Aller au contenu

« Boire un grand bol de sommeil noir... »

Noter ce sujet


satinvelours

Messages recommandés

Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)
Il y a 17 heures, satinvelours a dit :

Je ne peux que vous remercier pour votre brillante analyse. Je vois que, comme moi, certaines traductions ne vous satisfont pas. Je dis toujours : traduire c'est trahir. Et là vous venez d'en faire l’éclatante  démonstration. 
 

Les traductions devraient être accompagnées de notes explicatives et justificatives. Cela semble indispensable à plus forte raison lorsque le traducteur travaille sur deux langues se faisant écho de représentations du monde parfois diamétralement opposées. Voici par exemple un poème bouleversant de Chen Zi-ang, poète chinois des Tang (VIIIe s.) :

 

Traduction mot à mot par François Cheng (L’Ecriture poétique chinoise)

 

 登幽州臺歌                     Du haut de la terrasse de You-zhou

  陳子昂                           Chen Zi-ang

 

前不見古人,                   Devant ne pas voir / homme ancien

後不見來者。                   Derrière ne pas voir / homme à venir

念天地之悠悠,                Penser ciel-terre / lointain-lointain

獨愴然而涕下。                 Seul affligé / fondre en larmes

 

 

Traduction réajustée  :

                                         Du haut de la terrasse de You-zhou

                                         Derrière, je ne vois pas l'homme passé
                                         Devant, je ne vois pas l'homme à venir (1)
                                         Songeant au ciel-terre vaste et sans fin
                                         Solitaire, amer, je fonds en larmes.

 

(1) Note de F. Cheng : Le lecteur aura remarqué que, par rapport au mot à mot, nous avons inversé l’ordre de « devant » et de « derrière », cela pour être conforme à la vision d’un homme occidental. Celui-ci voit en effet l’homme passé derrière soi et l’homme à venir devant soi. L’homme chinois, lui, se place d’instinct dans la grande lignée humaine ; ainsi, il voit ceux qui l’ont précédé devant soi et il se voit entrainer derrière soi ceux qui vont venir. Par cette note, nous faisons donc part d’une de nos réflexions sur la traduction : comment réajuster la conception du temps, de l’espace et du rapport aux choses lorsqu’on passe d’une langue à l’autre.

 

 

 

 

Modifié par tison2feu
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Le 02/12/2018 à 12:34, tison2feu a dit :

Les traductions devraient être accompagnées de notes explicatives et justificatives. Cela semble indispensable à plus forte raison lorsque le traducteur travaille sur deux langues se faisant écho de représentations du monde parfois diamétralement opposées.

 

La poésie chinoise, est un autre monde qui s'offre à nous. La pensée chinoise est si différente de la pensée occidentale !
François Cheng est un admirable traducteur de cette pensée. Passionné par la culture et la poésie françaises, il est à même de nous fait saisir le raffinement, la quintessence  de la poésie chinoise.

(A lire du même: "Cinq méditations sur la beauté")

Modifié par satinvelours
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Anónimo

No me mueve, mi Dios, para quererte 
el cielo que me tienes prometido, 
ni me mueve el infierno tan temido
para dejar por eso de ofenderte. 

Tú me mueves, Señor, muéveme el verte 
clavado en una cruz y escarnecido, 
muéveme ver tu cuerpo tan herido, 
muévenme tus afrentas y tu muerte. 

Muéveme, en fin, tu amor, y en tal manera, 
que aunque no hubiera cielo, yo te amara, 
y aunque no hubiera infierno, te temiera. 

No me tienes que dar porque te quiera, 
pues aunque lo que espero no esperara,
lo mismo que te quiero te quisiera. 

 

Traduction

Anonyme

Mon Dieu, ce qui m’incline à vous aimer
N’est pas le ciel que vous m’avez promis,
Et ce n’est pas la crainte de l’enfer
Qui me retient de ne vous offenser.

C’est vous-même, Seigneur, c’est de vous voir
Cloué en croix, objet de moquerie ;
C’est de voir votre corps si lacéré,
Les outrages subis et votre mort ;

 
C’est l’amour pour vous-même, en telle sorte
Que, sans le ciel, je vous adorerais
Et sans l’enfer, je vous redouterais ;

Point n’est besoin de don à mon amour.
Car si je n’espérais ce que j’espère,
Je vous aimerais comme je vous aime.
 

Ce sonnet est sans doute l’un des plus beaux de la poésie du Siècle d’or espagnol. Il a été attribué à saint François-Xavier, à saint Ignace de Loyola, à sainte Thérèse d’Avila à  fray Pedrode los Reyes. Extraordinaire produit d’une écriture si partagée qu’elle est de tous, mais si authentiquement individuelle qu’on n’y reconnaît vraiment personne, le sonnet anonyme est à la poésie sacré ce que sont à la peinture le Christ en Croix de Velásquez (16131) et le Christ de Saint-Jean de Lacroix de Salvador Dali (19151). Il a été publié pour la première fois dans la Vida del espiritu des Antonio de Rojas (Madrid, 1629). Mathilde Pomès Anthologie.

 

« Le sonnet anonyme A Cristo crucificado, également connu par son vers initial No me mueve, mi Dios, para quererte, est l’un des joyaux de la poésie mystique espagnole.
Son auteur est inconnu mais quelques experts l’attribuent à Juan de Ávila.
Il fut imprimé pour la première fois en 1628 dans le livre du docteur madrilène Antonio de Rojas Vida del espíritu, bien que l’on pense qu’il ait circulé longtemps auparavant dans une version manuscrite.
Selon le franciscain Ángel Martin, « le style est direct, énergique, presque pénitentiel. Ce n’est pas la beauté imaginative du langage qui définit ce sonnet, mais la force avec laquelle il renonce à tout ce qui n’est pas aimer celui qui, par amour, a laissé détruire son corps.
Le langage, en renonçant aux ornements du langage figuré, adhère, dans une conjonction admirable, d’une façon robuste et décharnée, à la nudité mystique du contenu. »

(Je n'ai pas trouvé d'autres traductions satisfaisantes.)

 
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)
Il y a 9 heures, satinvelours a dit :

La poésie chinoise, est un autre monde qui s'offre à nous. La pensée chinoise est si différente de la pensée occidentale !
François Cheng est un admirable traducteur de cette pensée. Passionné par la culture et la poésie françaises, il est à même de nous fait saisir le raffinement, la quintessence  de la poésie chinoise.

(A lire du même: "Cinq méditations sur la beauté")

J'aimerais néanmoins insister sur le fait que, en dépit de l'appréhension spatio-temporelle diamétralement opposée d'un Chinois et d'un Occidental, le monde dont il est en question dans le poème de Chen Zi-ang est pourtant exactement le même monde vécu qui peut s'offrir à un Occidental ! 

C'est cela qui me bouleverse chez ce poète chinois : sa capacité à inscrire son expérience existentielle dans l'horizon de l'humanité toute entière, et à constater l'impuissance de toutes les sagesses du monde passées et à venir face aux guerres passées et à venir, aux sempiternelles injustices et à la barbarie toujours triomphante.

Que le Chinois voit le passé devant lui, ou que l'Occidental voit le passé derrière lui ne change rien à l'affaire. La destinée de l'humanité n'en est pas moins désespérante aux yeux du poète, comme elle peut l'être aux yeux d'un Occidental. Ce poème acquiert ici une dimension universelle vraiment extraordinaire, et quelles que soient les représentations ponctuelles du monde de tout un chacun.

Modifié par tison2feu
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Alma Ausente
Llanto por Ignacio Sánchez Mejías 

 No te conoce el toro ni la higuera,
ni caballos ni hormigas de tu casa.
No te conoce el niño ni la tarde
porque te has muerto para siempre.

No te conoce el lomo de la piedra,
ni el raso negro donde te destrozas.
No te conoce tu recuerdo mudo
porque te has muerto para siempre.

 El Otoño vendrá con caracolas,
uva de niebla y montes agrupados
pero nadie querrá mirar tus ojos
porque te has muerto para siempre.

 Porque te has muerto para siempre,
como todos los muertos de la Tierra,
como todos los muertos que se olvidan
en un montón de perros apagados.

No te conoce nadie. No. Pero yo te canto.
Yo canto para luego tu perfil y tu gracia.
La madurez insigne de tu conocimiento.
Tu apetencia de muerte y el gusto de su boca.
La tristeza que tuvo tu valiente alegría.

Tardará mucho tiempo en nacer, si es que nace,
un andaluz tan claro, tan rico de aventura.
Yo canto su elegancia con palabras que gimen
y recuerdo una brisa triste por los olivos.

 

Traduction

Âme absente

 A mi querida amiga Encarnación López Júlvez

 Ni le taureau ni le figuier ne te connaissent,
ni les chevaux ni les fourmis de ta maison.
Ni l’enfant ni le soir ne te connaît
parce que tu es mort pour toujours.

 Ni l’arrête de la pierre ne te connaît,
ni le satin noir où tu te défais,
ni ton souvenir muet ne te connaît
parce que tu es mort pour toujours.

 L’automne viendra avec ses conques,
raisins de nuages et cimes regroupées,
Mais nul ne voudra regarder dans tes yeux
parce que tu es mort pour toujours.

 Parce que tu es mort pour toujours,
comme tous les morts de la Terre,
comme tous les morts qu’on oublie
dans un amas de chiens éteints.

 Nul ne te connaît plus. Non. Pourtant, moi, je te chante.
Je chante pour des lendemains ton allure et ta grâce.
La maturité insigne de ton savoir.
Ton appétit de mort et le goût de sa bouche.
La tristesse que cachaient ta joie et ta bravoure.

 Il tardera longtemps à naître, s’il naît un jour,
un Andalou si noble, si riche d’aventures.
Je chante son élégance sur un ton de plainte
et je me souviens d’une brise triste dans les oliviers.

 
Traduction originale du poème en français; Sylvie Corpas et Nicolas Pewny:
Traduction agrée par la Fondation et les héritiers de García Lorca.
 


Autre traduction (Pierre Darmangeat)

Ni le taureau ni le figuier ne te connaissent,
Ni les chevaux ni les fourmis de ta maison.
L’enfant ne te connaît ni la soirée
Parce que tu es mort pour toujours.

Ne te connaît le dos de la pierre,
Ni le satin noir ou tu te déchires.
Plus ne te connaît ton souvenir muet
Parce que tu es mort pour toujours.

Viendra l’automne avec les coques-fleurs,
Raisins de brume et montagnes en groupe,
Mais ne voudra personne regarder tes yeux
Parce que tu es mort pour toujours.

Parce que tu es mort pour toujours,
Comme tous les morts de la Terre,
Comme tous les morts qu’on oublie
Dans un amoncellement de chiens éteints.

Nul ne te connaît plus. Non. Mais je te chante.
Je chante pour plus tard ta silhouette et ta grâce.
L’insigne maturité de ta connaissance.
Ton appétit de mort et le goût de sa bouche.
La tristesse qu’éprouva ta vaillante allégresse.

De longtemps ne naîtra, si toutefois il naît,
Un Andalou si clair, si riche d’aventures.
Je chante son élégance en des mots qui gémissent,
Et me rappelle une brise triste dans les Oliviers.

Modifié par satinvelours
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Champ funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías 

Lorca n’a pas assisté à la funeste corrida du 11 août 1934, où son ami Ignacio Sánchez Mejías âgé de 43 ans, est mortellement blessé, dans les arènes de la petite ville de Manzanares.
Ignacio s’était retiré de l’arène en 1927 : au moment de l’hommage à Góngora, il avait invité, dans sa propriété de Séville, le groupe des amis, poètes, artistes, essayistes qui devaient faire éclore le deuxième siècle d’or de la poésie espagnole. Mécène, grand lecteur de littérature, amateur éclairé de cante jondo, auteur d’une pièce de théâtre, Ignacio incarnait au plus haut degré la gracia andalouse, la culture, le courage et, face à la mort, l’élégance et le drame. Le chant est dédié à la Argentinita, Encarnación López Júlvez, compagne du torero, danseuse et chanteuse, pour qui Lorca harmonise des chansons populaires.
En 1950, Maurice Ohana, qui avait été en 1936 l’accompagnateur au piano de la Argentinita, met en musique le « Chant funèbre… ». L’œuvre est créée,  le 22 mai 1950, à la Sorbonne ; le récitant en est l’hispaniste Maurice Molho.
Le chant est rigoureusement construit en quatre parties...
Absence de l’âme [la dernière des quatre parties], oppose à la disparition définitive et à l’oubli la permanence du chant et de la tristesse du vent dans les oliviers.
Aguilar, Poésies III.

Modifié par satinvelours
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)
Le 05/12/2018 à 19:18, satinvelours a dit :

Champ funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías 

Lorca n’a pas assisté à la funeste corrida du 11 août 1934, où son ami Ignacio Sánchez Mejías âgé de 43 ans, est mortellement blessé, dans les arènes de la petite ville de Manzanares.
Ignacio s’était retiré de l’arène en 1927 : au moment de l’hommage à Góngora, il avait invité, dans sa propriété de Séville, le groupe des amis, poètes, artistes, essayistes qui devaient faire éclore le deuxième siècle d’or de la poésie espagnole. Mécène, grand lecteur de littérature, amateur éclairé de cante jondo, auteur d’une pièce de théâtre, Ignacio incarnait au plus haut degré la gracia andalouse, la culture, le courage et, face à la mort, l’élégance et le drame. Le chant est dédié à la Argentinita, Encarnación López Júlvez, compagne du torero, danseuse et chanteuse, pour qui Lorca harmonise des chansons populaires.
En 1950, Maurice Ohana, qui avait été en 1936 l’accompagnateur au piano de la Argentinita, met en musique le « Chant funèbre… ». L’œuvre est créée,  le 22 mai 1950, à la Sorbonne ; le récitant en est l’hispaniste Maurice Molho.
Le chant est rigoureusement construit en quatre parties...
Absence de l’âme [la dernière des quatre parties], oppose à la disparition définitive et à l’oubli la permanence du chant et de la tristesse du vent dans les oliviers.
Aguilar, Poésies III.

Grâce et élégance... face à la force brute ou à la mort.

Pour s'en persuader, il suffit d'observer les gestes élégants et gracieux d'un toréador (Ignacio) ou ceux d'une danseuse de flamenco (La Argentinita). Lorca lui-même, si apte à faire un tour avec la grâce andalouse, douta quelques instants de sa capacité artistique à surmonter pareille tragédie et à parvenir à composer un chant élégiaque digne de ce nom.

Cette leçon d'humanisme pouvait sembler quelque peu surrréaliste à l'époque, quand on sait l'explosion de brutalités qui affectait alors l'Espagne. En 1934, La révolte des mineurs, dans les Asturies, fit près de 4000 morts, 7000 blessés et 30 000 arrestations et incarcérations, ce qui conduisit Lorca à annuler aussitôt son spectacle de la Barraca en signe de protestation.

La Argentinita interprétant une vieille chanson populaire, accompagnée au piano par Lorca https://www.youtube.com/watch?v=MLiK8NtQElc

 

 

Modifié par tison2feu
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Il y a 17 heures, tison2feu a dit :

Grâce et élégance... face à la force brute ou à la mort.

Pour s'en persuader, il suffit d'observer les gestes élégants et gracieux d'un toréador (Ignacio) ou ceux d'une danseuse de flamenco (La Argentinita). Lorca lui-même, si apte à faire un tour avec la grâce andalouse, douta quelques instants de sa capacité artistique à surmonter pareille tragédie et à parvenir à composer un chant élégiaque digne de ce nom.

Cette leçon d'humanisme pouvait sembler quelque peu surrréaliste à l'époque, quand on sait l'explosion de brutalités qui affectait alors l'Espagne. En 1934, La révolte des mineurs, dans les Asturies, fit près de 4000 morts, 7000 blessés et 30 000 arrestations et incarcérations, ce qui conduisit Lorca à annuler aussitôt son spectacle de la Barraca en signe de protestation.

La Argentinita interprétant une vieille chanson populaire, accompagnée au piano par Lorca https://www.youtube.com/watch?v=MLiK8NtQElc

 

 

Quel bonheur d’entendre la voix de la Argentinita ! Et que d’émotion quand on lit qu’elle est accompagnée au piano par Federico. Je ne connaissais pas. Merci pour le partage.

  • Merci 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Dos muchachas : La Lola y Amparo

La Lola

 Bajo el naranjo lava
pañales de algodón.
Tiene verdes los ojos
y violeta la voz.

¡Ay, amor,
bajo el naranjo en flor!

El agua de la acequia
iba llena de sol,
en el olivarito
cantaba un gorrión.

¡Ay, amor,
bajo el naranjo en flor!

Luego, cuando la Lola
gaste todo el jabón,
vendrán los torerillos.

¡Ay, amor,
bajo el naranjo en flor!


Traduction dont l’auteur n’est pas mentionné


Elle est sous l’oranger,
lavant des langes de coton.
Ses yeux sont verts
et sa voix violette.

 Oh, amour
sous l’oranger en fleur!

 L’eau dans le canal
débordait de soleil.
Parmi les olives
chantait un moineau.

 Oh, amour
sous l’oranger en fleur!

 Et quand elle aura
fini son savon,
les petits toreros viendront.

 Oh, amour
sous l’oranger en fleur!


Autre traduction Pierre Darmangeat


Deux jeunes filles 
A Máximo Quijano

La Lola

Elle lave sous l’oranger
Des langes de coton. 
Elle a les yeux verts,
La voix violette.

Hélas ! amour,
Sous l’oranger en fleur !

L’eau de la rigole
Était pleine de soleil,
Dans l’olivier 
Chantait un moineau.

Hélas ! amour,
Sous l’oranger en fleur !

Puis, lorsque Lola
Aura usé tout le savon,
Viendront les toreros.

Hélas ! amour,
Sous l’oranger en fleur !

Amparo

Amparo,
!qué sola estás en tu casa
vestida de blanco!

(Ecuador entre el jazmín
y el nardo.)

Oyes los maravillosos
surditores de tu patio,
y el débil trino amarillo
del canario.

Por la tarde ves temblar
los cipreses con los pájaros,
mientras bordas lentamente
letras sobre el cañamazo.

Amparo,
!que sola estás en tu casa
vestida de blanco!

Amparo,
!y qué difícil decirte:
yo te amo!

 

Traduction  Gilles de Seze

Amparo, 
Que tu es seule dans ta maison! 
Vêtue de blanc! 

(Équateur entre le jasmí
 et le nard!)

Écoute les merveilleux 
Sons de ton patio, 
La faible trille jaune 
Du canari. 

Le soir tu vois trembler 
Les cyprès avec les oiseaux, 
Tandis que tu brodes lentement 
Des lettres sur le canevas. 

Amparo, 
Que tu es seule dans ta maison! 
Vêtue de blanc! 

Amparo, 
Et qu'il est difficile de te dire 
Je t'aime! 

 

Amparo est aussi seule, toute blanche dans sa maison, que Lola au bord de la rigole, est exposée aux rencontres. Máxmo Quijano, à qui sont dédiés les deux poèmes, était ami de la danseuse Argentina. Poésies II. 

Ces deux poèmes font partie de « Graphique de la petenera  ». La petenera se compare à la malagueña et au fandango. Poésies II.

« La petenera est un palo de flamenco composé de quatre verre de huit syllabes qui fait partie du Cante Jondo.
C’est un chant ancien dont le thème portait sur les enterrements et les funérailles à l’origine. Son nom viendrait d’une chanteuse de la fin du XVIIIe siècle originaire de Paterna de Rivera et que l’on surnommait La Petenera...
La danse de la petenera fut très populaire à la fin du XIXe siècle, elle était enseignee dans les écoles de danse à la suite des séguedilles sévillanes.
Federico Garcia Lorca dédia à ce chant son poème « Gráfico de la petenera », qui fait partie de son œuvre Poema del cante Jondo... »

Modifié par satinvelours
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)

La petenera est un chant flamenco à part, tout baigné d'atmosphère légendaire, sulfureuse et maudite. C'est aussi le nom d'une femme d'une grande beauté, issue d'une bonne famille, qui fait courir les hommes à leur perte. Les textes écrits la disent juive aux yeux verts. Pour les Gitans, en général, le simple fait d'interpréter une petenera porte malheur !

L'origine de ce chant est controversée même si une origine latino-américaine n'est pas impossible, étant donné l'existence d'un répertoire ancien de peteneras mexicaines (Cf. Article très détaillé consacré à la petenera sur le meilleur site flamenco en France http://www.flamencoweb.fr/spip/spip.php?article371). Le flamencologue Mario Bois ne croit pas quant à lui à cette source et il se demande si cette femme maudite n'était pas atteinte d'une maladie contagieuse, ce qui expliquerait beaucoup de choses...

Par l'intermédiaire de La Argentinita, Lorca rencontra la chanteuse gitane La Niña de Los Peines (Pastora Pavón) pour qui il voua une très grande admiration. Il disait qu'"elle jouait de sa voix d'ombre, de sa voix d'étain en fusion, de sa voix recouverte de mousse". Une archive video permet d'apprécier la profondeur du cante por petenera (= chant sur le rythme de la petenera) interprété par l"'impératrice du cante" : https://www.youtube.com/watch?v=ft6VLO6iK54&list=PLQ_CIwlggYMBpk_xncj1N-jy1XZKiCE5M&index=17

Lorsque les Gitans arrivèrent en Espagne vers le milieu du XVe s., c'était l'époque de l'apogée du romance. Ils en conservèrent la musique et le rythme, agrémentés d'une saveur toute gitane, comme une relique sacrée transmise de père en fils. C'est l'occasion d'écouter le Romance de la monja (env. 1550), qui raconte l'histoire d'une femme devenue religieuse contre sa volonté ; ce romance est chanté sur le rythme de la petenera, dont la cadence (el compás) imprime un dramatisme presque insurmontable. Ce chant, qui me fait monter les larmes aux yeux chaque fois que je l'écoute, fut interprété en 1999 par le grand chanteur gitan Rafael Jiménez Falo, dans une synagogue de New York, en commémoration des victimes d'Auswitch https://www.youtube.com/watch?time_continue=14&v=IetQX2XTpEc

 

Modifié par tison2feu
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

@tison2feu 

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le site que vous avez mentionné et qui donne tant de précisions sur La Petenera dont on dit qu’elle a de nombreuses origines, même s’il est établi qu’il s’agit d’un cante en provenance latino-américaine.

 La voix de la chanteuse La Niña des Los Peines m’emeut  profondément, et je suis restée un long moment à entendre cette voix si particulière et si bien définie par Lorca lui-même .

Quant à Rafael Jiménez Falo sa voix et son interprétation  offrent une variété immense de sons  et ne laisse pas indifférent. Je comprends votre émotion quand on sait dans quel lieu et pour quelles circonstances « El Falo » a chanté. 

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

El paso de la Siguiriya

Entre mariposas negras
va una muchacha morena 

junto a una blanca serpiente 
de niebla. 

 Tierra de luz, 
cielo de tierra. 

Va encadenada al temblor 
de un ritmo que nunca llega; 
tiene el corazón de plata 
y un puñal en la diestra. 


 ¿Adónde vas, siguiriya, 
con un ritmo sin cabeza? 
¿Qué luna recogerá
tu dolor de cal y adelfa?

 Tierra de luz, 
cielo de tierra.


Traduction Gilles de Seze

Le pas de la Séguirilla

Parmi les papillons noirs,
va une brunette moresque
à côté d'un blanc serpent
de brume.

Terre de lumière,
Ciel de terre.


Elle va enchaînée au tremblement
d'un rythme qui jamais ne s'établit;
elle a un coeur en argent
et un poignard dans la main.

Où vas-tu, siguiriya,
de ce rythme décervelé?
Quelle lune soulagera
ta douleur de citron et de bouton de rose?

Terre de lumière
Ciel de terre.

Autre traduction dont je n’ai pu définir l’auteur

Le pas de la séguidille


Parmi les papillons noirs,
va une fille brune
à côté d’un serpent blanc 
de brouillard.

Terre de lumière,
ciel de terre.


Elle est enchaînée au frémissement
d’un rythme qui jamais n’arrive ;
elle a un cœur d’argent
et un poignard dans la main droite.

Terre de lumière,
ciel de terre.


Où vas-tu, séguidille
avec un rythme sans tête ?
Quelle lune recueillera
Ta douleur de chaux et de laurier rose ?

Terre de lumière,
ciel de terre. 

 
Ce poème fait partie du groupe de poèmes Intitulé « Poème de la Siguiriya gitane », première sélection du Poème du Cante Jondo. La Siguiriyas est un charme grave, dont Lorca disait qu’il avait gardé sa pureté originelle, ses racines orientales. Poésies II.

 
 

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)
Il y a 2 heures, satinvelours a dit :

@tison2feu 

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le site que vous avez mentionné et qui donne tant de précisions sur La Petenera dont on dit qu’elle a de nombreuses origines, même s’il est établi qu’il s’agit d’un cante en provenance latino-américaine.

 La voix de la chanteuse La Niña des Los Peines m’emeut  profondément, et je suis restée un long moment à entendre cette voix si particulière et si bien définie par Lorca lui-même .

Quant à Rafael Jiménez Falo sa voix et son interprétation  offrent une variété immense de sons  et ne laisse pas indifférent. Je comprends votre émotion quand on sait dans quel lieu et pour quelles circonstances « El Falo » a chanté. 

Je vous remercie sincèrement de l'attention portée à chacune de ces références, ainsi que de cet échange permettant à chacun de donner le meilleur de soi-même (C'est la seule chose, à dire vrai, qui m'intéresse sur un forum généraliste).

La petenera serait en effet l'un de ces chants flamencos de ida y vuelta ("d'allée et venue" entre l'Espagne et le continent américain). J'ai retrouvé le morceau complet de la "Petenera Son Jaroche", mentionnée par Claude Worms dans son article sur la petenera https://www.youtube.com/watch?v=zSGi1glnM5w

La Niña de los Peines, qui admirait également Lorca, a composé un disque intitulé "Lorqueñas". Ces grands artistes s'influençaient mutuellement. Ici, un traditionnel - et magnifique ! - cante por bulerías, c'est-à-dire un style de musique flamenca plus festif et plus enlevé, interprété par La Niña de los Peines https://www.youtube.com/watch?v=hGdFm10_tzs

Le chant de ce gitan Falo me semble à l'image du peuple gitano-andalou tout entier, qui a terriblement souffert et qui est parvenu à exprimer cette souffrance par un chant profond accompagné, le plus souvent, par un jeu de guitare aux "sons noirs". A moins d'être doté d'une très grande sensibilité artistique (comme l'était Lorca), il est impossible d'accéder à ce type de musique gitano-andalouse si l'on n'a pas souffert, si l'on n'a pas connu la faim - c'est ce que disent bon nombre d'artistes flamencos.  

 

 

Modifié par tison2feu
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Il y a 16 heures, tison2feu a dit :

Je vous remercie sincèrement de l'attention portée à chacune de ces références, ainsi que de cet échange permettant à chacun de donner le meilleur de soi-même (C'est la seule chose, à dire vrai, qui m'intéresse sur un forum généraliste).

La petenera serait en effet l'un de ces chants flamencos de ida y vuelta ("d'allée et venue" entre l'Espagne et le continent américain). J'ai retrouvé le morceau complet de la "Petenera Son Jaroche", mentionnée par Claude Worms dans son article sur la petenera https://www.youtube.com/watch?v=zSGi1glnM5w

La Niña de los Peines, qui admirait également Lorca, a composé un disque intitulé "Lorqueñas". Ces grands artistes s'influençaient mutuellement. Ici, un traditionnel - et magnifique ! - cante por bulerías, c'est-à-dire un style de musique flamenca plus festif et plus enlevé, interprété par La Niña de los Peines https://www.youtube.com/watch?v=hGdFm10_tzs

Le chant de ce gitan Falo me semble à l'image du peuple gitano-andalou tout entier, qui a terriblement souffert et qui est parvenu à exprimer cette souffrance par un chant profond accompagné, le plus souvent, par un jeu de guitare aux "sons noirs". A moins d'être doté d'une très grande sensibilité artistique (comme l'était Lorca), il est impossible d'accéder à ce type de musique gitano-andalouse si l'on n'a pas souffert, si l'on n'a pas connu la faim - c'est ce que disent bon nombre d'artistes flamencos.  

 

 

 Les deux vidéos que vous mettez en ligne font écho en moi. Il est probable qu’il est impossible de saisir dans son intégralité toute la musique gitano-andalouse. Je suis, et cela sans pouvoir en donner la raison, profondément bouleversée à l’écoute de ces chants.

 Je me souviens lorsque je séjournais régulièrement à Séville, des amis espagnols m’avaient indiqué un petit tablao flamenco sans prétention, peu fréquenté sinon par les aficionados. Et c’est dans ce petit tablao que j’ai pris la mesure de toute la richesse émotionnelle, de toute la beauté troublante du chant, de la danse et de la guitare flamencos.

Modifié par satinvelours
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Muerte de la petenera

En la casa blanca, muere 
la perdición de los hombres. 
 
Cien jacas caracolean. 
Sus jinetes están muertos. 
 

Bajo las estremecidas 
estrellas de los velones, 
su falda de moaré tiembla 
entre sus muslos de cobre. 
 
Cien jacas caracolean. 
Sus jinetes están muertos.
 

Largas sombras afiladas
vienen del turbio horizonte,
y el bordón de una guitarra 
se rompe.
 
Cien jacas caracolean. 
Sus jinetes están muertos.

Traduction

Mort de la petenera

 

Dans la maison blanche se meurent
la perdition des hommes.

Cent pouliches caracolent
Leurs cavaliers sont morts.

Et sous la palpitante
constellation des lampes,
tremble sa jupe moirée
entre ses cuisses de bronze.

 Cent pouliches caracolent.
Leurs cavaliers sont morts.

 De longues ombres affilées
viennent du trouble horizon
et le bourdon d’une guitare
se rompt.

 Cent pouliches caracolent.
Leurs cavaliers sont morts.


Autre traduction

 Dans la maison blanche, meurt
La perdition des hommes

Cent juments caracolent
Leurs cavaliers sont morts.


Sous les les frémissantes
Étoiles des chandelles,
Sa jupe de moirée tremble
Entre ses cuisses de cuivre. 

Cent  jument caracolent
Leurs cavaliers sont morts.


De larges ombres effilées
Arrivent du trouble horizon,
Et les cordes de la guitare
Se rompent.

Cent juments caracolent 
Leurs cavaliers sont morts

 

Dans le Poème du conte jondo , un être, la guitare ; un répertoire clos de formes : soleá, Siguiriya, petenera , et surtout la saeta , ce sanglot ou ce cri bref, incisif comme la flèche dont elle a le nom ; trois villes, Cordoue, Malaga et Séville, et un fleuve, le Guadalquivir ; quelques prénoms, Lola, Carmen, Amparo ; le poignard, terriblement attiré par les racines obscures du cri ; la jument désorientée ; la mort enfin, blanche comme la fleur d’oranger fanée, offrent dans leur noms et leurs résonances espagnoles les images sonores d’un chant collectif devenu voix unique du poème, les images plastiques d’un drame et d’une nostalgie partagés et personnels, le réservoir profond et nocturne – citerne, aljibe – d’où sourdront tous les poèmes ultérieurs et jusqu’au recueil du Poète à New York, ou les Noirs, volcans de sang comprimés dans l’ellipse obscure, symboliseront comme les Gitans, la fulgurante créatrice jugulée par les puissances glacées de la mort. Poésies II.

Modifié par satinvelours
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)
Il y a 18 heures, satinvelours a dit :

El paso de la Siguiriya

Entre mariposas negras
va una muchacha morena 

junto a una blanca serpiente 
de niebla. 

 Tierra de luz, 
cielo de tierra. 

Va encadenada al temblor 
de un ritmo que nunca llega; 
tiene el corazón de plata 
y un puñal en la diestra. 


 ¿Adónde vas, siguiriya, 
con un ritmo sin cabeza? 
¿Qué luna recogerá
tu dolor de cal y adelfa?

 Tierra de luz, 
cielo de tierra.


Traduction Gilles de Seze

Le pas de la Séguirilla

Parmi les papillons noirs,
va une brunette moresque
à côté d'un blanc serpent
de brume.

Terre de lumière,
Ciel de terre.


Elle va enchaînée au tremblement
d'un rythme qui jamais ne s'établit;
elle a un coeur en argent
et un poignard dans la main.

Où vas-tu, siguiriya,
de ce rythme décervelé?
Quelle lune soulagera
ta douleur de citron et de bouton de rose?

Terre de lumière
Ciel de terre.

Autre traduction dont je n’ai pu définir l’auteur

Le pas de la séguidille


Parmi les papillons noirs,
va une fille brune
à côté d’un serpent blanc 
de brouillard.

Terre de lumière,
ciel de terre.


Elle est enchaînée au frémissement
d’un rythme qui jamais n’arrive ;
elle a un cœur d’argent
et un poignard dans la main droite.

Terre de lumière,
ciel de terre.


Où vas-tu, séguidille
avec un rythme sans tête ?
Quelle lune recueillera
Ta douleur de chaux et de laurier rose ?

Terre de lumière,
ciel de terre. 

 
Ce poème fait partie du groupe de poèmes Intitulé « Poème de la Siguiriya gitane », première sélection du Poème du Cante Jondo. La Siguiriyas est un charme grave, dont Lorca disait qu’il avait gardé sa pureté originelle, ses racines orientales. Poésies II.

 
 

En tant qu'hispanisant, je déconseille la traduction de Gilles de Seze qui dénature complètement certains termes employés par Lorca. Le vers lorquien "ta douleur de chaux et de laurier-rose" est traduit de façon fantaisiste par "ta douleur de citron et de bouton de rose" ! Lorca emploie le mot "chaux" à dessein car cela permet de souligner la prédominance de la couleur blanche dans ce poème. Tel autre vers "va une fille brune" devient, toujours dans la bouche de ce traducteur à l'imagination fertile, "va une brunette moresque", avec rajout fantaisiste de "moresque", alors que tout indique qu'il s'agit d'une gitane (les habitants des lieux "vivant dans des grottes" et chantant des siguiriyas "gitanas" ne peuvent être que des Gitans, cf. cet autre poème intitulé "Le cri").

En revanche, il semble important de conserver le terme siguiriya, et de ne pas le remplacer par "séguedille" comme le font aussi bien le traducteur anonyme que Pierre Darmangeat (traduction de Poésies II). Même si ce mot siguiriya a été formé sur le castillan seguedilla, il s'agit de deux styles musicaux distincts, la siguiriya gitana d'une part et la "séguedille castillane" d'autre part, qui ont des formes musicales différentes.

La seule difficulté véritable réside dans la traduction du titre : "El paso de la siguiriya", puisqu'en espagnol, paso peut signifier "pas" (pas de danse, etc.) ou "passage". Rien ne semble indiquer qu'il s'agisse d'un pas de danse flamenca, mais bien plutôt du résultat d'une progression dans le temps. En effet, si nous lisons les sept poèmes de Lorca consacrés à la siguiriya, nous constatons que le poète semble décrire pas à pas, sous forme de tableaux successifs, les phases qui se succèdent lors de l'exécution d'un cante por siguiriya.

Phase 1 "Paysage" : lieu et moment de la journée où va être chantée la siguiriya.

Phase 2 "La guitare" : Intervention initiale de la guitare. Le chanteur (ou la chanteuse) doit écouter la guitare et se concentrer.

Phase 3 "Le cri" : Le chanteur introduit le chant par une série de ay.

Phase 4 "Le silence" : Bref instant de silence avant d'attaquer le chant proprement dit.

Phase 5 "Le passage de la siguiriya" : Le chant est exposé avec de nombreuses modulations (melismas), nous sommes au "coeur" du chant ; c'est le moment d'intense émotion, puis chute après le paroxysme dramatique qui permet au chanteur de reprendre souffle, avant de remonter vers un deuxième sommet tragique, puis nouvelle chute (remate).

Phase 6 "Après le passage" : Silence du chanteur, dernières notes de la guitare.

Phase 7 "Et après" : Disparition des protagonistes (guitariste, chanteur, spectateurs).

 

 

Modifié par tison2feu
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)
Il y a 6 heures, satinvelours a dit :

Muerte de la petenera

En la casa blanca, muere 
la perdición de los hombres. 
 
Cien jacas caracolean. 
Sus jinetes están muertos. 
 

Bajo las estremecidas 
estrellas de los velones, 
su falda de moaré tiembla 
entre sus muslos de cobre. 
 
Cien jacas caracolean. 
Sus jinetes están muertos.
 

Largas sombras afiladas
vienen del turbio horizonte,
y el bordón de una guitarra 
se rompe.
 
Cien jacas caracolean. 
Sus jinetes están muertos.

Traduction

Mort de la petenera

 

Dans la maison blanche se meurent
la perdition des hommes.

Cent pouliches caracolent
Leurs cavaliers sont morts.

Et sous la palpitante
constellation des lampes,
tremble sa jupe moirée
entre ses cuisses de bronze.

 Cent pouliches caracolent.
Leurs cavaliers sont morts.

 De longues ombres affilées
viennent du trouble horizon
et le bourdon d’une guitare
se rompt.

 Cent pouliches caracolent.
Leurs cavaliers sont morts.


Autre traduction

 Dans la maison blanche, meurt
La perdition des hommes

Cent juments caracolent
Leurs cavaliers sont morts.


Sous les les frémissantes
Étoiles des chandelles,
Sa jupe de moirée tremble
Entre ses cuisses de cuivre. 

Cent  jument caracolent
Leurs cavaliers sont morts.


De larges ombres effilées
Arrivent du trouble horizon,
Et les cordes de la guitare
Se rompent.

Cent juments caracolent 
Leurs cavaliers sont morts

 

Dans le Poème du conte jondo , un être, la guitare ; un répertoire clos de formes : soleá, Siguiriya, petenera , et surtout la saeta , ce sanglot ou ce cri bref, incisif comme la flèche dont elle a le nom ; trois villes, Cordoue, Malaga et Séville, et un fleuve, le Guadalquivir ; quelques prénoms, Lola, Carmen, Amparo ; le poignard, terriblement attiré par les racines obscures du cri ; la jument désorientée ; la mort enfin, blanche comme la fleur d’oranger fanée, offrent dans leur noms et leurs résonances espagnoles les images sonores d’un chant collectif devenu voix unique du poème, les images plastiques d’un drame et d’une nostalgie partagés et personnels, le réservoir profond et nocturne – citerne, aljibe – d’où sourdront tous les poèmes ultérieurs et jusqu’au recueil du Poète à New York, ou les Noirs, volcans de sang comprimés dans l’ellipse obscure, symboliseront comme les Gitans, la fulgurante créatrice jugulée par les puissances glacées de la mort. Poésies II.

Ce poème La muerte de la petenera vient s'intégrer dans un ensemble intitulé "Graphique de la petenera", et force est de constater à nouveau que l'ensemble de ces huit poèmes suggère, par étapes successives, l'exécution progressive d'un seul et même cante por petenera, selon un schéma presque identique à celui que j'avais identifié intuitivement à propos de la siguiriya. 

Je viens de mettre la main, à ma grande joie, sur une étude qui confirme tout-à-fait ce schéma valable non seulement pour la siguiriya et la petenera mais pour les 4 styles figurant dans le recueil les "Poèmes du cante Jondo", à savoir la siguiriya, la soleá, la saeta et la petenera. 

"Par ailleurs, il est intéressant d’observer que chacune de ces quatre sections ou histoires semble suivre un schéma et une progression relativement semblables :

a) un début qui coïncide avec une vision panoramique, un paysage, une atmosphère et un décor
b) une plainte ou un cri
c) un silence
d) l’apparition de la forme poétique et musicale
e) l’éloignement de cette figure poétique et musicale
f) une nouvelle vision panoramique."

(Henry Gil, Poema del cante jondo, réevaluation d'une poétique en devenir, paragraphe 24)  https://journals.openedition.org/bulletinhispanique/636#bodyftn25

 

* * *

 

Notre poème La muerte de la petenera correspond donc à l'étape de "l'apparition de la forme poétique et musicale" (étape d) et au surgissement du "coeur" de la petenera. 

Pour quelques éléments d'analyse très clairs de ce poème, voici ce qu'écrit Henry Gil (paragraphe 29) :

"Quant à la 4e section, Gráfico de la petenera, si nous nous fixons sur le scénario imprécis mais néanmoins présent que semblent nous proposer les différents poèmes – c’est-à-dire sur leur ordre, leur évolution et la répétition de certains mots ou de certaines images –, il semble nous raconter l’histoire de cien jinetes. Une histoire constamment rythmée par la présence de la guitare. Ces cavaliers semblent, dès le début, porter le deuil anticipé de la Petenera, voire leur propre deuil, car, à l’affût, un certain maléfice prêt à frapper à tout instant entoure cette forme musicale, plus flamenca que jonda, et dont l’incarnation féminine est surnommée la perdición de los hombres. Et c’est ainsi que dans le poème « La muerte de la Petenera » (p. 179), la veillée funèbre de la défunte se conclut avec la mort des cien jinetes enlutados du poème « Camino » (p. 176) dont on ignorait alors la destination (Cien jinetes enlutados/¿Dónde irán,/ por el cielo yacente/del naranjal?). C’est pour cette raison que dans « La muerte de la petenera » se répète implacablement le refrain : cien jacas caracolean./ Sus jinetes están muertos. (p. 179). Or, le thème du cheval qui emporte son cavalier mort vers son destin est une image fréquente chez Lorca car il suffit de se rappeler les vers de « Canción de jinete » : Caballito negro/¿Dónde llevas tu jinete muerto? Nous comprenons alors que el laberinto de las cruces où devaient achever leur course les cienjinetes endeuillés et déboussolés du poème « Camino » (p. 176) – Esos caballos soñolientos/los llevarán,/ al laberinto de las cruces – n’était autre que le cimetière avec ses multiples croix et allées. Les protagonistes semblent succomber, une fois de plus, à cause d’une passion sensuelle décrite comme cécité car ils ne conduisent ni ne dirigent leurs jacas, image de la passion dite sur le mode de l’animalité. En réalité, tout laisse supposer que ces cien jinetes lancés au galop étaient déjà potentiellement morts, car incapables de se soustraire à leur destin tragique. La logique poétique de cette section amène ensuite avec « Falseta » (p. 181), l’enterrement de cette femme de mauvaise vie que fut la petenera (Tu entierro no tuvo niñas/buenas) puis dans le poème suivant, « De profundis » (p. 182), l’enterrement des cien jinetes, clairement désignés désormais comme des amoureux (Los cien enamorados/duermen para siempre). Comme toujours l’histoire est énigmatique et par conséquent ouverte à différentes interprétations comme le laisse supposer l’amour passionné et tragique des cien jinetes dont le chiffre fonctionne comme une formule populaire et hyperbolique. Quant au dernier poème de cette 4esection, « Clamor » (p. 183), on peut observer qu’il se présente comme une nouvelle version plus étendue et plus élaborée du poème initial « Campana » (p. 174), ce qui ne doit pas nous surprendre puisque le mot clamor peut avoir le sens en espagnol de toque de campanas por los difuntos, autrement dit de « glas ». Cette signification funèbre justifiée par les nombreuses morts antérieures est confirmée par le passage du singulier campana, dans le premier poème, au pluriel campanas utilisé à présent pour clore cette section. Une section dominée donc par le champ lexical du son avec un final crescendo et fortissimo qui ne s’éteint que pour laisser place au silence et au passage visuel des proras de plata."

  • Merci 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Le 10/12/2018 à 12:42, tison2feu a dit :

En tant qu'hispanisant, je déconseille la traduction de Gilles de Seze qui dénature complètement certains termes employés par Lorca. Le vers lorquien "ta douleur de chaux et de laurier-rose" est traduit de façon fantaisiste par "ta douleur de citron et de bouton de rose" ! Lorca emploie le mot "chaux" à dessein car cela permet de souligner la prédominance de la couleur blanche dans ce poème. Tel autre vers "va une fille brune" devient, toujours dans la bouche de ce traducteur à l'imagination fertile, "va une brunette moresque", avec rajout fantaisiste de "moresque", alors que tout indique qu'il s'agit d'une gitane (les habitants des lieux "vivant dans des grottes" et chantant des siguiriyas "gitanas" ne peuvent être que des Gitans, cf. cet autre poème intitulé "Le cri").

En revanche, il semble important de conserver le terme siguiriya, et de ne pas le remplacer par "séguedille" comme le font aussi bien le traducteur anonyme que Pierre Darmangeat (traduction de Poésies II). Même si ce mot siguiriya a été formé sur le castillan seguedilla, il s'agit de deux styles musicaux distincts, la siguiriya gitana d'une part et la "séguedille castillane" d'autre part, qui ont des formes musicales différentes.

La seule difficulté véritable réside dans la traduction du titre : "El paso de la siguiriya", puisqu'en espagnol, paso peut signifier "pas" (pas de danse, etc.) ou "passage". Rien ne semble indiquer qu'il s'agisse d'un pas de danse flamenca, mais bien plutôt du résultat d'une progression dans le temps. En effet, si nous lisons les sept poèmes de Lorca consacrés à la siguiriya, nous constatons que le poète semble décrire pas à pas, sous forme de tableaux successifs, les phases qui se succèdent lors de l'exécution d'un cante por siguiriya.

Phase 1 "Paysage" : lieu et moment de la journée où va être chantée la siguiriya.

Phase 2 "La guitare" : Intervention initiale de la guitare. Le chanteur (ou la chanteuse) doit écouter la guitare et se concentrer.

Phase 3 "Le cri" : Le chanteur introduit le chant par une série de ay.

Phase 4 "Le silence" : Bref instant de silence avant d'attaquer le chant proprement dit.

Phase 5 "Le passage de la siguiriya" : Le chant est exposé avec de nombreuses modulations (melismas), nous sommes au "coeur" du chant ; c'est le moment d'intense émotion, puis chute après le paroxysme dramatique qui permet au chanteur de reprendre souffle, avant de remonter vers un deuxième sommet tragique, puis nouvelle chute (remate).

Phase 6 "Après le passage" : Silence du chanteur, dernières notes de la guitare.

Phase 7 "Et après" : Disparition des protagonistes (guitariste, chanteur, spectateurs).

 

 

 Je ne peux qu’abonder dans votre sens. S’il ne tenait qu’à moi, je ne proposerais aucune traduction. La traduction ne permet pas de goûter la sonorité de la langue, d’entendre résonner le claquement des talons des danseurs de flamenco, d’écouter couler le Guadalquivir, la tristesse et la nostalgie du Cante jondo, la beauté des Sonetos del amor obscuro… Traduire c’est trahir. Néanmoins je me souviens que Blaquière avait écrit :  la traduction pour celles et ceux qui me connaissent l’espagnol. Aussi dès que faire se peut je propose plusieurs traductions. 

Modifié par satinvelours
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Le 10/12/2018 à 19:33, tison2feu a dit :

Ce poème La muerte de la petenera vient s'intégrer dans un ensemble intitulé "Graphique de la petenera", et force est de constater à nouveau que l'ensemble de ces huit poèmes suggère, par étapes successives, l'exécution progressive d'un seul et même cante por petenera, selon un schéma presque identique à celui que j'avais identifié intuitivement à propos de la siguiriya. 

Je viens de mettre la main, à ma grande joie, sur une étude qui confirme tout-à-fait ce schéma valable non seulement pour la siguiriya et la petenera mais pour les 4 styles figurant dans le recueil les "Poèmes du cante Jondo", à savoir la siguiriya, la soleá, la saeta et la petenera. 

"Par ailleurs, il est intéressant d’observer que chacune de ces quatre sections ou histoires semble suivre un schéma et une progression relativement semblables :

a) un début qui coïncide avec une vision panoramique, un paysage, une atmosphère et un décor
b) une plainte ou un cri
c) un silence
d) l’apparition de la forme poétique et musicale
e) l’éloignement de cette figure poétique et musicale
f) une nouvelle vision panoramique."

(Henry Gil, Poema del cante jondo, réevaluation d'une poétique en devenir, paragraphe 24)  https://journals.openedition.org/bulletinhispanique/636#bodyftn25

 

* * *

 

Notre poème La muerte de la petenera correspond donc à l'étape de "l'apparition de la forme poétique et musicale" (étape d) et au surgissement du "coeur" de la petenera. 

Pour quelques éléments d'analyse très clairs de ce poème, voici ce qu'écrit Henry Gil (paragraphe 29) :

"Quant à la 4e section, Gráfico de la petenera, si nous nous fixons sur le scénario imprécis mais néanmoins présent que semblent nous proposer les différents poèmes – c’est-à-dire sur leur ordre, leur évolution et la répétition de certains mots ou de certaines images –, il semble nous raconter l’histoire de cien jinetes. Une histoire constamment rythmée par la présence de la guitare. Ces cavaliers semblent, dès le début, porter le deuil anticipé de la Petenera, voire leur propre deuil, car, à l’affût, un certain maléfice prêt à frapper à tout instant entoure cette forme musicale, plus flamenca que jonda, et dont l’incarnation féminine est surnommée la perdición de los hombres. Et c’est ainsi que dans le poème « La muerte de la Petenera » (p. 179), la veillée funèbre de la défunte se conclut avec la mort des cien jinetes enlutados du poème « Camino » (p. 176) dont on ignorait alors la destination (Cien jinetes enlutados/¿Dónde irán,/ por el cielo yacente/del naranjal?). C’est pour cette raison que dans « La muerte de la petenera » se répète implacablement le refrain : cien jacas caracolean./ Sus jinetes están muertos. (p. 179). Or, le thème du cheval qui emporte son cavalier mort vers son destin est une image fréquente chez Lorca car il suffit de se rappeler les vers de « Canción de jinete » : Caballito negro/¿Dónde llevas tu jinete muerto? Nous comprenons alors que el laberinto de las cruces où devaient achever leur course les cienjinetes endeuillés et déboussolés du poème « Camino » (p. 176) – Esos caballos soñolientos/los llevarán,/ al laberinto de las cruces – n’était autre que le cimetière avec ses multiples croix et allées. Les protagonistes semblent succomber, une fois de plus, à cause d’une passion sensuelle décrite comme cécité car ils ne conduisent ni ne dirigent leurs jacas, image de la passion dite sur le mode de l’animalité. En réalité, tout laisse supposer que ces cien jinetes lancés au galop étaient déjà potentiellement morts, car incapables de se soustraire à leur destin tragique. La logique poétique de cette section amène ensuite avec « Falseta » (p. 181), l’enterrement de cette femme de mauvaise vie que fut la petenera (Tu entierro no tuvo niñas/buenas) puis dans le poème suivant, « De profundis » (p. 182), l’enterrement des cien jinetes, clairement désignés désormais comme des amoureux (Los cien enamorados/duermen para siempre). Comme toujours l’histoire est énigmatique et par conséquent ouverte à différentes interprétations comme le laisse supposer l’amour passionné et tragique des cien jinetes dont le chiffre fonctionne comme une formule populaire et hyperbolique. Quant au dernier poème de cette 4esection, « Clamor » (p. 183), on peut observer qu’il se présente comme une nouvelle version plus étendue et plus élaborée du poème initial « Campana » (p. 174), ce qui ne doit pas nous surprendre puisque le mot clamor peut avoir le sens en espagnol de toque de campanas por los difuntos, autrement dit de « glas ». Cette signification funèbre justifiée par les nombreuses morts antérieures est confirmée par le passage du singulier campana, dans le premier poème, au pluriel campanas utilisé à présent pour clore cette section. Une section dominée donc par le champ lexical du son avec un final crescendo et fortissimo qui ne s’éteint que pour laisser place au silence et au passage visuel des proras de plata."

C’est toujours avec un plaisir non dissimulé, et un grand intérêt que je lis chacune de vos interventions. Vous avez toujours quelque chose à nous faire partager. Pour tout cela je vous remercie. Je ne suis pas hispanisante, je ne suis qu’hispanophile.

La poésie espagnole m’a toujours interpellée, elle recèle des merveilles.

Modifié par satinvelours
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Deseo

 Sólo tu corazón caliente, 
Y nada más. 

Mi paraíso, un campo 
Sin ruiseñor 
Ni liras, 
Con un río discreto 
Y una fuentecilla. 

Sin la espuela del viento 
Sobre la fronda, 
Ni la estrella que quiere 
Ser hoja. 

Una enorme luz 
Que fuera 
Luciérnaga 
De otra, 
En un campo de 
Miradas rotas. 

Un reposo claro 
Y allí nuestros besos, 
Lunares sonoros 
Del eco, 
Se abrirían muy lejos. 
Y tu corazón caliente, 
Nada más.

 

Traduction

Désir

Rien que ton cœur brûlant,
Et rien d’autre.

Mon paradis : un champ
Sans rossignols
Ni lyres,
Avec un ruisseau discret
Et une petite source.

Pas de vent qui éperonne
Les frondaisons,
Ni d’étoile qui veuille
Être une feuille.

Une immense clarté
Qui serait
Le ver luisant
D’une autre
Dans un champ de
Regards brisés.

Un lumineux repos
Et là, tous nos baisers,
Grains de beauté sonores
De l’écho,
Écloraient au loin.
Et puis ton cœur brûlant,
Et rien d’autre.

 

Deseo fait partie de son premier recueil : De « Libro de poemas » dédié à son frère.  A mi hermano Paquito .

 Dans ce poème « Deseo » (« Désir »), de 1920, Lorca invente la discontinuité entre l’objet et sa représentation, cette anacoluthe mentale – salto ecuestre , saut ou bond équestre, comme il l’appelle –, profonde, structurelle, qui métamorphosera tous ses poèmes en floraisons métaphoriques d’un secret toujours tu. (Poésies II).

 

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Rejoindre la conversation

Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

Chargement

×