Donne moi des ailes

Christian est intarissable sur les questions de Julien : « Elles doivent tout apprendre, relief, paysages, étapes, et malgré l’expression « bête comme une oie » c’est l’un des oiseaux les plus intelligents qui soient ! »

Paola écoute à moitié, elle en a soupé de ses discours.

« On ne peut pas se contenter de lâcher quelques oies dans la nature en espérant qu’elles vont trouver leur voie. Si elles devaient s’en remettre à leur seul instinct, elles finiraient par se perdre. Il va nous falloir de bonnes conditions climatiques, parce-qu’elles détestent voler par mauvais temps, à cause du risque de s’égarer. L’entraînement, les bains, c’est pour ça. Si on arrive à les faire suivre l’ULM, c’est gagné. »

Thomas sait maintenant que sa mère a dit oui pour le voyage. Néanmoins, elle a posé une condition qu’il ne connaît pas. Seul son père la connaît. Et il est tout prêt à se faire parjure, même s’il a promis : que Thomas ne volerait pas sur l’ULM.

Il est nécessaire d’apprendre aux oisons que le chasseur est dangereux. Alors Christian et Thomas partent avec les oisons sur les talons et embauchent Julien pour faire le chasseur. A un moment du parcours, celui-ci surgit des fourrés et marche vers eux en tirant en l’air. Aussitôt, c’est la débandade, père et mère détalent dans la campagne en poussant de grands cris aigus. Les oisons, paniqués, se précipitent à leurs trousses et cacardent de terreur. Les parents courent trop vite, et dans leur cœur d’oisons s’imprime la grande peur de l’homme tonnerre.

Tout le monde a regagné l’enclos et Thomas s’est assis au milieu de ses protégées qui viennent se blottir contre lui en quête de réconfort.

Il est détestable de leur faire peur comme ça, mais il faut mesurer les dangers qui les guettent. L’Odyssée n’est pas un jeu, ce n’est pas une aventure excitante avec un happy end. N’importe laquelle de ces oies pourrait se faire tuer.

« Ca, c’est l’assiette » La main oscille sur un axe horizontal à oblique, Christian mime une voile. « Ca, le Cap » la main pivote de gauche à droite. « Et l’inclinaison » il oriente sa main vers le sol. « Pour virer à gauche, tu bouges ton trapèze à droite, et inversement. C’est le déplacement du centre de gravité qui te fait tourner. »

Apprendre les gestes et laisser Thomas prendre les commandes de l’ULM rend sa responsabilité plus grande. Le départ en Combi est prévu dans une semaine. Christian apprend à Thomas à piloter l’engin. Le mois de juin est consacré à la révision des étapes du voyage. Début juillet, Christian profite de la présence de son fils pour s’occuper des derniers préparatifs. Autorisations encore en attente, matériel, haltes à vérifier…

Côté oisons, les petits ont perdu leur duvet. L’œil cerné de jaune, le bec rose, ils affichent à présent les signes distinctifs de l’oie naine. Akka est plus grosse, son cou est plus sombre et ses plumes virent au gris.

L’idée que les oies « imprégnées » se croient de la même espèce que leur parent adoptif continue de sidérer Thomas. Autrement dit Akka considère qu’elle est comme lui, sans différence ni hiérarchie. Cela rend ses protégées encore plus précieuses. Leur confiance est si totale que sa responsabilité s’en trouve accrue.

L’ULM a été démonté et bâché, calé dans une remorque. Les bagages sont prêts. Le Combi a été révisé. C’est l’heure du départ. Les oies sont chargées à l’arrière du Combi, dans les cages. Après un périple de près de 1000 km, ils arrivent au parc que dirige Bjorn qui apparaît vêtu d’une tunique et d’une casquette.

Les oisons sont libérés dans un enclos. Ils sont surexcités, la pelouse les rend hystériques, la mare aussi, et aussitôt passée la barrière de protection, les oies s’égaillent sans plus s’occuper des humains.

A la fin du déjeuner, Christian interpelle Bjorn : « Tu peux venir ?

- On n’attend pas Thomas ?

- Non, il prend sa douche et justement il vaut mieux qu’il ne soit pas là. Tu vois cette oie ?

- J’en vois des tas.

- Akka viens par ici ma jolie. Tu vois ? Voilà ce qui arrive quand on mélange les œufs. Quand je te dis que tu es bordélique Bjorn…

- Attends, t’emballes pas, y a une nonette qui a dû se faufiler en douce.. Tu es sûr qu’elle faisait partie de la couvée ?

- Ca fait deux mois qu’on la materne la demoiselle !

- Ok, j’ai fait une boulette. On peut pas l’emmener.

- Sans blague ? C’est la chouchoute de mon fils alors je te laisse l’explication de texte ok ? Et c’est aussi la meneuse du groupe, j’ai nommé la très charismatique Akka !

- Merde !

- Tu l’as dit.

Bjorn est désolé.. « On fait quoi alors ?

- Moi, rien. Toi, tu te démerdes avec Thomas. »

Thomas qui arrive justement : « Vous faites quoi ?

- On va marquer les oies, répond Bjorn. Tu viens avec moi ? »

Bjorn s’éloigne avec Thomas. Les oies sont introduites dans un pavillon et Bjorn remarque que rien ne leur pose de problème tant qu’elles sont sur les talons de Thomas. Les employés qui se trouvent là regroupent les oies. Le premier injecte une puce, le second scanne la puce. Les oies sont vaccinées.

Au crépuscule, ils font un dernier repas chaud puis vont chercher les oies dans leur enclos, c’est l’heure du départ. Thomas s’installe à l’arrière dans un sac de couchage, avec les oisons. Il caresse Akka et lui souffle sur le bec. Bjorn entame la discussion qu’il n’a pas osé avoir lors du marquage.

Mais c’est peine perdue, Thomas n’en démord pas, Akka fera le voyage. Bjorn laisse tomber.

Quand le jour se lève, ils ont dépassé Lübeck. Christian est soulagé. Les oies se tiennent particulièrement tranquilles, rassurées par la proximité de Thomas.

Toujours préoccupé par la fausse autorisation, Christian est pressé d’arriver et d’effectuer les premiers vols. Le plus difficile est d’avoir à donner le change et faire bonne figure, il a menti à Bjorn et il ne le ratera pas s’il devine l’entourloupe.

Ils arrivent enfin à bon port, près du lac Guolasjàvri. Contrairement à tous les espaces naturels du pays que la loi norvégienne autorise à parcourir librement, pourvu qu’on les respecte, cette zone est en accès restreint durant la période de nidification et de reproduction. Bien évidemment, la chasse y est totalement proscrite.

Ils devraient être soulagés d’être enfin arrivés mais l’accueil réfrigérant de Magnus Johansen, le directeur, assombrit leur humeur.

Johansen parcourt les papiers que Bjorn lui a remis et il annonce qu’il va falloir faire des tests, des prises de sang. Christian sort de ses gonds : « C’est du temps de perdu ! Tout a été vérifié ! »

Mais rien n’y fait, résultats dans huit jours. Ils sont contraints de garder les oies naines en captivité jusque là.

Il y a 1 heure, January a dit :

lac Guolasjàvri.

Guolasjávri est un lac et est à proximité de Oaivvášvárri et Julaidančohkka. Guolasjávri a une altitude de 750 mètres et est au sud de Stuoranjárga.             

Faut que je le mémorise, je sens que je vais devoir dire le nom du lac ainsi que sa localisation. Janu ne va pas me louper  

il y a 40 minutes, Kâli a dit :

Faut que je le mémorise, je sens que je vais devoir dire le nom du lac ainsi que sa localisation. Janu ne va pas me louper  

Moi aussi ! Déjà que j'ai merdé en début....j'me tiens  à carreau ! 

En tout cas, un récit passionnant. Merci 

il y a 18 minutes, Petit pois a dit :

Moi aussi ! Déjà que j'ai merdé en début....j'me tiens  à carreau ! 

 

En tout cas, un récit passionnant. Merci 

Elle a le chic pour trouver des noms imprononçables 

Il faut deux bonnes heures pour construire un enclos où seront gardées les naines (on allait quand même pas les laisser dans les cages). Leur installation à eux nécessite moins de soin et à 23 heures, le feu allumé devant les trois tentes réchauffe une plâtrée de raviolis dans le grand faitout. Repus, fatigués, ils rejoignent leurs tentes pour un repos bien mérité.

Au bout de huit jours à attendre, Christian perd patience. Il veut libérer les naines pour une promenade mais Bjorn s’y oppose fermement, il a donné sa parole à Johansen. Peu importe, Christian ouvre l’enclos. Si les oies restent enfermées, ils risquent de perdre tout le bénéfice de ce qu’ils ont déjà fait avec elles.

L’ornithologue saisit fermement une femelle, en dépliant son aile de façon à exhiber les plus grandes plumes : « Regarde Thomas, ce sont les rémiges. Quand elles se croisent à l’arrière, cela signifie qu’elles ont suffisamment poussé.

- Alors elles peuvent voler ?

- Absolument. »

« Suis moi et fais exactement comme moi. » Christian s’élance dans une pente douce qui descend vers le lac, en déployant les bras, brassant l’air comme pour s’envoler.

- Apéapéapé !

Derrière eux, les oies courent à toute allure,le cou tendu en avant comme pour fendre l’air. En quelques mètres, portées par l’élan et la pente, elles décollent et passent au-dessus de leurs parents, qui hurlent de joie, les mains tendues vers le ciel. Akka est à la traîne, mais brasse l’air avec une incroyable détermination pour remonter ses congénères.

Bjorn assiste à cet envol, émerveillé. Après tout, que Johansen aille se faire foutre !

C’est ici, pour toujours, que les oies reviendront faire leurs petits, c’est leur terre maintenant. Le premier vol…

Les oies se mettent instinctivement en formation, les juvéniles les plus vigoureux à l’avant. La pauvre Akka, reconnaissable avec son cou noir, tente de gagner du terrain mais son poids la ralentit et elle parvient seulement à se maintenir vers le milieu de la formation.

Thomas hurle : « Vas-y Akka ! T’es la plus forte ! »

Les oies sont très haut dans le ciel maintenant et Christian perçoit immédiatement le danger, il actionne frénétiquement le cornet mais il a beau les klaxonner, les naines persistent à prendre de l’altitude.

Thomas, paniqué à l’idée de les voir disparaître, expulse un cri de ralliement, qu’il a déjà entendu de la part d’un mâle, Mars, dans des moments de grande excitation : « Kooouiouyrc ! »

Christian l’imite aussitôt. Alors qu’elle tente de se maintenir au milieu de la formation, Akka perçoit leurs appels et amorce soudain un virage vers le sol. Parmi les naines, il y a comme un flottement, à peine un instant, puis toute la colonie plonge à son tour en direction des deux silhouettes qui agitent leurs capes.

C’est irréel… Vingt oiseaux qui leur foncent dessus. Dès qu’elles effleurent le sol, elles se mettent à pédaler à toute allure sur leurs courtes pattes pour venir s’échouer à leurs pieds.

Tout à leur joie, personne ne remarque la silhouette qui surplombe la combe. Le garde abaisse ses jumelles…

Bjorn n’a quasiment pas dit un mot en deux heures. Cela équivaut à marquer sa désapprobation quant à effectuer un vol en ULM avec les oies. Là, c’est vraiment se foutre totalement des consignes…

Mais sous l’œil curieux des oies, ils mettent l’ULM à l’eau. Quand le Voyager prend de la vitesse les oies glissent sur l’eau à toute allure, rangées en deux colonnes dans son sillon. Alors que la machine met les gaz, parvenues en bout de course, elles décollent avec aisance.

La radio crachote : « Elles sont derrière toi !!

- Je les vois oui !! C’est fantastique ! 

Akka s’est hissée à la hauteur de Christian, si proche qu’en tendant le bras, il pourrait l’effleurer. Il perçoit son énergie et l’effort qu’elle produite pour se maintenir à son niveau. La machine prend de la hauteur, mais Akka vire de bord, en entraînant les autres à sa suite. La bande repart se poser sur la rive.

- Merde, tu y étais presque, le groupe a décroché ! »

Christian veut essayer encore. Mais dès qu’il décolle, les oiseaux décrochent… Serait-ce parce-qu’ils ont toujours vu l’ULM glisser plutôt que voler ? Et s’il avait tout faux ? Si tout ça n’avait servi à rien ? Tout le monde devient très sombre et personne ne brise le pesant silence qui s’abat sur le trio.

« Il y a un truc qui m’échappe. C’est Akka qui lâche, elle décroche et les autres suivent. »

Dégoûté d’entendre que sa chouchoute a tout fait foirer, Thomas fouille dans la vase gelée, à la recherche de petits têtards que la nonnette vient picorer directement dans sa main. Pas question de se mêler à la conversation. Il y a forcément une explication, un truc que son père a loupé.

C’est alors qu’arrive trois 4X4, avec un Zodiac à la traîne. Christian et Bjorn se jettent sur le chemin pour faire piler les véhicules à vingt mètres des tentes. Le directeur lance à Bjorn des mots secs en norvégien. Christian s’enquiert : « Qu’est ce qu’il dit ?

- Il dit que les oies sont positives au test de la grippe aviaire.

- Evidemment ! Puisqu’elles ont été vaccinées ! Il ne peut pas l’ignorer ! C’est le principe de la vaccination, les exposer au virus.

Johansen semble ne pas l’entendre, il continue de toiser Bjorn d’un air narquois. Il se joue beaucoup entre les deux hommes, qui ont un ancien contentieux. Bjorn avait, plus jeunes, déposé des œufs de bernaches dans les nids des naines, lui aussi, pour essayer de les sauver. Johansen, furieux, avait fait abattre toutes les oies sans oublier d’adresser la photo du massacre à Bjorn.

Les agents s’apprêtent à saisir les oies…

Thomas resté près de l’ULM entend dans la radio : « Grouille…Oies…. LAC ! » Thomas prend les commandes de l’ULM et glisse au milieu du lac. Les oisons suivent en colonne.

Entre les hommes, c’est devenu l’empoignade. Et soudain Bjorn s’écrie à l’adresse de Christian : « OH ! C’est sérieux là ! Johansen prétend que personne n’est au courant de ton projet à Paris ! Faut les appeler tout de suite, appelle les ! »

Bjorn ne s’attend pas à la réaction de Christian qui devient pâle comme un linge. On entend Thomas dans la radio : « Qu’est ce que je fais maintenant ? 

- Bouge pas de là où tu es, répond Bjorn, on doit vérifier un truc. » Il se tourne vivement vers Christian qui, tout bas, lui avoue : « Ca sert à rien d’appeler. C’est moi qui ai tamponné les papiers.

- Tu as QUOI ? Putain dis-moi que c’est une blague, tu déconnes là ?

- J’avais pas le choix, le museum ne voulait pas approuver le projet.

- Je peux pas le croire ! T’as pas fait ça ! Pas toi ! »

A la radio Thomas continue d’appeler : « Je fais quoi ??

- C’est fini Thomas, reviens. » Bjorn tend la radio à Christian d’un air las.

- Thomas, je suis désolé. J’ai falsifié les papiers pour pouvoir mener à bien le projet. J’ai fait une énorme connerie fils. Maintenant ils vont prendre les oies. Je te demande pardon. »

Sur le lac, le Zodiac fonce vers l’ULM. Alors, Thomas qui a compris ce qui se jouait, met les gaz. Il décolle, les oies le suivent, et le convoi disparaît, hors de portée des hommes. Akka… Akka qui vole à la hauteur de Thomas, elle suit Thomas. Pas Christian. C’est Thomas son parent référent.

Thomas angoisse, quoi faire, où aller.. Pour se rassurer, il appelle les oies les unes après les autres, Akka, Blaise, Maï, Saturnin, Poulidor, Max, Birdie, Pokémon, Sailor, Jack et Bianca, Ninja, Ambre et Mars, Loulou, Peter et Wendy, shrek, Cali et Nemo. Il redescend, il se pose dans une plaine, les oies derrière lui. Il est là, au milieu de nulle part, seul avec ses protégées sauvées. Le soir tombe, la température chute. Il part à la recherche de petit bois pour allumer un feu. A bout d’une demi-heure il finit par renoncer, impossible de faire prendre ces brindilles, inutile de vider son briquet.

Le courage qui lui restait s’est liquéfié dans l’effort et il serre les dents pour ne pas se mettre à chouiner comme un môme. Il s’enroule dans des couvertures de survie auprès des oiseaux qui se sont réunis en groupes épars.

 Christian et Bjorn se trouvent au commissariat, en garde à vue. Les choses tournent mal, le museum va porter plainte pour usage de faux, Bjorn lui, sera poursuivi pour complicité. Et c’est ce moment-là que Paola choisit pour appeler Christian, qui avoue immédiatement : « Paola, je suis désolé. Thomas a disparu. »

Le reste suit, en vrac, les leçons, les regrets et la culpabilité, Christian déballe tout sans rien édulcorer.

« On a lancé des recherches monsieur, ne vous inquiétez pas.

- Vous proposez quoi ? Mon ex-femme sera là dans quelques heures. »

Thomas est arraché au sommeil par le tapage des oies. Que se passe-t-il ? Un danger ? Il se tourne et son regard balaie de toutes parts quand il aperçoit une bête, un genre d'ours qui le fixe, les yeux pleins de rage. Un glouton, c’est un glouton !

Thomas s’élance vers l’ULM en appelant les oies qui se précipitent à l’eau, les jars fermant leur retraite, le cou arqué, leurs ailes fouettant l’air rageusement dans une parade d’intimidation. Si les oies redoutent le prédateur, c’est qu’ils sont mal barrés. Pas d’autres solutions que de filer, et sans les couvertures de survie encore, bon pour crever de froid.

Thomas lance un cri féroce et commence à klaxonner avec le cornet comme un damné. Il sait qu’il doit récupérer les couvertures dans lesquelles le glouton commence à fouiner. Les oies accompagne le vacarme de Thomas, c’est inespéré, le glouton détale.

Thomas fond en larmes. Il a froid, il a faim et il a eu tellement peur !

Thomas a choisi une nouvelle destination sur le GPS. Il choisit Rorvik, et décolle. Sans l’aiguille du carburant qui baisse rapidement, Thomas se sentirait heureux. Mais il est bientôt obligé de se poser, le réservoir est à sec. Occupé à chercher une solution, il sursaute lorsqu’une voix de fille retentit  derrière son dos : « Hei, hva gjor du ? Hva er dette antrekket ? »

Ok… Mieux vaut essayer l’anglais. Au bout de dix minutes d’anglais torturé et de gestes, la jeune fille le conduit jusqu’à un bateau où il pourra remplir ses jerricans de carburant. Après plusieurs allers-retours, le réservoir de l’ULM est plein et Thomas peut repartir.

Paola est arrivée en Norvège et braille sur tout le monde. Quand elle n’a plus personne à engueuler, elle fait les cent pas dans la salle commune de la gendarmerie.

Le téléphone de Christian sonne. « You tube ? C’est pas le moment Diane, mon fils a disparu, je dois raccrocher, laissé la ligne…  Quoi ? Quelle vidéo ? »

Paola s’est approchée et demande : « Il est blessé ?!

- Non… Je ne crois pas. Regarde ! »

Le lien YouTube « Ma rencontre avec Nils Holgersson » annonce douze mille vues et a été mis en ligne par une certaine Lilidelrey. Sur l’écran, l’ULM achève son virage, encadré par une vingtaine d’oies qui forment un cortège hallucinant. Thomas, ce merveilleux petit crétin désobéissant, l’air tellement sûr de lui qu’il agite la main, puis s'éloigne jusqu’à devenir un point sur l’horizon.

Diane s’enquiert de la situation et décide immédiatement de s’envoler pour la Norvège. Elle promet à Christian de tout faire pour l’aider, elle veut couvrir le projet Odyssée.

Johansen quant à lui déclare qu’il a reconnu l’endroit et qu’il est en mesure de donner les indications nécessaires pour trouver leur fils, et abattre les oies.

Thomas doit trouver de quoi manger, de quoi boire. Il amerrit dès 16h00. Et il se met en marche le long du rivage suivi des oies, au bout d’une heure, dégoûté, il donne le signal du retour à l’ULM.

La nuit est tombée, noire et glaciale, le prenant par surprise. Bien sûr il a récupéré les couvertures de survie, mais ça ne suffit pas. La faim et la peur ne le laisse pas tranquille. C’est impossible, le froid le mord, il faut faire du feu. Il utilise le papier du manuel de l’ULM, du petit bois, et le feu prend tout de suite. Epuisé, il s’endort en quelques instants.

C’est le froid qui le réveille à l’aube. Ce matin, plutôt que de suivre la rive, il emprunte un sentier qu’il n’avait pas vu la veille. Et au bout de vingt minutes il découvre dans une clairière une maison en rondins. Il n’y a personne, le bâtiment est ouvert.. Il entre et c’est Jackpot, c’est un atelier, il y a une motoneige, du carburant, des vivres. Avant de partir, il trace un « takk » (merci) aussi gros que possible sur la vitre poussiéreuse de la motoneige.