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Lettres à Samuel

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aliochaverkiev

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La Philosophie des Lumières en France

 

 

Lettre 5 (suite 1)

 

Le Rêve de D’Alembert est un ensemble de trois dialogues philosophiques rédigés par Diderot en 1769 : «  Entretien entre d’Alembert et Diderot », « le Rêve de d’Alembert » et « Suite de l’entretien entre d’Alembert et Diderot »

Cette œuvre assez sulfureuse (même encore à notre époque) ne fut publiée qu’en 1830, après la mort de Diderot, ce dernier redoutant d’encourir une nouvelle incarcération.

Dans cette œuvre Diderot substitue à Dieu la matière. Il réfute le dualisme de Descartes, (la matière et l’esprit), l’esprit, en tant que réalité distincte de la matière, n’existant pas.

Il attribue à la matière deux qualités : la sensibilité et le mouvement. Même la pierre « sent ». Ce n’est pas parce que nous ne l’entendons pas crier quand nous la taillons qu’elle ne crie pas.

Il existe une sensibilité inerte, ou passive (ou immobile), celle des minéraux, dont l’immobilité est assurée par des forces extérieures qui les contraignent (pression, réaction du plan qui les supporte, etc.), et une sensibilité active, celle des végétaux et des animaux qui disposent d’une faculté de mouvement propre.

Il est possible de faire passer un corps de l’état de sensibilité inerte à l’état de sensibilité active. Ainsi la poudre de marbre (minéral) mêlée à de l’humus, va s’agréger au végétal qu’elle nourrit. Elle deviendra active en permettant au végétal de vivre.

Tout être minéral ou vivant est formé de molécules et d’atomes qui, en s’agrégeant et en se fondant les uns dans les autres, forment des êtres complexes. Chaque molécule est dotée d’une sensibilité propre qui s’agrège à la sensibilité des autres molécules pour donner cette sensibilité manifeste que nous pouvons observer chez l’animal ou chez l’homme.

Chaque espèce existante, y compris l’homme, ne cesse de se transformer et de donner naissance à de nouvelles espèces. Tel animal énorme était peut-être un vermisseau jadis et peut-être que le vermisseau deviendra un animal énorme. Le passage du minéral inerte au végétal actif est continu, progressif.

Comment passe-t-on de l’être sentant à l’être pensant ? Tout être a conscience de ses sensations mais l’homme notamment (Diderot ne semble pas exclure l’animal, ni peut-être le minéral) a cette capacité d’organiser ses sensations dans une mémoire, dans une histoire, organisation à partir de laquelle surgit cette qualité émergente : la pensée.

Le monde commence et finit sans cesse. Tout change, tout passe, seul le Tout reste.

Le prodige c’est la vie c’est la sensibilité.

« Vivant j’agis et je réagis en masse, mort j’agis et je réagis en molécules ». Avec toujours une singularité propre car pas une molécule n’est identique à une autre molécule (qui reste sensible et donc vivante). Naître, vivre, mourir, c’est changer de forme.

Il existe dans notre tête un point où convergent toutes nos fibres nerveuses comme les fils d’une toile d’araignée convergent vers l’araignée. Toutes nos sensations sont conduites par ces fibres vers ce point qui a la capacité de réagir et d’agir comme l’araignée réagit et agit quand sa toile est impactée.

Diderot aborde enfin la morale sexuelle. Il nie que la chasteté ou la continence puissent être des vertus. Toutes les pratiques sexuelles sont naturelles car tout ce qui est, est naturel. Ainsi il légitime « les actions solitaires » (la masturbation), l’homosexualité et les relations entre espèces animales différentes.

Ce traité est considéré encore aujourd’hui comme un peu excessif. Pourtant il brise avec une audace étonnante toutes les conventions de l’époque, ouvrant la voie à la future théorie de l’évolution de Darwin, ouvrant la voie à la liberté sexuelle de notre époque.

Les idées osées de Diderot provoquèrent une certaine méfiance non seulement à son époque mais aussi à l’époque de la Révolution. Il faudra attendre le dix-neuvième siècle pour que ses idées commencent à être acceptées et que les commentateurs le rangent dans le groupe des philosophes des Lumières.

Il se distingue des autres philosophes de son époque en ce qu’il aborde peu la question politique ou sociale (sinon sous l’angle des mœurs). Sa philosophie n’est pas politique, elle est plutôt « ontologique » (étude de l’être, étude de ce qui « est ») ou encore morale.

C’est une philosophie plus personnelle que sociale, une philosophie qui invite le lecteur à penser par soi-même en ouvrant grandes les portes de l’imagination créatrice.

 

Paris, le 23 octobre 2021.

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  • 2 semaines après...
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Lettre 5 (suite 2)


La question du fatalisme chez Diderot.

Le fatalisme fut un sujet abondamment débattu par les philosophes des Lumières, notamment par Diderot.

Il en débattit surtout dans son roman Jacques le Fataliste qu’il commença à écrire à partir de 1765, et qu’il remania constamment jusqu’à sa mort. L’œuvre met en scène deux personnages principaux, Jacques le valet et son maître qui devisent ensemble tout en voyageant à cheval le long des routes.

Pour Jacques tout ce qui nous arrive de bien et de mal est écrit là-haut, sur un « grand rouleau ». Son fatalisme est l’affirmation d’une détermination absolue des événements de la vie excluant tout libre arbitre. Cette affirmation fait écho à celle de Spinoza (1632-1677) : « les hommes se trompent quand ils se croient libres ; cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés »

Selon Jacques il n’y a pas de liberté : « notre destinée est écrite là-haut, un homme s’achemine aussi nécessairement à la gloire ou à l’ignominie qu’une boule qui aurait la conscience d’elle-même suit la pente d’une montagne ».

Diderot prend la parole dans ce roman et parle au lecteur : « En conséquence Jacques ne devrait se réjouir ou ne s’affliger de rien. Cela n’était pourtant pas vrai. Jacques se conduisait comme vous et moi. Il remerciait son bienfaiteur et se mettait en colère contre l’homme injuste. Et quand on lui objectait que ce faisant il ressemblait au chien qui mord la pierre qui l’a frappé, il répondait : nenni la pierre mordue par le chien ne se corrige pas, l’homme injuste est modifié par le bâton. Il était inconséquent comme vous et moi ».

Quiconque en effet soutient le fatalisme et l’absence de tout libre arbitre se trouve tôt ou tard confronté à cette contradiction : qu’un homme l’agresse délibérément et le fataliste rend son agresseur responsable de son acte, considérant donc qu’il l’a commis librement. Comment reconnaître à l’autre un libre arbitre et ne pas le reconnaître pour soi ?

Les questions du fatalisme et de la liberté hantèrent Diderot toute sa vie. Il réaffirma sans cesse que nous agissons toujours sous l’empire de causes qui déterminent notre action mais quand il se trouvait face à sa maîtresse, s’il commençait bien à lui affirmer que son amour pour elle ne devait rien à une liberté illusoire, il en ressentait aussitôt une certaine culpabilité et lui affirmait ensuite que oui il l’aimait librement et non pas contraint. Il en concluait que l’esprit (la raison) et le cœur (le sentiment) affirmaient des vérités contraires.

Notons que considérer que nous sommes déterminés par des causes extérieures à notre volonté est une philosophie qualifiée aujourd’hui de déterministe plutôt que de fataliste. Le fatalisme réfère au destin : tout est écrit « la haut » le déterminisme réfère à un faisceau de causes qui nous déterminent. Dans les deux cas nous ne serions pas libres.


Paris le 3 novembre 2021

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La Philosophie des Lumières en France


Lettre 6

 

Jean-Jacques Rousseau

Rousseau est le philosophe du siècle des Lumières le plus saillant. Sa pensée atypique qui fit de lui un marginal dans son temps est pourtant celle qui connut et qui connaît toujours le plus grand retentissement. Il inspira la Révolution dans un discours raisonné, mais aussi le romantisme, grâce à sa profonde sensibilité, à son amour de la nature. Or le romantisme, dans son développement allemand, s’opposera à l’esprit de la Révolution.

Bien qu’il fut un solitaire, un ermite parfois, sa pensée s’est toujours développée dans le rapport à l’autre (l’éducation, l’amour) et aux autres (la politique).

Je développerai plus loin ses idées dans l’analyse de quelques œuvres.
 

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) naquit en 1712 à Genève, république calviniste indépendante. Sa mère mourut quelques jours après sa naissance. Son père, Isaac, horloger, violoniste et maître de danse, l’initia à la musique et à la lecture mais dut quitter Genève pour des raisons professionnelles, sans pouvoir l’emmener avec lui. Le monde tranquille de Jean Jacques, alors âgé de dix ans, s’écroula.

Élevé à la dure par un ministre du culte protestant, puis par un huissier, enfin par un graveur, il fugua et partit en errance sur les routes à 15 ans. En 1728 il rencontra Madame de Warrens qui le prit sous sa protection. Il vécut avec elle, près de Chambéry, trouvant l’amour maternel qui lui faisait défaut. En 1737 elle partit vivre ailleurs en lui laissant sa propriété, les Charmettes, avec sa bibliothèque. Solitude, lectures : philosophie, romans, traités de mathématiques, le jeune homme dévora les ouvrages.

Rousseau se rendit à Lyon en 1740 où il exerça comme précepteur puis à Paris, en 1742, où il donna des leçons de musique. Il rencontra Diderot qui lui confia la rédaction d’articles de l’Encyclopédie sur la musique.

Il se mit en couple avec Thérèse Levasseur une servante d'auberge qui devint sa femme et avec laquelle il eut cinq enfants qu’il abandonna à l’Assistance publique n’ayant pas les moyens de les élever.

En 1749 l’Académie de Dijon mit au concours la question « Le progrès des sciences et des arts a-t-il contribué à corrompre ou à épurer les mœurs ? » Rousseau participa au concours en écrivant le « Discours sur les sciences et les arts » (dit Premier Discours) dans lequel il soutint que le progrès était synonyme de corruption. Il développa un réquisitoire contre les privilèges des puissants qui avancent masqués sous les arts et les sciences. Il défendit ce qui deviendra le thème central de sa philosophie : l’homme naît naturellement bon et heureux, c’est la société qui le corrompt et le rend malheureux. Il obtint le premier prix. L'ouvrage fut publié en 1951 et connut un grand succès.

Rousseau réagit mal à la notoriété, il préférait être seul. Il se fit copiste de musique et composa un opéra, le Devin du village (1752), chantant l'impossible amour dans le mensonge des villes. Ce fut un succès mais il refusa d'être présenté à Louis XV.

En 1754 l'Académie de Dijon lança un autre concours auquel il répondit par son « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » (également appelé Second Discours), qui acheva de le rendre célèbre. Il y défendit à nouveau la thèse selon laquelle l'homme est naturellement bon mais il alla encore plus loin : la différence naturelle des hommes n'explique en rien leur inégalité sociale, c'est l'Histoire qui les rend inégaux, non leur nature. Rousseau continua de remettre en cause l’idée même de progrès chère aux Lumières, ce qui lui valut l’ironie de Voltaire et la prise de distance de Diderot et des encyclopédistes.

En 1756 il quitta Paris pour rejoindre, près de Montmorency, l'Ermitage, propriété de Mme d'Épinay. Il y travailla beaucoup mais il se brouilla avec sa protectrice. Il quitta l'Ermitage pour s'installer dans les environs, à Montlouis, dans une maison en ruine, avec Thérèse. Il continua d’attaquer l’esprit de son temps en soutenant dans sa « Lettre à d’Alembert sur les spectacles » (1758) que le théâtre flattait les penchants des hommes et ne pouvait les amener à la vertu.

Sa pensée originale plut à un aristocrate, Monsieur de Luxembourg qui le prit sous sa protection et fit reconstruire la maison de Montlouis. Rousseau y écrivit Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), Du contrat social, (1762) et Émile ou De l’éducation (1762).

Dans Le Contrat Social, Rousseau fonda la société politique sur la souveraineté du peuple et l’égalité civique devant la loi, expression de la volonté générale.

Dans "Émile ou de l’Éducation" il soutint que l'apprentissage doit se faire par l'expérience plutôt que par l'analyse. Il y professa une religion naturelle, forme de déisme, sans dogme, par opposition à la révélation surnaturelle, réfutant l' athéisme, le matérialisme et l'intolérance dogmatique du parti dévot (les catholiques).

Le Parlement de Paris et les autorités de Genève condamnèrent ces œuvres qu’ils jugèrent religieusement et politiquement subversives. Rousseau dut fuir la France, mais aussi Genève.

Il trouva refuge à Môtiers dans la principauté de Neuchâtel qui relevait de l'autorité du roi de Prusse Frédéric II lequel lui donna sa protection. Il fut attaqué de toutes parts, notamment par Voltaire qui choisit ce moment pour révéler publiquement l'abandon de ses enfants. Le pasteur de Môtiers, qui l’avait accueilli chercha alors à l'expulser. Bien que toujours protégé par Frédéric II la population lui devint si hostile qu’en 1765, il dut s’enfuir.

Il regagna Paris où il bénéficia de la protection du prince de Conti. Il décida de commencer une œuvre autobiographique (les Confessions, Rousseau juge de Jean Jacques, les Rêveries du promeneur solitaire). Il survécut grâce à ses travaux de copiste de partitions de musique.

En 1778 le marquis de Girardin lui offrit l'hospitalité dans un pavillon du château d’Ermenonville près de Paris. C’est là que le philosophe mourut subitement en 1778 près de sa femme qui resta toujours près de lui.

 

Paris, le 10 novembre 2021

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La Philosophie des Lumières en France

 

Lettre 6 (suite 1)

 

Discours sur les sciences et les arts

 

Le Discours sur les sciences et les arts est une réponse à cette question mise au concours par l’Académie de Dijon en 1750 : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ». Lauréat du concours, Rousseau voit son essai enflammer les discussions. Il devient célèbre.

 Dans la première partie Rousseau étudie les effets des sciences et des arts sur les sociétés humaines.

 Si les besoins du corps sont le fondement de la société, ceux de l’esprit en sont l’agrément (le divertissement). « Tandis que le gouvernement pourvoit à la sûreté et au bien-être des hommes » les sciences et les arts ont pour fonction d’adoucir leur quotidien et de leur faire accepter leur esclavage.

 Cet adoucissement des mœurs, provoqué par l’irruption des sciences et des arts, provoque   l’affaiblissement des caractères, l’émergence d’une morale de l’hypocrisie et de la fourberie, le déclin des civilisations,  rendant celles-ci vulnérables lorsque des peuples plus rudes, tels les Lacédémoniens, les Scythes ou encore les Germains, non civilisés (non instruits pas les sciences et les arts), s’avisent de les attaquer. Alors ces civilisations raffinées mais corrompues, savantes mais sacrilèges, s’écroulent. Ainsi en fut-il de l’Égypte, de la Grèce, de Rome....

 Dans la seconde partie Rousseau s’interroge sur l’origine des sciences et des arts.

 « L’astronomie est née de la superstition, l’éloquence de l’ambition, la géométrie de l’avarice, la physique d’une vaine curiosité, la morale de l’orgueil humain ». Les sciences et les arts doivent leur naissance à nos vices, elles en portent l’énergie funeste : l’avilissement de toutes les valeurs.

 Les savants (de toutes disciplines) font  la promotion du luxe et de l’enrichissement. Ils n’en viennent plus qu’à parler de commerce et d’argent, chaque homme n’ayant plus de valeur qu’en fonction de ce qu’il vaut sur le plan monétaire.

 Enfin ces savants recherchant les applaudissements finissent par s’abaisser jusqu’au niveau le plus bas. Rousseau en profite pour attaquer Voltaire : « dites-nous célèbre Arouet » combien vous avez sacrifié vos nobles aspirations à la flatterie ou à la notoriété.

 Pourtant Rousseau distingue les savants qui méritent les honneurs et le respect : ceux qui sont dans le faire plutôt que dans le dire, ceux qui tentent d’éclairer le peuple et non de le corrompre en vue de leur seule gloire.  Il cite Descartes, Newton, Bacon, Cicéron...ceux-là travaillent pour la félicité du peuple et non pour la leur.

 Rousseau conclut : il y a les savants qui savent bien dire, la lie des sociétés, et ceux qui savent bien faire, les bâtisseurs.

 

Paris, le 12 novembre 2021

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  • 2 semaines après...
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Lettre 70

24 novembre 2021,

Samuel,

A propos du shabbat,

Le shabbat (cessation, abstention) est le septième jour de la semaine biblique, le samedi. C’est un jour de repos obligatoire. Il commence le vendredi à la tombée de la nuit et dure jusqu’au samedi soir, à la tombée de la nuit.

Ce jour a une grande importance chez les Hébreux. C’est un des piliers de leur identité. C’est le seul jour sacré qui soit mentionné dans le décalogue, dans le quatrième commandement des deux tables de la loi.

Ce jour est introduit dans la tradition hébraïque par deux textes.

Tanakh, Genèse 32,1-3 : « L’Éternel mit fin le septième jour, à l’œuvre faite par lui ; et il se reposa, le septième jour… L’Éternel bénit le septième jour et le proclama saint, parce qu’en ce jour il se reposa de l’œuvre entière qu’il avait produite et organisée »

Exode 20,8-11, « Pense au jour du shabbat pour le sanctifier. Durant six jours tu travailleras et tu t ‘occuperas de toutes les affaires ; mais le septième jour est la Trêve de l’Éternel : tu n’ y feras aucun travail, ni toi, ton fils, ta fille, ton esclave mâle ou femelle, ton bétail, ni même un étranger qui est dans tes murs. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi il bénit le jour du shabbat et l’a sanctifié »

Puisqu’il s’agit d’un jour de repos tous les travaux sont interdits sauf cas de force majeure. Le shabbat est une fête de famille et l’occasion pour tous de se retrouver ensemble en se détachant de tous les labeurs imposés par l’engagement dans le monde. Il est interdit d’allumer un feu, de faire la cuisine (d’où l’obligation de tout cuisiner pour le vendredi soir et le samedi avant l’ouverture du shabbat), d’utiliser l’électricité ou son téléphone portable...en fait ce jour-là les Hébreux renoncent à transformer le monde (donc à utiliser toute énergie) afin de signifier la paix faite avec le monde.

Le vendredi tous se souhaitent « shabbat shalom » (shalom : paix). La maîtresse de maison prépare le repas du soir et ceux du lendemain. Dans la communauté séfarade le plat principal est la Dafina composée de pois chiches, de pommes de terre, d’œufs, de viande de bœuf et de blé. Dans la communauté ashkénaze le plat traditionnel est le Tcholent à base de pommes de terre, d’orge perlé, de viande et de haricots.

Pendant qu’un office se déroule à la synagogue, la maîtresse de maison allume des bougies peu avant la tombée de la nuit. Elle orne la table avec divers objets conçus pour cette occasion. A la place du père elle dispose deux hallot (petits pains) recouvertes d’un napperon, une coupe d’argent pour le vin, et les bougies. Les hallot évoquent la double ration de manne qui tombait du ciel dans le désert pendant l’errance des Hébreux (après la sortie d’Égypte).

Au retour de la synagogue, après s’être lavée les mains (ablutions), la famille se réunit autour de la table. Les hommes portent la kippa (signe de respect devant la présence divine). Les parents bénissent les enfants et tous se joignent au chant d’accueil du shabbat. Le chant terminé le père élève une coupe de vin et prononce les paroles du Qiddouch ( sanctification). Il rompt le pain et en distribue un morceau à chacune des personnes attablées. Le repas peut alors commencer.

C’est un repas plein de joie, il est recommandé d’y faire bombance et d’y manifester sa joie de vivre près de l’Éternel.

Le Qiddouch est une prière récitée pour sanctifier le shabbat et les jours de fête.

Le texte du Qiddouch est le suivant : « Sois loué, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par tes commandements et qui dans ton amour et dans ta bienveillance nous a donné en partage ton saint jour de shabbat, souvenir de la création du monde. Ce jour est la première des solennités instituée en mémoire de la sortie d’Égypte. Oui, c’est nous que tu as choisis entre tous les peuples et que tu as sanctifiés, et c’est à nous que dans ton amour et ta bienveillance tu as donné ton saint jour de shabbat en héritage. Sois loué l’Éternel qui sanctifie le shabbat »

Le samedi est consacré au repos, à la famille, à la prière, à la fréquentation de la synagogue. Un nouveau Qiddouch introduit le second repas familial du shabbat, le repas du midi.

Pour le troisième repas, le soir du samedi, le Qiddouch n’est pas récité. Après avoir consommé le repas le maître de maison récite la Havdala (séparation) prière qui sépare officiellement le moment saint du shabbat du monde profane de la semaine. Le père dispose d’un verre de vin rempli à ras bord, en signe d’abondance, d’une boite contenant des épices (symbole de la vie spirituelle en raison des senteurs qu’elles exhalent) et d’une bougie. Le père récite une bénédiction puis il fait circuler la boite aux épices. Il boit la coupe de vin et éteint la bougie avec le fond du verre.

En principe le shabbat est terminé mais certains l’achèvent seulement après la tombée de la nuit avec une ultime collation appelée Mélavé Malka (qui signifie : raccompagner la reine, le shabbat étant alors comparé à une reine reçue chez soi). Au cours de ce quatrième repas on mange peu voire pas du tout se contentant seulement de boire une tasse de boisson. Ce dernier acte a pour but d’établir la liaison finale entre le shabbat et le premier jour de la semaine.


Je pense à toi,

J’espère que la Déesse précisera son message quand tu iras à Saint-Pétersbourg et j’espère que tu auras le temps de recevoir le présent des Iakoutes : le petit renne.


Je t’embrasse,

Je t’aime

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Lettre 6 (suite 2)


Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes

Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la Loi naturelle ? » En réponse à cette question mise en concours par l'académie de Dijon en 1753 Rousseau rédigea son second discours en 1754. Il déclara : c'est la société, fondée sur la propriété qui est la cause de l’inégalité et de la corruption des hommes. Il bouleversa le paysage de la philosophie politique de son siècle.

Rousseau note deux types d’inégalité, l’une naturelle : différences d’âge, de santé, de force corporelle, l’autre morale ou politique : privilèges, richesse.

Dans l’état de nature le sauvage doit lutter pour survivre. La lutte fortifie les corps, éloigne les maladies, élimine les plus faibles. Dans l’état civilisé l’oisiveté s’impose et avec elle tous les vices. La nature entraîne le sauvage dans l’action, la civilisation pousse l’homme à la réflexion. « J’ose presque assurer que l’état de réflexion est un état contre nature et que l’homme qui médite est un animal dépravé » [Cette assertion exaspéra Voltaire].

Si les animaux et les hommes sont des machines ingénieuses, il existe deux différences de taille entre eux. Les comportements des animaux sont dictés par la nature alors que l’homme, lui aussi soumis aux diktats de la nature, peut néanmoins choisir entre acquiescement et résistance. Il peut ne pas obéir à la nature. Ensuite l’homme possède cette incomparable faculté : celle de pouvoir se perfectionner, faculté qui fait défaut à l’animal. L’idée de cette faculté inspira la philosophie allemande notamment celle de Kant, elle inspire encore notre pensée d’aujourd’hui.

Dans l’état de nature les sauvages développent ce sentiment : la pitié, nom que Rousseau donne à ce nous appelons aujourd’hui la compassion. Le sauvage est compassionnel. Il vit en paix avec ses semblables grâce à l’étendue d’un territoire dans lequel il peut trouver sa subsistance sans rentrer en concurrence, il déploie vis à vis des hommes une indéfectible compassion. Le sauvage vit heureux.

Mais au fur et à mesure que l’homme emplit le monde de sa présence, sous l’effet notamment de la démographie, il entra en concurrence avec les bêtes sauvages et même avec les autres hommes dans la quête de sa subsistance.

Alors il s’appuya sur cette faculté de perfectionnement pour cultiver la raison et concevoir des outils et des armes propres à assurer sa survie. La raison ainsi apparaît comme une faculté mise au service de passions, celles d’exister et de s’imposer.

Le développement de la raison, en promouvant la technique, adoucit les conditions de vie de l’homme qui fit l’expérience de la jouissance. Alors il pensa que le but de la vie était le bien-être, ce qui donna jour à l’individualisme, lequel enfanta l’indifférence aux autres.

Occupé désormais à rechercher le bien-être l’homme développa l’habitat. Il construisit des huttes où il choisit de vivre dans ce premier regroupement : la famille. Il développa les passions de l’amour conjugal et de l’amour paternel qui engendrèrent d’autres passions : la possession, la jalousie, l’exercice de l’autorité paternelle (jouissance du pouvoir).

Les hommes s’agglomérèrent ensuite en nations ou en cités. Le langage apparut. Habitués à se retrouver ensemble autour de leurs cabanes ils observèrent leurs différences. Ils devinrent sensibles au jugement des autres. Ils développèrent les arts, danse, musique, habillement, ils voulurent se distinguer « ce fut là le premier pas vers l’inégalité et vers le vice en même temps »

Les arts de la métallurgie et de l’agriculture apparurent. Certains hommes se spécialisèrent dans la métallurgie ce qui conduisit d’autres hommes à se spécialiser dans l’agriculture pour les nourrir. Ainsi se créa des dépendances entre les hommes.

L’agriculture entraîna le partage des terres et l’apparition de la propriété privée, la terre devenant possession légitime de celui qui la travaillait (Rousseau repend les théories de Locke). Le premier homme qui, ayant enclos un terrain, dit « ceci est à moi » fut le fondateur de la société civile et de l’inégalité entre possédants et non possédants.

La différence des talents naturels trouva un prolongement dans l’aptitude au travail. Les plus industrieux s’enrichirent dans l’échange devenu nécessaire en raison de la division des tâches, en raison de l’interdépendance des hommes entre eux.

Puis à partir de l’appropriation privée des terres apparut la pratique de l’héritage. Ainsi furent perpétuées les inégalités. Elles engendrèrent des guerres intestines pour la possession des biens. Pour éviter l’anarchie les hommes finirent par s’entendre. Ils instituèrent les lois qui réglèrent leurs rapports mais qui entérinèrent aussi les positions acquises. « Ainsi furent fixées dans la loi la propriété et l’inégalité ».

A l’origine il y eut accord entre les peuples et ses chefs. Les peuples renoncèrent à une partie de leur liberté contre la protection offerte par les chefs contre les autres nations. En effet les rapports entre nations restèrent sauvages, d’où source de guerres parfois effrayantes. Pour que l’accord fût respecté on en appela à la volonté divine.

Différentes formes de gouvernement apparurent selon les spécificités locales (Rousseau repend les théories de Montesquieu). Là où un homme était éminent le gouvernement fut monarchique, là où un groupe d’hommes était éminent le gouvernement fut aristocratique, là où les hommes étaient encore proches de l’état de nature le gouvernement fut démocratique.

Mais ces diverses formes de gouvernement se dégradèrent. Au début toutes les fonctions étaient électives mais les élus finirent par s’approprier leur mandat et le transmirent par hérédité à leur descendance, passant outre l’élection.

Cette dérive finit par ouvrir sur le despotisme où ne règne plus que l’arbitraire d’un seul homme. Le paradoxe est que dans le despotisme tous les particuliers redeviennent égaux parce qu’ils ne sont plus rien face au despote. Ils se retrouvent ainsi dans un état de nature. Le despote ne tient plus que par la force. Il suffit d’employer la force pour l’abattre.

C’est dans la perspective d’un tel événement, l’émeute finale, que Rousseau s’attela à imaginer un nouveau contrat social.

 

Paris, le 27 novembre 2021

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  • 3 semaines après...
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 Lettre 6 (suite 3)

 

 Du Contrat social ou Principes de droit politique

  En 1762 Rousseau écrivit l’une de ses principales œuvres : «  Du contrat social » , traité de philosophie politique qui influença fortement la pensée politique de l’Occident en développant les idées de peuple souverain, de volonté générale, de liberté et d’égalité.

 «  L’homme est libre et partout il est dans les fers » ainsi commence Rousseau.

 Quel est le fondement de toute société ? Quand les obstacles naturels deviennent trop contraires pour que les hommes puissent assurer leur propre conservation alors ceux-ci s’unissent et s’engagent dans le pacte social suivant: « chacun met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale et tous reçoivent chaque membre comme partie indivisible du tout »

 L’acte d’association produit un Corps moral et collectif, appelé Corps politique.

 A l’égard des associés ce Corps est le Peuple.

 Rousseau écrit : « ce que l’homme perd par le contrat social c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tous ses désirs, ce qu’il gagne c’est la liberté civile et le droit à la propriété »

 La liberté naturelle a pour bornes les forces de l’individu, la liberté civile a pour bornes la Volonté générale.

 Rousseau revient sur le droit à la propriété du premier occupant. Ce droit est légitime si l’occupant exploite lui-même sa terre et s’il n’occupe que la seule quantité dont il a besoin pour subsister.

 La Volonté générale seule dirige le Corps collectif. La Volonté générale émane du Souverain qui est l’être collectif formé par tous les citoyens. Le Souverain est donc le Peuple.

 Si toute volonté particulière tend aux préférences en revanche toute volonté générale tend à l’égalité. De cette égalité il infère que tous ont les mêmes droits mais aussi tous ont les mêmes devoirs.

 C’est la Législation qui met en mouvement le Corps collectif.

 La Loi est l’acte par lequel tout le peuple statue sur tout le peuple. Les Lois sont des actes de la Volonté générale. Le peuple soumis aux Lois doit en être l’auteur. L’obéissance à la Loi qu’on s’est prescrite est liberté.

 Les objets principaux du contrat social sont donc la liberté parce que tout asservissement personnel est une force ôtée au Corps politique, et l’égalité parce que sans elle il n’ y a plus de liberté. Rousseau ne rejette pas les inégalités de richesse à condition que celles-ci ne soient pas telles qu’elles permettent à un homme d’en acheter un autre ou qu’elles conduisent un homme à se vendre à un autre.

 Le Corps politique, comme tout corps, a deux faces : l’une morale, l‘autre physique. La face morale est la Volonté générale qui porte la puissance législative, le versant physique  est le Gouvernement qui porte la puissance exécutive. Le Gouvernement est un Corps intermédiaire chargé de l’exécution des Lois et du maintien de la liberté. Il est composé de magistrats (ministres, roi, etc.)

 Le Souverain, qui est donc l’être collectif formé par les citoyens, peut transférer le Gouvernement à tout le peuple ou à une partie du peuple : c’est la démocratie, il peut le transférer à un petit nombre : c’est l’aristocratie, enfin il peut le transférer à un seul : la monarchie.

 La démocratie, qui donc pour Rousseau est une identification entre le Souverain et le Gouvernement, n’est pas recommandée : le peuple ne peut pas passer son temps à gouverner.

 Dans l’aristocratie comme dans la monarchie il y a donc un Souverain et un Gouvernement distincts. Le Gouvernement parle au peuple au nom du Souverain c’est-à-dire au nom du peuple lui-même.

 La voie élective est la meilleure voie pour constituer le Gouvernement. La voie héréditaire est la pire.

 Les régimes se dégradent sous l’effet des intérêts particuliers du Gouvernement qui rentrent sans cesse en lutte contre la Volonté générale. La forme de dégradation la pire est celle du despotisme.

 Cette usurpation de la souveraineté doit être combattue par l’établissement construit du régime. Le peuple assemblé, le Souverain donc, fixe la Constitution. Il établit un gouvernement et il fixe le mode d’élection des magistrats. Même après cette originelle assemblée le peuple doit pouvoir encore s’assembler pour délibérer. Il fixe les conditions de ces nouvelles assemblées. Lorsque le peuple est légitimement assemblé toute juridiction du gouvernement cesse, la puissance exécutive est suspendue, tout citoyen a alors la même puissance que le magistrat, il n’ y a plus de représentant.

 D’une manière générale la souveraineté ne peut pas être représentée (Rousseau s’oppose donc à la démocratie parlementaire). Les députés du peuple ne sont pas ses représentants, ils en sont les commissaires. Toute loi que le peuple n’a pas ratifiée en personne est nulle. « Au temps des Gracques, écrit Rousseau, la foule délibérait et les citoyens donnaient leur suffrage du dessus des toits ». L’idée de représentant vient de la féodalité et l’espèce humaine se dégrade dans cette notion. 

 Enfin Rousseau veut limiter le pouvoir des religions. Il ne peut y avoir de religion nationale exclusive. On peut seulement tolérer les religions qui tolèrent elles-mêmes les autres religions pour autant que leurs dogmes ne soient pas contraires aux devoirs des citoyens.

 

Paris le 17 décembre 2021

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