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« Boire un grand bol de sommeil noir... »

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satinvelours

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Llagas de amor
 

Esta luz, este fuego que devora,
este paisaje gris que me rodea,
este dolor por una sola idea,
esta angustia de cielo, mundo y hora,

este llanto de sangre que decora
lira sin pulso ya, lúbrica tea,
este peso del mar que me golpea,
sste alacrán que por mi pecho mora
,

son guirnalda de amor, cama de herido,
donde sin sueño, sueño tu presencia
entre las ruinas de mi pecho hundido.

 Y aunque busco la cumbre de prudencia
me da tu corazón valle tendido
con cicuta y pasión de amarga ciencia.

 
 Traduction  Jacky Lavauzelle

 Plaies d’amour

Cette lumière, ce feu qui dévore,
Ce paysage gris tout autour de moi,
Cette douleur pour une seule idée,
Cette angoisse du ciel, du monde et du temps,

Ces pleurs de sang qui décorent
Une lyre sans pouls, torche lascive,
Ce poids de la mer qui me frappe,
Ce scorpion qui vit, lové dans ma poitrine,

Ce sont guirlande d’amour, lit de malheur,
Où sans rêver, je rêve ta présence
Parmi les ruines de ma poitrine engloutie.

Et pendant que je cherche le sommet de la prudence
Ton cœur ne me donne que des vallées envahies
De ciguës et la passion de l’amère science.

 
Les sonnets de l’amour obscur, écrits entre 1935 et 1936 sont restés presque cinquante ans dans l'obscurité.

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tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Ces deux nouveaux poèmes montrent à quel point Lorca fut le grand poète de l'amour-passion. Amour total qui emporte tout ("Deseo"). Mais passion démesurée qui dévaste tout en cas d'amour contrarié ("Llagas de amor").

Certaines métaphores du poème "Plaies d'amour" sont absolument saisissantes ("ce scorpion qui vit, lové dans ma poitrine").

Alors que l'amour mystique - ainsi que l'amour courtois - verse ses délices sur toutes choses, l'amour contrarié éprouvé par Lorca produit des effets diamétralement opposés. Imprégné de poésie mystique, Lorca se souvient du "Cantique spirituel" du poète mystique Juan de la Cruz, mais il l'interprète en inversant du tout au tout les effets positifs de l'amour contemplatif :

CÁNTICO ESPIRITUAL

Allí me dio su pecho,
allí me enseñó ciencia muy sabrosa,
y yo le dí de hecho
a mí, sin dejar cosa ;
allí le prometí de ser su esposa.

(traduction)

CANTIQUE SPIRITUEL

Là, il me donna son coeur,

Là, il m'enseigna science très savoureuse,

Et moi me suis donnée

A lui, sans rien garder,

Là, je lui promis d'être son épousée.

Comme dans le "Cantique spirituel", Lorca a donné lui aussi sa poitrine d'un amour total (son coeur) et il pensait atteindre les sommets de la "prudence" (= la "science très savoureuse" évoquée par Juan de la Cruz, à savoir l'amour enseigné en retour) ; mais le coeur de la personne aimée ne lui rendit "que des vallées envahies / de ciguës et la passion de l’amère science", c'est-à-dire un amour contrarié ayant la saveur de ciguë. Chez Lorca, l'amour est sensuel, il se goûte au palais, pour le meilleur ou pour le pire (en espagnol, sabroso, "savoureux", a la même étymologie latine que saber qui signifie "savoir" mais aussi "avoir le goût de ", "avoir l'odeur de"). 

(Voilà juste quelques réflexions, n'ayant le temps hélas de m'investir davantage, faute de temps. Mais, à défaut d'intervenir plus souvent, je continuerai de lire d'autres poèmes avec plaisir).

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

 Je vous suis reconnaissante d’avoir pris sur votre temps qui, je l’ai compris, vous est compté pour cette petite analyse de ces poèmes et d’y avoir placé le Cántico spiritual.

 Je vous remercie de l’intérêt porté aux poèmes que je place ici. Vos analyses sont attendues et toujours bienvenues.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il y a 15 heures, tison2feu a dit :

 Mais passion démesurée qui dévaste tout en cas d'amour contrarié .

 

[¡ Ay voz secreta del amor oscuro !]

 Ay voz secreta del amor oscuro
¡ ay balido sin lanas! ¡ay herida !
¡ ay aguja de hiel, camelia hundida !
¡ ay corriente sin mar, ciudad sin muro !

¡ Ay noche inmensa de perfil seguro,
montaña celestial de angustia erguida !
¡ ay perro en corazón, voz perseguida !

¡ silencio sin fin, lirio maduro !

Huye de mí, caliente voz de hielo,
no me quieras perder en la maleza
donde sin fruto gimen carne y cielo.

Deja el duro marfil de mi cabeza,
apiádate de mí, ¡ rompe mi duelo !
¡que soy amor, que soy naturaleza !



Traduction André Belamich

Voix secrète

Ô voix secrète de l’amour obscur !
ô bêlement sans laine ! ô vive plaie !
ô aiguille de fiel, fleur étouffée !
torrent loin de la mer, ville sans murs !

 

ô nuit immense avec un profil sûr !
cime céleste d’angoisse dressée !
cœur aux abois et voix persécutée !
silence sans limite et iris mûr !

Fuis loin de moi, brûlante voix de glace.
Tu ne veux pas me perdre au labyrinthe
où gémissent sans fruit et la chair et l’espace.

Laisse le dur ivoire de ma tête
et prends pitié de moi, mets un terme à mes larmes :
je suis amour, je suis nature vierge ! 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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El grito

La elipse de un grito,
va de monte
a monte.

Desde los olivos,
será un arco iris negro
sobre la noche azul.

¡Ay!

Como un arco de viola,
el grito ha hecho vibrar
largas cuerdas del viento.

¡Ay!

(Las gentes de las cuevas
asoman sus velones)

¡Ay!

 

Traduction : Pierre Darmangeat

Le cri

L’ellipse d’un cri
va de montagne
à montagne.

De l’oliveraie,
ce doit être un arc-en-ciel noir
sur la nuit bleue.

Aïe !

Comme l’archet d’un violon,
le cri a fait vibrer
les longue cordes du vent.

Aïe !

(Les gens qui vivent dans les grottes
sortent leurs quinquets.)

Aïe !
Le cri du chant. Le poète évoque dans deux métaphores, visuelle d’abord et ensuite sonore, l’impact de ce cri du cante jondo. Lorca traduit, dans la première métaphore, toute la violence du chant.
Et dans la métaphore suivante, plus sonore, le cri comme l’archet d’un violon.
Violence et ondulation de la voix, tout y est ; mais inscrit dans une vision nocturne quasiment magique où les gitans de Grenade dans leurs grottes de Cerro San Miguel ou du Sacromonte, allument leurs lampes (« las gentes de las cuevas asoman sus velones  »)

Maguy Naïmi  ( Conférence donnée à l’Université du Temps Libre)

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tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Il y a 21 heures, satinvelours a dit :

El grito

La elipse de un grito,
va de monte
a monte.

Desde los olivos,
será un arco iris negro
sobre la noche azul.

¡Ay!

Como un arco de viola,
el grito ha hecho vibrar
largas cuerdas del viento.

¡Ay!

(Las gentes de las cuevas
asoman sus velones)

¡Ay!

 

Traduction : Pierre Darmangeat

Le cri

L’ellipse d’un cri
va de montagne
à montagne.

De l’oliveraie,
ce doit être un arc-en-ciel noir
sur la nuit bleue.

Aïe !

Comme l’archet d’un violon,
le cri a fait vibrer
les longue cordes du vent.

Aïe !

(Les gens qui vivent dans les grottes
sortent leurs quinquets.)

Aïe !
Le cri du chant. Le poète évoque dans deux métaphores, visuelle d’abord et ensuite sonore, l’impact de ce cri du cante jondo. Lorca traduit, dans la première métaphore, toute la violence du chant.
Et dans la métaphore suivante, plus sonore, le cri comme l’archet d’un violon.
Violence et ondulation de la voix, tout y est ; mais inscrit dans une vision nocturne quasiment magique où les gitans de Grenade dans leurs grottes de Cerro San Miguel ou du Sacromonte, allument leurs lampes (« las gentes de las cuevas asoman sus velones  »)

Maguy Naïmi  ( Conférence donnée à l’Université du Temps Libre)

Nous sentons également que Lorca exerce plus que jamais son talent de dramaturge. Le lecteur, ou le spectateur, est placé d'emblée - in media res - au milieu d'une action mystérieuse, les événements qui précèdent n'étant relatés qu'ultérieurement (dans les poèmes qui suivront).

Un cri terrible occupe tout l'espace extérieur, visuel et auditif, mais ne dit rien pourtant du monde intérieur du chanteur. La parenthèse figurant à la fin du poème, qui renferme une indication scénique, comme lors d'une représentation théâtrale, tente de suppléer partiellement à cet aspect elliptique du cri : des gitans sortent leurs lampes, témoins muets d'une tragédie.

Ce cri primitif de la siguiriya, qui chante la "Peine" du peuple gitano-andalou, obéit à l'accumulation de faits historiques séculaires qui se déroulèrent avant même l'arrivée des Gitans dans la péninsule ibérique. Il se trouve que le caractère intime de ce cri a coincidé avec celui du peuple gitan si éloigné géographiquement.

Je me demande si un phénomène musical semblable ne s'est pas produit, dans une certaine mesure, de l'autre côté de la Méditerranée, en Grèce, Turquie, Anatolie, avec l'apparition au XVIIe s. des "amanedes" (ou "manedes") qui sont généralement qualifiés de complaintes. L’"amanes" (ou "manes") est un solo vocal improvisé. Aman est un mot turco-persan d’origine arabe qui signifie "miséricorde, grâce, pitié". L’interjection aman exprime la passion (pathos), essentiellement la souffrance et la compassion, tout comme le "¡ ay !" andalou. De même, La siguiriya était appelée à l'origine playera, signifiant "la plaintive".

* * *

Illustrations musicales :

- Une siguiriya interprétée par l'illustre Manuel Torres, il y a une centaine d'années, du temps de la jeunesse de Lorca. Le fameux "cri" introductif de ce chant profond est repérable entre la minute 0 :34 et 0: 46.  https://www.youtube.com/watch?v=skLjjzw8aH8

- Une compilation d'anciennes "complaintes" de Grèce-Turquie", qui commencent toutes par l'interjection "aman !" https://www.youtube.com/watch?list=PLi1ChJUtSaiokDxm2yiyJSu81TpHyKXgM&time_continue=7&v=sC5jzgY37qI

 

 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Le 20/12/2018 à 12:19, tison2feu a dit :

Nous sentons également que Lorca exerce plus que jamais son talent de dramaturge. Le lecteur, ou le spectateur, est placé d'emblée - in media res - au milieu d'une action mystérieuse, les événements qui précèdent n'étant relatés qu'ultérieurement (dans les poèmes qui suivront).

Un cri terrible occupe tout l'espace extérieur, visuel et auditif, mais ne dit rien pourtant du monde intérieur du chanteur. La parenthèse figurant à la fin du poème, qui renferme une indication scénique, comme lors d'une représentation théâtrale, tente de suppléer partiellement à cet aspect elliptique du cri : des gitans sortent leurs lampes, témoins muets d'une tragédie.

Ce cri primitif de la siguiriya, qui chante la "Peine" du peuple gitano-andalou, obéit à l'accumulation de faits historiques séculaires qui se déroulèrent avant même l'arrivée des Gitans dans la péninsule ibérique. Il se trouve que le caractère intime de ce cri a coincidé avec celui du peuple gitan si éloigné géographiquement.

Je me demande si un phénomène musical semblable ne s'est pas produit, dans une certaine mesure, de l'autre côté de la Méditerranée, en Grèce, Turquie, Anatolie, avec l'apparition au XVIIe s. des "amanedes" (ou "manedes") qui sont généralement qualifiés de complaintes. L’"amanes" (ou "manes") est un solo vocal improvisé. Aman est un mot turco-persan d’origine arabe qui signifie "miséricorde, grâce, pitié". L’interjection aman exprime la passion (pathos), essentiellement la souffrance et la compassion, tout comme le "¡ ay !" andalou. De même, La siguiriya était appelée à l'origine playera, signifiant "la plaintive".

* * *

Illustrations musicales :

- Une siguiriya interprétée par l'illustre Manuel Torres, il y a une centaine d'années, du temps de la jeunesse de Lorca. Le fameux "cri" introductif de ce chant profond est repérable entre la minute 0 :34 et 0: 46.  https://www.youtube.com/watch?v=skLjjzw8aH8

- Une compilation d'anciennes "complaintes" de Grèce-Turquie", qui commencent toutes par l'interjection "aman !" https://www.youtube.com/watch?list=PLi1ChJUtSaiokDxm2yiyJSu81TpHyKXgM&time_continue=7&v=sC5jzgY37qI

 

 
J’ai lu, toujours avec beaucoup d’intérêt, les analyses que vous faites sur chacun des poèmes de Lorca.
J’ai aussi écouté attentivement les illustrations musicales que vous proposez. Je voudrais vous soumettre celles qui suivent et qui me semblent aussi illustrer le « cri » dont il est question.

Tout d’abord un classique de la musique al-andaloussi, musique arabo-andalouse « Chams Al-Achia » : Soleil du soir. Je n’ai pas trouvé le chant dans sa pureté originale. Celui que je propose est interprété par la chanteuse marocaine Nabyla Maan qui diffère quelque peu car y sont ajoutées des sonorités jazzy.

Le deuxième chant est interprété par Öykü et Berk Gürman, un groupe musical turc qui a porté dans leur pays les rythmes du flamenco : « Evlerinin önü Boyali Direk » : Las casas de los palos pintados, et approximativement  Il y a un pilier peint juste devant leur maison. Ce chant me semble aussi reprendre le « cri » dans cette ancienne chanson andalouse interprétée en turc.
 
 
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tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Le 22/12/2018 à 13:05, satinvelours a dit :
 
J’ai lu, toujours avec beaucoup d’intérêt, les analyses que vous faites sur chacun des poèmes de Lorca.
J’ai aussi écouté attentivement les illustrations musicales que vous proposez. Je voudrais vous soumettre celles qui suivent et qui me semblent aussi illustrer le « cri » dont il est question.

Tout d’abord un classique de la musique al-andaloussi, musique arabo-andalouse « Chams Al-Achia » : Soleil du soir. Je n’ai pas trouvé le chant dans sa pureté originale. Celui que je propose est interprété par la chanteuse marocaine Nabyla Maan qui diffère quelque peu car y sont ajoutées des sonorités jazzy.

Le deuxième chant est interprété par Öykü et Berk Gürman, un groupe musical turc qui a porté dans leur pays les rythmes du flamenco : « Evlerinin önü Boyali Direk » : Las casas de los palos pintados, et approximativement  Il y a un pilier peint juste devant leur maison. Ce chant me semble aussi reprendre le « cri » dans cette ancienne chanson andalouse interprétée en turc.
 
 

 

Merci pour ces deux exemples de chants qui attestent en effet la présence de nombreuses modulations, notamment grâce à l'allongement des voyelles ou même des syllabes, si abondant dans la musique flamenca. Néanmoins, le "cri" à proprement parler des chants profonds gitano-andalous figure quant à lui dès le début du chant, ce qui n'est pas le cas dans ces deux exemples.

Dans le cas de la très riche musique arabo-andalouse, et plus généralement de la musique arabe ou juive, il est à noter que le chant et la musique instrumentale sont au service du texte et entièrement conditionné par lui, et tout excès d'ornementation est à proscrire (1); il s'agit d'une conception religieuse commune qui s'oppose absolument à l'esprit beaucoup plus libre et mélismatique du flamenco de base. Cette ornementation de type oriental, très présente dans la musique gitano-andalouse, mais aussi parfois dans la musique folklorique espagnole, semblerait donc remonter, selon le musicologue Bernard Leblon, à une période antérieure à l'Islam ; cela n'a pas empêché la musique flamenca de faire appel à la musique arabe, et vice-versa.

L'exemple de ce groupe musical turc me semble une belle réussite dans la mesure où les canons de la rumba gitane (d'origine cubaine) sont ici parfaitement respectés. Ce style festif constitue une image standardisée abondamment diffusée hors d'Espagne; c'est d'ailleurs pratiquement l'unique style flamenco qui passe en France avec quelques succès (groupe des Gipsy King).

Aux yeux de Bernard Houblon, cet aspect mélismatique très élaboré est la caractéristique majeure du chant gitano-andalou et nous le retrouvons également dans la musique tsigane (loki dili de Hongrie ou chant long non mesuré). Houblon propose d'appeler "lalie" la suite de syllabes mélodiques sans significations particulières (B. Houblon, Musiques tsiganes et flamenco) ; une lalie peut se trouver soit en début, soit à la fin d'un vers, ou encore au milieu.

 

(1) Voici un exemple de musique juive séphardique du Maroc qui montre bien à quel point les ornementations mélismatiques y sont absentes. Les paroles sont en espagnol ancien, mais tout à fait compréhensibles. Ce chant me fait penser avant tout à une musique médiévale https://www.youtube.com/watch?v=1tLwuFFMIgg

Afin de bien saisir en quoi consiste une "lalie", on peut écouter les paroles d'une chanson française (entendue hier soir lors d'une émission TV !), interprétée par le sympathique Jérémy Frérot. Une "lalie" est identifiable à la minute 0: 25, et porte sur la voyelle È du mot "caresse" : https://www.youtube.com/watch?v=bSVB3pSxqH0

 

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tison2feu Membre 3 032 messages
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Rectification : il fallait lire "musique juive séfarade" et non "séphardique" (je me suis fait piéger par la titre anglais de la video où est utilisé le terme "sephardic" !).

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tison2feu Membre 3 032 messages
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Rectification : En réécoutant le morceau turc mentionné plus haut, je me suis rendu compte qu'il s'agit non pas d'une rumba, mais d'une version très modernisée de tango gitan. Pour me faire pardonner, et afin de mieux faire connaître le rythme traditionnel des tangos gitans ou des tientos (= tangos lents), voici des tangos & tientos interprétés par la phénoménale Paquera de Jerez. Un "¡ ay !" d'une puissance hors du commun est repérable entre la minute 0: 53 et 1: 23 ; on y note 3 types d'interjections :  ay , anda et ole !

https://www.youtube.com/watch?v=lb5ooM27GQk

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Soneto 

Con alas y flechas

Largo espectro de plata conmovida 
el viento de la noche suspirando, 
abrió con mano gris mi vieja herida 
y se alejó: yo estaba deseando. 

Llaga de amor que me dará la vida 
perpetua sangre y pura luz brotando. 
Grieta en que Filomena enmudecida 
tendrá bosque, dolor y nido blando. 

¡Ay qué dulce rumor en mi cabeza! 
Me tenderé junto a la flor sencilla 
donde flota sin alma tu belleza. 

Y el agua errante se pondrá amarilla, 
mientras corre mi sangre en la maleza 
olorosa y mojada de la orilla. 

 

Traduction : Lionel- Édouard Martin

Spectre considérable agité d’argenture
la brise de la nuit venue dans un soupir
d’une main grise ouvrit mon ancienne blessure
et puis s’en fut ; m’allait emplissant le désir.

Meurtrissure d’amour qui me donnera vie
sang jamais épuisé, source de clarté pure.
Fissure où Philomène amuïe de tout cri
aura forêt, douleur et câlines ramures.

Quelle douce rumeur s’empare de ma tête !
Je me tiendrai tout près de cette fleur discrète
où d’âme dépourvue ta vénusté louvoie.

Et l’eau des rus errants se teindra de doré
tandis que coulera mon sang dans les sous-bois
empreints d’odeurs et de mouillure de l’orée.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Autre traduction du Sonnet : André Belamich

Spectre d’argent aux franges qui frémissent
la brise de la nuit en soupirant
rouvre ma vieille plaie de sa main grise
et s’éloigne : je reste pantelant.

Douleur d’amour d’où rejaillit la vie,
puits éternel de lumière et de sang,
retraite où Philomèle muette et triste
trouve son nid, ses bois et son tourment.

Ah, quelle douce rumeur dans ma tête !
Je m’étendrai près de la fleur naïve
où flottera sans âme ta beauté,

et là, tandis que blondira l’eau vive,
mon sang se répandra par la jonchaie
humide et odorante de la rive.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Arbolé, arbolé 

seco y verdé. 

 

La niña del bello rostro 

está cogiendo aceituna. 

El viento, galán de torres, 

la prende por la cintura. 

 

Pasaron cuatro jinetes 

sobre jacas andaluzas 

con trajes de azul y verde, 

con largas capas oscuras. 

 

«Vente a Córdoba, muchacha». 

La niña no los escucha. 

 

Pasaron tres torerillos 

delgaditos de cintura, 

con trajes color naranja 

y espadas de plata antigua. 

 

«Vente a Sevilla, muchacha». 

La niña no los escucha. 

 

Cuando la tarde se puso 

morada, con luz difusa, 

pasó un joven que llevaba 

rosas y mirtos de luna. 

 

«Vente a Granada, muchacha». 

Y la niña no lo escucha. 

 

La niña del bello rostro 

sigue cogiendo aceituna, 

con el brazo gris del viento 

ceñido por la cintura. 

 

Arbolé arbolé 

seco y verdé.

 

Traduction: Bernard Lorraine

Arbrisseau, arbrisseau.

La jeune fille au beau visage
Est là, à ccueillir des olives ;
Le vent qui courtise les tours
Vient à la prendre par la taille.

Ont passé quatre cavaliers
Sur petits chevaux andalous,
Habillés d’azur et de vert
Sous leurs vastes capes foncées.

« Pour Cordoue , mets-toi vite en route ! »
Mais la fille ne les écoute.

Ont passé trois toréadors
Tout jeunes, et la taille fine, 

En costume couleur d’orange
Avec épées de vieil argent.

« Pour Séville, mets-toi vite en route ! »
Mais la fille ne les écoute

Lorsque le soir tourne au violet
Dans une lumière diffuse,
Passe un jeune homme qui portait
Des roses, des myrtes de lune.

« Pour Grenade vie, mets-toi vite en route ! »
Mais la fille ne les écoute.

La fille au visage charmant

Continue à cueillir l’olive 
Tandis que le bras gris du vent
Par la taille la tienne captive.

 

Autre traduction : Pierre Darmangeat

Arbrisseau sec et vert
arbrisseau.

Elle cueille les olives
la fillette au beau visage.

Le vent, vert-galant des tours,
l’a saisie par la taille.

Passent quatre cavaliers
sur des juments andalouses
en costumes bleus et verts
avec leur cape en velours.

– La belle, viens à Cordoue.
Mais elle ne les écoute.

Passent trois torerillos
minces de taille et pimpants.
Leurs habits sont orangés
leur épée en viel argent.

– La belle, viens à Cordoue.
Mais ça ne les écoute.

Et lorsque le soir violet
pâlit dans le jour diffus,
vint un garçon qui portait
roses et myrtes de lune.

– La belle, viens à Grenade.
Mais elle n’écoute pas.

Elle cueille les olives
la fillette au beau visage
avec le bras gris du vent
serré autour de sa taille.

Arbrisseau sec et vert
arbrisseau.
 

« Le vent comme recours poétique dans l’oeuvre de Lorca présente une série de facettes et de variantes dont l’intérêt jusqu’à maintenant a été peu étudié. Nous pensons que cela est en partie dû à la popularité de certains poèmes dans lesquels le vent apparaît dans un contexte erotique ; ce qui a contribué à fixer l’élément comme symbole de la libido. » ( Autre aspect du vent dans l’oeuvre de Federico García Lorca- Ruth Hyéndez Alder).

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satinvelours Membre 3 006 messages
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¡AY!

El grito deja en el viento
una sombra de ciprés.

 (Dejadme en este campo,
llorando).

 Todo se ha roto en el mundo.
No queda más que el silencio.

 (Dejadme en este campo,
llorando).

 El horizonte sin luz
está mordido de hogueras.

(Ya os he dicho que me dejéis
en este campo,
llorando).

 

Traduction A. Bial

 Ay! 

Le cri abandonne au vent 
l'ombre des cyprès. 

(Laissez moi dans cette campagne, 
en pleurs.) 

Tout est détruit dans le monde. 
Il ne reste que le silence. 

(Laissez moi dans cette campagne, 
en pleurs.) 

L'horizon sans lumière
est dévoré par les incendies. 

(Je vous ai dit de me laisser
dans cette campagne, 
en pleurs.)


Traduction : Pierre Demangeat

Aïe !

Le cri laisse dans le vent
une ombre de cyprès.

(Laissez moi dans ce champ,
pleurer.)

Tout s’est brisé dans le monde.
Il ne reste que le silence.

(Laissez moi dans ce champ,
pleurer.)

L’horizon sans lumière
est mordu de brasiers.

(Je vous ai dit de me laisser
dans ce champ,
pleurer.)

 

« La douleur prend chair dans et par le chant.
Qu’il soit cri, cordes frottées ou cordes pincées, le chant n’est donc pas seulement sonore : il est un corps. Il laisse une ombre derrière lui. À force de densification, il se mue en sujet, devient invisible, palpable.
L’ombre portée du cri a, naturellement, à voir avec la mort : le cyprès, symbole mortuaire, n’apparaît pas ici de façon anodine. »  ( La guitare fait pleurer les songes : Thomas Le Colleter. Université Paris IV–Sorbonne).

 

https://www.youtube.com/watch?v=zhaasbl8L7c

 

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Encrucijada


Viento del Este;
un farol
y el puñal
en el corazón.
La calle
tiene un temblor
de cuerda
en tensión,
un temblor
de enorme moscardón.
Por todas partes
yo
veo el puñal
en el corazón.

  Traduction : Pierre Darmangeat

Carrefour

Vent de l’Est ;
un réverbère
et le poignard
dans le cœur.
La rue vibre
comme une corde
tendue,
elle vibre
comme une mouche énorme.
De toute parts
je
vois le poignard
dans le cœur. 

Autre traduction : Thomas Le Colleter (?)

Vent d’Est,
un fanal
et le poignard
en plein cœur.
La rue
a le tremblement
d’une corde en tension,
le tremblement
d’un frelon énorme.
Partout
oui
je vois le poignard
en plein cœur.

 
C’est ce travail de concrétion du sentiment dans l’espace que se livre, de manière emblématique, le poème « Encrucijada ».
À partir de l’énonciation de trois éléments symboliques, simplement présentés, énumérés (sans verbe), Lorca parvient à une forme de dramatisation, d’épure du sentiment d’angoisse. Le poème s’oriente vers la cristallisation obsessionnelle de l’image du « poignard en plein cœur », qui finit par occuper tout l’espace mental. Dans ce théâtre, aucun renvoi n’est fait au référent ; le poème nous met sous les yeux une réalité psychique, il l’incarne. Dans cette tentative d’appréhension de l’essence du sentiment, le résidu est purement musical ; autour de l’image du poignard dans le cœur en effet, ne persiste que la perception auditive : le tremblement d’une corde en tension (celle d’un violon ? d’une guitare ?) qui s’apparente au bourdonnement d’un  frelon énorme. ( La guitare fait pleurer les songes )

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Barrio de Córdoba

Tópico nocturno


En la casa se defienden
de las estrellas.
La noche se derrumba.
Dentro hay una niña muerta
con una rosa encarnada
oculta en la cabellera.
Seis ruiseñores la lloran
en la reja.

Las gentes van suspirando
con las guitarras abiertas.

 

Traduction : Pierre Darmangeat 

Quartier de Cordoue
Topique nocturne

Dans la maison, l’on se défend
des étoiles.
La nuit s’effondre.
À l’intérieur est une enfant morte
avec une rose rouge
cachée dans sa chevelure.
Six rossignols la pleurent
sur la grille de la fenêtre.

Les gens soupirent 
avec leurs guitares ouvertes.


Autre traduction : Thomas Le Colleter (?)

On se protège des étoiles
dans la maison.
La nuit s’effondre.
À l’intérieur, il y a une enfant morte
Avec une rose écarlate 
cachée dans les cheveux.

Six rossignols
pleurent aux grilles.

Des gens soupirent
avec les guitares ouvertes.

 

Ce poème illustre avec une acuité particulière ce lien profond du chant et de la mort. Le cante naît de l’expérience du deuil.

Au centre du poème, au cœur de la maison, « la niña muerta » rayonne comme point focal et origine du chant. C’est elle qui suscite dans la suite du poème le chant des rossignols et le soupir des guitares ; c’est par elle que la guitare va venir répondre au repli initial de l’espace sur lui-même, à la nuit effondrée, par l’ouverture du chant, les « guitarras abiertas ».

 On assiste au même phénomène de concentration sous l’effet de la mort, puis la résolution en musique, dans le poème « Muerte de la Petenera (cité plus haut p.6).

 La mort dans la maison ; elle exerce son pouvoir d’attraction comme un trou noir, en attirant à elle tout l’espace alentour : les ombres effilées dessinent un mouvement de resserrement de l’espace et de convergence vers le point nodal de la maison, lieu de l’agonie de la chanteuse. De ce phénomène de resserrement naît le chant. Tout se passe comme si le son de la guitare n’éclatait ( « se rompe ») qu’au prix d’une extrême concentration de l’espace, suscitée à son tour par l’expérience de la mort.

 Le rapport privilégié que les musiciens entretiennent avec la mort leur donne un statut à part. Lorca confère en effet aux différents chanteurs qui peuplent son Poème une véritable dimension de mythification ( La guitare fait pleurer les songes).

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Baladilla de los tres rios
A Salvador Quinteros

El río Guadalquivir
va entre naranjos y olivos.
Los dos ríos de Granada
bajan de la nieve al trigo.

 ¡Ay, amor
que se fue y no vino!

El río Guadalquivir
tiene las barbas granates.
Los dos ríos de Granada
uno llanto y otro sangre.

 ¡Ay, amor
que se fue por el aire!

 Para los barcos de vela,
Sevilla tiene un camino;
por el agua de Granada
sólo reman los suspiros.

 ¡Ay, amor
que se fue y no vino!

 Guadalquivir, alta torre
y viento en los naranjales.
Dauro y Genil, torrecillas
muertas sobre los estanques,

 ¡Ay, amor
que se fue por el aire!

 ¡Quién dirá que el agua lleva
un fuego fatuo de gritos!

 ¡Ay, amor
que se fue y no vino!

 Lleva azahar, lleva olivas,
Andalucía, a tus mares.

 ¡Ay, amor
que se fue por el aire!

 

Traduction : Pierre Darmangeat

Le fleuve Guadalquivir
va parmi oranges et olives. 
Les deux rivières de Grenade 
descendent de la neige au blé.

Hélas, amour
qui s’en fut et ne vint !


Le fleuve Guadalquivir
a la barbe grenat.
Des rivières de Grenade, 
l’une pleure et l’autre saigne. 

Hélas, amour
qui s’en fut dans l’air !


Pour les bateaux à voiles, 
Séville a un chemin ;
mais dans l’eau de Grenade 
rament seuls les soupirs. 

Hélas, amour
qui s’en fut et ne vint ! 


Guadalquivir, haute tour
et vent dans les orangers. 
Darro et Genil, tourelles 
mortes sur les étangs. 

Hélas, amour
qui s’en fut dans l’air !


Qui dira que l'eau emporte 
un feu follet de cris ! 

Hélas, amour
qui s’en fut et ne vint ! 


Porte la fleur d'orange, porte l'olive,
Andalousie, à tes mers. 

Hélas, amour
qui s’en fut dans l’air.

 

Le son lorquien est aussi un son enfoui, caché dans les feuilles et l’obscurité, d’où il jaillit. Et l’Andalousie toute entière en témoigne juste dans ses fleuves.
Le cri crépite ; il est Loiseau et il est le feu. Si « l’eau apporte un feu follet de cris », la convocation par Lorca de cette nature chargée de musique fait également signe à son maître et ami Manuel de Falla, auteur de El amor brujo de la fameuse danse du « fuego fatuo » (feu follet) : on ne peut pas croire que la citation soit ici inconsciente.

 

https://www.youtube.com/watch?v=7BP7nIpjNs0

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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"Mario Castelnuovo-Tedesco est surtout connu pour ses pièces pour guitare classique. Sa musique puise souvent sa source d'inspiration dans la littérature ou se marie souvent avec la poésie et la scène".

https://www.youtube.com/watch?v=XoT10SfYCdg

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Café cantante 

Lámparas de cristal
y espejos verdes.

Sobre el tablado oscuro,
la Parrala sostiene
una conversación
con la muerte.
La llama
no viene,
y la vuelve a llamar.
Las gentes
aspiran los sollozos.
Y en los espejos verdes,
largas colas de seda
se mueven.

Traduction : Pierre Darmangeat

Café-Concert

Lampes de cristal
et miroirs verts.

Sur l’estrade obscure,
la Parrala tient
une conversation
avec la mort.
La flamme
ne vient pas,
elle l’ appelle à nouveau.
Le public
aspire les sanglots.
Et dans les miroirs verts
de longues traînes de soie
se meuvent.

 

À travers la présence magnétique de la cantaora, le cante se fait médium psychopompe, lien unissant les deux mondes. La chanteuse tutoie la mort sur la scène obscure. C’est cela qui rend le cri si terrible  : le chant apparaît comme l’expression directe de cette « conversation avec la mort ». Thomas Le Colleter

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Camino

Cien jinetes enlutados,
¿dónde irán,
por el cielo yacente
del naranjal?
Ni a Córdoba ni a Sevilla
llegarán.
Ni a Granada la que suspira
por el mar.
Esos caballos soñolientos
los llevarán,
al laberinto de las cruces
donde tiembla el cantar.
Con siete ayes clavados,
¿dónde irán,
los cien jinetes andaluces
del naranjal?

Traduction : Pierre Darmangeat 

Chemin

Cent cavaliers en deuil,
où s’en vont-ils,
par le ciel gisant,
de l’orangeraie ?
Ni à Cordoue ni à Séville
n’arriveront.
Ni à Grenade qui soupire
après la mer.
Ces chevaux somnolents
les mèneront 
au labyrinthe du calvaire
où tremble le cantar.
Percés de leurs sept plaintes,
où s’en vont-ils,
les cavaliers andalous
de l’orangeraie ?

Le cante jondo , chant du monde, trouve donc un écho particulier dans la sensibilité du jeune Lorca. Celui-ci va l’associer à un certain nombre d’obsessions personnelles, au premier rang desquelles la thématique de l’errance. Mais la convocation du cante dans ces thématiques vient les bouleverser de l’intérieur. L’isotopie de l’errance immobile et de l’horizon sans fin trouve en effet dans le poème « Camino » une forme de résolution, de par l’incursion du chant dans l’espace du poème. Dans un premier temps, on assiste au constat pessimiste de cheminement sans fin.
Les villes apparaissent comme points de fuite, horizons inatteignables, et les cavaliers « ont beau connaître la route, il n’arriveront jamais à Cordoue ». Le paysage se dérobe perpétuellement, les protagonistes ont entrepris un voyage sans arrivée, effectué sous le regard de la mort : Lorca déploie ici un thème habituel. Mais le cheminement cette fois, in extremis, ne se résout pas dans l’expression d’une errance stérile : au cœur de l’expérience du non-lieu et du labyrinthe-cimetière, les cavaliers arriveront au chant.
Ce que dit Lorca ici, c’est bien la résolution de la plainte en musique, sa transfiguration pour ainsi dire. La musique pleure ; mais elle apparaît comme expression privilégiée et adéquate d’un rapport au manque – puisqu’elle est aboutissement, là où l’errance, comme le mouvement de la flèche, était sans fin. Elle sublime la Pena en chant, l’incarne, et dès lors, la canalise. (T. Le Colleter)

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