Donne moi des ailes

Bonjour Tous et Toutes

De retour pour une nouvelle lecture partagée, je vous propose de participer au fabuleux voyage de Christian Moullec, en compagnie des oies sauvages.

Notre livre, inspiré donc de l’histoire vraie incroyable de Christian Moullec :

Donne-moi des ailes n'est pas seulement un grand roman d'aventures : c'est un cri d'alarme contre la disparition de millions d'oiseaux dans le monde.

Nicolas Vanier a lui-même accompagné des migrations d’oies sauvages, et je pensais que le livre serait un récit. Mais non, c’est un roman. Donc je vous demanderais de l’indulgence parce-qu’un roman ça va être chaud patate à vous restituer sans manquer de dynamique.

Mais j’ai envie d’essayer, je l’avais repéré depuis longtemps ce bouquin-là (même s’il vient de sortir), c’est un sujet qui me tient à cœur.

Un film tiré du livre sortira en octobre de cette année.

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Nous commençons l’histoire avec Thomas, jeune adolescent en plein milieu d’un jeu vidéo, que sa mère Paola appelle au pied de l’escalier tandis qu’il fait la sourde oreille. Soudain, l’écran devient noir, (et paf ! Tout est parti), sa mère qui s’impatiente vient de débrancher le wi-fi.

« Je viens de me faire exploser ! Tu pouvais pas attendre deux minutes ? Non mais, t’es sérieuse ? Pourquoi t’as fait ça ? J’allais passer au niveau 5 !

- A ton avis ?

- Mais mamaaan ! »

Les parents de Thomas, Paola et Christian, sont divorcés. Récemment, Julien est devenu le beau-père de Thomas. Ce dernier ne cachant pas sa désapprobation.

A l’heure de se mettre à table pour le dîner, Paola annonce à Thomas qu’il ira passer trois semaines chez son père, en Camargue, pour les vacances de Pâques. Le dîner devient houleux, Thomas remonte dans sa chambre en rebranchant au passage ostensiblement la prise du wi-fi.

Christian vient d’essuyer un énième refus de son projet par le CRBPO (Centre de recherches sur la biologie des populations d’oiseaux). Il argumente encore, mais il sait qu’il a perdu.

« Ce serait un progrès énorme, la preuve que cela peut marcher ! Ensuite, il suffirait d’obtenir la collaboration de nos partenaires européens !

- Comme vous y allez ! Vous voulez que je vous dise la vérité ? Votre « odyssée » est une utopie, ça ressemble à un caprice ! Je n’y crois pas et je n’irai pas mouiller ma chemise pour ce type d’extravagance ! Je vous ai déjà signé votre congé sans solde, ce qui m’a obligé à redistribuer le travail de recherche à des incompétents car, cela dit, en passant et en dépit de vos délires, vous faites de l’excellent boulot ; mais à présent ça suffit ! Profitez bien de vos vacances, prenez du recul et foutez-moi la paix avec vos oies ! » ainsi le congédie le directeur du département, le professeur Menard.

La secrétaire du professeur le rassure : « N’y accordez pas trop d’importance. Il peut se montrer abrupt quelquefois.

- Ménard ? Ce n’est pas lui qui m’emmerde. Pardon, Jeanne. Pas directement. C’est juste que… même sans financement, il suffisait qu’il accepte de signer. »

Sa phrase reste en suspens, alors que son regard s’arrête sur le tampon, perdu au milieu des stylos et des correcteurs. Feignant de ne rien remarquer, la secrétaire explique qu’elle a lu son projet et qu’il lui a vraiment plu. Puis elle se lève, jette un bref regard au tampon et annonce qu’elle part se faire un café…

Christian ouvre sa serviette, le dossier est là, tout est consigné, en ordre. Il n’a plus qu’à apposer le fameux tampon sous la mention « accord préalable du CRBPO. Et il le fait, il tamponne les feuillets, à la hâte. De quoi pourrait-il être accusé ? Accord frauduleux ? Utilisation illicite d’un tampon ? Ca vaut le coup ! Et il réfléchira à de nouvelles mesures, il restera sous les radars des fonctionnaires.

Sortant précipitamment du bâtiment, Christian se fait interpeller : « Monsieur des Oies ! »

La jeune femme qui vient de l’interpeller est journaliste, elle connaît son projet, et pour elle c’est une idée géniale. Il interloque la fille lorsqu’il lui dit nerveusement : « Mes oies ? Qu’est ce que vous en savez ? Que connaissez-vous d’elles ?

- Je sais que vous avez un projet capable de sauver une espèce. Je sais que toutes les vingt minutes, une plante ou un animal est rayé de la surface de la Terre. Je sais qu’un quart de la population animale aura disparu en 2050. »

Avant de quitter le chercheur, elle lui tend sa carte : « Diane Mongeron, journaliste. J’aimerais vous aider. »

Tous les matins, Christian contemple son « fief ». Un petit paradis  où il mènera son projet à bien… C’est pour ses protégées qu’il a quitté Paris après sa séparation avec Paola, pour elles qu’il a renoncé à son ancienne vie, qu’il se retrouve loin de son fils… Pour les oies naines.

Il a reçu le matériel pour la couveuse. Bjorn, un ami de vingt ans, lui livrera les œufs dans la journée. Christian s’affaire, démarre une vieille tondeuse et déclenche l’enregistreur, commence à monter l’incubateur. Vers 14 heures, il finit de fixer la grille alvéolée qui recevra les œufs.

C’est à cette heure-là que se présente son voisin, Gérard, rouge de colère, vociférant que le conseil municipal a voté l’assèchement du marais pour en faire une zone industrielle. Christian s’écrie : « Mais ils ne peuvent pas ! Pas avec la faune !

- Ils vont s’gêner !

- Calme toi, il y a forcément des recours.

- Ben c’est mal emmanché, mais je voudrais voir ça. »

Gérard tourne les talons et croise Bjorn, qu’il ignore royalement.

(Mon amour @pako .. Inconditionnel. Qu'est ce que j't'aime...)

Ok la suite : 

Bjorn salue : « Tu l’as eu en lot avec le mas lui ?

- Tu crois pas si bien dire. Mon plus proche voisin, ancien sagneur et fier d’être camarguais. »

Un sagneur est un coupeur de roseaux. Ils sont très fiers de leur état, c’est comme avoir la légion d’honneur en Camargue. Les sagneurs ne sont plus qu’une poignée à le faire à la faucille.

Les œufs sont là, bien alignés dans leurs alvéoles de mousse. Christian est ému. C’est le début de l’aventure. Il y a vingt œufs. Christian se sent à la fois excité et inquiet. La couvaison artificielle requiert de l’attention, mais aussi une part de chance. Peut être aurait-il du prendre une plus grande couvée ?

Avant de placer les œufs en couveuse, il faut en passer par le brossage des coquilles, indispensable pour limiter les risques de contamination bactérienne. Ils sont ensuite placés dans une chambre de fumigation (décontamination) où ils restent vingt minutes. Puis, ils sont placés dans la couveuse pour vingt-sept jours. Ca y est, la couveuse est en rotation, la température est bonne, le degré d’humidité aussi. Les rotations s’effectuent toutes les deux heures. Les œufs tournent lentement, éclairés par la lumière rougeâtre des lampes chauffantes.

Christian va chercher l’enregistrement de la tondeuse et le met en route à côté de la couveuse.

Bjorn lui remet les passeports de ses naines en lui confiant qu’il ne pensait pas que Christian persuaderait le CRBPO…

il y a 11 minutes, January a dit :

CRBPO

Gné ????.........Ouf ! merci Google ! 

Il y a 8 heures, Petit pois a dit :

Gné ????.........Ouf ! merci Google ! 

C'est écrit dans le deuxième post ce que c'est que le CRBPO. J'vois qu'on suit !! 

Mince, un tel empressement pour lire mes z'histoires qu'on en rate des trucs 

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Thomas, Paola et Julien se rapproche du mas de Christian. Au bout du chemin de terre, une silhouette tournoie, bras ouverts. On dirait un moine dans une robe de bure mal taillée, coiffé d’une capuche deux fois trop grande.

L’adolescent écarquille les yeux quand il reconnaît son père dans cet accoutrement : « Je reste pas trois semaines avec lui, m’man, tu crois pas qu’il a pété les plombs ? »

Après les présentations et bonjours de convenance, Paola interroge son ex-mari sur cette tenue extravagante. « Je t’expliquerai, répond-t-il simplement. »

Thomas apprend que son père s’est débarrassé de sa box, qui produisait des ondes nocives pour les œufs. Le jeune garçon est furieux.

En clair, ces retrouvailles se passent plutôt mal.

Christian se lance dans l’explication de sa tenue : «  Cette toile casse la silhouette humaine, et puisque je serais seul à la porter, les oies m’identifieront immédiatement. Si je m’habillais normalement, les poussins n’auraient aucun moyen de me repérer, et je ne veux surtout pas qu’ils me confondent avec le premier chasseur venu ! Ce sont des oies sauvages, elles doivent garder leurs distances avec les hommes. »

Christian explique que ce sont des oies en voie de disparition et que le projet qu’il a imaginé vise à les protéger durant leur périple migratoire. La migration n’est pas innée chez les oies, les jeunes apprennent à repérer la voie en suivant leurs parents. Il sera donc leur « père ». Et une fois devenues autonomes, elles pourront repartir vers leur terre de nidification, pour revenir à l’automne sur le lieu d’hivernage.

Chaque espèce de migrateurs possède son propre parcours et son mode de déplacement, en nuée ou en solitaire, avec plus ou moins d’étapes, et même avec ses dates de départ et d’arrivée. Ce que Christian veut faire, c’est leur apprendre un nouveau chemin. Il a étudié un nouvel itinéraire, moins dangereux. L’enjeu, c’est qu’elles le suivent.

Du côté de Julien et Paola, c’est l’incompréhension : « Comment ? Du sol ?

- Non. Par le ciel. »

Il les emmène dans la cuisine où se trouve la couveuse et où règne le vacarme du moteur de la tondeuse. Oui, il les habitue à ce bruit, pour qu’ils ne soient pas dépaysés : il compte voler avec elles, en ULM.

Pendant ce temps-là, Thomas a trouvé une combine pour récupérer le free wi-fi du voisinage. Il n’est pas enthousiaste d’être là, mais c’est toujours ça.

Le père et le fils restent seuls et commence ce dialogue de sourds que certains d’entre nous connaît bien avec les ados mal embouchés 

Le lendemain matin, alors que Christian scrute les œufs, le rugissement d’un marteau-piqueur se fait entendre. « Bon dieu ils n’ont pas perdu de temps ceux-là ! » Thomas lui indique que si ça pouvait éloigner les moustiques ce serait bien. Il raconte qu’il a même vu un rat traverser sa chambre.

Christian attrape un livre dans la bibliothèque et entreprend de faire reconnaître à son fils quelle est cette espèce de rat. Il la reconnaît. Christian s’écrie : « Fils, tu es un génie !

- Ah bon ben dis le à maman alors, parce qu’elle est sûre que ce n'est pas le casl… »

Une espèce protégée, voilà ce qu’il faut pour retarder ces travaux. Il appelle Jeanne et lui demande de lui envoyer des crottes de cricetus cricetus.

Thomas ne supporte pas le bruit du moteur de la tondeuse. Alors qu’ils sont en train de déjeuner, il demande : « C’est obligé pendant qu’on déjeune ?

- Oui. C’est pour que les oies s’habituent, c’est « l’imprégnation ». Il explique alors à son fils qu’il volera en ULM avec les oies. Il l’emmène dans le hangar où il prépare l'engin.

Thomas s’étonne : « C’est pas un peu dingue ton truc ?

- A entendre certains bureaucrates, sûrement : mais qu’est ce qui est le plus absurde ? Vouloir entraîner une troupe d’oiseaux à travers l’Europe pour tenter de sauver l’espèce ou bien, sous prétexte qu’il est trop tard, que ce n’est pas de notre ressort, rester les bras croisés à regarder le monde courir à sa perte ? […]  J’ai toujours pensé que l’homme a besoin de rêves, c’est aussi important que boire ou manger, mais si on n’essaie jamais de les réaliser, à quoi ça sert ? »

Pour ne pas laisser transparaître son trouble, Thomas fait mine d’inspecter le hangar. « C’est quoi ça ?

- Des flotteurs.

- Pour quoi faire ?

- Je veux transformer l’ULM en hydravion. En Norvège, on partira d’un lac, ensuite, je compte longer le littoral.

- Tu pourrais m’apprendre ? A voler ?

- Tu dois avoir quinze ans pour passer le brevet. Mais… Si tu me prouves que je peux compter sur toi, alors je te montrerai deux trois trucs.

- Sérieux ?

- Sérieux. »

Je ne connaissais pas le cricetus cricetus 

Diane ronge son frein. Trois ans qu’elle s’échine à écrire et à alerter sur l’urgence environnementale, trois ans à supporter la condescendance de ses collègues du pôle politique ou économique. Même les faits divers, s’ils sont bien saignants, passent avant ses papiers.

Quand elle reçoit l’appel téléphonique de Christian, elle n’est pas dans un bon état d’esprit. Il lui demande d’écrire sur le programme industriel qui se déroule chez lui. Lui explique qu’il y a ici une espèce en voie de disparition, un hamster sauvage, et que les travaux doivent s’arrêter.

Diane est dubitative, mais elle promet qu’elle fera ce qu’elle peut, à une condition : « Pensez à moi si vous montez votre…odyssée. » Christian promet.

Diane retrouve le sourire. Elle rédige le papier, concis et suffisamment accrocheur pour la news écolo du jour. Le rédacteur en chef n’accroche malheureusement pas : « Franchement Diane, qui se soucie d’une bande de rats sauvages ? »

La colère déferle en elle comme une vague : « Sans vouloir  vous manquer de respect François, je crois que vous ne mesurez pas ce qui est en train de se passer. »

L’antipathie larvée entre eux se montre au grand jour. Diane ramasse son article sur Cricetus et fonce à la rédaction où elle demande à ses collègues de publier son article en affirmant qu’il est validé par le rédac chef.

Puis, elle vide son bureau. Trois ans pour rien… Elle déboule dans le bureau de Goitard, le grand patron, pour lui signifier qu’elle démissionne. Elle sait qu’elle vient de brûler ses vaisseaux de journaliste officielle. Mais dans la rue, malgré le poids du sac qui lui scie l’épaule, elle aspire à grands traits l’air printanier.

Père et fils bricolent depuis une semaine. Le combi Volkswagen doit être aménagé et l’ULM doit être préparé. C’est un ULM robuste, un tout terrain, Christian l’a baptisé Voyager II. Il sera fiable et facile à réparer. Christian explique les détails technique de l’itinéraire à son fils et part souvent dans des digressions écologiques qui semblent captiver le garçon.

«  Pourquoi crois-tu que je tienne à dérouter ces oies ? Elles n’ont quasiment plus aucune chance de survivre sur les vieux chemins de migration. Entre les chasseurs qui font des hécatombes, la pollution lumineuse, l’assèchement ou la dégradation des zones humides où elles faisaient halte, leur territoire se réduit à peau de chagrin.

- Mais pourquoi elles ne passent pas ailleurs ?

- Parce que chez certaines espèces qui voyagent en groupe, comme les oies, les grues et les cygnes, la migration s’apprend. Lors de leur premier voyage, les jeunes mémorisent chaque étape. Et les chasseurs n’ont plus qu’à faire un carton. Et quand ce ne sont pas eux, ce sont les villes qui s’étendent, les complexes industriels. Et c’est encore pire pour les oies naines qui nichent au nord de l’Europe. Leur population mondiale a chuté de 95% ces dernières années. En France, elles sont devenues rarissimes. L’année dernière, on en a compté sept. Sept ! Un groupe de sept, tu te rends compte ? »

Donne moi des ailes

Et devenir un ange blessé torturé

Je me brulerai les ailes

Mais tout cela en valait la peine

« C’est pour l’imprégnation »… Thomas doute. Mais il réalise que son père est aussi accroc à ses oies que lui à ses jeux vidéos. Ils ont cousu une tenue de bure à sa taille. Avec un peu de chance, il pourra l’étrenner cet après-midi. L’idée l’amuse secrètement, mais pas au point de s’afficher avec sur snapchat. Autant signer son arrêt de mort ! Ses potes le charrieraient jusqu’à la fin de l’année, déjà qu’il doit encaisser un redoublement…

Christian équilibre le moteur de l’ULM quand Gérard le voisin déboule dans sa 4L : « Les travaux sont arrêtés ! Ils sont tombés sur un truc ces couillons de « pisse-béton » ! Des merdes de hamsters ! Je l’ai jamais croisée leur bestiole, mais ça pourrait être la Vierge Marie, je la remercierais pareil tant que ces sagouins sont coincés. Tu te rends compte, cette veine de cocu ? »

Père et fils sourient en coin pendant que Gérard s’en va. « Comment tu les as engrainés ! » s’exclame Thomas.