra chez lui. Il n’empêche : pour la première fois dans l’histoire, des armées russes étaient intervenues en Europe occidentale.

Alexandre arriva au pouvoir en1801 à la tête d’un pays puissant, acquis aux vues hégémoniques de sa grand-mère Catherine.

Nous pouvons maintenant reprendre l’histoire de la Russie sous le règne d ‘Alexandre.

 

J’espère que la rentrée s’est bien passée pour toi.

Je ne doute pas que tu vas réussir ton baccalauréat avec succès.

Je pense à toi,

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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

28 mars 2021


Samuel,

 

La politique extérieure d’Alexandre (suite 4) : la guerre anglo-russe de 1807-1812

En septembre 1807 les Britanniques, craignant que Napoléon s’emparât et utilisât la flotte du Danemark pour réaliser un débarquement en Angleterre, la bombarda ainsi que Copenhague. Cette attaque est appelée : seconde bataille de Copenhague (une première bataille de même type avait eu lieu en 1801). L’Angleterre parvint à ses fins : la flotte danoise fut en partie détruite, en partie capturée. Le Danemark connut des pertes en hommes importantes ce qui le poussa à rejoindre fermement la France dans sa lutte contre le Royaume-Uni.

La Suède tenta, en 1807, de profiter de l’affaiblissement du Danemark pour envahir la Norvège (qui faisait alors partie du royaume danois). Cette intention déplut à Alexandre. Il craignait que se constitue face à lui une coalition Royaume-Uni/Suède trop favorable à la Suède, créant ainsi un danger sur sa frontière Nord. Comme il venait de signer avec Napoléon le traité de Tilsit (voir lettre 22 du 12 févier 2021) dans lequel il s’engageait à ne plus commercer avec la Grande-Bretagne (blocus) il parut naturel qu’il déclara la guerre à cette dernière, ce qu’il fit, et naturel qu’il intima à la Suède de fermer ses ports aux Britanniques, ce qu’il fit.

La Grande-Bretagne comprenant la situation contrainte de la Russie (vis à vis de la France) limita la guerre à quelques escarmouches et Alexandre fit de même. En revanche devant le refus de la Suède de fermer ses ports le tsar prétexta de ce refus pour l’attaquer. La Grande-Bretagne, qui était l’alliée de la Suède, intervint sur mer pour aider cette dernière et contra avec succès la flotte russe. Cela ne gêna pas Alexandre qui déploya ses troupes sur terre ou sur mer quand celle-ci fut gelée. Les Britanniques ne descendirent pas de leurs bateaux pour aller se battre sur terre.

Les Russes vainquirent la Suède et la paix de Fredrikshamm fut signée le 17 septembre 1809 (voir lettre 22 du 19 février 2021). Dans la foulée la Suède dut signer en 1810 le traité de paix de Paris avec la France dans lequel elle s’engagea à participer au blocus et à déclarer la guerre à la Grande-Bretagne. Cette guerre n’eut jamais lieu dans les faits.

Quand en 1812 Napoléon envahit la Russie celle dernière fit officiellement la paix avec le Royaume-Uni et la Suède fit de même.

 

Bravo pour ton retour que tous attendaient dans le restaurant de Moscou. J’espère que ton groupe musical prendra forme.

Je pense à toi,

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

3 avril 2021


Samuel,


La politique extérieure d’Alexandre (suite 5) : la Guerre patriotique de 1812

Cette guerre opposa l’Empire russe à l’Empire français et ses alliés. Du côté français elle est appelée : Campagne de Russie, du côté russe : Guerre patriotique de 1812.

1) Causes de la guerre

a) La situation

En 1812 Napoléon est au faîte de sa puissance. Sur la carte jointe, l’Europe en 1812, le tracé rouge indique la zone d’influence de l’Empire français.

Au cours de la Révolution, la France dut subir l’attaque des monarchies de l’Europe centrale menées par la Prusse et l’Autriche après qu’elles eurent mesuré le danger que représentait pour elles cette révolution : le renversement de la monarchie fondée sur l’hérédité et l’élection divine et son remplacement par la République, fondée sur l’élection populaire.

Au cours de ces attaques la France, d’abord mise en difficulté, redressa la situation et conquit, entre autres territoires, la Belgique, la Savoie, le Comté de Nice, la Hollande, les États allemands de la rive gauche du Rhin… Puis Napoléon repoussa encore les frontières de la France ainsi qu’elles apparaissent sur la carte jointe : « Les départements français en 1812 ».

Dans la zone d’influence de l’Empire figurent le royaume de Prusse, l’Empire d’Autriche, la confédération du Rhin, le Duché de Varsovie.

Le royaume de Prusse avait alors perdu la moitié de son territoire suite aux guerres napoléoniennes, perte sanctionnée par le traité de Tilsit du 8 juillet 1807 (le traité de Tilsit de la veille, le 7 juillet, fut signé avec la Russie). Par ce traité la Prusse céda une partie de son territoire pour constituer le Duché de Varsovie et une autre partie pour agrandir le royaume de Westphalie, un État germanique que Napoléon donna à son frère Jérôme.

L’Empire d’Autriche, suite à ces mêmes guerres, fut privé de toute influence sur les États germaniques du Saint-Empire. Cet Empire fut même dissous en 1806 et son dernier Empereur François II dut se replier sur son territoire naturel : l’Autriche-Hongrie-Bohème dont il devint l’Empereur sous le nom de François 1. Plus tard, en 1809, l’Autriche dut céder une partie de son territoire pour agrandir le Duché de Varsovie.

La disparition du Saint-Empire entraîna la création d’une association entre États germaniques devenus libres de toute tutelle impériale : la confédération du Rhin dont fit partie le royaume de Westphalie. Cette confédération devint un protectorat français.

L’explosion des anciens États germaniques entre divers regroupements sous la pression napoléonienne n’entraîna pas leur sujétion morale à l’Empereur. Au contraire malmenés par la domination française ces États progressèrent vers le nationalisme. Ainsi se dégagea la notion de nation allemande mise à l‘honneur par le philosophe prussien Fichte dans ses « Discours à la nation allemande » écrits en1807 à Berlin. Ces discours visaient à éveiller un sentiment national et à fonder un État allemand unifié à naître des ruines du Saint-Empire après libération de l'occupation française.

Face à l’Empire français se dressaient, encore, l’Empire russe, l’Empire ottoman et le Royaume-Uni.

b) L’après Tilsit

Alexandre dut signer le traité aux conditions de Napoléon après ses défaites d’Eylau et de Friedland (voir lettre 22 du 12 février 2021). Encore s’en sortit-il bien. Napoléon lui concéda un territoire pris à la Prusse, accepta que le tsar ait des vues sur la Suède et même sur l’Empire ottoman. En échange Alexandre dut reconnaître ses annexions territoriales, participer au blocus contre le Royaume-Uni et s’engager à ne pas soutenir l’Autriche en cas de guerre contre la France.

Napoléon cherchait à ménager la Russie, tout occupé qu’il était à consolider son pouvoir en Europe, non seulement son pouvoir politique mais aussi son pouvoir économique. Il cherchait à faire de l’Europe un marché réservé à l’industrie française, nous étions alors en pleine révolution industrielle. Seul le Royaume-Uni, plus avancé que la France dans son développement industriel, lui faisait face dans cette rivalité économique. Napoléon voulait vaincre le Royaume et avait besoin pour cela de l’aide de tous les pays d’Europe pour mener à bien le blocus destiné à mettre à genoux l’économie britannique.

Rapidement la méfiance s’installa pourtant entre les deux Empereurs. Le lendemain de la signature du traité de Tilsit avec la Russie, Napoléon signa un autre traité de Tilsit avec la Prusse (voir ci-dessus) dans lequel il créait le Duché de Varsovie. Cette création déplut aux Russes qui y virent la reconstitution d’un royaume polonais, potentiellement hostile, sur leur frontière Ouest.

De plus dans la guerre qui reprit contre l’Autriche Napoléon s’aperçut que le tsar soutenait en sous-main l’Autriche tandis que dans sa guerre contre la Sublime Porte Alexandre s’aperçut que Napoléon soutenait en sous-main les Ottomans. En fait les deux Empereurs prenaient soin que nul ne pût prendre trop de puissance, se préparant à une rivalité armée.

c) La question polonaise

Après le premier partage de la Pologne-Lituanie en 1772, les Polonais adoptèrent une constitution (3 mai 1791) inspirée de l’esprit de la Révolution française (voir lettre 20 du 19 novembre 2020). Ainsi se nouèrent des liens étroits entre Pologne et France. L’adoption de cette constitution qui limitait les pouvoirs du roi inquiétèrent les monarchies voisines qui se livrèrent à un second partage de la Pologne en 1793. Le général Tadeusz Kosciusko proclama alors l’insurrection générale mais, faute de forces, il fut vaincu par les armées russo-prussiennes. La Pologne fut définitivement démembrée en 1795 (voir lettre 20 du 24 novembre 2020).

Les combattants polonais s’exilèrent et proposèrent leurs services à la France en qui ils voyaient un allié pour reconquérir leur pays. La France les enrôla dans l’armée de Bonaparte lors de la campagne d’Italie menée contre l’Autriche sur le flanc sud de cette dernière en 1796-1797.

Lors de cette campagne il se créa entre le jeune Bonaparte et les Polonais une relation affective forte. Ainsi dans l’hymne actuel polonais est toujours chantée cette phrase : « Bonaparte nous a montré l’exemple, comment nous devons vaincre ».

Plus tard les Polonais combattirent près de Napoléon lors de ses victoires d’Eylau et de Friedland contre les Russes en 1807.

En solidarité avec les Polonais l’Empereur créa le Duché de Varsovie.

d) La guerre inévitable

Pour Alexandre la création du Duché de Varsovie en 1807, sensiblement agrandi par les terres prises à l’Autriche en 1809, était le prélude à une future offensive de Napoléon contre lui. En 1810 il songea à attaquer le Duché et la Prusse afin d’y prendre position. Il renonça à ce projet et tenta alors de rallier les Polonais à sa cause. Son conseiller le prince polonais Adam Czartoryski membre du « Comité intime » (voir lettre 22 du 10 février 2021) lui écrivit en 1811 qu’il ne pourrait triompher de l’attachement des Polonais à Napoléon que si le tsar rassemblait toute les terres polonaises sous un même sceptre et restaurait la constitution du 3 mai 1791. Alexandre étudia ces conditions mais il ne voulait pas rendre aux Polonais la Biélorussie. Il exigeait en outre que les Polonais signent une alliance avec lui. Les Polonais rejetèrent ces exigences.

Par ailleurs le blocus décidé contre le Royaume-Uni finit par se retourner contre la Russie. Le pays ne pouvait plus exporter ses matières premières source principale de revenus avant l’instauration du blocus. A partir de 1810 Alexandre ne respecta plus scrupuleusement le blocus. Il le leva définitivement en 1812.

Napoléon décida alors d’attaquer la Russie. Il franchit le Niemen, à Kovno, le 24 juin 1812.

Le Niemen est le fleuve qui apparaît en trait bleu sur la carte « Europe en 1812 » en haut à droite. Il longe la frontière en trait rouge. Il passe par Tilsit atteint Kovno puis il redescend et se dirige ensuite vers la droite.

 

J’espère que tout va bien pour toi à Moscou.

Je pense à toi, toujours.

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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

9 avril 2021


Samuel,


La politique extérieure d’Alexandre (suite 5) : la Guerre patriotique de 1812

2) La guerre

La France disposait d’une armée de 420 000 hommes, la Russie d’une armée de 120 000 hommes (elle aurait disposé en fait de 240 000 hommes selon certains historiens). Les chiffres sont des estimations sans cesses revues à la hausse. La France aurait au total disposé au cours de la guerre de près de 600 000 hommes après arrivée de renforts tandis que la Russie, en enrôlant des hommes au fur et à mesure des opérations, compte tenu aussi du retour des troupes encore stationnées en Turquie, aurait compté jusqu’à 700 000 hommes.

L’armée française apportait avec elle « deux fois dix langues » ce qui signifiait que son armée recrutait dans toutes les nationalités qu’elle contrôlait. Le plus fort contingent était tout de même constitué de Français, venaient ensuite les Polonais.

Si nous considérons les populations totales en présence, en 1810 la France comptait 30 millions d’habitants, la Russie en comptait entre 35 et 40 millions.

Napoléon s’appuyait sur divers corps d’armée dont trois principaux : l’un commandé par le maréchal d’empire MacDonald qui devait gagner Riga avant d’attaquer Saint-Pétersbourg , un autre devait s’enfoncer en Russie, au sud-est, commandé par Eugène Rose de Beauharnais, fils adoptif de Napoléon et un dernier, commandé par Napoléon lui-même, devait marcher sur Moscou en suivant l’axe Vilna (Vilnius)-Vitebsk-Smolensk. En face la Russie alignait deux corps d’armées principaux : l’un faisait face à Napoléon, commandé par Mikhaïl Barclay de Tolly, l’autre faisait face à Eugène, commandé par le général Bagration. Les Cosaques formaient des bataillons significatifs au sein de chaque corps d’armée russe.

Le 24 juin 1812 les armées de Napoléon franchirent le Niemen à hauteur de Kovno. Le temps se gâta dès le lendemain. Huit jours d’orage, suivis par la canicule. L’humidité et la touffeur favorisèrent la prolifération de poux. Atteints par le typhus, transmis par ces parasites, des hommes moururent, d’autres ayant bu des eaux polluées moururent de dysenterie. La campagne démarrait mal.

Mais les troupes françaises allèrent de l’avant, forçant la cadence. Surpris par cette vitesse d’exécution Barclay de Tolly recula. Il ne parvenait pas à trouver une position stable à partir de laquelle se battre. En reculant il décida de détruire toutes les cultures. Ainsi pratiqua-t-il la politique dite de la terre brûlée. Il ne s’agissait pas là d’une volonté concertée il s’agissait d’une improvisation commandée par la tournure des événements, destinée à priver les Français de source locale de ravitaillement.

Le 28 juin Napoléon rentra dans Vilnius (Vilna) l’ancienne capitale de la Lituanie. Les Russes, en se retirant, détruisirent tout. Ils livrèrent aux flammes d’immenses magasins, 150 000 quintaux de farine, des fourrages, des habits...

Le 28 juillet 1812 Napoléon prit Vitebsk, placée au centre du couloir stratégique, entre Kovno et Moscou. La ville devint un entrepôt essentiel dans la logistique de la Grande Armée.

Napoléon ne s’attarda pas et fonça sur Smolensk. Le 16 août il atteignit la ville, symbole de la lutte séculaire entre Russes et la République des deux Nations. Du 16 août au 18 août il l’assiégea. Les Russes tinrent bon, Bagration rejoignit Barclay de Tolly après avoir réussi à échapper au corps d’armée dirigé par Eugène lequel rejoignit Napoléon. Ce furent d’abord les Cosaques qui harcelèrent les Français avant de se retirer, puis les soldats russes se battirent avec acharnement. Enfin la ville tomba. Encore une fois en se repliant les Russes détruisirent toutes les ressources locales. Napoléon disposait certes d’une base à Kovno et d’une autre à Vitebsk mais les grandes distances et les difficultés d’acheminement perturbaient le ravitaillement.

Barclay de Tolly affaibli par la chute de Smolensk fut remplacé par le général Mikhaïl Koutouzov (1745-1813). Koutouzov s’était fait remarquer lors de la seconde guerre de Turquie sous le règne de Catherine II. Sous la direction d’un autre général illustre, Alexandre Souvorov, il avait pris Izmaïl et permit à la Russie de progresser territorialement le long de la mer Noire ( lettre 20 du15 novembre 2020). Lors de la troisième coalition ( lettre 22 du 12 février 2021), il participa à la bataille d’Austerlitz (1805). Il déconseilla au tsar de livrer bataille afin d’ éviter l’affrontement direct contre Napoléon. Le tsar refusa de l’écouter, livra bataille et fut vaincu. Il participa ensuite à la guerre russo-turque de 1806-1812 (lettre 22 du 16 février 2021) avec succès. Il fut élevé à la dignité de prince de Smolensk.

Koutozov décida de continuer de pratiquer la politique de la terre brûlée. Il ne cessa de reculer devant Napoléon sur les 500 km qui séparaient Smolensk de Moscou, l’attirant toujours plus loin à l’intérieur des terres, laissant les Cosaques le harceler sans cesse. Arrivé à 125 km de Moscou le feld-maréchal Koutouzov décida de se battre. Le 7 septembre s’engagea la grande bataille de Borodino (appelée bataille de la Moskowa du côté français).

Ce fut une bataille sanglante, qualifiée de bataille des géants, mettant en prise au total 250 000 hommes en nombre à peu près égal dans chaque camp. En une seule journée chaque armée perdit entre 50 et 60 000 hommes, des milliers d’officiers furent tués. Ce combat dantesque marqua l’imaginaire russe, tandis que l‘imaginaire français, lui, fut marqué plus tard par la bataille de la Bérézina. D’innombrables récits relatèrent la bataille de Borodino dont celui de Guerre et Paix de Léon Tolstoï. A la fin de la journée les places fortes russes étaient tombées. Le 8 septembre Koutozov, plutôt que de continuer la lutte et d’exposer ses troupes décida de reculer. Napoléon sortit vainqueur de la confrontation mais au prix de pertes considérables. L’armée russe perdit elle aussi beaucoup d’hommes mais, étant sur son territoire, elle put lever de nouvelles troupes. Elle reconstitua ses effectifs. Napoléon reprit sa marche sur Moscou.

Pendant ce temps l’armée dirigée par MacDonald chargée de marcher sur Saint-Pétersbourg s’enlisa dans des combats qu’elle ne put gagner. Elle finit par renoncer à prendre Riga. Elle se replia.

Le 13 septembre Koutozov réunit son état major à Fili, quartier de Moscou. Les officiers décidèrent d’abandonner Moscou plutôt que d’aller à l’affrontement. Ils chargèrent Fédor Rostoptchine (le père de la comtesse de Ségur) le gouverneur, de vider la ville de toutes provisions. Puis l’armée russe se retira à Tarutino (100 km au sud-ouest de Moscou).

Le 14 septembre l’Empereur fit son entrée dans une ville déserte. Le lendemain il s’installa au Kremlin. Dès son arrivée des feux éclatèrent un peu partout probablement allumés sur ordre du gouverneur. Moscou, construite essentiellement en bois, brûla presque complètement, privant les Français d’abris dans la ville. Napoléon régnait maintenant sur une ville en cendres, déserte ou presque, privé de tout approvisionnement local.

L’Empereur était habitué à des guerres conventionnelles. Il lui suffisait de gagner des batailles contre les armées de l’adversaire pour obtenir l’ouverture de négociations. Mais là comme d’ailleurs en Espagne où il eut aussi fort à faire, même vaincus sur les champs de bataille, les peuples et leurs dirigeants continuaient de se battre. Napoléon proposa la paix à Alexandre. Celui-ci refusa.

Napoléon était dans une impasse. Il ne pouvait pas occuper tout le pays et aller attaquer l’armée retranchée de Koutouzov n’aurait servi à rien. Le général l’aurait entraîné dans les fins fonds de la Russie où il se serait perdu, incapable de se ravitailler, trop loin de ses bases pour augmenter ses effectifs, harcelé par la population.

Il attendit un mois à Moscou qu’Alexandre enfin céda, puis comprenant que le tsar ne céderait pas, que l’hiver de plus allait bientôt arriver, il décida de rebrousser chemin.

La retraite de Russie commença le 19 octobre quand Napoléon sortit de Moscou. Immédiatement les Français furent attaqués sur leurs flancs par Koutozov qui se livra à des batailles éclairs avant de se retirer pour laisser place aux Cosaques qui sans cesse harcelaient les soldats. Les paysans à leur tour résistèrent aux pillages de leurs cultures et se battirent âprement. Les chevaux moururent de faim ou furent tués pour nourrir les soldats. Par manque de chevaux les canons et les charriots durent être abandonnés. Il y eut des actes d’anthropophagie. Puis l’hiver arriva, les températures tombèrent sous les - 20 degrés puis sous les - 30 degrés. Les hommes mouraient de froid, de faim, de maladies.

Quand Napoléon arriva devant la Bérézina le 22 novembre un général russe tenait le seul pont de passage. Derrière les armées de Koutozov arrivaient. Napoléon repéra un autre passage possible à 15 km de là, il fit construire deux ponts. Les Russes ne s’aperçurent pas de la manœuvre, les soldats commencèrent à traverser la rivière à partir du 26 novembre. Le 28 les Russes attaquèrent. Les derniers bataillons se battirent, l’un d’eux, le dernier, se sacrifia pour sauver les autres. Le 29 les ponts furent détruits pour empêcher les Russes de passer. De nombreux retardataires, malades, affamés, affaiblis, n’avaient pas eu le temps de passer. Ils se précipitèrent dans l’eau glacée et les flammes où ils moururent. La bataille de la Bérézina ne fut pas une défaite, mais le souvenir qu’elle laissa dans l’imaginaire français est celui d’une catastrophe humaine sans nom.

Avant d’atteindre Vilnius Napoléon apprit qu’un coup d’État avait été tenté à Paris. Il donna ses instructions puis il partit seul avec sa garde pour Paris. Le reste de l’armée française passa le Niemen et sortit de Russie le 14 décembre 1812. Ils n’étaient plus que 50 000 alors qu’ils étaient 600 000 au plus fort de la guerre.

 

Je pense à toi, très fort,

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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

25 juillet 2021


Samuel,


La politique extérieure d’Alexandre (suite 6) : le Congrès de Vienne (1815)

La guerre contre Napoléon aurait pu s’arrêter là. Le prince Koutozov considérait que les objectifs avaient été atteints : chasser Napoléon des territoires russes. Pour lui la Russie ne devait pas s’occuper de l’Occident. Mais Alexandre ne l’entendait pas ainsi. Si Napoléon avait eu l’ambition de restructurer l’Europe entière pourquoi n’aurait-il pas la même ambition ?

Les événements firent basculer sa décision vers l’interventionnisme en Occident lorsque les armées prussiennes, jusque-là alliées de Napoléon, changèrent de bord. Le général York von Artenberg qui commandait le corps prussien de la Grande Armée signa d’abord un accord de neutralité avec Alexandre le 30 décembre 1812 puis quelques mois plus tard la Prusse s’allia à la Russie. Bientôt l’Autriche suivit. Ainsi les États germaniques affirmèrent contre l’emprise napoléonienne leur identité et leur autonomie. La contre-offensive devint possible.

La campagne d’Allemagne commença en 1813 menée par la Russie, la Prusse et l’Autriche, rejoints par la Suède. Son but était de repousser la présence française hors de l’ancien Saint-Empire. Napoléon revenu à Paris, déjouant tout coup d’État éventuel, parvint à reconstituer une armée. Il avait encore avec lui quelques États germaniques, limitrophes de la France. Du 16 octobre au 19 octobre 1813 se déroula la bataille de Leipzig, en Saxe, dite bataille des Nations. Napoléon et ses derniers alliés furent vaincus. L’Empereur dut se replier sur le Rhin.

Alors commença la campagne de France. Napoléon perdit ses derniers soutiens et la Grande-Bretagne ajouta son offensive à celle des coalisés dirigée par Alexandre. Le 30 mars 1814 Paris était encerclée. Le 31 mars Alexandre entra dans Paris par la porte Saint-Martin, chevauchant en tête des armées alliées. Napoléon abdiqua le 6 avril 1814 puis il fut exilé dans l’île d’Elbe. Talleyrand prit la tête d’un gouvernement provisoire français qui négocia avec Alexandre le retour au pouvoir des Bourbons en la personne de Louis XVIII. Les frontières de la France furent ramenées à celles de 1792 puis la paix fut officiellement conclue entre la France et les Alliés par le traité de Paris signé le 30 mai 1814.

Les vainqueurs de Napoléon se réunirent alors à Vienne pour discuter de l’avenir et des nouvelles frontières de l’Europe. Le congrès de Vienne se déroula du 18 septembre 1814 au 9 juin 1815. Le retour de Napoléon de l’île d’Elbe entre mars et juin 1815 fut de trop brève durée pour perturber les travaux du congrès d’autant que l’Empereur fut défait à Waterloo.

Le congrès fut une conférence diplomatique parmi les plus importantes de l’histoire de l’Europe. Alexandre représenta lui-même la Russie. Il y joua un rôle de premier plan. Bien que cette réunion restât réservée aux vainqueurs Talleyrand réussit à rejoindre les participants et à défendre autant que faire se put les intérêts de la France.

A l’issue de cette conférence le Tsar conserva la Finlande enlevée à la Suède en 1809 (voir lettre 22 du 19 février 2021) et la Bessarabie enlevée à la Turquie en 1812 (voir lettre du 16 février 2021). Il obtint en outre la plus grande partie de l’ancien duché de Varsovie , l’autre partie, à l’ouest du duché, restant possession de la Prusse. La région de Cracovie devint une république autonome. Le nouveau territoire polonais passé donc sous le contrôle de la Russie fut appelé : royaume de Pologne. Alexandre en devint le tsar. Le royaume fut dans les faits régi par le frère d’Alexandre, Constantin.

Il est possible de comparer les territoires respectifs du duché de Varsovie et ceux du royaume de Pologne (en blanc et appelé Kongrespolen) en comparant les cartes jointes.

La Prusse ressortit considérablement renforcée à l’issue du congrès. La carte jointe intitulée « l’Europe en 1815 » montre que désormais son territoire jouxtait celui de la France (les frontières de celle-ci revenant pratiquement à celles de 1789 après le retour de Napoléon, la défaite de Waterloo et la signature d’un second traité de Paris le 20 novembre 1815). Cette expansion sensible de la Prusse détermina ensuite toute l’histoire européenne de 1815 à 1945.

L’Autriche perdit la Belgique qui fut réunie aux Provinces-Unies, lesquelles reçurent aussi le duché de Luxembourg. L’Autriche s’agrandit d’un nouveau territoire pris à l’Italie : le royaume de Lombardie-Vénétie.

L’Angleterre garda Malte, les îles ioniennes, Gibraltar, de nombreuses îles aux Antilles, elle annexa la Guyane hollandaise, Cap et Ceylan. Fidèle à sa stratégie de maîtrise des mers internationales elle s’intéressa surtout à conserver ou a acquérir des terres qui soient des relais à sa puissante flotte navale.

Alexandre sortit du congrès dans un état euphorique et messianique. Une nouvelle ère s’ouvrait dans son esprit au cours de laquelle, grâce à son implication, l’Europe allait enfin vivre en paix après les épisodes guerriers menés par Napoléon. Le 26 septembre 1815 il conclut une Sainte-Alliance signée entre la Russie, l’Autriche et la Prusse. L’Alliance consistait en une déclaration de principes dans laquelle les trois nations appelaient toutes les nations d’Europe à vivre en frères en sœurs et à préserver la paix en Europe en s’appuyant sur le christianisme et le droit international.

 

J’espère que tout va bien à Moscou et que tu te prépares à de belles vacances.

Je pense à toi, toujours, tu le sais,

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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

 
 23 décembre 2021

 

Samuel,

 

 La fin du règne d’Alexandre

 Après la signature de la Sainte-Alliance (voir lettre 22 du 25 juillet 2021) Alexandre signa la Quatrième-Alliance  en novembre 1815. Cette dernière intégra auprès de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche, la Grande Bretagne. Cette nouvelle alliance s’occupa surtout de surveiller la France dans son application des traités la concernant.

 En 1818 la France désormais revenue à un régime monarchique stable cessa d’être considérée comme un pays vaincu. Elle intégra l’Alliance qui devint la Quintuple-Alliance.

 Cette Alliance se chargea de faire respecter partout en Europe l’ordre monarchique ou impérial, intervenant où il le fallait pour étouffer toutes tentatives révolutionnaires.

 Alexandre fut l’âme spirituelle de cette alliance, se considérant comme le défenseur, missionné par Dieu lui-même de l’Europe toute entière contre ce qu’il considérait être le chaos révolutionnaire.

 Sur le plan intérieur, emporté par son élan religieux, Alexandre prôna une nouvelle religiosité dans laquelle devaient se fondre à ses yeux toutes les religions chrétiennes. Influencé par son ministre de l’Instruction et des Affaires spirituelles, Alexandre Golitsyne, ainsi que par un groupe de femmes emmené par la baronne balte Babara Juliana Krudner qui prévoyait la venue proche du Christ sur le mont Ararat, Alexandre se pensa investi d’une fonction majeure dans l’avènement futur du royaume de Dieu.

 Dans l’attente de la venue du Christ les esprits religieux et radicaux de l’Empire s’échauffèrent. Le gouverneur de Simbirsk notamment, Nikolaï Magnitski, argumenta en déclarant que seule l’orthodoxie russe relevait du royaume de Dieu, argumentation qui finit par influer sur Golitsyne puis sur Alexandre. Selon Magnitski il fallait couper avec l’Occident y compris ses religions, tous portant en eux des idées libérales funestes. Il fallait se tourner vers l’Orient et louer le rôle salvateur des Tatars qui avaient su dans le passé protéger la Russie de l’influence occidentale. Nikolaï finit par imposer ses idées dans l’enseignement : les programmes furent revus et expurgés de toutes influences occidentales, la philosophie notamment fut violemment critiquée pour ses idées issues des Lumières. En outre tous les clubs ou sociétés privés qui s’étaient constitués dans le pays autour des idées occidentales commencèrent à être dénoncés.

 Par ailleurs  Alexandre soucieux d’entretenir une armée importante en relation avec le rôle dominant qu’il désirait exercer sur toute l’Europe, imagina une nouvelle façon d’entretenir durablement les garnisons. Il s’appuya sur son ministre des Affaires militaires, Araktcheïev, pour mettre en place des colonies militaires. Celles-ci constituées par un oukase du 9 juillet 1817 consistaient en unités territoriales russes réunissant sur des terres arables expropriées des soldats et des paysans qui devaient vivre ensemble et coordonner leurs efforts. Cette initiative s’avéra un échec. Ces unités, gouvernées par des règlements absurdes et cruels, pensés par Araktcheiev, personnage brutal et haï des Russes, aboutirent à créer partout de l’incompétence. Les paysans tendirent à délaisser la culture des terres tandis que les soldats tendirent à délaisser l’art militaire.

 Toutes ces évolutions finirent par provoquer une réaction qui se concrétisa par la formation de petits groupes révolutionnaires, appelés, plus tard, les Décembristes. Ces groupes étaient surtout formés d’officiers de l’armée, issus de l’aristocratie, acquis aux idées occidentales, notamment les Lumières françaises (la plupart parlait le français). Ils voulaient instituer en Russie un régime constitutionnel, faire reconnaître les libertés fondamentales et abolir le servage. Néanmoins il s’agissait surtout d’intellectuels jeunes, brillants, mais ne disposant d’aucun relais dans la population.

 Alexandre se mit à voyager partout en Russie, pendant des mois, se désintéressant progressivement de la gestion des affaires courantes, vaguement indifférent à son propre confort. Au cours de son périple sans fin, il fut frappé d’un refroidissement et il mourut le 13 septembre 1825 à Taganrog (au bord de la mer d’Azov) dans une petite maison de plain pied. Il avait 48 ans.

 Aussitôt des rumeurs s’élevèrent, révélant qu’en réalité il n’était pas mort, mais que désormais il parcourait les terres russes, incognito, tel un mendiant totalement détaché du monde.

 

 Je te souhaite de passer de belles vacances de Noël et de fin d’année. Veille bien sur le petit renne de Sibérie, Sirius, tu vas le placer sous l’égide de Jupiter.

 J’espère que ton séjour à Saint-Pétersbourg se passera bien et que la Déesse là-bas te fera signe.

 

 Je t’embrasse,

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Russie lettre 23 : le règne de Nicolas 1 er (1825-1855)

13 janvier 2022


Samuel,

La politique intérieure de Nicolas 1 er

Alexandre avait laissé un testament dans lequel, faute d’avoir un fils ou un petit-fils, il léguait le pouvoir à son frère cadet Nicolas. En toute logique le pouvoir aurait dû être légué à Constantin, le frère d’Alexandre, mais Constantin satisfait de gérer la Pologne ne voulait pas devenir tsar.

A la mort d’Alexandre il y eut du tangage. La haute aristocratie considérait qu’Alexandre n’avait pas le droit de changer les règles de succession selon lesquelles le pouvoir devait revenir à l’aîné des frères. Nicolas du coup fit allégeance à Constantin mais ce dernier ne voulut rien entendre : il ne voulait pas du pouvoir, donc il fit allégeance à Nicolas. Finalement celui-ci décida de prendre le pouvoir. Il se déclara Empereur le 25 décembre 1825.

Les jeunes officiers contestataires (voir lettre précédente) croyant que le pouvoir était affaibli par la question successorale se mobilisèrent le 26 décembre, réunissant 3000 hommes, place du Sénat, dans la capitale. On les appela les Décembristes en raison de la date de leur insurrection. Mais ils furent incapables de donner l’assaut tant leur action n’avait pas été préparée. Les 3000 hommes restèrent là, attendant des ordres qui ne vinrent pas. Finalement Nicolas leur opposa son armée, qui tira sur eux. Ils se sauvèrent laissant 50 à 60 morts derrière eux. Des arrestations massives suivirent, quelques meneurs furent exécutés. Dans l’imaginaire russe, aujourd’hui, ce coup d’État raté des Décembristes annonce la future révolution de 1917.

C’est dans cette ambiance insurrectionnelle que Nicolas (1796-1855) adhéra à l’idéologie dite de la Nationalité officielle, proclamée en 1833, construite sur trois principes : l’orthodoxie, le génie national et l’autocratie.

L’orthodoxie devait donner sens à la vie humaine et sociale, le génie national devait glorifier la personnalité russe destinée à un avenir grandiose pour elle et pour tous les slaves et l’autocratie devait affirmer le pouvoir exclusif du tsar.

Le nouveau régime fut avant tout militaire et bureaucratique. Nicolas était passionné par les affaires militaires. Il se spécialisa dans la construction de forteresses en devenant le chef du corps des ingénieurs militaires. Dans la gestion du pays il s’appuya essentiellement sur des militaires dont beaucoup étaient allemands. Cette influence allemande résultait de l’origine de son épouse, Charlotte de Prusse, fille du roi Frédéric Guillaume III de Prusse, mais aussi de sa méfiance contre la haute aristocratie russe qui avait tenté de l’écarter du pouvoir au profit de Constantin. Il avait coutume de dire : « les Russes servent les Russes mais les Allemands me servent moi »

Sous son règne le conseil des ministres, le conseil d’État et le Sénat perdirent leur importance. Il s’appuya sur des comités composés de personnes de confiance pour alimenter sa réflexion et sur un Secrétariat particulier, composé de personnes dévouées, pour exécuter ses décisions, élaborer les lois et traiter les affaires courantes.

Il institua une police politique extrêmement sévère chargée de traquer partout de possibles révolutionnaires.

Il voulut abolir le servage mais il recula de peur de s’aliéner les aristocrates mais aussi par peur de possibles débordements paysans surtout à une époque où les nations de l’Europe de l’Ouest vacillaient sous des tensions révolutionnaires populaires. Il se considérait comme le dernier bastion contre-révolutionnaire de l’Europe, le gardien ultime de l’autocratie.

Il voulut tout de même améliorer le sort des paysans d’État en lançant une reforme pilotée par Paul Kisselev. L’impôt par tête (la capitation) fut remplacé par un impôt foncier, des terres supplémentaires furent données aux paysans les plus pauvres, une assistance financière et médicale leur fut apportée. Il fut veillé à leur instruction, il leur fut possible de auto-organiser. Mais pour mettre en œuvre ces réformes Nicolas imagina un contrôle si rigoureux qu’il donna naissance à un corps de fonctionnaires trop important, souvent inefficace, mais aussi souvent corrompu et cruel qui pensa plus à pressurer les paysans qu’à les émanciper.

Il lança aussi un vaste chantier dans la réorganisation des lois, chantier confié à Michaïl Speranski. Tous les oukases, résolutions et actes divers qui avaient été pris depuis le dernier Oulojenié de 1649 furent collationnés dans un recueil de 45 volumes achevé en 1830. A partir de ce travail un code des Lois fut élaboré en 1833. Il remplaça l’ancien Oulojenié de 1649 (voir lettre 16 du 28-11-2019). Ce travail est aujourd’hui encore salué. Ce code s’imposa jusqu’en 1917.

Après 1840, effrayé par les révolutions européennes Nicolas devint encore plus autocratique. Les Russes furent interdits de voyager à l’étranger, les universités furent surveillées. L’enseignement de la philosophie fut éliminé, le droit constitutionnel aussi, la logique et la psychologie furent enseignées par des théologiens orthodoxes : il s’agissait de se protéger de toute influence européenne. Il fut même institué une censure des censeurs. La Russie se détournait ainsi culturellement de l’Occident.

 

Belle expédition que la tienne là-bas chez les Iakoutes. Le petit renne est maintenant protégé. Et la déesse t’a fait signe.

J’espère que tu vas reprendre avec énergie le nouveau trimestre étudiant,

Je t’embrasse

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Russie lettre 23 : le règne de Nicolas 1 er (1825-1855)

16 janvier 2022


Samuel,

 

La politique extérieure de Nicolas 1 er

Les Perses, pensant que les événements de décembre 1825 à Saint-Pétersbourg (qui était à l’époque la capitale de la Russie) signifiait un affaiblissement de l’autorité du tsar lancèrent une offensive militaire en franchissant les frontières caucasiennes de la Russie. Ils voulaient récupérer les territoires perdus lors de la signature du traité de Golestan en 1813 (voir lettre 22 du 13 février 2021). Mais l’armée perse fut vaincue par l’armée russe. Le 23 février 1828 le traité de paix de Tourkmantchaï (près de Tabriz) permit à la Russie de s’emparer des khanats de Nakhitchevan et d’Erevan (voir carte de la lettre 22 précitée).

Quelques semaines plus tard la Russie et la Turquie rentrèrent en guerre, conséquence d’un conflit démarré en 1821 : la guerre d’Indépendance grecque, opposant les nationalistes grecs aux Ottomans, qui ,à l’époque, étaient les suzerains de la Grèce. Les indépendantistes furent écrasés en 1826. Cette guerre trouva un écho favorable en Europe et en Russie. Pour des raisons culturelles (la Grèce étant la mère de la culture occidentale), mus aussi et surtout par des raisons géostratégiques (affaiblir l’Empire ottoman) les Européens et les Russes intervinrent. De nombreux européens partirent se battre en Grèce dont le plus connu est le poète anglais Byron qui mourut à Missolanghi (en Grèce) en 1824. La Russie, la France et la Grande-Bretagne, sur une initiative de Nicolas 1e exigèrent l’autonomie de la Grèce. Le sultan refusa de céder. Les alliés armèrent une flotte qui anéantit la flotte ottomane le 20 octobre 1827. Puis en mai 1828 la première armée russe commandée par Wittgenstein (remplacé plus tard par Dibitch), assisté par le tsar lui-même, franchit le Prout et rentra en Moldavie. Simultanément d’autres corps d’armée russe attaquèrent les Ottomans dans le Caucase.

Cette guerre aisément menée dans le Caucase fut en revanche difficile en Turquie. Mais les Russes s’imposèrent et le conflit s’acheva par le traité d’Andrinople signé le 14 septembre 1829. A l’est la Russie acquit la souveraineté et sur des territoires attenants au khanat d’Arménie et sur une bande située sous la Circassie, faisant rive avec la mer Noire (bande centrée sur Touapsé sur la carte de la lettre 22 précitée). A l’ouest la Russie annexa le delta du Danube. Les principautés de Moldavie et de Valachie obtinrent un statut d’autonomie mais restèrent les vassales du sultan. Il en fut de même de la Serbie. En outre la Turquie reconnut le droit de la Grèce à accéder à l’indépendance qu’elle obtint finalement en 1830.

En novembre 1830 une révolution éclata en Pologne. Les patriotes polonais espéraient récupérer les territoires qu’ils avaient perdus avant les trois partages intervenus lors du règne de Catherine II. Ils voulaient en revenir à la République des deux Nations (parfois appelée Pologne par commodité, la Pologne ayant constitué l’État le plus important de la République, laquelle comprenait aussi des terres lituaniennes, ukrainiennes et biélorusses). La République était disparue en 1795 à l’issue du troisième partage.

Constantin, le frère aîné de Nicolas, ne put faire face à cette insurrection. Le tsar intervint en mobilisant son armée. La guerre dura un an à l’issue de laquelle les patriotes furent écrasés. Le Pologne connut une nouvelle tragédie. Le Statut (ou la Charte) organique de

1832 en fit une partie inaliénable de l’Empire russe. Le tsarat de Pologne fut ainsi intégré à la Russie. Il s’en suivit une russification de la Pologne, russification qui fut encore plus intense dans les anciens territoires polonais (la République des deux Nations) de la Lituanie, de la Biélorussie et de l’Ukraine.

En 1833 un vassal du sultan, le pacha d’Égypte Mehmet Ali se révolta, s’empara de la Syrie, envahit l’Anatolie et marcha sur Constantinople. Le sultan demanda l’aide de la France et de l’Angleterre qui la lui refusèrent. Il se tourna alors vers le tsar. Ce dernier considéra qu’il avait tout intérêt à sauver un Empire affaibli qu’il pourrait maintenir sous sa domination s’il venait à le sauver. En février 1833 les navires de guerre russes jetèrent l’ancre dans le Bosphore, puis dix mille russes débarquèrent sur la rive asiatique du Bosphore. Devant la tournure prise par les événements l’Angleterre et la France intervinrent diplomatiquement, craignant que la Russie finisse par acquérir un pouvoir considérable si elle faisait de la Turquie son vassal. La paix fut signée entre les deux belligérants à Kütahya (la convention de Kütahya), le 4 mai 1833, mettant fin à la première guerre égypto-ottomane (il y en eut une deuxième en 1839-1840). Mahmoud II, le sultan, céda une partie du territoire de la Syrie avec Damas à l’Égypte. Ali retira ses troupes de Turquie. Dans la foulée la Russie et la Turquie signèrent le 8 juillet le traité d’Unkiar-Skelessi par lequel le tsar devint le protecteur de l’Empire ottoman. Cette sujétion du sultan inquiéta la France et l’Angleterre qui jugèrent que la puissance russe prenait trop d’ampleur.

Enfin face aux révolutions qui menaçaient les nations continentales de l’Europe de l’ouest le tsar s’entendit avec l’Autriche et la Prusse pour lutter contre tous les mouvements révolutionnaires.

Le tsar, à la tête d’une armée de 820 000 soldats contre 140 000 pour la Grande-Bretagne, 259 000 pour la France, 273 000 pour l’Empire autrichien et 130 000 pour la Prusse, n’ayant plus d’ennemis sur ses flancs sud et ouest semblait dominer l’Occident tout en gardant sa singularité russe. En 1837 assistant à une démonstration publique de sa cavalerie dans la capitale Nicolas prononça ces mots : « Merci à toi Seigneur de m’avoir fait aussi puissant, et je te prie de me donner la force de ne jamais mésuser de cette puissance »

 

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Russie lettre 23 : le règne de Nicolas 1 er (1825-1855)

23 janvier 2022

 

Samuel,

 

La politique extérieure de Nicolas 1 er (suite)

Nicolas assura activement la maîtrise de l’ordre autocratique qu’il voulait imposer à l’Europe. En juillet 1848 il intervint dans les provinces danubiennes de Moldavie et de Valachie pour étouffer un mouvement nationaliste roumain. En 1849 il envoya une armée de 200 000 hommes mettre fin à une insurrection révolutionnaire en Hongrie, sauvant ainsi l’intégrité de l’Empire austro-hongrois. Il intervint encore pour modérer la Prusse dans son désir d’entrer en rivalité avec l’Autriche pour dominer l’Allemagne. Nicolas voulait que l’ordre restât immuable en Allemagne afin de constituer une muraille contre une éventuelle contagion révolutionnaire venue de France, pays agité par des révolutions récurrentes.

En revanche le tsar eut plus de mal à assurer l’ordre dans le Caucase. Il dut faire face à un mouvement de résistance fondé sur une vision mystique de l’islam dans le Daghestan, pays des Avars et des Tchétchènes (voir carte de la lettre 22 du 13 février 2021). Il dut mobiliser une armée de 50 000 hommes pour lutter contre ce mouvement qui ne fut maîtrisé qu’après sa mort, en 1859.

En Sibérie et au-delà, en Amérique, son règne fut celui du retrait des Russes du continent américain. Rappelons les grandes dates de l’extension vers l’Est. En 1621 les Cosaques atteignent la Léna. En 1628 ils fondent la ville de Krasnoïarsk. En 1636 le cosaque Elisée Bouza descend la Léna jusqu’à l’océan. En 1639 le cosaque Ivan Moskvitianine atteint le Pacifique (en fait la mer d’Oskhotsk). En 1648 encore un cosaque Sémen Dejnev découvre avant l’heure le détroit de Béring. C’est en 1728 qu’un capitaine danois, passé au service du tsar, Vitus Behring découvre officiellement le détroit. En 1636 les Russes atteignent le bassin du fleuve Amour et en 1696 ils atteignent le Kamtchatka. En 1761 le marchand Betchevine touche la pointe extrême de l’Alaska. En 1799 Baranov fonde un établissement commercial en Alaska, puis agissant pour le compte de la Compagnie russe d’Amérique financée par Paul 1 er en 1799, il descend le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord jusqu’en Californie où il fonde, en 1812, l’établissement commercial du fort de Ross, à 80 km au nord de San Francisco.

Les Russes se spécialisèrent dans le commerce des fourrures. Quand ce commerce commença à décliner dans les années 1820, affrontés par surcroît à hostilité des Américains et des Espagnols, ils refluèrent vers le continent eurasien. Le fort de Ross fut vendu en 1841 à un américain, puis, en 1867, après la mort de Nicolas, l’Alaska fut vendue aux USA et les Russes quittèrent définitivement l’Amérique. Aujourd’hui le fort Ross, reconstruit, est devenu un musée.

Nicolas envoya en exil en Sibérie de nombreux décembristes avec leurs familles. Ceux-ci moururent pour la plupart là-bas, laissant de bons souvenirs aux habitants grâce à leur apport culturel. Nombreux furent ceux qui contribuèrent en effet à alphabétiser les populations locales. Le tsar y envoya aussi Dostoïevski de 1850 à 1854, en raison de son appartenance à un mouvement progressiste de Saint-Pétersbourg (militant pour des

réformes sociales). Arrêté en avril 1849, il fut condamné à mort. Après un simulacre d’exécution il fut déporté dans un bagne de Sibérie pendant quatre ans.

En 1840 Nicolas signa le traité de Londres avec la Prusse, l’Autriche, la France et la Grande Bretagne, traité qui établissait une sorte de tutelle informelle sur l’Empire ottoman (il réglementait les conditions d’utilisation des Détroits, Bosphore et Dardanelles). Ce traité venait limiter la portée du traité signé entre la Russie et la Turquie en 1833 (voir lettre précédente). Le but de Nicolas était d’impliquer la Grande-Bretagne dans la gestion de l’Empire ottoman. Il pensait que l’Angleterre et la Russie avaient les mêmes objectifs : maintenir les équilibres existants en Europe et en Eurasie. En obtenant la participation des Anglais à un traité commun il pensait aussi affaiblir une possible entente directe entre l’Angleterre et la France, pays qui lui paraissait dangereux, peu respectueux des équilibres existants.

En 1850 éclata un conflit en terre sainte. Il s’agissait de savoir qui obtiendrait l’autorité sur certains monuments religieux situés à Jérusalem. Louis-Napoléon Bonaparte alors président de la République française se fit le champion de la cause catholique. Nicolas se fit le champion des orthodoxes. Il exigea que l’autorité soit tranchée en faveur des orthodoxes mais en plus il exigea que tous les orthodoxes de l’Empire ottoman puissent, en cas de conflit avec les autorités ottomanes, recourir à l’arbitrage du tsar. Sur le premier point le sultan était prêt à céder mais pas sur le second. En conséquence Nicolas choisit d’en finir avec la résistance ottomane.

Le 26 janvier 1853 les troupes russes pénétrèrent dans les principautés danubiennes afin d’attaquer la Turquie par le Nord avant de prendre Tsargrad, nom que Nicolas aimait donner à Constantinople, nom choisi jadis par Catherine II quand elle ambitionnait de réaliser son projet grec (lettre 20 du 15 novembre 2020). Le 18 novembre 1853 les Russes anéantirent une partie de la flotte ottomane. Leur avancée affola les Européens qui redoutaient que la Russie devienne puissamment hégémonique. L’Angleterre et la France s’unirent contre le tsar. L’Autriche menaça d’’intervenir dans les provinces danubiennes. Nicolas recula et évacua la Moldavie et la Valachie. Il attaqua la Turquie en passant par le Caucase. Les Russes remportèrent des succès, puis il assiégèrent la forteresse turque de Kars.

Ne trouvant pas d’angle d’attaque sur terre, l'Empereur français Napoléon III et le Premier ministre du Royaume-Uni Lord Palmerston décidèrent d'attaquer la base navale de Sébastopol où se trouvait la flotte russe de la mer Noire. Ce fut la guerre de Crimée. Le siège de la ville, auquel participèrent les Ottomans et les Piémontais, commença en octobre 1954. Il apparut que les Russes disposaient d’un matériel et d’un art militaires désuets. L’immobilisme de Nicolas s’était accompagné d’un immobilisme technique et conceptuel : il ne pouvait pas lutter contre les avancées technologiques et tactiques des Occidentaux. Les Russes résistèrent pendant onze mois. Ce fut un carnage des deux côtés, la maladie (typhus, choléra) s’abattit sur tous les belligérants causant un nombre de morts inattendu. Pendant le siège, Nicolas effondré devant la tuerie en cours mourut subitement d’une simple grippe le 2 mars 1855. Ce fut Alexandre II, son fils, qui dut continuer la guerre. Sébastopol tomba le 11 septembre 1855.

 

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Russie lettre 24 : le règne d’Alexandre II (1855-1881)

 

 30 janvier 2022

 

 Samuel,

 

 Alexandre II (1818-1881), surnommé le Libérateur, connu pour ses réformes, notamment l’abolition du servage, succéda à son père à la mort de ce dernier le 2 mars 1855. Il dut d’abord s’occuper de terminer la guerre de Crimée, puis en continuation de cette guerre perdue, il poursuivit le projet de son père : la conquête du Caucase.

 La fin de la guerre de Crimée

 Alexandre II ne put rien faire pour empêcher la chute de Sébastopol le 11 septembre 1855. Il ne s’avoua pas pour autant vaincu. Il accentua la pression russe dans le Caucase en attaquant la Turquie sur son flanc oriental. Il fit le siège de la forteresse de Kars qu’il réussit à investir s’ouvrant ainsi une voie de pénétration en Anatolie. Il projeta de contre-attaquer dans les Balkans. Mais l’Autriche alors menaça d’intervenir dans la guerre auprès des Occidentaux et la Suède, qui rêvait de récupérer les territoires perdus en 1809 (voir lettre 22 du 19 février 2021), rentra dans la guerre près des alliés en novembre 1855. Le tsar préféra cesser le combat. Cette guerre se termina avec la signature du traité de Paris du 30 mars 1856, traité passé entre la France, la Grande-Bretagne, l’Autriche, la Prusse, le Piémont-Sardaigne, la Turquie et la Russie.

 Le traité proclama l’intégrité de l’ Empire ottoman, mettant ainsi la Turquie à l’abri du « projet grec» cher à la grande Catherine. Il reconnut l’autonomie des principautés roumaines de Moldavie et de Valachie, et plaça cette autonomie, ainsi que celle de la Serbie, sous la garantie collective des puissances européennes. Ces provinces sortirent ainsi de la suzeraineté croisée de la Turquie et de la Russie.

En outre la Russie dut quitter les bouches du Danube et rendre à la Moldavie une petite bande de terre prélevée sur le Boudjak (pour le Boudjak voir lettre 22 du 16 février 2021). Enfin la Russie dut rendre Kars à la Turquie.

 En outre une Déclaration sur le droit maritime fut signée par un collectif de plus de 50 nations. La mer Noire, (y compris les Détroits), sortit de la zone d’influence militaire russe pour devenir un lieu libre ouvert au commerce mondial.

 

 La conquête achevée du Caucase (1829-1864)

 Le traité de Paris, à rebours du traité d’Andrinople du 14 septembre 1829 (voir lettre 23 du 16 janvier 2022) venait stopper voire soustraire à la domination russe des territoires situés sur le continent européen.

 Alexandre se concentra alors sur la conquête du Caucase. Déjà, après le traité d’Andrinople, Nicolas 1 er avait exprimé sa volonté de réaliser « la soumission totale des peuples montagnards, ou l’extermination de ceux qui ne se soumettraient pas »

Le combat, qui dura 35 ans, se déroula sur deux fronts (voir carte de la lettre 22 du 13 février 2021)

À l’est, du côté du Daghestan et de la Tchétchénie, les Russes virent leur expansion se  heurter à une résistance inspirée par un islamisme radical porté par un imam  charismatique Chamil qui devint le chef de guerre caucasien le plus redouté des Russes.

Le commandant en chef russe Golovine le décrivait ainsi dans un rapport de 1841 : « Nous n’avons jamais eu un ennemi aussi sauvage et dangereux que Chamil. Sa puissance a acquis un caractère à la fois militaire et religieux, comme celui de Mahomet »

Chamil exerça sur les territoires qu’il contrôlait un pouvoir despotique de type théocratique. La lutte, qui prit par moments l’allure d’un duel personnel entre deux caractères tout autant despotiques : l’imam et l’empereur Nicolas Ier, connut des épisodes très violents.

Après la guerre de Crimée (1853-1856), le nouvel empereur Alexandre II reprit le combat. Chamil, assiégé dans Gounib, une ville du Daghestan, finit par se rendre le 25 août 1859 au généralissime russe Alexandre Bariatinski. Ses vainqueurs le traitèrent avec respect (il mourut lors d’un pèlerinage à La Mecque en 1871).

Du côté occidental, les tribus tcherkesses et leurs alliés (Oubykhs, une partie des Abkhazes) tinrent plus longtemps.  Après la capitulation de Chamil, l’armée russe du Caucase put concentrer tous ses efforts sur le front tcherkesse. Elle vainquit une à une les tribus récalcitrantes. Le 21 mai 1864, une grande parade à la « Clairière Rouge » en Abkhazie marqua la victoire finale des Russes et la fin de la Grande Guerre du Caucase.

Note. La Russie disposa d’un atout important pour conquérir le Caucase : les Cosaques (pour partie composés d’anciens zaporogues), troupes irrégulières excellemment adaptées aux conditions difficiles  d’une guerre qui se déroula dans des contrées sauvages et montagneuses. En 1864, la Circassie  fut incorporée à la région des Cosaques du Kouban.

 

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Russie lettre 24 : le règne d’Alexandre II (1855-1881)

13 février 2022

 

Samuel,
 

L’abolition du servage

Avant même la fin de la guerre de Crimée la volonté réformatrice d’Alexandre se manifesta dans de premières mesures de libéralisation, comme la levée de l’interdiction de voyager à l’étranger ou encore la levée de la tutelle sur les universités. Mais ce fut l’abolition du servage qui incarna le plus densément cette volonté.

L’évolution économique du pays avec le début de l’industrialisation notamment ne pouvait plus se satisfaire du servage. Les nouvelles conditions de production induisaient l’existence nécessaire d’une main d’œuvre mobile, donc libre, employable à volonté par les nouveaux industriels. Mais l’évolution politique aussi exigeait de résoudre le problème du servage au vu des révoltes de plus en plus fréquentes et violentes du monde paysan. Enfin l’évolution de l’opinion était telle qu’elle attendait, à la suite du développement des idées humanistes des Décembristes, que le servage enfin disparaisse.

En 1858 le Tsar créa des comités de la noblesse chargés d’examiner la réforme agraire dans toutes les provinces. D’une manière générale les nobles comprenaient que la réforme agraire était devenue une nécessité mais chacun avait une conception personnelle de l’émancipation des paysans. En définitive toutes les propositions furent centralisées à Saint-Pétersbourg et étudiées par un « comité de rédaction » composé de onze membres représentant le gouvernement. Il en sortit un projet qu’Alexandre ratifia le 3 mars1861 (19 février dans l’ancien calendrier). La loi du 3 mars 1861 abolissait l’ esclavage.

En même temps que les serfs paysans devenaient libres ils reçurent des parts de terre. Malgré des modalités d’application complexes et variables selon les régions, d’une manière générale les paysans reçurent la moitié du sol qu’ils cultivaient, l’autre moitié restant aux propriétaires. Les paysans durent racheter les terres ainsi cédées. Comme ils étaient insolvables l’État remboursa les propriétaires par des Bons de Trésor et devint le créancier des paysans qui durent le rembourser par des paiements étalés sur 49 ans.

Outre, de toutes façons, de recouvrer leur liberté les serfs eurent aussi la possibilité de se contenter du quart du lot de terre proposé sans rien payer, cette solution étant appelée : la part du mendiant.

A part l’Ukraine où les terres furent cédés à des particuliers, la terre fut en définitive attribuée non aux paysans mais à la communauté paysanne appelée obchtchina ou mir.

Le mir désignait l’assemblée communale chargée des affaires d’intérêt collectif. Le mir partageait la terre entre ses membres, était solidairement responsable du paiement des impôts, s’occupait du recrutement des conscrits et s’acquittait des obligations envers l’État.

Cette réforme toucha 52 millions de paysans du secteur privé. Elle fut saluée comme un événement historique de premier plan. Et elle le fut assurément dans sa volonté de libérer les individus du servage.

Mais sur le plan économique, elle fut en définitive décevante. Un peu plus de la moitié des paysans reçut des terres qui lui permit de vivre, l’autre moitié reçut des terres parfois peu fertiles, parfois non équipées de voies d’eaux ou de bois, parfois inférieures en superficie aux attentes. Par ailleurs les dispositions financières s’avérèrent trop lourdes. Les paiements des rachats furent abolis en 1905 alors que les paysans avaient remboursé pour 1,5 millions de roubles des terres estimées à l’origine à 1 million de roubles.

Enfin la cession des terres aux mirs plutôt qu’aux individus eut cette conséquence : le paysan ne fut pas le propriétaire de sa terre. Ainsi il ne pouvait pas la céder, ni la vendre, ni la donner en héritage. Il ne pouvait pas non plus monnayer son droit à la terre. Il devait cultiver sa terre ou s’en aller sans indemnité. Mais même lorsque le paysan finissait par renoncer et à partir en ville il devait solliciter un passeport auprès du mir lequel pouvait lui reprendre ce passeport et l’obliger à revenir cultiver sa terre.

Cette révolution fut une révolution quant à la reconnaissance du droit à la liberté du paysan. Mais son inachèvement économique finit par provoquer désillusion, colère voire désespoir.

 

J’espère que la vie à Moscou te plaît et te satisfait.

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Russie lettre 24 : le règne d’Alexandre II (1855-1881)

5 mars 2022


Samuel,


La suite des réformes

 

La réforme de l’administration locale

En 1864 Alexandre réforma l’administration du pays en créant les zemstva ou zemstvos (zemstvo au singulier). Il s’agissait d’assemblées composées de toutes les catégories sociales chargées de gérer les questions administratives locales rurales : l’instruction publique, la santé, les ponts et chaussées. Les zemstva se chargèrent aussi d’assurer un service de poste local, service jusqu’alors assuré uniquement dans les grandes villes par un monopole impérial. En 1870 le principe des zemstva fut étendu aux villes.

Ces assemblées furent souvent affrontées à l’administration impériale des gouverneurs restée en place. En outre les nobles détenaient l’essentiel du pouvoir dans ces assemblées. Mais cette réforme permit tout de même à la Russie de faire un grand pas vers la démocratie locale.

L’œuvre la plus remarquable de ces assemblées fut accomplie dans le domaine de l’instruction publique et dans celui de la santé. Grace aux zemstva le pays se dota d’une médecine sociale.

La réforme de la justice

A la fin de l’année 1864 fut engagée la réforme de la justice. L’ancien système bafouait le principe de l’égalité de tous devant la loi. Les procédures bien qu’écrites restaient secrètes et iniques. Cette réforme menée par le ministre de la justice Dimitri Zamiatnine et son adjoint Serge Zaroudny fut la plus réussie des réformes. Le système russe s’inspira des modèles occidentaux dont celui de la France.

La loi de 1864 marqua une rupture décisive en séparant les tribunaux de l’administration politique. La justice devint une branche à part entière des pouvoirs publics. Les procédures sortirent du secret pour devenir publiques. La création d’un ordre des avocats permit aux justiciables de plaider leur cause devant les tribunaux.

Tous les Russes étaient désormais égaux devant la loi. Dans le monde paysan subsistèrent des tribunaux qui continuèrent d’appliquer le droit coutumier.

Parallèlement à cette réforme la censure commença à se relâcher. On supprima la censure préalable pour les livres et pour certaines éditions périodiques. Un nouveau règlement des universités promulgué en 1863 élargit les libertés académiques ainsi que le droit des étudiants à former des cercles et des associations de discussions et de réflexions.

La réforme militaire.

Nommé en 1861 ministre de la guerre Dimitri Milioutine entreprit la réorganisation de l’armée. Les colonies militaires furent définitivement fermées. Le pays fut divisé en régions militaires, le service militaire devint obligatoire pour tous, même pour les classes sociales supérieures. La durée du service fut ramenée de 25 ans à 15 ans (14 ans dans la marine). L’instruction fut améliorée avec l’ouverture d’écoles spécialisées dans l’instruction de l’infanterie, de la cavalerie, de l’artillerie et du génie. Tous les conscrits reçurent une instruction élémentaire. Les châtiments corporels furent abolis.

Ces grandes réformes bouleversèrent la Russie. Elles accélérèrent les changements économiques et sociaux déjà induits par la révolution industrielle déclenchée près d’un siècle auparavant en Angleterre. Ces réformes favorisèrent le développement du capitalisme en Russie, en émancipant les paysans, en affaiblissant la noblesse, et en libérant la montée de la bourgeoise, tandis qu’ une nouvelle classe sociale apparaissait : le prolétariat, classe sociale employée par l’industrie capitaliste.

En bousculant un ordre séculaire devenu obsolète le tsar déclencha de profonds mouvements de société qui échappèrent au contrôle du pouvoir. Dans ces changements naquirent de profonds mécontentements.


Le mécontentement


Le contexte idéologique

Sous le règne de Nicolas 1er la Russie à nouveau s’interrogea sur son destin. Face au fantastique développement économique de l’Occident porté par la révolution industrielle, la Russie traditionnelle, économiquement pauvre en comparaison, réaffirma le destin singulier de « l’âme » russe face à « la matière » (la marchandise) fer de lance de l’Occident. Lors de la révolte des Polonais en 1830 (voir lettre du 16 janvier 2022) la bataille idéologique en Russie prit de l’ampleur. Pouchkine (1799-1837) prit partie pour le tsar, en réaffirmant la singularité historique des Slaves. L’opposant le plus connu de cette époque fut Tchaadaiev (1794-1856) écrivain et philosophe russe auteur des « Lettres philosophiques » (achevées en 1829). Dans ces lettres il conclut à la nullité historique et culturelle de la Russie : la Russie n’a pas de passé digne de ce nom, elle fut une barbarie, elle est hors civilisation. Elle n’est rien. Mais justement parce que la Russie n’a pas de passé sur lequel s’appuyer alors il devient possible de créer une nouvelle Russie. Dans son ouvrage « l’Apologie d’un fou » ( il fut d’ailleurs pris pour un fou) il écrit que, grâce à la virginité de son esprit, libre de tout passé, la Russie peut reprendre à son compte les formidables avancées de l’Occident avant de le dépasser en s’appuyant sur la puissance de l’esprit russe. La vocation de la Russie écrit-il sera alors d’indiquer aux autres peuples la voie à suivre afin de résoudre les questions suprêmes de l’Être.

Vladimir Odoïevski, dans son ouvrage « les Nuits russes » essaya une synthèse. Il s’appuya sur la légende Rurik pour réaffirmer l’existence d’une histoire russe, mais il reprit à son compte l’idée de la « virginité » russe : « Nous sommes neufs et frais écrit-il, nous sommes innocents des crimes de la vieille Europe » (il vise Napoléon). Pour lui la Russie a sauvé l’Europe du tyran, elle a sauvé le « corps » de l’Europe, elle doit maintenant en sauver « l’âme ». Il critique le parlementarisme occidental, source de corruption, et le monde capitaliste qui exploite jusqu’à les tuer les enfants dans les manufactures. D’autres penseurs prirent le relais, appelés occidentalistes. Ils s’intéressèrent à l’Occident pour en absorber le génie avant de le surmonter. Deux camps se distinguaient : les slavophiles qui voulaient se séparer de l’Occident, les occidentalistes qui voulaient surmonter l’Occident.

Dans les deux cas la Russie a une mission unique au monde. Cette vision quasiment mystique de l’âme russe est résumée dans ce poème de Fiodor Tiouttchev paru en 1866 :

« On ne comprend pas la Russie par la raison,

Elle ne se mesure pas à l’aune commune,

Elle a une tournure à part,

En elle on ne peut que croire »

Cette idéalisation de la Russie fut surtout le fait des moscovites et des saints-pétersbourgeois. D’autres slaves ne se sentaient pas à l’aise dans cette vision messianique, notamment les Ukrainiens, qui avaient le sentiment d’être traités comme des sujets de seconde zone. En 1846 une société ukrainienne secrète fut créée à Kiev : la Confrérie de Cyrille et Methode, qui marqua la naissance d’un sentiment national ukrainien. Des poètes surgirent chantant la petite Russie dans le souvenir des Cosaques zaporogues dispersés par Catherine 2, dans le souvenir d’une petite Russie dépouillée, orpheline, pleurant au-dessus du Dniepr. Ce ne fut pas une confrérie révolutionnaire mais une confrérie d’idées qui rêvait de créer une fédération slave où cohabiteraient ensemble Russes et Ukrainiens.

Dans la prochaine lettre je parlerai du « mécontentement » lui-même.

 

J’espère que tu tiens le coup malgré les bruits de guerre, j’espère que ni ta famille ni toi ne souffrez trop des restrictions.

Je pense à toi, chaque jour, chaque heure du jour et de la nuit, je suis avec toi, mon cœur est près du tien,

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Russie lettre 24 : le règne d’Alexandre II (1855-1881)

 12 mars 2022

 

 Samuel,

 

 Le mécontentement

 

 L’éveil révolutionnaire

  Les réformes impulsèrent le développement économique du pays : construction intensive de voies de chemin de fer, développement du réseau télégraphique, création de compagnies de  navigation aux bords de la mer d’Azov et de la mer Noire… Ce développement des communications impulsa à son tour le commerce et la production de biens de production : fer, fonte, houille.

 Mais ce développement rapide n’eut pas d’effets immédiats sur la condition paysanne. Malgré la fin du servage les paysans, grevés par leurs dettes et ne disposant pas toujours des meilleures terres exprimèrent un mécontentement croissant. Les anciens propriétaires qui, en cédant une partie de leurs terres, avaient perdu de leur pouvoir étaient également mécontents.

 Enfin les réformes n’allèrent pas jusqu’au bout de leur logique de développement des libertés : le pouvoir politique resta autocratique au lieu d’évoluer au moins vers une monarchie parlementaire. Il n’était pas question que le tsar cède une once de son pouvoir.

 Un autre mécontentement apparu, mené par les slavophiles. Ceux-ci ne voulaient pas épouser le mode de vie occidental considéré comme un culte rendu à Mammon, le dieu de l’argent, de la cupidité et de l’avidité. Pour eux le mode de vie occidental allait conduire à l’individualisme et à la destruction de l’esprit communautaire russe.

 Enfin apparut une dernière contestation, beaucoup plus dangereuse : la contestation portée par l’idéal révolutionnaire.  Sous le titre « à la jeune génération » une première proclamation révolutionnaire fut publiée en 1861, écrite par Nikolaï Cholgounov et Mikhaïl Mikhaïlov, exigeant à la fois plus de liberté mais aussi plus d’esprit communautaire en refusant l’exploitation privée. Ils écrivirent : « On veut réformer la Russie en une sorte d’Angleterre...Nous ne voulons pas de la maturité anglaise, l’estomac russe est incapable de la digérer ».

 En 1862 parut à Saint-Pétersbourg une autre proclamation révolutionnaire intitulée « la jeune Russie » dans laquelle l’auteur Piotr Zaïchnewski écrivit «  la Russie entre dans la période révolutionnaire...Nous serons plus cohérents que les pitoyables révolutionnaires français de 1848 et que les grands terroristes de 1792. Nous ne prendrons pas peur si pour renverser l’ordre actuel il nous faut verser trois fois plus de sang que ne l’ont fait les Jacobins français».

 En 1863 Nikolaï Tchernychevski écrivit le roman « Que faire ? »  qui deviendra un écrit phare pour les futurs révolutionnaires emmenés par Lénine. Le mot d’ordre de l’auteur était : « nous devons faire la révolution ». Il estimait que des hommes nouveaux allaient apparaître et devenir une couche dirigeante ayant pour vocation de guider le peuple »

 Cette couche était d’ailleurs en train de se constituer, appelée par un autre écrivain Piotr Boborykine : intelligentsia. Elle était composée de personnes d’horizons très différents : étudiants, nobles, ecclésiastiques, marchands, personnes des classes moyennes.

 En 1862 face à la radicalisation de certains révolutionnaires Ivan Tourgueniev inventa le mot : nihiliste, pour signifier l’intensité de leur violence. Le plus célèbre de ces nihilistes fut Serge Netchaïev, un homme extrêmement violent, d’origine ouvrière, que Dostoïevski mit en scène dans son roman « les démons » en la personne de Chigaliev. Netchaïev prônait l’anéantissement de l’État et l’assassinat des opposants. Selon lui il fallait accentuer les souffrances du peuple pour l’amener à se révolter. Il fut arrêté et il mourut dans la forteresse Pierre et Paul de Saint-Pétersbourg.

 Dans le courant des années soixante, des révoltes paysannes éclatèrent un peu partout, des étudiants se mirent en grève, des feux d’origine inconnue éclatèrent dans de nombreuses villes. Le tsar intensifia la répression. Les plus radicaux de l’intelligentsia ainsi que les nihilistes furent arrêtés. A son tour Nikolaï Tchernychevski  fut arrêté et condamné à l’exil.

 La contestation révolutionnaire s’intensifia. Le 4 avril 1866 un étudiant Dimitri Karakozov tira sur le tsar mais il le manqua. Il fut exécuté.

 Dans les années 70, un écrivain, Piotr Lavrov, influencé par Tchernychevski, écrivit « les Lettres historiques » où il redéfinit l’intelliguent comme étant comme un individu qui pense de manière critique et non émotive, et qui doit se donner comme objectif de préparer la révolution paysanne plutôt que de s’appuyer sur la violence. Il eut une large influence. Des étudiants partirent dans les campagnes pour vivre avec les paysans et les convaincre de faire la révolution. Mais les paysans ne se reconnurent pas en eux, parfois même ils les livrèrent aux autorités. Du coup les révolutionnaires en revinrent à la violence.

 Le 24 janvier 1878 Vera Zassoulich, d’origine noble, âgée de 27 ans, tira sur un général connu pour sa cruauté envers les recrues. Elle rata son coup, fut arrêtée et jugée. A la plus grande stupéfaction des autorités le jury l’acquitta : les juges exprimèrent ainsi leur hostilité  naissante contre les autorités. Le 4 août 1878, Sergueï Kravtchinski, d’origine noble, 27 ans, tua le général en chef de la police secrète. Il parvint à s’enfuir en Suisse.

 La terreur révolutionnaire accompagnée par la répression des pouvoirs publics s’intensifia. Dans plusieurs villes des révolutionnaires tirèrent sur les gendarmes, les procureurs, les ministres. Ou encore ils posèrent des bombes. Le but était de terroriser les administrations.

 Le 2 avril 1879 Alexandre Soloviev, 30 ans, ancien instituteur tira sur Alexandre II et le rata. Arrêté et jugé il fut pendu.

 En 1879 un petit groupe de révolutionnaires d’une vingtaine de personnes, extrêmement déterminées, décidèrent de tuer le tsar. Ils pensaient que sa mort provoquerait un choc qui enclencherait la révolution. Ils firent exploser le Palais d’Hiver, puis le train impérial...puis ils posèrent des bombes. Enfin le 1 mars 1881 une bombe éclata sur le chemin pris par Alexandre II. Le tsar s’en sorti d’abord indemne mais une deuxième bombe explosa à son tour et le tua.

 Cet événement eut un impact profond sur la population, contraire à l’attente des révolutionnaires. Le peuple, choqué, éprouva de la compassion pour leur tsar-batiouchka, désapprouvant ainsi les révolutionnaires. Les meurtriers furent arrêtés, jugés et condamnés à la peine de mort. Mais Alexandre III, le fils d’Alexandre II, sous l’influence de l’opinion occidentale qui demandait la clémence, commua leur condamnation en peine de prison. Un seul fut fusillé.

 

 

 J’espère que les évènements n’affectent pas ton moral. La violence de certains  occidentaux contre les Russes en général tient  à ce que l’Europe occidentale va mal psychologiquement. Il existe une forme d’agressivité cumulée qui cherche des cibles contre lesquelles s’affronter. En ce moment les opinions occidentales sont montées contre les Russes en raison de la guerre en cours. Demain quand la page sera tournée cette agressivité se tournera contre d’autres cibles. En attendant sois fort.

 

 Je pense à toi, reste bien concentré sur tes études,

 Je t’aime,

 Je suis à tes côtés

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  • 4 mois après...
Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Russie lettre 24 : le règne d’Alexandre II (1855-1881)

 

20 mars 2022

Samuel,

La politique extérieure

A) En Europe

La signature du Traité de Paris en 1856 (voir lettre 24 du 30 janvier 2022) suite à la défaite de la guerre de Crimée affaiblit l’Empire russe sur la scène internationale. Le nouveau ministre des affaires étrangères, Alexandre Gorchakov résuma la situation en estimant que la Russie devait rentrer en « recueillement » et s’occuper de ses affaires intérieures, ce que fit au demeurant Alexandre II.

 

Replié sur lui-même l’Empire resta tout de même engagé dans des actions internationales.

 

Il poursuivit notamment la conquête du Caucase (voir lettre précitée). Puis il tenta de circonscrire le réveil du nationalisme ukrainien. Néanmoins, à l’époque, une partie des territoires peuplés d’Ukrainiens, située en Galicie (Ukraine de l’ouest aujourd’hui) appartenait à l’Autriche. Les nationalistes ukrainiens firent de la Galicie un lieu de leur expression culturelle. Lorsque l’Empire autrichien devint une monarchie constitutionnelle en 1866, deux Diètes (assemblées) furent élues en Galicie ukrainienne, l’une à Lvov ( aujourd’hui L’viv en Ukraine de l’ouest) l’autre à Tchernovtsy (aujourd’hui Chernivtsi en Ukraine de l’ouest) ce qui permit à l’Ukraine de se soustraire partiellement de l’influence russe. Rappelons que la Galicie faisait partie de la Pologne avant son partage mené par Catherine II entre la Russie, l’Autriche et la Prusse.

 

Alexandre tenta également de reconstituer des relations d’alliance avec l’Occident. Il se rapprocha de la France (Napoléon III) dont les intérêts coïncidaient avec ceux de la Russie : rivaliser avec l’Angleterre dans sa domination économique et colonialiste mondiale et affaiblir les Empires autrichien et ottoman dans le cadre des rivalités continentales. La France et la Russie parvinrent à imposer à la Sublime Porte l’unification de la Moldavie et de la Valachie en 1859. Après quatre siècles sous l'influence ottomane, les deux principautés formèrent le Royaume de Roumanie, dont l'indépendance totale fut reconnue en 1878.

 

Mais cette alliance cessa lorsque les Polonais entrèrent en insurrection contre les Russes en janvier 1863. La Grande-Bretagne, l’Autriche et la France estimaient que le sort de la Pologne devait faire l’objet d’une négociation internationale, refusant ainsi le droit moral à la Russie d’y intervenir. En revanche, la Prusse, menée par Bismarck, soucieux de réaliser l’unité allemande, hostile à la reconstitution sur ses frontières Est d’une nouvelle nation polonaise, assura le tsar de son soutien.

 

Cette insurrection avait pour but de permettre aux Polonais de recouvrer leur indépendance. Mais ne disposant pas d’une armée structurée ils furent rapidement submergés par l’intervention militaire du tsar. Ce dernier constatant qu’il aura du mal à surmonter la volonté d’indépendance des nobles polonais choisit de séparer la masse paysanne des nobles polonais en l’émancipant. Des terres furent distribuées gratuitement aux paysans. Le calme revint en Pologne. Le Tsarat de Pologne fut privé de toute autonomie : les territoires polonais firent désormais partie intégrante de l’Empire russe.

 

Les événements de Pologne modifièrent les alliances en Europe centrale. La Prusse avec Bismarck ayant été la seule à soutenir la Russie (et à lui proposer son aide militaire pour vaincre la Pologne, aide que la Russie n’eut pas besoin de solliciter) les deux pays s’allièrent. Soutenue par la Russie, la Prusse, en 1864, prit au Danemark les deux provinces du Schleswig et du Holstien peuplées d’une forte minorité allemande. En 1866 lorsque la Prusse défit l’Autriche la Russie resta neutre, de même qu’elle resta neutre quand la Prusse défit la France en 1870. Apparu ainsi un nouvel Empire réunissant les anciennes nations allemandes sous l’impulsion de la Prusse : l’Empire allemand, près duquel l’Empire autrichien fit désormais figure de subordonné.

 

La défaite de la France permit à la Russie de s’affranchir de l’humiliation subie lors du traité de Paris : elle reprit ses droits sur la mer Noire, soutenue par la Prusse. En 1871 sous l’influence de Bismarck les Occidentaux acceptèrent que la Russie puisse à nouveau faire circuler sa flotte dans la mer Noire et à y installer des bases militaires.

 

Toujours sous la conduite de Bismarck fut signée en 1872 et 1873 l’Entente des trois Empereurs entre les Hohenzollern (la Prusse), les Habsbourg (l’Autriche) et les Romanov (la Russie), chacun se promettant assistance militaire. Mais cet accord s’effondra lorsque Bismarck, en 1875, inquiet du rapide rétablissement militaire de la France après la défaite de 1870 voulut l’attaquer de manière préventive. Cette fois-ci l’ambition de Bismarck effraya l’Occident et la Russie. La Grande-Bretagne, l’Autriche et la Russie s’opposèrent à Bismarck qui dut s’incliner.

 

C’est alors, en 1875, que les Balkans s’embrasèrent. La Bosnie et l’Herzégovine se révoltèrent contre la domination turque. Cette révolte gagna la Bulgarie, puis la Serbie et le Monténegro. La Turquie répliqua avec une cruauté extrême mais ne parvint pas à éteindre l’incendie. Comme les Balkans étaient habités par de fortes minorités slaves, la population russe s’enflamma pour les insurgés. D’abord réticent à intervenir, le tsar finit par déclarer la guerre à la Turquie en 1877.

 

Après une campagne difficile et meurtrière les troupes russes l’emportèrent. Au début de l’année 78 l’avant-garde russe n’était plus qu’à 15 km de Tsargrad (Constantinople). Le 19 janvier la Turquie cessa les combats, un armistice fut signé à Andrinople. Le 19 février 1878 la paix fut signée à San Stefano (ville de la banlieue de Constantinople). La Serbie, le Monténégro et la Roumanie obtinrent leur complète indépendance. La Bulgarie acquit la Macédoine et devint une principauté autonome. La Bosnie et l’Herzegovine acquirent une certaine autonomie. La Russie reprit la Bessarabie méridionale qu’elle avait perdue lors de la guerre de Crimée. Dans le Caucase elle obtint des villes clés : Batoum, Kars, Ardagan, Bajazet.

 

Les dispositions de ce traité inquiétèrent l’Angleterre et l’Autriche, la première parce qu’elle craignait que la Russie, s’appuyant sur de nouvelles puissances slaves dans les Balkans, pousse son avantage et s’empare de Constantinople (et du contrôle des détroits), la seconde parce qu’elle redoutait de voir des nations slaves puissantes s’établir sur sa frontière sud. Devant la menace d’une nouvelle guerre, Bismarck (qui avait regardé le conflit sans intervenir) convoqua toutes les parties à Berlin en 1878. Un nouveau traité y fut signé qui modifia sensiblement les dispositions du traité de San Stefano.

 

Les territoires de la Serbie et du Monténégro (slaves) furent réduits, la Bulgarie (slave aussi) vit son territoire fortement amputé d’une nouvelle province : la Roumélie orientale qui resta sous contrôle ottoman. La poussée slave dans les Balkans fut ainsi réduite. La Russie garda la Bessarabie méridionale mais dut rendre Bajazet à la Turquie. La Grande-Bretagne en profita pour obtenir le contrôle de Chypre et l’Autriche pour obtenir le droit de gérer la Bosnie et l’Herzegovine.

 

Je pense à toi, encore plus dans ces moments difficiles,

Je t’aime,

Je t’embrasse,

 

 

 

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