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Naissance du concept d’existence

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satinvelours

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Pour Jaspers cette idée qu'il n'y a pas de pensée véritable sans qu'on n'ose aller jusqu'aux confins de ce qui fait l'homme, c'est-à-dire sa raison, et que l'on essaye de voir les méandres de cette raison, voire ce qu'elle devient lorsqu'elle vole en éclats, c'est quelque chose qui est central dans sa pensée.

Pour lui on ne peut aborder l'existence si on ne mène pas cette expérience. Ceci permet, pour les lecteurs, de bien faire comprendre combien la rationalité doit se comprendre comme une construction. Non pas comme quelque chose qui est acquis, donné. La raison est une donnée qui nous est livrée dès notre naissance, mais c'est une construction qui est le produit d'une histoire, celle de notre culture. Et pour Jaspers tenter de prendre en charge, non pas forcément de connaître, notre existence exige, en tout cas c'est une nécessité pour le philosophe, de prendre la rationalité comme le fruit d'une construction, que donc au travers de l'expérience de la folie on la déconstruise, de façon que l'ayant déconstruite, on s'attache alors à la reconstruire.

Il y a là comme un double mouvement déconstruction–reconstruction de la rationalité et c'est ce travail qu'il assigne à la philosophie, qu'il va essayer de conduire lui-même, qui lui permettra non pas d'embrasser l'existence comme totalité, idée tout à fait contraire à Jaspers, mais de prendre en charge chacun d'entre nous notre propre existence et d'en voir à la fois la fragilité, puisqu'elle risque d'éclater, et de l'autre côté avec ce qu'elle peut conserver de force et de mystère.

Nous sommes ici dans une pensée un peu comme Kierkegaard où l'idée d'un noyau dur, impénétrable, c'est-à-dire dans laquelle la pensée purement logique, la pensée philosophique et encore moins la pensée scientifique peut pénétrer. Nous sommes, aussi bien avec Kierkegaard, Jaspers que Gabriel Marcel, probablement liés au fait que ce sont des pensées qui posent Dieu et qui essaient de relier de toutes les façons l'existant à Dieu, dans des pensées du mystère.

Il y a un mystère de l'existence, n'essayons pas de l'éclairer mais au contraire nourrissons nous de ce mystère, car c'est ce mystère qui fait de chaque existence quelque chose d'unique, quelque chose que nous éprouvons, qui se donne à vivre et, il faut souhaiter, que nous ayons envie de vivre. Si nous arrivions à faire totalement la lumière sur ce mystère, pour quelqu'un comme Jaspers, l'existence perdrait son sens et nous serions tous dans le risque de devenir mélancolique pour reprendre le terme de Kierkegaard.

Il faut donc mettre à l'épreuve cette existence, lui faire subir des pressions, au risque de l'éclater. Et pour Jaspers la philosophie ne doit pas s'installer dans une seule forme de rationalité mais doit varier justement les éclairages. On peut dire que l'œuvre de Jaspers montre assez bien cette variété d'éclairage posée sur l'existence.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Introduction à la philosophie -edit-10x18. Chap. 3.

 Jaspers montre que la première question philosophique, il se fonde sur l'histoire, c'est la question de l'être  et sur l'être.

Il va récapituler les réponses données. Il est à noter que Jaspers  remonte avant l'origine de la philosophie. Il y a des références à Thalès, à Pythagore, à des penseurs que la tradition appelle les présocratiques qui étaient les penseurs de la nature, des physiologues, mais non au sens du 18ème siècle, des penseurs de la « phusis » l'ensemble des choses animées et inanimées qui nous entoure et dont nous faisons partie, qui donne ensuite la science physique. Nous possédons des textes, peu nous sont parvenus en entier, bien souvent en mauvais état sous forme de fragments, ce sont les textes des présocratiques : Parménide, Héraclite, des mathématiciens comme Thalès, Pythagore, Anaximène, Anaximandre.

Il montre que toutes ces conceptions qui ont été proposées sont des conceptions insuffisantes car beaucoup trop restreintes et surtout, dit Jaspers, ce sont des conceptions qui se sont totalement focalisées sur l'objet. Le reproche que Jaspers fait est que toutes ces conceptions sont d'une part insuffisantes et surtout font de l'être une réalité qui est "en dehors de moi," un objet sur lequel je suis braqué. 

On retrouve l'idée d'une scission. Nous vivons notre existence sur le mode de la scission, c'est-à-dire en nous appréhendant comme sujet, et désormais, étant donné que nous sommes des sujets voués à poser le monde comme objet, comme existant en dehors de moi, et en plus ayant une autre réalité que la mienne.
Ce qui disparaît c’est le sujet en tant que tel. Il y a une focalisation sur l'objet.
 
Le grand idéalisme platonicien est obnubilé par l'idée que nous pourrions nous fondre avec l'objet. C'est le grand mythe de l’objectivité, de la connaissance vraie et du vrai assimilé au réel. N'oublions jamais cette phrase de Hegel qui résume cela « le réel est vrai ». C'est-à-dire que l'idéal de l'objectivisme est de nous annuler comme sujet. Nous n’aurions plus le point de vue de sujet et nous n’arriverions qu'à nous fondre avec l'objet et avoir ce point de vue de confusion entre le réel et le vrai.

Il faut attendre la révolution cartésienne. Là il y a une bascule de la philosophie, et ce qui va apparaître c’est l’émergence du sujet en tant que sujet qui s'assume comme sujet.
Le cogito cartésien veut dire que c'est moi qui suis assimilable à ma propre pensée et c'est ma propre pensée qui est à l’origine de toutes choses. Le monde existe parce que je le pense.
C'est un renversement des choses. Mais il y a risque de solipsisme (solus–seul, « solus ipse » : être seul en soi-même). Le solipsisme est cette situation dans laquelle je suis enfermé dans ma propre conscience et je ne peux en sortir. Et dans le solipsisme je découvre que ma pensée est tout à fait capable d'inventer un monde puisque la pensée est créatrice d'idée.
 


 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Je ne puis jamais vraiment être assuré qu'il existe un monde sous-tendu, un monde qui existe objectivement à l'extérieur de moi et indépendamment de moi et qui existe donc indépendamment de ma pensée. Le solipsisme est la pire des conséquences de l'idéalisme. Une des conséquences à trop hypertrophier le sujet, la conscience finit par exclure le monde. Le monde existe à l'intérieur de ma pensée et non plus à l'extérieur.

 Donc je vais me replier sur moi-même et je vais explorer ce monde qu'est la pensée et inventer. Ce risque est vertigineux puisque lorsqu'on regarde le texte cartésien l'on voit que la deuxième méditation métaphysique de Descartes pose le cogito comme origine de toutes choses, et troisième méditation de Dieu qu'il existe.
Descartes est obligé de faire intervenir l'instance divine pour l'arracher à ce solipsisme.

Qui va m'assurer que le monde existe ? 
Dieu qui est garant de vérité. Si l'on élimine Dieu, si l'on ne fait pas intervenir cet artifice, une fois que l'on a mis le pied dans ce blockhaus on n'en sort pas.

 Il faudra attendre Kant pour ruser et montrer qu'il y a peut-être une voie médiane qui est que l'on pose l'existence du monde, de la chose en soi, mais en même temps on pose que cette connaissance n'est pas possible et on pose donc forcément que je ne puis connaître les choses que ce dont moi, sujet, je puis avoir l'expérience.

Toute l'histoire de la philosophie occidentale est ce cheminement là, c'est-à-dire on pose l'objet, on pense qu'un jour on atteindra l'objet parce qu'on atteindra la vérité absolue et en même temps on se confondrait avec le réel. On investit du côté du sujet, on voit les risques, solipsisme, on fait marche arrière, on trouve une troisième voie c'est le kantisme, neo kantisme, jusqu'à l'hegelianisme qui est un moment d'acheminement dans l'histoire, mais pour Jaspers ceci figure chaque fois des impasses.

On ne peut pas à la fois trouver une vérité exclusivement du côté de l'objet ou exclusivement du côté du sujet, parcequ’en même temps nous nous éprouvons absolument sur le mode fondamental de la scission. L'oubli du sujet, cette hypertrophie du sujet fait qu'à chaque fois on rate cette première question sur laquelle s'est ouverte la philosophie, qui est l'être, que nous rappelle Jaspers.

 C'est très exactement dans ce sens là que Heidegger dit que la philosophie occidentale après Parménide s'est développée dans un « oubli de l'être ».

L'un des reproches qu'il adresse aux philosophes à partir de Platon c'est précisément d'avoir développé la pensée mais dans un oubli radical de l'être.

 Et toute la pensée de Heidegger a été de permettre un retour à l'être. Toute la critique heideggerienne très violente contre la technique, l'élaboration des technosciences qui occupent une partie de notre pensée, ce sont des choses réductrices qui finalement nous détournent de cette pensée première et originale que faute de mieux on appelle l'être.

Jaspers nous ramène précisément à l'être et puisque nous sommes voués à vivre notre existence sous cette forme de la scission, je suis un sujet voué à penser un objet et même quand je veux me penser moi-même, réflexivité, je ne puis me penser moi-même que sous forme d'objet, je rate cette dimension de l'être, et je ne puis comprendre ni ce qui fonde l'objet ni ce qui fonde le sujet.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 849 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Il y a 5 heures, satinvelours a dit :

Je ne puis jamais vraiment être assuré qu'il existe un monde sous-tendu, un monde qui existe objectivement à l'extérieur de moi et indépendamment de moi et qui existe donc indépendamment de ma pensée. Le solipsisme est la pire des conséquences de l'idéalisme. Une des conséquences à trop hypertrophier le sujet, la conscience finit par exclure le monde. Le monde existe à l'intérieur de ma pensée et non plus à l'extérieur.

 Donc je vais me replier sur moi-même et je vais explorer ce monde qu'est la pensée et inventer. Ce risque est vertigineux puisque lorsqu'on regarde le texte cartésien l'on voit que la deuxième méditation métaphysique de Descartes pose le cogito comme origine de toutes choses, et troisième méditation de Dieu qu'il existe.
Descartes est obligé de faire intervenir l'instance divine pour l'arracher à ce solipsisme.

Qui va m'assurer que le monde existe ? 
Dieu qui est garant de vérité. Si l'on élimine Dieu, si l'on ne fait pas intervenir cet artifice, une fois que l'on a mis le pied dans ce blockhaus on n'en sort pas.

 Il faudra attendre Kant pour ruser et montrer qu'il y a peut-être une voie médiane qui est que l'on pose l'existence du monde, de la chose en soi, mais en même temps on pose que cette connaissance n'est pas possible et on pose donc forcément que je ne puis connaître les choses que ce dont moi, sujet, je puis avoir l'expérience.

Toute l'histoire de la philosophie occidentale est ce cheminement là, c'est-à-dire on pose l'objet, on pense qu'un jour on atteindra l'objet parce qu'on atteindra la vérité absolue et en même temps on se confondrait avec le réel. On investit du côté du sujet, on voit les risques, solipsisme, on fait marche arrière, on trouve une troisième voie c'est le kantisme, neo kantisme, jusqu'à l'hegelianisme qui est un moment d'acheminement dans l'histoire, mais pour Jaspers ceci figure chaque fois des impasses.

On ne peut pas à la fois trouver une vérité exclusivement du côté de l'objet ou exclusivement du côté du sujet, parcequ’en même temps nous nous éprouvons absolument sur le mode fondamental de la scission. L'oubli du sujet, cette hypertrophie du sujet fait qu'à chaque fois on rate cette première question sur laquelle s'est ouverte la philosophie, qui est l'être, que nous rappelle Jaspers.

 C'est très exactement dans ce sens là que Heidegger dit que la philosophie occidentale après Parménide s'est développée dans un « oubli de l'être ».

L'un des reproches qu'il adresse aux philosophes à partir de Platon c'est précisément d'avoir développé la pensée mais dans un oubli radical de l'être.

 Et toute la pensée de Heidegger a été de permettre un retour à l'être. Toute la critique heideggerienne très violente contre la technique, l'élaboration des technosciences qui occupent une partie de notre pensée, ce sont des choses réductrices qui finalement nous détournent de cette pensée première et originale que faute de mieux on appelle l'être.

Jaspers nous ramène précisément à l'être et puisque nous sommes voués à vivre notre existence sous cette forme de la scission, je suis un sujet voué à penser un objet et même quand je veux me penser moi-même, réflexivité, je ne puis me penser moi-même que sous forme d'objet, je rate cette dimension de l'être, et je ne puis comprendre ni ce qui fonde l'objet ni ce qui fonde le sujet.

"cette pensée première et originale que faute de mieux on appelle l'être."

On en revient toujours à cette notion floue de l'Être... Il faudrait presque un dessin à la façon des ensembles : Là est l'esprit, un petit cercle à l'intérieur d'un plus grand, mon corps, à l'intérieur d'un autre plus grand, le monde.

Si cet "être" est la chose en soi, ou "l'existant brut" on ne peut le qualifier de "pensée" ou de "pensée première" : il est hors de toute pensée.

S'il est le "noumène" il est une pensée, mais seulement une pensée intelligible. On va dire par exemple la loi de la gravitation. Non ?

S"il est la chose en soi, lourdement existante, la représentation que je me fabrique de celle-ci (en soi) dans mon esprit. est une représentation dont le seul contenu est qu'il peut bien exister hors de moi quelque réalité, mais dont je ne peux rien savoir. (Kant) Ce n'est qu'une étiquette.

Il faudrait donc décider une bonne fois si ce que je nomme l'Être n'est que pensé (ou pensée !) s'il ne sort pas de mon esprit et qu'il est mon fait ou s'il a à voir avec la chose en soi. Une chose en soi qui m'échappe. Mais dont je suppose que me vient toute information.

Le problème de l'esprit est qu'il fonctionne sur un autre mode (on va dire un mode virtuel) que le monde (même mon corps) qui l'environne et qu'il est de ce fait "isolé". Condamné par sa nature (autre que celle du monde) à cet isolement. Il n'est entouré que de choses où qu'il se tourne... Pas de pensées qu'il puisse directement, de lui même appréhender. (Je rajoute : et si je m'ouvre à une autre pensée, mon esprit est ainsi fait qu'il ne peut que commencer par l'intégrer ! Une pensée extérieure à moi n'existe pas pour moi en tant que pensée ! Elle n'est qu'un hypothèse, qu'une pensée possible. c'est en l'intégrant qu'elle devient une pensée. Ce qui n'est pas possible pour un objet : l'esprit ne peut en intégrer aucun. -seulement son image- L'esprit est contraint de traduire un objet en pensée s'il veut l'intégrer et donc il le manque d'une certaine façon.)

Bien sûr la seule chose dont mon esprit soit sûr, c'est de lui-même. Et ce n'est pas le monde qu'il reçoit en lui d'une quelconque façon,  mais des images de ce monde par le truchement du corps : les phénomènes.

La seule autre façon d'envisager les choses c'est de prendre (plus ou moins!) les phénomènes pour argent comptant! C'est la démarche scientifique. Il y est question d'affiner le mieux possible les images qui me viennent du monde. Après avoir "décrété" (a priori) que puisque j'ai des images (perceptions) qui se sont formées en moi, c'est qu'elle doivent bien avoir une origine extérieure que j'appelle le monde hors de ma pensée.

(D'accord, j'essaie de me rejouer "les méditations" sans Dieu !)

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Pour Jaspers la première nécessité philosophique est d'essayer de reconstituer cette unité perdue, cette totalité qui est le fondement même de toute pensée même si elle l'ignore. Et cette totalité qui engloberait le point de vue du sujet et le point de vue de l'objet c'est ce que précisément, faute de mieux, il va désigner sous le terme d'englobant.

 C'est l'idée qu'il y a là une instance que l'on n’arrive pas à décrire forcément tout de suite, mais qui rassemblerait le point de vue du sujet et le point de vue de l'objet. Cette totalité on l'appelle l'englobant.

Le fait qu'il éprouve la nécessité de créer un terme qui n'existait pas avant lui, montre le souci de Jaspers de se décaler malgré tout des objectifs de la métaphysique traditionnelle. Il aurait très bien pu tout de suite nous dire « l'être ». Il avait à sa disposition un vocabulaire vieux de 2500 ans.

 Mais ce qui intéresse Jaspers c'est de ne pas retrouver les dangers de la métaphysique, faire disparaître au profit de cette catégorie d'être ce qui nous intéresse, c'est-à-dire l'existence. C'est d'essayer de nous ressaisir comme existant et d'essayer de penser un minimum notre existence puisque, à la lettre, l'existence n'est pas pensable. On ne peut pas en faire un objet de pensée avec l'idée que l'on en fait le tour et que ce serait un concept clos, achevé.

 Néanmoins chaque existant a cette tâche de se mettre en surplomb, un peu comme Kierkegaard, par rapport à sa propre existence pour tenter de la ressaisir de façon à pouvoir la décider, l'orienter. 

C'est tout le problème de la liberté. Cet englobant est quelque chose qui est mystérieux. Pour l'instant nous avons un mot vide et c'est pour cela que englobant dans la pensée de Jaspers est souvent accompagné du terme mystère.

L'idée de Jaspers est de nous dire que forcément si nous sommes clivés, si nous sommes scindés, si notre réalité nous la vivons sous la forme de la scission : sujet obligé de penser objet, des objets quels qu'ils soient, ceci pose, en même temps, l'idée que  s'il y a scission, il y a unité première qui a été scindée. Donc l'expérience existentielle qui est la nôtre, celle de tout homme, et qui est l'expérience de la scission induit nécessairement l'idée qu'à origine de la scission il y a une unité, une globalité, une totalité qui est cet englobant mystérieux.

 C'est ce qui va mettre en route la pensée, ce qu'il y a à penser c'est précisément de l'impensable. C'est le paradoxe. Il y a une très grande proximité au niveau des schémas logiques entre Jaspers et Heidegger.
 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Contrairement à ce que l'on pense les objets précis que l'on se donne à penser ce sont des objets transitionnels, c'est-à-dire ce sont des leurres.

 Ce sont des choses que nous nous donnons puisqu'il faut bien que notre pensée s'accroche à quelque chose, mais c’est ce qui en assure le dynamisme profond, ce qui fait qu'elle est toujours en mouvement, qu'elle ne se laisse jamais épuiser par quelconque objet, que toujours elle varie ces objets.

La pensée peut penser en extension et en compréhension.
 
Je puis penser en ouvrant le champ de pensée, en démultipliant le champ des objets ou je puis penser à la recherche scientifique et là il y a plutôt une recherche en compréhension c'est-à-dire l'on construit un concept, un système conceptuel.

A ce moment-là je vais travailler non pas en extension mais en compréhension, car je vais rentrer de plus en plus profondément dans tel ou tel concept. On travaille avec les deux ; on ne peut se contenter d'un axe, mais on peut en favoriser un au profit d'un autre. C'est vrai que la pensée scientifique travaille plutôt en compréhension. 
 
L'idée générale est que ce qui assure le moteur de la pensée c'est quelque chose que Jaspers va nommer le mystère qui est de l'ordre de l'impensable, notre rationalité logique et notre pensée logique ne peuvent pas enfermer cette chose « de l'être » dans les catégories qu'elle a construites dans son histoire.

 Néanmoins il faut poser de l'impensable pour mettre en acte la pensée elle-même. La littérature, en particulier du XIXe siècle, explore cette idée là c'est-à-dire qu'il y a de l'impensable ( Blanchot-Duras).

L'englobant est ce terme qui va essayer de dépasser la scission tout en sachant que nul langage, nul concept, logique et philosophique, ne vont être capables d'enserrer cet englobant.

L'être  ne saurait être véritablement objet de pensée car s'il devenait objet de pensée il s'épuiserait dans ses limites d'objet et subirait le même sort que tout objet de pensée, il se laisserait totalement enserré par les mots, les concepts dont la pensée se sert. Il faut donc poser l'être plutôt comme horizon de pensée, comme condition de cette possibilité de la pensée, même si cette expression est kantienne, elle convient bien ici.

« L'englobant pour ma conscience reste obscur ». Jaspers souligne l'obscurité inhérente de l'englobant. Il ne peut être véritablement pensé, ou plus exactement il ne peut-être pensé qu'obliquement, c'est-à-dire au travers d'objets qui s'offrent à moi.

On arrivera très vite à l'idée que l'englobant ne peut pas être pensé directement, frontalement, mais qu'il ne se laisse aborder qu'indirectement au travers de tous les objets que la pensée va se donner, des objets mathématiques,  philosophiques, des objets de pensée.

A chaque fois que je vais poser tel ou tel objet et tenter de le saisir avec ma pensée, je vais en retour éclairer d'une certaine façon mon existence. C'est effectivement la référence systématique de chaque objet à ce que Jaspers appelle l'englobant qui, en retour, va éclairer la vision que j'ai de mon existence de telle ou telle façon.


 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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On pourrait traduire cette idée chère à l'existentialisme que, à travers chacune de mes pensées, chacune de mes décisions, chacune de mes volontés, et surtout chacun de mes actes je suis confronté à cette question existentielle fondamentale : « que suis-je ? » C'est-à-dire ce que je fais de mon existence en pensant cette chose comme je la pense, en voulant cette chose comme je la veux, en faisant cet acte tel que je le fais ou au contraire en refusant de le faire ?

C'est l'idée que chaque acte de pensée doit toujours se dérouler pour moi dans ma conscience sur cet horizon là, c'est-à-dire il met en perspective à chaque fois la totalité de ce que je suis. Mais en même temps avec cette idée que rien n'est jamais fini. Je ne cesse de me construire avec cette idée que je puis tout le temps reprendre mes actes.
 
Dans ces pensées de l'existentialisme rien n'est jamais fermé. Chaque acte nous engage totalement et comme totalité. C'est dans l'ensemble de mon existence qui est posé et remis en question au travers de chacun mes actes, de mes volontés, de mes intentions, que je découvre ma liberté. J'ai fait, mais il m'appartient  aussi de le remettre en cause. C'est la tâche qui est la mienne et qui construit, qui élabore ce que l'on appelle la substance même de l'existence

L'englobant ne fait que s'annoncer, ne fait que s’indiquer, d'où l'idée que tout dans ce qui nous entoure doit être interprété un peu à la manière des signes.
Jaspers a beaucoup travaillé le langage et a consacré tout un volume à la philosophie du langage. Les phénomènes, nous fait comprendre Jaspers, sont, comme le veut l'étymologie, absolument des apparences, mais l'apparence n'est qu'un signe de l'être. Ce qui veut dire que tout dans ce qui nous entoure nous invite à découvrir qu'il y a un au-delà de cette apparence et à découvrir notre propre transcendance. On retrouve le couple traditionnel « être-apparaître ».

Jaspers va montrer que j'appréhende l'englobant sur plusieurs modes. Il y en a trois. Il y a plusieurs modes possible de saisie et d'approche de cet englobant.

- Je l'appréhende, dit-il, d'une certaine façon lorsque je suis un entendement (on est dans la logique), face a des réalités objectives. Lorsque je ne fais fonctionner que mon entendement avec des catégories logiques, je me rapporte à cet englobant d'une certaine façon. L'englobant c'est la tâche aveugle de la connaissance.

- Il y a une deuxième façon, dit Jaspers, de s'y rapporter. C'est une façon plus vitale. Je me saisis également comme un être vivant, un bios, qui est aux prises avec son milieu, qui réagit à son milieu, doit s'adapter, se transformer. A chaque fois que je me saisis comme vivant et ayant des échanges avec d'autres vivants et nourrissant ma propre vie de ces échanges, j'ai un certain accès à l'englobant.
L'englobant est aussi ce qui se donne au travers de tout ce qui est la vie, l'élan vital comme dirait Bergson, qui fait que la vie me traverse et que j'ai beau être abattu, déprimé, il n'empêche qu'il y a encore une force vitale que je puis sentir même si elle peut s'affaiblir. Cette idée là est une certaine approche pour Jaspers de l'englobant. Il existe une certaine force qui me tire et qui fait que je ne puis jamais m'arrêter.

Il y a une troisième modalité. Je suis aussi une existence braquée sur l'être, c'est-à-dire sur Dieu. Et dans cette dimension-là je suis tout à fait disposé à concevoir que tous ces phénomènes qui m'entourent, qu'ils soient logiques, matériels et vitaux, ne sont que des chiffres, des symboles qu'il me faut sans cesse déchiffrer.


 

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 849 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Il y a 1 heure, satinvelours a dit :

On pourrait traduire cette idée chère à l'existentialisme que, à travers chacune de mes pensées, chacune de mes décisions, chacune de mes volontés, et surtout chacun de mes actes je suis confronté à cette question existentielle fondamentale : « que suis-je ? » C'est-à-dire ce que je fais de mon existence en pensant cette chose comme je la pense, en voulant cette chose comme je la veux, en faisant cet acte tel que je le fais ou au contraire en refusant de le faire ?

C'est l'idée que chaque acte de pensée doit toujours se dérouler pour moi dans ma conscience sur cet horizon là, c'est-à-dire il met en perspective à chaque fois la totalité de ce que je suis. Mais en même temps avec cette idée que rien n'est jamais fini. Je ne cesse de me construire avec cette idée que je puis tout le temps reprendre mes actes.
 
Dans ces pensées de l'existentialisme rien n'est jamais fermé. Chaque acte nous engage totalement et comme totalité. C'est dans l'ensemble de mon existence qui est posé et remis en question au travers de chacun mes actes, de mes volontés, de mes intentions, que je découvre ma liberté. J'ai fait, mais il m'appartient  aussi de le remettre en cause. C'est la tâche qui est la mienne et qui construit, qui élabore ce que l'on appelle la substance même de l'existence

L'englobant ne fait que s'annoncer, ne fait que s’indiquer, d'où l'idée que tout dans ce qui nous entoure doit être interprété un peu à la manière des signes.
Jaspers a beaucoup travaillé le langage et a consacré tout un volume à la philosophie du langage. Les phénomènes, nous fait comprendre Jaspers, sont, comme le veut l'étymologie, absolument des apparences, mais l'apparence n'est qu'un signe de l'être. Ce qui veut dire que tout dans ce qui nous entoure nous invite à découvrir qu'il y a un au-delà de cette apparence et à découvrir notre propre transcendance. On retrouve le couple traditionnel « être-apparaître ».

Jaspers va montrer que j'appréhende l'englobant sur plusieurs modes. Il y en a trois. Il y a plusieurs modes possible de saisie et d'approche de cet englobant.

- Je l'appréhende, dit-il, d'une certaine façon lorsque je suis un entendement (on est dans la logique), face a des réalités objectives. Lorsque je ne fais fonctionner que mon entendement avec des catégories logiques, je me rapporte à cet englobant d'une certaine façon. L'englobant c'est la tâche aveugle de la connaissance.

- Il y a une deuxième façon, dit Jaspers, de s'y rapporter. C'est une façon plus vitale. Je me saisis également comme un être vivant, un bios, qui est aux prises avec son milieu, qui réagit à son milieu, doit s'adapter, se transformer. A chaque fois que je me saisis comme vivant et ayant des échanges avec d'autres vivants et nourrissant ma propre vie de ces échanges, j'ai un certain accès à l'englobant.
L'englobant est aussi ce qui se donne au travers de tout ce qui est la vie, l'élan vital comme dirait Bergson, qui fait que la vie me traverse et que j'ai beau être abattu, déprimé, il n'empêche qu'il y a encore une force vitale que je puis sentir même si elle peut s'affaiblir. Cette idée là est une certaine approche pour Jaspers de l'englobant. Il existe une certaine force qui me tire et qui fait que je ne puis jamais m'arrêter.

Il y a une troisième modalité. Je suis aussi une existence braquée sur l'être, c'est-à-dire sur Dieu. Et dans cette dimension-là je suis tout à fait disposé à concevoir que tous ces phénomènes qui m'entourent, qu'ils soient logiques, matériels et vitaux, ne sont que des chiffres, des symboles qu'il me faut sans cesse déchiffrer.


 

Si tout ce que je fais m'engage totalement, mais que je peux toujours le remettre en cause, c'est sans doute vrai, mais c'est aussi contradictoire. Et la suite peut le résoudre dans la mesure où ce que je suis, n'est que ce que je parais être. Une comédie intime. La/ma transcendance en prend un coup !... Pour les modalités, c'est un peu ce que j'essayais de dire l'autre jour sur les modes d'appréhender le monde.

"J'ai fait, mais il m'appartient  aussi de le remettre en cause."

Il faut pas trop me le dire ça ! Je me prends déjà pas assez au sérieux ! Et je crois même pas vraiment à ce que je crois ! Je ris ! Je vais essayer de continuer, de poursuivre quand même ....

"Il existe une certaine force qui me tire et qui fait que je ne puis jamais m'arrêter."

je comprends plus ça comme une inertie du vivant que comme une "force vitale" en tant que telle. Enfin, cela dépend des moments et de la transposition plus ou moins réussie des "pulsions de base"... La transcendance devient toute petite, là...

 

Modifié par Blaquière
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moch niap Membre 236 messages
Baby Forumeur‚
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sans doute peut-on penser que l'on est quelque chose. Suis-je ces cellules ? Oui sans doute. Je suis chacune d'elle. Je suis cette chute de vélo lorsque j'avais cinq ans. Je suis chaque millième de seconde, chaque milliardième de nano seconde. Mais peut-on dire que je veux tout cela ? Cela semble insensé de croire cela possible.

Il y a une part de volonté dans mon être ? certes et c'est une chose qui peut grandir, certes. Mais n'avez-vous pas parfois l'idée qu'il s'agit moins d'une liberté que d'une aliénation?

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 849 messages
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Il y a 10 heures, moch niap a dit :

sans doute peut-on penser que l'on est quelque chose. Suis-je ces cellules ? Oui sans doute. Je suis chacune d'elle. Je suis cette chute de vélo lorsque j'avais cinq ans. Je suis chaque millième de seconde, chaque milliardième de nano seconde. Mais peut-on dire que je veux tout cela ? Cela semble insensé de croire cela possible.

Il y a une part de volonté dans mon être ? certes et c'est une chose qui peut grandir, certes. Mais n'avez-vous pas parfois l'idée qu'il s'agit moins d'une liberté que d'une aliénation?

Oui et d'autant plus qu'il y a deux formes d'aliénation. A deux niveaux.

Une aliénation choisie, acceptée, quand on décide de "suivre le courant", de ne pas dépasser les bornes (culturelles, assignées), que l'on n'est QUE ce que "l'on" voudrait qu'on soit". Avant ou sans prise de conscience d'une liberté possible.

Mais avant ce choix, le fait que ce choix soit (!) est une liberté obligée. Être condamné, contraint à être libre, que l'on soit obligé de passer par ce choix, est une aliénation. Un paradoxe, un oxymore ! Une liberté aliénante ?! Encore faut-il remonter à ce niveau, à cette possibilité de choix avant de la penser aliénation, comme nécessité, comme obligation. Je dirai qu'il s'agit plus d'une aliénation formelle que réelle. (Pour la liberté)

On n'a pas la possibilité d'échapper à ce choix puisque ne pas choisir la/sa liberté, c'est à coup sûr choisir l'aliénation. Est-ce que pouvoir ne pas choisir l'aliénation (à coup sûr)  est une aliénation ? Je l'ai dit : seulement formelle ? Au niveau du sens, (par opposition à la forme, celle du mot terrifiant d'"aliénation") choisir n'équivaut pas à ne pas choisir.

Est-ce que tout paradoxe n'est que formel ? C'est un autre sujet....

Mais je comprends comme ça l'existentialisme façon Sartre : "être contraint d'être libre"... On peut bien l'appeler "l'aliénation de la non-aliénation"... ça ne changera pas grand chose...

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Cet englobant peut donc se définir de trois façons : on peut le comprendre comme conscience universelle qui est la condition de l'existence de ma conscience empirique, la mienne propre dans sa réalité.

 Conscience universelle qui transcende la conscience individuelle et empirique, qui est aussi la condition de possibilité et cet horizon sur lequel toute conscience empirique peut apparaître et s'apparaître à elle même, qui éclaire ma conscience empirique et qui va maintenir ensemble ces trois modalités humaines, le sentir, la perception, le penser.

Cette notion d'englobant révèle que, pour Jaspers également, l'existence est à la lettre impensable et n'est donc pas un objet. Elle n'est pas objectivable car tout l'être du monde renvoie à ma conscience et l'idée est que tout ne saurait être pensé par la partie, et je suis une partie.

De cela Jaspers conclut que notre être propre est ouvert vers le monde, vers autrui, vers Dieu. Il faut donc nous penser comme ouverture particulièrement vers le divin c'est-à-dire comme transcendance. On abandonne, et c'est le propre de tout existentialisme, l'idée d'un moi ou d'une conscience qui serait une substance, pour lui substituer l'idée d'une transcendance, la conscience.

1ère idée
La conscience n'est pas une substance. On rompt définitivement avec cette conception traditionnelle de la conscience qui veut en faire une chose, y compris chez Descartes. La conscience est transcendance, ouverture, dépassement vers autre chose qu'elle-même ce que les phénoménologues appellent intentionnalité.

2ème idée 
Cette ouverture que je suis pour moi-même constitue à la fois notre finitude. Si toujours nous nous rapportons à autre chose qu'à nous-mêmes, si nous n'existons que dans ce qui nous dépasse, dans ce qui nous transcende, cela veut dire que nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes. Nous ne sommes pas. Nous ne pouvons trouver notre fondement en nous-mêmes (contingence–facticité : Sartre).

Nous n'avons pas en nous-mêmes notre propre fondement, il faut que nous allions le trouver ailleurs, chez l'autre, dans l'amour ou en Dieu être transcendant par excellence. Mais on peut également conclure que cette ouverture c'est également notre richesse, puisque nous ne nous constituons qu'au travers de cet excès par rapport à nous-mêmes, de cet élan vers autre chose que nous-mêmes, vers l'autre, dans ce don de soi, vers Dieu.

 

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 849 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Il y a 1 heure, satinvelours a dit :

Cet englobant peut donc se définir de trois façons : on peut le comprendre comme conscience universelle qui est la condition de l'existence de ma conscience empirique, la mienne propre dans sa réalité.

 Conscience universelle qui transcende la conscience individuelle et empirique, qui est aussi la condition de possibilité et cet horizon sur lequel toute conscience empirique peut apparaître et s'apparaître à elle même, qui éclaire ma conscience empirique et qui va maintenir ensemble ces trois modalités humaines, le sentir, la perception, le penser.

Cette notion d'englobant révèle que, pour Jaspers également, l'existence est à la lettre impensable et n'est donc pas un objet. Elle n'est pas objectivable car tout l'être du monde renvoie à ma conscience et l'idée est que tout ne saurait être pensé par la partie, et je suis une partie.

De cela Jaspers conclut que notre être propre est ouvert vers le monde, vers autrui, vers Dieu. Il faut donc nous penser comme ouverture particulièrement vers le divin c'est-à-dire comme transcendance. On abandonne, et c'est le propre de tout existentialisme, l'idée d'un moi ou d'une conscience qui serait une substance, pour lui substituer l'idée d'une transcendance, la conscience.

1ère idée
La conscience n'est pas une substance. On rompt définitivement avec cette conception traditionnelle de la conscience qui veut en faire une chose, y compris chez Descartes. La conscience est transcendance, ouverture, dépassement vers autre chose qu'elle-même ce que les phénoménologues appellent intentionnalité.

2ème idée 
Cette ouverture que je suis pour moi-même constitue à la fois notre finitude. Si toujours nous nous rapportons à autre chose qu'à nous-mêmes, si nous n'existons que dans ce qui nous dépasse, dans ce qui nous transcende, cela veut dire que nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes. Nous ne sommes pas. Nous ne pouvons trouver notre fondement en nous-mêmes (contingence–facticité : Sartre).

Nous n'avons pas en nous-mêmes notre propre fondement, il faut que nous allions le trouver ailleurs, chez l'autre, dans l'amour ou en Dieu être transcendant par excellence. Mais on peut également conclure que cette ouverture c'est également notre richesse, puisque nous ne nous constituons qu'au travers de cet excès par rapport à nous-mêmes, de cet élan vers autre chose que nous-mêmes, vers l'autre, dans ce don de soi, vers Dieu.

 

Et si Dieu n'existe pas, n'est rien : zéro à zéro, la balle au centre! Il faut chercher ailleurs.. chercher où notre raisonnement est bancal...

" Conscience universelle qui transcende la conscience individuelle et empirique, qui est aussi la condition de possibilité et cet horizon sur lequel toute conscience empirique peut apparaître et s'apparaître à elle même"

Cela revient à affirmer dès le départ que "notre conscience individuelle et empirique" (donc on est sûr qu'elle existe) n'existe qu'en tant que partie d'une "conscience universelle" hypothétique, fantasmée. (Ou pire qu'en tant que conscience "dégradée", "dévaluée" "déchue" ! C'est un point de vue très religieux!)  Si c'était le cas, bien sûr que l'horizon de notre conscience serait cette  conscience universelle. Mais si cette conscience universelle n'est pas il n'y a QUE notre "conscience individuelle et empirique" . Ses conditions d'existence n'ont pas à être nécessairement une conscience universelle. Pourquoi faire de notre conscience a priori "une partie" ? De la même façon que les conditions d'existence d'un triangle sont l'existence d'un plan et de droites, mais que ni le plan ni les droites ne sont un triangle. Il faut (à mon avis!) considérer la triangle et notre conscience, comme des événements, des avènements, des "créations" pas comme des héritages. (!)

 

"l'existence est à la lettre impensable et n'est donc pas un objet." :

On pourrait aussi bien dire le contraire : l'existence est impensable parce qu'elle est un objet, elle est ce que l'objet a de "plus objet".  (Il s'agit d'un "objet tout court", un objet du monde,  pas d'un "objet de pensée" qui par définition est pensable. (Question de vocabulaire).

Elle n'est pas objectivable car tout l'être du monde renvoie à ma conscience

Là je sens comme une contradiction. "l'existence n'est pas objectivable" ? Elle est l'objet ! On vient de dire qu'elle n'est pas pensable soit ! (je suis d'accord) Mais si cet "être du monde" (on retombe sur le terme d'être qui dit tout et n'importe quoi !) est l'existence et qu'il renvoie à ma conscience, c'est qu'ils (l'existence et/ou l'être du monde) sont pensables par elle, par ma conscience ! (contradiction, donc)

l'idée est que tout ne saurait être pensé par la partie, et je suis une partie.

Là, je crois qu'on retrouve exactement l'idée de Descartes qui dit que puisque je suis fini, je ne peux pas penser l'infini. Et que donc mon idée d'infini vient "d'ailleurs"...

 

"On abandonne, et c'est le propre de tout existentialisme, l'idée d'un moi ou d'une conscience qui serait une substance, pour lui substituer l'idée d'une transcendance, la conscience."

Il faudrait ici mieux définir les concepts de substance et surtout de transcendance. Que la conscience ne soit pas une substance, (dans plus ou moins le sens d'un objet matériel, comme le corps ou les corps chimiques), On sera volontiers d'accord. Ni de l'électricité d'ailleurs ! On en arrive à l'idée de transcendance ? Soit ! C'est à dire ? Le contraire d'une immanence ? A savoir que la conscience ne serait pas issue d'elle-même ? C'est plus que vraisemblable. Mais on a l'habitude de donner à la notion de transcendance un autre sens que simplement celui de "venir d'ailleurs" ou de n'être pas sa propre cause (auquel semble se tenir Sartre) à savoir celui de venir... "d'en haut"  En un mot de Dieu. Pourquoi, l'origine de la conscience, pour être transcendante et venir d'ailleurs que d'elle même, (n'étant pas sa propre cause, sa propre origine), ne viendrait-elle pas tout simplement ... du corps ? Nous connaissons bien les deux : et notre corps et notre conscience !

 

 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Ce n'est pas un hasard si Jaspers va s'intéresser au problème de la folie : Edit Minuit-Karl Jaspers : Strindberg et Van Gogh-Swedenborg-Hölderlin- Introduction Maurice Blanchot : La folie par excellence.

La thèse de Jaspers c'est que la folie n'est pas créatrice contrairement à une idée reçue. La folie ne donne rien en elle-même, elle fait souffrir et la souffrance peut être parfaitement stérile. C'est le cas de la majorité de ceux qui en sont atteints, qui ne sont pas forcément des créateurs.

La folie intervient dans le processus créateur quand il y a quelque chose à manifester, à montrer, et va agir comme catalyseur et comme quelque chose qui, en chimie, est appelé précipité. Cela va permettre à une pensée qui, si elle n'avait pas été vouée aux attaques de la maladie, serait peut-être laborieusement parvenue à certaines compréhensions et manifestations d'idée. Par le côté désinhibiteur de la maladie on arrive à manifester quelque chose qui est une vérité puisque nous pouvons y répondre. 

La thèse de Jaspers consiste à dire que la folie, cette psychose qu'est la schizophrénie, peut sauvegarder le processus créateur tout en l'accomplissant d'une certaine façon. Ce sont des expériences limites qui manifesteraient cette présence de l'être.

Dans ces œuvres là ce qui se dit aux autres c'est qu'il y a en nous, et en nous tous, un fond d'obscurité, et c'est cette obscurité que ces œuvres particulières vont tenter d'éclairer à leur façon. Cette tentative d'éclairement de ce qui ne tolère pas la lumière, dans une terrible dialectique fait basculer ces créateurs dans ce qu'on appelle la folie.
 
Dans la correspondance de Strindberg on voit bien ces moments de tension interne extrême dont il est parfaitement conscient, cette recherche soit du mot juste soit de la couleur (lettre de Van Gogh où il se désespère de ne pouvoir trouver cette espèce de vibration de jaune qui va finalement entraîner sa mort). Cette recherche absolue qui va brûler de l'intérieur ces créateurs.

C'est pour Jaspers une manifestation de ce qu'il appelle l'être, dans son mystère, qui est en nous et que nous, nous explorons autrement d'une façon plus sage, plus modérée, plus protégée.

L'idée est que la maladie nous enlève toutes les couches protectrices que nous nous sommes construits, que l'on nous a aidé à construire, de sorte que ces gens là sont totalement vulnérables, nus, exposés mais que leur exposition doit nous apprendre des choses sur notre propre existence.

Ce ne sont pas des expériences à part mais des expériences révélatrices de notre constitution propre. Si nous ne pouvons faire cela ce n'est pas parce que nous n'avons pas cette obscurité en nous, c'est parce que cette obscurité nous ne voulons rien en savoir. Quand on sent que l'on commence à flirter avec des choses dangereuses on a immédiatement des signaux d'alarme et l'on a les défenses toutes prêtes.
D'autres ne les ont pas.

Ces brèches dans ces défenses, cela s'appelle les psychoses. Il ne suffit pas d'être psychotique pour être créateur, mais il y a une alliance privilégiée entre ce que fait cette maladie et des possibilités créatrices qui existent chez certains. La folie contribue à éclairer l'être, l'englobant à révéler qu'il existe.

 

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moch niap Membre 236 messages
Baby Forumeur‚
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Le 24/02/2019 à 12:13, Blaquière a dit :

"notre conscience individuelle et empirique" (donc on est sûr qu'elle existe)

nous sommes sûrs de notre existence … nous sommes sûrs de la pluie qui tombe … mais sommes-nous sûrs de notre conscience ?...pour cela il faudrait que ce mot désigne quelque chose ...que voulons-nous dire quand nous parlons de conscience ou d'inconscience ou de pensée ou de colère …?

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 849 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Le 26/02/2019 à 12:40, satinvelours a dit :

Ce n'est pas un hasard si Jaspers va s'intéresser au problème de la folie : Edit Minuit-Karl Jaspers : Strindberg et Van Gogh-Swedenborg-Hölderlin- Introduction Maurice Blanchot : La folie par excellence.

La thèse de Jaspers c'est que la folie n'est pas créatrice contrairement à une idée reçue. La folie ne donne rien en elle-même, elle fait souffrir et la souffrance peut être parfaitement stérile. C'est le cas de la majorité de ceux qui en sont atteints, qui ne sont pas forcément des créateurs.

La folie intervient dans le processus créateur quand il y a quelque chose à manifester, à montrer, et va agir comme catalyseur et comme quelque chose qui, en chimie, est appelé précipité. Cela va permettre à une pensée qui, si elle n'avait pas été vouée aux attaques de la maladie, serait peut-être laborieusement parvenue à certaines compréhensions et manifestations d'idée. Par le côté désinhibiteur de la maladie on arrive à manifester quelque chose qui est une vérité puisque nous pouvons y répondre. 

La thèse de Jaspers consiste à dire que la folie, cette psychose qu'est la schizophrénie, peut sauvegarder le processus créateur tout en l'accomplissant d'une certaine façon. Ce sont des expériences limites qui manifesteraient cette présence de l'être.

Dans ces œuvres là ce qui se dit aux autres c'est qu'il y a en nous, et en nous tous, un fond d'obscurité, et c'est cette obscurité que ces œuvres particulières vont tenter d'éclairer à leur façon. Cette tentative d'éclairement de ce qui ne tolère pas la lumière, dans une terrible dialectique fait basculer ces créateurs dans ce qu'on appelle la folie.
 
Dans la correspondance de Strindberg on voit bien ces moments de tension interne extrême dont il est parfaitement conscient, cette recherche soit du mot juste soit de la couleur (lettre de Van Gogh où il se désespère de ne pouvoir trouver cette espèce de vibration de jaune qui va finalement entraîner sa mort). Cette recherche absolue qui va brûler de l'intérieur ces créateurs.

C'est pour Jaspers une manifestation de ce qu'il appelle l'être, (Je pense bien plus simplement : l'inconscient on a encore ce concept d'être qui... dit tout et rien!) dans son mystère, qui est en nous et que nous, nous explorons autrement d'une façon plus sage, plus modérée, plus protégée.

L'idée est que la maladie nous enlève toutes les couches protectrices que nous nous sommes construits, que l'on nous a aidé à construire, de sorte que ces gens là sont totalement vulnérables, nus, exposés 
(je crois que c'est trop dire) mais que leur exposition doit nous apprendre des choses sur notre propre existence.

Ce ne sont pas des expériences à part mais des expériences révélatrices de notre constitution propre. Si nous ne pouvons faire cela ce n'est pas parce que nous n'avons pas cette obscurité en nous, c'est parce que cette obscurité nous ne voulons rien en savoir. Quand on sent que l'on commence à flirter avec des choses dangereuses on a immédiatement des signaux d'alarme et l'on a les défenses toutes prêtes.
D'autres ne les ont pas. (oui et non car alors comment explique le retour du refoulé (symptômes) chez tout un chacun ? va-ton dire que les "gens normaux" n'ont pas d'inconscient ?)

Ces brèches dans ces défenses, cela s'appelle les psychoses. Il ne suffit pas d'être psychotique pour être créateur, mais il y a une alliance privilégiée entre ce que fait cette maladie et des possibilités créatrices qui existent chez certains. La folie contribue à éclairer l'être, (encore !  L'inconscient !) l'englobant (C'est un choix de vocabulaire, mais il y a contradiction à nommer ici "englobant" l'inconscient qui par définition ... n'est pas englobé !) à révéler qu'il existe.

 

Il y a beaucoup de choses que j'approuve et d'autre devant lesquelles je coince ! J'avais (jadis !) l'habitude de dire : "Van  Gogh était (peut-être fou) sauf quand il peignait...." Ce qui ferait de la création un peu un exutoire à la folie. Il faudrait mieux définir la folie, Mais est-ce possible ? Des mécanismes communs sont sans doute en jeu, dans toutes les folies (censure, traumatismes...) mais le terme générique de folie vise une chose qui n'existe pas : il n'existe que DES folies, pas LA folie. Des folies qui se "soignent" par l'oeuvre, des folies où l'oeuvre n'est qu'une ouverture momentanée sur l'inconscient. De façon générale, je pense que les (vrais !) créateurs ont un rapport privilégier entre le conscient et l'inconscient.

Mais tu avais bien dit : encore faut-il avoir quelque chose à exprimer ! La proximité entre conscient et inconscient, leur possibilité de communication est un trait commun entre les fous et les créateurs.

C'est peut-être l'expérimentation personnelle qui peut nous faire mieux comprendre ces... mécanismes ? Comment devenir "un peu fou" ? "Un peu créateur" ?! Fou, il faut un grand traumatisme, créateur, se "débrouiller" pour que ça sorte....

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Jaspers parle de notre existence possible non pas dans telle ou telle modalité d'existence. Cette transcendance, cette ouverture dont nous sommes faits et que nous sommes, signifie pour lui que notre existence est cet effort permanent, conscient et inconscient, pour nous saisir comme unité, comme objet sans jamais pouvoir y parvenir, puisque nous sommes cette échappée au-delà de nous-mêmes, c'est-à-dire cette transcendance.

Dire cela c'est dire que fondamentalement par cette transcendance nous sommes cette liberté.

C'est ce qui  unit absolument tous les penseurs de l'existentialisme. Pour Jaspers, mais aussi pour Sartre, notre existence ne se réduit jamais à notre existence réelle ou empirique.

Nous ne sommes jamais enfermés dans les limites étroites de cet être empirique, c'est-à-dire nous ne nous confondons jamais avec l'ensemble de nos déterminations, sexuelles, raciales, ethniques, culturelles, linguistiques, familiales, historiques, c'est-à-dire tout ce qui sert à nous identifier, à nous déterminer. Nous sommes toujours transcendants à tout cela, c'est dire que nous sommes libres.

Une des grandes objections qui a été faite à ces pensées, à commencer par Jaspers avant Sartre, c'est l'objection du temps.
Est-ce que l'on ne rencontre pas une limite à cette affirmation d'une liberté radicale à laquelle conduit cette philosophie, à savoir est-ce que le temps ne réintroduit pas à chacun et chacune d'entre nous une contrainte implacable, indépassable ? Car le temps, c'est-à-dire la durée est orientée.

Nous allons donc passer vers un futur. On ne peut revenir en arrière. Ce que j'ai fait je l'ai fait, je ne pourrai donc pas modifier mon passé. Ce constat que tout le monde  fait, n'est-il pas suffisant à écorner cette thèse comme quoi par notre transcendance nous serions radicalement libres ?

La réponse de Jaspers est celle-ci : un fait est un fait certes, mais reste encore à se l'approprier en le rendant signifiant pour nous, c'est-à-dire en faisant de ce fait, cet acte, cette situation que je me suis créée, j'en fasse un objet de reconnaissance. C'est l'idée qu'un fait devient vraiment un fait lorsque je le reconnais et plus encore lorsque je me reconnais dans mes propres actes.
Nous agissons, mais nos actes sont toujours à double détente. Nous agissons mais il faut encore assumer nos actes. Là nous avons la liberté.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Soit nous allons les reprendre pour les reconnaître, ou ne pas les reconnaître. Quand nous les avons faits sans les reconnaître Sartre appelle cela la mauvaise foi, et nous savons que la mauvaise foi est une attitude défensive. La question fondamentale est que nous sommes libres de revenir sans cesse sur ce que nous avons fait ou pas fait pour nous reconnaître dans cela et finalement établir un sens. Quel sens peut avoir sur nous cette décision d'assumer nos actes ? Non seulement dans une dimension d'avenir, dans une dimension de projet de possibilité mais dans une autre dimension qui est une fidélité à soi-même.
 
Cette fidélité il nous est donné de la comprendre non pas comme quelque chose de statique, car nous ne sommes pas statiques. Il ne s'agit pas de rester totalement prisonniers de pensées, d'analyses, de décisions qui ont été les nôtres à certains moments de notre histoire, mais il se trouve que nous sommes des êtres historiques, que nous qui nous construisons dans l'histoire, nous construisons notre propre histoire.

 La fidélité à soi peut être comprise comme quelque chose qui doit être en perspective. Etant donné que je suis un être historique, c'est à chaque instant que je peux choisir ma propre histoire ou que je peux la refuser. Mais que je la refuse à nouveau pour m'y reconnaître, la faire mienne, me l'approprier, ou que je la refuse, je réoriente les choses différemment. J'ai construit de toute façon mon histoire par ces choix là. Je suis ces choix en acte et je ne cesse d'infléchir cette histoire.
 
Philosophiquement parlant l'affirmation de soi est choix de soi, invention de soi et en même temps liberté créatrice. Mais le corrélat est que, par ailleurs, je suis bien sûr responsable de ces choix. Je choisis pour moi-même, je ne peux mettre personne à la place pour savoir choisir pour moi et l'envers, et ce corrélat de cette liberté, c'est bien sûr, la notion de responsabilité.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Or, montre Jaspers dans cette analyse, à partir du moment où nous nous réapproprions notre passé de cette façon là, où nous en faisons non pas ce qui détermine lourdement notre présent, mais quelque chose qui peut être inscrit dans la dimension du projet, si nous nous comportons de cette façon par rapport au temps, par rapport au passé, l'instance la plus menaçante pour notre liberté, le temps, cesse d'être un flux angoissant du passé vers l'avenir qui débouche sur la mort, pour devenir une forme d'éternité.
 
Ceci ne signifie pas que l'on pourrait s'arracher au temps, que nous aurions la possibilité d'échapper au temps, mais on comprend, un peu comme le disait Kierkegaard et comme le dira Nietzsche dans la pensée de l'éternel retour, notre acte, en nous le réappropriant vraiment nous lui conférons une valeur d'éternité.

 Parce que cet acte cesse d'être purement ponctuel. Il est cet acte qui a eu lieu mais que définitivement, c'est-à-dire sans limite de temps, je pourrais poser à nouveau comme étant mien et comme me révélant à moi-même.

 Il y a une échappée aux limites du temps. On pourrait déjà reprendre l'expression de Gabriel Marcel qui parle d'une profondeur du temps. Le temps ne serait pas ce pur déroulement du passé-présent-futur orienté, mais il y aurait une véritable profondeur du temps.

Concrètement parlant si nous n'assumons pas pleinement ce que nous avons été au travers de nos actes, il nous est alors impossible d'engager notre futur, c'est-à-dire réellement de choisir. A défaut de pouvoir assumer pleinement notre passé nous nous empêchons de devenir.

Notre existence réelle est comme redoublée par ce que Jaspers appelle une existence possible. Notre existence ne se réduit pas à notre existence réelle ou plus exactement à notre existence empirique. Cela implique que si nous ne tenons pas tous à l'intérieur des limites de cet être empirique qui est déterminé, nous pouvons dégager cette notion de liberté.

Ce qui rapproche Jaspers de l'ensemble de la pensée existentialiste c'est cette idée que nous serions radicalement libres, y compris par rapport à notre histoire puisqu'il nous appartient de nous la réapproprier, de faire nôtre l'ensemble des actes que nous avons accompli. C'est un paradoxe sur lequel Sartre reviendra.

Je suis à la fois, pour Jaspers, un être historique, et de ce point de vue là il est anti cartésien. Il refuse l'idée que nous serions tous à nous-mêmes des points de départ. Nous ne sommes pas un point de départ et mon moi n'est pas de l'ordre du surgissement, comme il l’est chez Descartes où « je pense donc je suis » veut dire que je pose ma pensée comme étant cet acte à partir duquel je me définis mais en même temps à partir duquel je débute.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Ici, et c'est une tendance de l'existentialisme, il y a le poids de l'histoire. Je suis bien sûr un produit historique, que ce soit la grande histoire, l'histoire collective, histoire de ma nation, du pays dans lequel je vis et, ou, mon histoire personnelle.

 Mais, c'est à cela que s'indique l'originalité de l'existentialisme, à chaque instant il m'incombe de choisir ou de refuser, d'assumer cette histoire.

 Or en choisissant de l'assumer, ou au contraire en choisissant de ne pas l'assumer, je continue à faire mon histoire. A chaque instant de par mes choix, choix et liberté sont des notions impliquées l'une par rapport à l'autre, je continue à me produire. Cela veut dire que je ne suis pas figé, prédéterminé par une quelconque essence.
 
Cette pensée va se radicaliser chez Sartre, cette déclaration qui ouvre le manifeste de l'existentialisme à savoir que pour un véritable existentialiste l'existence précède l'essence.

 Nulle essence nous fige, nous détermine, l'existence est à vivre. Et dire que notre existence est à vivre veut dire que j'ai à me construire, et je le fais à chaque instant. D'où l'idée que l'affirmation de soi est essentiellement choix de soi et que l'affirmation de soi est invention de soi, liberté créatrice.

D'où toute une longue méditation de la part de Jaspers sur le temps dont il montre que le temps n'est pas notre ennemi. Il nous appartient, non pas bien sûr d'inverser l'ordre du temps qui ne cesse de couler du passé vers l'avenir, et là il s'agit du temps des horloges, du temps objectif du temps qui est quantifiable.

 Si nous regardons le temps de la conscience, le temps tel que nous le vivons, force est de constater, dit Jaspers, que nous disposons d'une liberté beaucoup plus grande qu'il n'y paraît.
 
Cette souplesse que Jaspers reconnaît au temps se marque par le fait qu'en choisissant d'assumer notre passé nous libérons notre futur. Pour pouvoir se projeter dans le futur il convient de faire de son passé un projet.

Mais comment faire de son passé un projet ?

La première chose qui nous vient à l'esprit et que seul le futur, temps de ce qui n'existe pas encore, de ce qui n'a pas encore eu lieu, peut être évidemment le lieu du projet. Oui, mais cela ne concerne que le déroulement objectif du temps.

Modifié par satinvelours
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