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Gloire à Socrate à Platon et à Paul...


Blaquière

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Blaquière Membre 19 162 messages
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Gloire à Socrate à Platon et à Paul Marzullo !


 

Il y a des gens qu'il ne faudrait pas oublier ! On n'en a pas le droit ! Lui, c’était un homme tout petit. Un mètre cinquante à tout casser. Son nom ? Paul Marzullo ! Tout petit mais bien proportionné et solide sur ses jambes. Il avait un peu comme une vie d'aventure.  Il n'était pas fixé. Il était de Marseille à l’origine, ce qui pour nous à la campagne correspondait un peu à un titre de noblesse. De temps en temps on le voyait, il venait passer quelques jours ou quelques mois avec nous et il donnait un coup de main à mon père au fournil. Il était boulanger entre autres… mais un boulanger, vraiment du métier. Avec mon père, ils étaient très amis. Petit, je l'ai dit, et vu que mon père, Paul aussi, était lui, grand et mince, ils formaient un tandem assez étonnant ! Mon père lui donnait du : « Le Basset !» et lui répondait : « Ô, l'Asperge !»

Il était très brun, les cheveux frisés, coupés courts, implantés bas en arrondi sur son front bien plissé. Et une figure toute ronde aussi, un petit nez... Une figure à la Bibi Fricotin. ou plutôt à la Filochard mais sans le bandeau ! Puisqu’avec une petite moustache noire qui faisait ressortir son sourire. La même dégaine, la même attitude aussi que Bibi Fricotin : les mains dans les poches en posture d’éternel spectateur en attente. Du genre à répliquer à qui se serait moqué de sa petite taille : « La bonne longueur pour les jambes, c’est quand les pieds touchent bien par terre ! » Un blagueur. Il souriait toujours. Le plus marquant chez lui, en plus de son extrême gentillesse c'était son rire. Un rire inédit : il riait comme… comme une mitraillette ! En chapelets de 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah !  tous bien séparés les uns des autres mais très rapides... et très forts ! Un rire qui chaque fois remplissait la pièce.

Quand c'était lui qui "coupait la pâte", contrairement à mon père qui rajoutait ou enlevait au « paston » sur le plateau de la balance, cinq ou six fois de suite, des morceaux de pâte de la grosseur d'une demie fève pour obtenir à chaque pain le poids très exact, lui ne lâchait même pas le "paston" sur le plateau ! C'était complètement approximatif ! Mais rythmique. "tac, tac, tac", il coupait la pâte avec la râpe, "Cling" sur le plateau en cuivre et "Plaf !" à gauche sur le tour pour la mise en boules. Tac tac tac, cling, plaf ! Tac tac tac, cling , plaf !...  Quand mon père lui disait : "Mais tu l'as pas pesé ?!" il répondait : « Le règlement dit qu'il doit passer sur la balance et il y est passé, il dit pas de le lâcher dessus ! 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah ! » Où il était allé le pêcher ce règlement ?!

Pour l'enfournement, il était champion, aussi ! Autant que mon père. Mais comme il ne mettait pas toujours assez de fleurage sur la longue "pale" avant de disposer les pains dessus avec la planche, quand il tirait la pale sur le côté dans le four pour faire glisser les pains sur la sole, y'en avait parfois un qui restait un peu collé et se retrouvait la pointe tordue en crochet ! Un autre que lui aurait culpabilisé... lui, non ! Et quand il descendait sa fournée dans la « carriole », au magasin, il claironnait d'un air de triomphe « Et un saxophone ! Un ! » Et il l'accrochait bien en vue par sa pointe tordue à un barreau de la panetière. « Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah ! »

Je crois avoir tout de même entendu des clients au magasin demander, un peu déçus : « Il nous a pas fait un saxophone, aujourd'hui, Paul ?! »

Un jour, mon père me dit "Viens voir comment il dort, Paul !"

Quand la fournée était toute dans le four, en attendant qu'elle cuise, il s'allongeait vingt minutes sur une des planches du pain. De celles avec la toile qui venaient de servir à ranger les pains alignés l'un contre l'autre, avec la pliure entre deux, pour que la pâte lève... Le temps de s'allonger et il dormait, Paul. Cinq secondes il lui fallait. Et là, il dormait bien. Il était bien couché sur le dos, mais il avait les deux bras levés tout droits à la verticale ! Il avait la position du somnambule, les bras devant mais couché !...

Pour le "coup de main" qu’il donnait au fournil, il avait "le gîte et le couvert". Peut-être un peu d'argent de poche ? Je ne saurais le dire. Le couvert, il mangeait avec nous, de temps en temps et le gîte, c'était dans la maison de Madeleine qui jouxtait le fournil. C'était pas du luxe, cette maison... Plutôt une masure. Mais il avait une bonne paillasse pour dormir, et il avait un toit sur la tête. Pas impossible qu'il y ait eu des poux ou des puces... Un jour, je l'ai entendu dire à quelqu’un, que pour les poux ou les... morpions, le mieux, c'était la "Marie-Rose". J'en sais pas plus ! Javais compris à demi-mot que ça avait un rapport avec le sexe. Mais sa nature d'aventurier lui permettait ces choses-là...

Quand j'étais tout petit, presque bébé, il m'a raconté qu'il me faisait sauter sur ses genoux. Genoux, Poux, Choux, Bijoux !… et Marie-Rose... Un poème !

La dernière fois qu'on s'est vus, c'était en voiture sur l'autoroute vers La Valette. L'un de nous deux avait dû dépasser l'autre. En regardant sur le côté, on s'est reconnus à la volée, au même moment. On s'est arrêté sur le bas côté et on s'est embrassés ! C'était un vrai grand bonheur de se retrouver ! Mon père était déjà mort, mais comme je suis grand comme il l’était lui, l’espace d’un moment, au bord de l’autoroute, on a rejoué le « couple métallurgique » du Basset et de l’Asperge…

J’ai dit qu’il souriait toujours… Parfois pourtant il prenait un air très sérieux et inspiré, il fermait à demi les yeux et penchait sa tête en arrière pour dire du bout des lèvres, à propos de choses très simples, comme le fait qu’il ait une petite moustache ou qu’il s’allonge sur la planche à pain :

-- Ça c’est MON plaisir ! 

Ce qui voulait dire : « Pas touche ! C’est mon jardin secret, je me réserve ce droit ! »

Pourtant une fois, il l’avait rasée sa petite moustache, et l’intervalle entre son nez et sa bouche qui jusque là n’avait pas existé était devenu immense !...

Paul ? Pourquoi t’as coupé ta moustache ? On te dirait tout nu !

Ça, c’est MON plaisir ! Quelque secondes, puis : « Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah ! »

 

Il y a quelques années, à l'atelier, des gens entrent qui me disent : "On est les enfants de Paul Marzullo !" C'était comme un mot de passe, un « Sésame ouvre-toi » ! Comme le "Bonjour braves gens, je suis l'ami de Maurice" des "Lettres de mon moulin" ! On a parlé un moment... assez pour constater que Paul avait su transmettre à ses petits, son virus...

Le virus de l'extrême gentillesse...


 



 

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 23 960 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)

Trop long. Je préfère lire Platon.

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Invité sera-angel
Invités, Posté(e)
Invité sera-angel
Invité sera-angel Invités 0 message
Posté(e)
il y a 14 minutes, Blaquière a dit :

Gloire à Socrate à Platon et à Paul Marzullo !


 

Il y a des gens qu'il ne faudrait pas oublier ! On n'en a pas le droit ! Lui, c’était un homme tout petit. Un mètre cinquante à tout casser. Son nom ? Paul Marzullo ! Tout petit mais bien proportionné et solide sur ses jambes. Il avait un peu comme une vie d'aventure.  Il n'était pas fixé. Il était de Marseille à l’origine, ce qui pour nous à la campagne correspondait un peu à un titre de noblesse. De temps en temps on le voyait, il venait passer quelques jours ou quelques mois avec nous et il donnait un coup de main à mon père au fournil. Il était boulanger entre autres… mais un boulanger, vraiment du métier. Avec mon père, ils étaient très amis. Petit, je l'ai dit, et vu que mon père, Paul aussi, était lui, grand et mince, ils formaient un tandem assez étonnant ! Mon père lui donnait du : « Le Basset !» et lui répondait : « Ô, l'Asperge !»

Il était très brun, les cheveux frisés, coupés courts, implantés bas en arrondi sur son front bien plissé. Et une figure toute ronde aussi, un petit nez... Une figure à la Bibi Fricotin. ou plutôt à la Filochard mais sans le bandeau ! Puisqu’avec une petite moustache noire qui faisait ressortir son sourire. La même dégaine, la même attitude aussi que Bibi Fricotin : les mains dans les poches en posture d’éternel spectateur en attente. Du genre à répliquer à qui se serait moqué de sa petite taille : « La bonne longueur pour les jambes, c’est quand les pieds touchent bien par terre ! » Un blagueur. Il souriait toujours. Le plus marquant chez lui, en plus de son extrême gentillesse c'était son rire. Un rire inédit : il riait comme… comme une mitraillette ! En chapelets de 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah !  tous bien séparés les uns des autres mais très rapides... et très forts ! Un rire qui chaque fois remplissait la pièce.

Quand c'était lui qui "coupait la pâte", contrairement à mon père qui rajoutait ou enlevait au « paston » sur le plateau de la balance, cinq ou six fois de suite, des morceaux de pâte de la grosseur d'une demie fève pour obtenir à chaque pain le poids très exact, lui ne lâchait même pas le "paston" sur le plateau ! C'était complètement approximatif ! Mais rythmique. "tac, tac, tac", il coupait la pâte avec la râpe, "Cling" sur le plateau en cuivre et "Plaf !" à gauche sur le tour pour la mise en boules. Tac tac tac, cling, plaf ! Tac tac tac, cling , plaf !...  Quand mon père lui disait : "Mais tu l'as pas pesé ?!" il répondait : « Le règlement dit qu'il doit passer sur la balance et il y est passé, il dit pas de le lâcher dessus ! 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah ! » Où il était allé le pêcher ce règlement ?!

Pour l'enfournement, il était champion, aussi ! Autant que mon père. Mais comme il ne mettait pas toujours assez de fleurage sur la longue "pale" avant de disposer les pains dessus avec la planche, quand il tirait la pale sur le côté dans le four pour faire glisser les pains sur la sole, y'en avait parfois un qui restait un peu collé et se retrouvait la pointe tordue en crochet ! Un autre que lui aurait culpabilisé... lui, non ! Et quand il descendait sa fournée dans la « carriole », au magasin, il claironnait d'un air de triomphe « Et un saxophone ! Un ! » Et il l'accrochait bien en vue par sa pointe tordue à un barreau de la panetière. « Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah ! »

Je crois avoir tout de même entendu des clients au magasin demander, un peu déçus : « Il nous a pas fait un saxophone, aujourd'hui, Paul ?! »

Un jour, mon père me dit "Viens voir comment il dort, Paul !"

Quand la fournée était toute dans le four, en attendant qu'elle cuise, il s'allongeait vingt minutes sur une des planches du pain. De celles avec la toile qui venaient de servir à ranger les pains alignés l'un contre l'autre, avec la pliure entre deux, pour que la pâte lève... Le temps de s'allonger et il dormait, Paul. Cinq secondes il lui fallait. Et là, il dormait bien. Il était bien couché sur le dos, mais il avait les deux bras levés tout droits à la verticale ! Il avait la position du somnambule, les bras devant mais couché !...

Pour le "coup de main" qu’il donnait au fournil, il avait "le gîte et le couvert". Peut-être un peu d'argent de poche ? Je ne saurais le dire. Le couvert, il mangeait avec nous, de temps en temps et le gîte, c'était dans la maison de Madeleine qui jouxtait le fournil. C'était pas du luxe, cette maison... Plutôt une masure. Mais il avait une bonne paillasse pour dormir, et il avait un toit sur la tête. Pas impossible qu'il y ait eu des poux ou des puces... Un jour, je l'ai entendu dire à quelqu’un, que pour les poux ou les... morpions, le mieux, c'était la "Marie-Rose". J'en sais pas plus ! Javais compris à demi-mot que ça avait un rapport avec le sexe. Mais sa nature d'aventurier lui permettait ces choses-là...

Quand j'étais tout petit, presque bébé, il m'a raconté qu'il me faisait sauter sur ses genoux. Genoux, Poux, Choux, Bijoux !… et Marie-Rose... Un poème !

La dernière fois qu'on s'est vus, c'était en voiture sur l'autoroute vers La Valette. L'un de nous deux avait dû dépasser l'autre. En regardant sur le côté, on s'est reconnus à la volée, au même moment. On s'est arrêté sur le bas côté et on s'est embrassés ! C'était un vrai grand bonheur de se retrouver ! Mon père était déjà mort, mais comme je suis grand comme il l’était lui, l’espace d’un moment, au bord de l’autoroute, on a rejoué le « couple métallurgique » du Basset et de l’Asperge…

J’ai dit qu’il souriait toujours… Parfois pourtant il prenait un air très sérieux et inspiré, il fermait à demi les yeux et penchait sa tête en arrière pour dire du bout des lèvres, à propos de choses très simples, comme le fait qu’il ait une petite moustache ou qu’il s’allonge sur la planche à pain :

-- Ça c’est MON plaisir ! 

Ce qui voulait dire : « Pas touche ! C’est mon jardin secret, je me réserve ce droit ! »

Pourtant une fois, il l’avait rasée sa petite moustache, et l’intervalle entre son nez et sa bouche qui jusque là n’avait pas existé était devenu immense !...

Paul ? Pourquoi t’as coupé ta moustache ? On te dirait tout nu !

Ça, c’est MON plaisir ! Quelque secondes, puis : « Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah ! »

 

Il y a quelques années, à l'atelier, des gens entrent qui me disent : "On est les enfants de Paul Marzullo !" C'était comme un mot de passe, un « Sésame ouvre-toi » ! Comme le "Bonjour braves gens, je suis l'ami de Maurice" des "Lettres de mon moulin" ! On a parlé un moment... assez pour constater que Paul avait su transmettre à ses petits, son virus...

Le virus de l'extrême gentillesse...


 



 

Une belle et touchante tranche de vie... Comme je les aime ..bravo j avais l image !!!

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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il y a 47 minutes, Talon 1 a dit :

Trop long. Je préfère lire Platon.

Attendez : je vais vous aider ! Quand plusieurs lettres se touchent, ça fait un mot ! Et quand y'a un petit espace libre, c'est qu'on passe au mot suivant.... :smile2:

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Membre, Posté(e)
le merle Membre 21 605 messages
Maitre des forums‚
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il y a une heure, Blaquière a dit :

Gloire à Socrate à Platon et à Paul Marzullo !


 

Il y a des gens qu'il ne faudrait pas oublier ! On n'en a pas le droit ! Lui, c’était un homme tout petit. Un mètre cinquante à tout casser. Son nom ? Paul Marzullo ! Tout petit mais bien proportionné et solide sur ses jambes. Il avait un peu comme une vie d'aventure.  Il n'était pas fixé. Il était de Marseille à l’origine, ce qui pour nous à la campagne correspondait un peu à un titre de noblesse. De temps en temps on le voyait, il venait passer quelques jours ou quelques mois avec nous et il donnait un coup de main à mon père au fournil. Il était boulanger entre autres… mais un boulanger, vraiment du métier. Avec mon père, ils étaient très amis. Petit, je l'ai dit, et vu que mon père, Paul aussi, était lui, grand et mince, ils formaient un tandem assez étonnant ! Mon père lui donnait du : « Le Basset !» et lui répondait : « Ô, l'Asperge !»

Il était très brun, les cheveux frisés, coupés courts, implantés bas en arrondi sur son front bien plissé. Et une figure toute ronde aussi, un petit nez... Une figure à la Bibi Fricotin. ou plutôt à la Filochard mais sans le bandeau ! Puisqu’avec une petite moustache noire qui faisait ressortir son sourire. La même dégaine, la même attitude aussi que Bibi Fricotin : les mains dans les poches en posture d’éternel spectateur en attente. Du genre à répliquer à qui se serait moqué de sa petite taille : « La bonne longueur pour les jambes, c’est quand les pieds touchent bien par terre ! » Un blagueur. Il souriait toujours. Le plus marquant chez lui, en plus de son extrême gentillesse c'était son rire. Un rire inédit : il riait comme… comme une mitraillette ! En chapelets de 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah !  tous bien séparés les uns des autres mais très rapides... et très forts ! Un rire qui chaque fois remplissait la pièce.

Quand c'était lui qui "coupait la pâte", contrairement à mon père qui rajoutait ou enlevait au « paston » sur le plateau de la balance, cinq ou six fois de suite, des morceaux de pâte de la grosseur d'une demie fève pour obtenir à chaque pain le poids très exact, lui ne lâchait même pas le "paston" sur le plateau ! C'était complètement approximatif ! Mais rythmique. "tac, tac, tac", il coupait la pâte avec la râpe, "Cling" sur le plateau en cuivre et "Plaf !" à gauche sur le tour pour la mise en boules. Tac tac tac, cling, plaf ! Tac tac tac, cling , plaf !...  Quand mon père lui disait : "Mais tu l'as pas pesé ?!" il répondait : « Le règlement dit qu'il doit passer sur la balance et il y est passé, il dit pas de le lâcher dessus ! 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah ! » Où il était allé le pêcher ce règlement ?!

Pour l'enfournement, il était champion, aussi ! Autant que mon père. Mais comme il ne mettait pas toujours assez de fleurage sur la longue "pale" avant de disposer les pains dessus avec la planche, quand il tirait la pale sur le côté dans le four pour faire glisser les pains sur la sole, y'en avait parfois un qui restait un peu collé et se retrouvait la pointe tordue en crochet ! Un autre que lui aurait culpabilisé... lui, non ! Et quand il descendait sa fournée dans la « carriole », au magasin, il claironnait d'un air de triomphe « Et un saxophone ! Un ! » Et il l'accrochait bien en vue par sa pointe tordue à un barreau de la panetière. « Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah ! »

Je crois avoir tout de même entendu des clients au magasin demander, un peu déçus : « Il nous a pas fait un saxophone, aujourd'hui, Paul ?! »

Un jour, mon père me dit "Viens voir comment il dort, Paul !"

Quand la fournée était toute dans le four, en attendant qu'elle cuise, il s'allongeait vingt minutes sur une des planches du pain. De celles avec la toile qui venaient de servir à ranger les pains alignés l'un contre l'autre, avec la pliure entre deux, pour que la pâte lève... Le temps de s'allonger et il dormait, Paul. Cinq secondes il lui fallait. Et là, il dormait bien. Il était bien couché sur le dos, mais il avait les deux bras levés tout droits à la verticale ! Il avait la position du somnambule, les bras devant mais couché !...

Pour le "coup de main" qu’il donnait au fournil, il avait "le gîte et le couvert". Peut-être un peu d'argent de poche ? Je ne saurais le dire. Le couvert, il mangeait avec nous, de temps en temps et le gîte, c'était dans la maison de Madeleine qui jouxtait le fournil. C'était pas du luxe, cette maison... Plutôt une masure. Mais il avait une bonne paillasse pour dormir, et il avait un toit sur la tête. Pas impossible qu'il y ait eu des poux ou des puces... Un jour, je l'ai entendu dire à quelqu’un, que pour les poux ou les... morpions, le mieux, c'était la "Marie-Rose". J'en sais pas plus ! Javais compris à demi-mot que ça avait un rapport avec le sexe. Mais sa nature d'aventurier lui permettait ces choses-là...

Quand j'étais tout petit, presque bébé, il m'a raconté qu'il me faisait sauter sur ses genoux. Genoux, Poux, Choux, Bijoux !… et Marie-Rose... Un poème !

La dernière fois qu'on s'est vus, c'était en voiture sur l'autoroute vers La Valette. L'un de nous deux avait dû dépasser l'autre. En regardant sur le côté, on s'est reconnus à la volée, au même moment. On s'est arrêté sur le bas côté et on s'est embrassés ! C'était un vrai grand bonheur de se retrouver ! Mon père était déjà mort, mais comme je suis grand comme il l’était lui, l’espace d’un moment, au bord de l’autoroute, on a rejoué le « couple métallurgique » du Basset et de l’Asperge…

J’ai dit qu’il souriait toujours… Parfois pourtant il prenait un air très sérieux et inspiré, il fermait à demi les yeux et penchait sa tête en arrière pour dire du bout des lèvres, à propos de choses très simples, comme le fait qu’il ait une petite moustache ou qu’il s’allonge sur la planche à pain :

-- Ça c’est MON plaisir ! 

Ce qui voulait dire : « Pas touche ! C’est mon jardin secret, je me réserve ce droit ! »

Pourtant une fois, il l’avait rasée sa petite moustache, et l’intervalle entre son nez et sa bouche qui jusque là n’avait pas existé était devenu immense !...

Paul ? Pourquoi t’as coupé ta moustache ? On te dirait tout nu !

Ça, c’est MON plaisir ! Quelque secondes, puis : « Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah- 'Ah ! »

 

Il y a quelques années, à l'atelier, des gens entrent qui me disent : "On est les enfants de Paul Marzullo !" C'était comme un mot de passe, un « Sésame ouvre-toi » ! Comme le "Bonjour braves gens, je suis l'ami de Maurice" des "Lettres de mon moulin" ! On a parlé un moment... assez pour constater que Paul avait su transmettre à ses petits, son virus...

Le virus de l'extrême gentillesse...


 



 

bonjour

une belle histoire sur des gens simples mais intéressant comme il y en à beaucoup et que l'on croise parfois dans la vie .

bonne journée

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