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La decouverte de l'être des choses : Parménide

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satinvelours

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Il faut tout d'abord placer Parménide dans l'espace et dans le temps. Tous les témoignages accréditent que Parménide était un citoyen d'Elée, il serait né vers la moitié du 6ème siècle. Il était actif à la fin du 6ème début 5ème siècle.

On ne sait presque rien de la vie de ce personnage. On sait qu'il était important dans la cité parce qu'il a écrit la constitution de la cité, la politeia, les règles pour gérer la polis. On dit que cette constitution était très bonne puisqu'elle a tenu des siècles. On sait aussi qu'il était médecin, à la tête d'une école de médecine importante. On fait des recherches aujourd'hui au sud de Naples, surtout à Salerne, et on trouve des traces d'une école fondée par Parménide fin 6ème siècle début 5ème.
Il a écrit un traité de philosophie qui a fait date. Il a tant fait scandale que ce traité les philosophes devaient l'accepter soit d'une manière aveugle, soit le détruire. Mais il ne peut pas être ignoré. Parmi les philosophes qui ont essayé de détruire ce que Parménide avait dit il y a Platon. Et Platon dans un dialogue « le Sophiste » dit : « le moment est venu de tuer mon père Parménide ». Ce qu'a dit Parménide était tellement fort qu'il fallait soit l'accepter, soit le renverser.

Parménide a écrit non pas un traité de philosophie, mais un poème philosophique. Comme tous les ouvrages des présocratiques il n'y a que des fragments de ce poème. L'objet nous est parvenu en mauvais état. 
 Le contenu est tellement original, tellement atypique que même les contemporains de Parménide ont eu du mal à saisir sa pensée. Platon à peine une quarantaine d'années après la mort de Parménide, presque contemporain, toujours la même ambiance intellectuelle, Platon a écrit dans un dialogue Théétète-183e184a- « Parménide m'a paru avoir une profondeur d'une rare qualité. Cependant je crains de ne pas comprendre ses paroles et moins encore la pensée qu'elles expriment ». Déjà pour quelqu'un qui respirait la même atmosphère intellectuelle il était difficile à saisir. Est-ce que le chercheur actuel peut le saisir là où Platon avoue avoir échoué ? Certainement pas ! Platon était mieux placé. Mais il y a un avantage. Parce que dès que le philosophe expose quelque chose ce qu'il dit est l'objet de controverses, il y a des querelles. 26 siècles après nous sommes en dehors des polémiques suscitées par le texte de Parménide et nous possédons quelques pages, c'est un côté positif. Nous pouvons examiner avec plus de froideur que Platon qui était engagé et voulait tuer carrément Parménide. Nous pouvons examiner ce qu'il a dit avec le recul du temps, et grâce aux sciences du texte soumis au test de la paléographie, à la papyrologie, la codécologie nous pouvons traiter un texte comme s'il venait d'être créé.

 

Parménide a écrit un seul poème philosophique sans titre. À l'époque les ouvrages n'avaient pas de titre. C'est un poème qui traite de sujets philosophiques. 

Tout ce que les présocratiques ont écrit s'est perdu. Parménide n'est pas une exception, son poème s'est perdu comme objet. C'est grâce à des citations que nous retrouvons chez d'autres auteurs que nous pouvons à peu près reconstituer des parties de l'original perdu. Des auteurs moins anciens que Parménide ont cité dans leurs ouvrages des passages de Parménide et ces ouvrages ont été conservés. C'est grâce à cela qu'une tradition manuscrite d'ouvrages qui contenaient à l'intérieur quelques mots de Parménide sont arrivés jusqu'à l'utilisation de l'imprimerie fin du 15ème siècle.
A ce moment-là nous trouvons des citations de Parménide dans des ouvrages imprimés. Nous trouvons des passages mais nous ne savons pas où les placer. A l'époque lorsque l'on citait un passage, on ne disait pas : dans le vers 14 de son poème Parménide disait… L'auteur cite : Parménide avait dit que… Mais où placer ces lignes ?
 
Évidemment il y a des passages que personne n'a cités. Ces passages se sont perdus pour toujours. Il reste 19 citations. C'est à partir de ces 19 citations que des érudits ont essayé de situer le poème de Parménide. 
Ces citations se sont étalées dans le temps, le long d'un millénaire. Le premier qui a cité quelques mots de Parménide c'est Platon 4ème siècle avant notre ère. Le tout dernier citateur c'était Simplicius  6ème siècle de notre ère.

Quand Simplicius cite Parménide il dit « je me permets de citer Parménide parce que j'ai le plaisir et le privilège de posséder son texte qui est devenu rare à mon époque », il y a aussi Plutarque et une quarantaine d'auteurs qui ont cité des passages du poème.
Il a fallu mettre de l'ordre de ses 19 morceaux, on ne savait pas où les placer. Et l'ordre chez d'autres présocratiques est arbitraire. Dans le cas d'Héraclite on peut placer chaque citation avant une autre ou après, cela ne change guère le texte. Dans le cas de Parménide c'est une exception. Etant donné le caractère méthodologique de sa philosophie, étant donné la rigueur de sa manière de présenter les choses, il donne des pistes pour qu'un intellectuel puisse mettre de l'ordre dans ses 19 fragments. Un ordre qui pourrait respecter dans 80 % des cas la place originale de ces morceaux dans le poème.

Il y a une systématicité qui oblige à placer le texte X avant le texte de Z. Il y a un développement ce qui est assez rare. Il y a évidemment quatre ou cinq fragments sur 19 qui sont constitués d'une ligne en vers donc qui peuvent être placés n'importe où. Mais 80 % des citations de Parménide aujourd'hui se trouvent dans le même endroit où elles se trouvaient dans l'original perdu.

 Parménide est le premier philosophe qui s'est exprimé d'une manière systématique. Il n'y a pas chez les philosophes de son époque un souci de démonstration. Ils s’expriment comme les Oracles, par des proverbes, par des interjections. Bien sûr tout ce que les premiers philosophes ont dit est d'une grande profondeur, mais il n'y a pas de méthode.
 
En revanche chez Parménide il y a une utilisation du principe d'identité, du principe de non-contradiction, il y a un raisonnement par l'absurde, il y a des alternatives exclusives. C'est une méthode. 

Parménide place la philosophie comme un chemin à parcourir. Et dans un chemin à parcourir il y a un point de départ, des étapes, un point d'arrivée. On ne peut commencer n'importe où. 
Il y aura un point de départ. La notion de chemin chez lui aura un poids considérable. Le chemin un grec c'est « hodos « methodos »poursuivre un chemin (« metá » qui suit, « hodós » chemin).
Un philosophe méthodique, un penseur, un scientifique méthodique, est quelqu’un qui achemine sa pensée, qui met sa pensée à l'intérieur d'un chemin. Sinon c'est le chaos. 
Quand il y a une suite dans un raisonnement, c'est que le raisonnement s'achemine. Donc il est méthodique. En grec on dit « il suit un chemin ». Le mot chemin dans le poème de Parménide apparaît une vingtaine de fois. C'est le mot-clé. 
Voilà pourquoi l'on ne peut placer l'une des 19 citations n'importe où. Il y a dans le contenu de la phrase des choses qui renvoient à quelque chose d'antérieur ou quelque chose de postérieur. C'est la première remarque formelle.


La deuxième remarque concerne la forme. 
Pourquoi Parménide a décidé d'écrire un poème dans une époque où déjà les philosophes écrivent des traités ? Les quatre lignes d'Anaximandre font partie d'un traité. Pourquoi a-t-il décidé, lui, de s'exprimer par l'intermédiaire de la poésie ? Si nous regardons la métrique utilisée par Parménide nous voyons qu'il utilise la métrique hésiodique et homérique. C'est-à-dire que volontairement Parménide décide de se placer dans une tradition épique. 
Il veut écrire comme écrivait Hésiode, comme écrivait Homère. Et non seulement cela concerne la métrique parménidienne, cela concerne aussi quelques clichés. Le poème de Parménide est rempli de clichés homériques, d'épithètes homériques. Tout cela pour que  l'auditeur écoute la récitation d'un traité ou d'un poème dans un coin de l'Agora, ou chez des amis, et soit captivé. Ils ont entendu cela chez Hésiode, chez Homère, ce n'est pas la même chose, mais les images reviennent.
Une fois que le lecteur a été pris, la philosophie rentre d'une façon directe. Si on commence le poème par « l'être est, le non-être n'est pas » l'auditeur s'en va. Mais si on commence par : « il y avait une fois un jeune homme qui faisait un voyage dans le ciel...  ».
C'est là le point de départ du poème de Parménide. Une fois séduit il envoie à l'auditeur sa philosophie.

C'est pour se placer dans une tradition épique que Parménide décide d'écrire un poème. Les poèmes homériques même si ce n'est pas Homère qui les a écrits, les poèmes hésiodiques prétendent raconter des vérités. Les deux poèmes d'Hésiode commencent par un appel à une déesse « raconte-moi ô muse ce qui s'est passé... » Et la muse raconte. Les gens croient que c'est une vérité. Ce sont des réalités, simplement comme elles se placent dans un passé très lointain, qu’il n'y avait pas de témoins, le poète demande l'inspiration à la déesse. Une déesse qui a vu les événements inspire le poète pour qu'il les écrive. 

Parménide  aussi a une vérité à transmettre, c'est pour cela qu'il rentre dans cette tradition. Mais la vérité qu'il va transmettre n'est pas une vérité mythique, c'est une vérité logique. C'est pour cela qu'il utilise des principes logiques, des arguments. Il veut convaincre, non pas grâce à l'autorité d'une déesse, il veut convaincre par l'intermédiaire d'un raisonnement, il donne des raisons.

C'est le premier philosophe qui donne des raisons de ce qu'il expose. C'est pour cette raison que Parménide a décidé d'utiliser la poésie. De plus il est plus facile de retenir un poème à  l'oreille et à la mémoire qu'un traité. A l'époque beaucoup de gens connaissaient la presque totalité de l'Iliade ou de l'Odyssée. Ce sont les raisons qui ont poussé Parménide à écrire un poème. Mais je crois qu'il il y a aussi une raison psychologique. 

Parménide est conscient que la découverte des choses est si importante qu'il veut toucher un public le plus large possible. Il dit « Plus didactique je serai mieux ce sera, plus les gens vont accepter et plus ils discuteront ce que je dirai ». C'est la raison psychologique du choix de la poésie.



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Membre, 69ans Posté(e)
Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 69ans‚
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il y a 36 minutes, satinvelours a dit :

Nous pouvons examiner avec plus de froideur que Platon qui était engagé et voulait tuer carrément Parménide.

C'était une constance chez ces barbares que de tuer celui qui ne pensait pas comme du monde, au mieux on l'envoyait en exil. Cette intolérance a fait long feu et perdure jusqu'à nos jours. Les musulmans, qui étaient les premiers à se rendre compte de l'avantage à tirer des philosophes grecs, alors que les Européens faisaient de la théologie dogmatique pendant des siècles, en sont restés aujourd'hui encore avec cette tradition d'intolérance. Et l'on s'exclame avec beaucoup de fierté et d'enthousiasme que la Grèce fut le berceau des sciences et de la philosophie !

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Quelle est alors la pensée transmise par les vers de Parménide ? Les tout premiers philosophes se sont posés des questions sur les principes, les causes, les éléments de toutes choses. Les choses ce sont les éléments cosmiques, l'être humain, les dieux, les classes sociales dans la cité. 
Quand un Grec utilise le mot chose en général c'est pour ne pas particulariser ce qu'il dit. Les tout premiers philosophes se posaient des questions sur le constituant des choses, les éléments, les principes des choses. De la réalité morcelée, découpée en choses.

Or cette recherche supposait qu'il y avait des choses, qu'il y avait une réalité à décortiquer, à étudier, à analyser. La tâche du philosophe consistait à regarder d'une manière spéciale la réalité, les choses pour faire une sorte de radiographie, pour entrer au-delà des apparences, pour voir quel était le principe ou l'élément constitutif des choses.
Parménide, en revanche, place la recherche dans une étape préalable, antérieure à celle des philosophes précédents. Parce que selon lui, avant de répondre aux questions sur l'origine et les éléments des choses, il fallait admettre qu'il y avait des choses, il fallait même démontrer qu'il y avait des choses pour pouvoir ensuite les décrire. L'affirmation banale, évidente  « Il y a des choses » c'est le point de départ de la philosophie.

Personne ne l'avait dit avant Parménide. On philosophait comme si il y avait des choses. Évidemment qu'il y avait des choses, mais il fallait le démontrer et surtout en tirer des conséquences. Que veut dire il y a des choses ? Dans la formule il y a des choses l’important ce n'est pas les choses, l'important c'est « il y a » dès que l'on dit il y a on peut remplir ensuite le sujet avec les choses, les dieux….

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aliochaverkiev Membre 1 978 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 4 heures, Maroudiji a dit :

C'était une constance chez ces barbares que de tuer celui qui ne pensait pas comme du monde, au mieux on l'envoyait en exil. Cette intolérance a fait long feu et perdure jusqu'à nos jours. Les musulmans, qui étaient les premiers à se rendre compte de l'avantage à tirer des philosophes grecs, alors que les Européens faisaient de la théologie dogmatique pendant des siècles, en sont restés aujourd'hui encore avec cette tradition d'intolérance. Et l'on s'exclame avec beaucoup de fierté et d'enthousiasme que la Grèce fut le berceau des sciences et de la philosophie !

Ce n'est pas de l'enthousiasme c'est un fait historique. Philosophie est un mot grec. Renseignez-vous. Il est vrai que vous, vous appelez philosophie toute éructation sonore.

à l’instant, aliochaverkiev a dit :

Ce n'est pas de l'enthousiasme c'est un fait historique. Philosophie est un mot grec. Renseignez-vous. Il est vrai que vous, vous appelez philosophie toute éructation sonore.

Vous avez un texte qui expose un travail, mais vous êtes incapable de fournir un "travail". Incapable de voir une construction devant vous sans vouloir aussitôt la détruire. A part détruire vous savez faire autre chose ? Vous êtes capable d'exposer ici un travail plutôt que de sans cesse cracher votre aigreur ?

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Membre, Posté(e)
aliochaverkiev Membre 1 978 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 4 heures, satinvelours a dit :


 L'affirmation banale, évidente  « Il y a des choses » c'est le point de départ de la philosophie.

Personne ne l'avait dit avant Parménide. On philosophait comme si il y avait des choses. Évidemment qu'il y avait des choses, mais il fallait le démontrer et surtout en tirer des conséquences. Que veut dire il y a des choses ? Dans la formule il y a des choses l’important ce n'est pas les choses, l'important c'est « il y a » dès que l'on dit il y a on peut remplir ensuite le sujet avec les choses, les dieux….

 

La première pierre en somme "il y a ". Heidegger construira à partir de cette première pierre.

Modifié par aliochaverkiev
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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 989 messages
If you don't want, you Kant...,
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Apparté:

C'est bizarre tout de même, je ne peux m'empêcher de voir une frappante ressemblance entre le dernier venu Arlekin, et surtout les prédécesseurs récents Satinvelours et un peu moins Aliochaverkiev ? Un pur hasard ?

Serait-ce des monologues déguisés faute d'interlocuteurs à la hauteur... ? :hum:

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Il y a 19 heures, aliochaverkiev a dit :

La première pierre en somme "il y a ". Heidegger construira à partir de cette première pierre.

C'est cela. Les philosophes d'aujourd'hui ont laissé tomber cette question à partir de Heidegger, mais pendant 26 siècles les philosophes ont été obsédés par la découverte de l'être des choses.
Cette recherche commence en Grèce avec Parménide au sixième siècle avant notre ère.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Il y a 21 heures, deja-utilise a dit :

Apparté:

C'est bizarre tout de même, je ne peux m'empêcher de voir une frappante ressemblance entre le dernier venu Arlekin, et surtout les prédécesseurs récents Satinvelours et un peu moins Aliochaverkiev ? Un pur hasard ?

Serait-ce des monologues déguisés faute d'interlocuteurs à la hauteur... ? :hum:

La remarque n'est pas bête ! Mais c'est intéressant ce qu'il/s raconte/nt !... On va voir où ça veut en venir...

Que la philosophie (telle que nous la connaissons) soit née en Grèce, c'est certain. Que cette naissance soit due à la langue grecque, c'est assez vraisemblable. Qu'elle ne soit due qu'à la langue grecque c'est très possible, mais c'est une thèse.

Le cartésianisme est-il du à la langue française ? Le kantisme à la langue allemande ? On pourrait le croire. On voudrait le croire ?

Cette focalisation sur le verbe être grec favorise la réflexion. (Mais je trouve aussi que ça fait peut-être trop ?) On verra où ça nous mène...

L'arabe pour le très peu que j'en connaisse emploie guère le verbe être et il accole le qualificatif au sujet directement. ça n'a pas empêché les arabes de nous transmettre les philosophes grecs ce qui prouve que ça ne les empêchait pas de s'y intéresser. En revanche, l'espagnol a deux verbes être? "Ser y Estar". (Est-ce par réaction ?!!!)  Estar pour attribuer des qualités momentanées et ser pour des "états" plus durables. Ce serait aussi digne d'être analysé...

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Invité
Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
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Le 4 octobre 2017 à 20:36, deja-utilise a dit :

Apparté:

C'est bizarre tout de même, je ne peux m'empêcher de voir une frappante ressemblance entre le dernier venu Arlekin, et surtout les prédécesseurs récents Satinvelours et un peu moins Aliochaverkiev ? Un pur hasard ?

Serait-ce des monologues déguisés faute d'interlocuteurs à la hauteur... ? :hum:

Bonjour, 

'je profite de cette intervention. Si combine il y a, je n'en fais pas partie. Remarquez que ma question est restée sans réponse dans l'autre sujet. 

Bien à vous

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

C'est Parménide qui a poussé ce cri « il y a ». C'est à ce moment-là que la philosophie commence. Justement Parménide est très conscient du fait qu'il y a quelque chose de nouveau à dire. Il veut montrer ce qu'il y a derrière quelque chose de banal. Car rien n'est plus banal qu’il y a des choses. C'est cet « il y a » qui fait être les choses. C'est à ce moment-là que Parménide choisit un moyen littéraire capable de réveiller les gens ou les toucher, les captiver, d'abord pour lancer et démontrer ensuite tout ce qu'il a à dire.
 
En réalité le point de départ de Parménide est très facile à saisir du point de vue de la langue grecque. La langue reproduit une structure de pensée. Si nous parlons une certaine langue c'est que nous pensons d'une certaine manière. Comme langue d'origine. Même si on l'on adopte une autre langue, dans des moments difficiles on pense avec les schémas de pensée d'origine.
Le point de départ de Parménide c'est en réalité une analyse philosophique de la langue grecque. Pourquoi ? 
Le mot chose dans le sens général en grec n'existe pas. En grec il y a des mots équivalents au mot chose en français mais pour certaines choses. Par exemple quand il s'agit des affaires en grec il y a le mot « cremata ». Quand il s'agit de choses préfabriquées il y a le mot « pragmata », on parle de choses produites. Mais lorsque l’on veut parler de choses en général il y a en grec le participe présent du verbe être. C'est la forme équivalente du mot chose « ta onta ». C'est un pluriel : les choses.
 
En grec les choses c'est le participe présent de verbe être. La seule façon de faire allusion à la réalité consiste à regarder la réalité comme des étants. Le participe présent du verbe être en français c'est étant. Littéralement « ta onta » sont « les étants »
Ce n'est pas une théorie philosophique, c'est la langue grecque. Le mot chose en français vient du latin « causas », rien à voir avec le mot grec. Déjà le mot grec équivalent au mot chose c'est un participe présent d'un verbe, le verbe être.
Choses et être sont déjà unis à l'origine. Un participe est une forme d'un verbe. Le participe étudiant est le participe du verbe étudier, le participe protestant est le participe du verbe protester. S’il n’y avait pas le verbe être, il n'y aurait pas les étants.

Les choses possèdent de l’être, de la même manière que l'étudiant possède le verbe étudier, ou un protestant le verbe protester.

Que veut dire possède ? Cela veut dire que sans l'un il n'y aurait pas l'autre. Sans l'être il n'y aurait pas les étants. On parle du verbe. 
Ce n'est pas Parménide c'est la langue grecque. Le mot grec pour faire allusion aux choses nous montre déjà que les choses participent de l'être. De quelle manière les choses pourraient ne pas être si elles ne participaient pas de l'être. De quelle manière y aurait-il un étudiant s'il n'y avait pas le verbe étudier. Comme il y a le verbe étudier il y a des gens qui assument cette action au présent : ils sont des étudiants, ils sont en train d’étudier. S'il n'y avait pas le verbe original, il n'y aurait pas de forme verbale.
 
La spécificité de la langue grecque c'est que pour nommer les choses on utilise le participe présent d'un verbe, le verbe être. Déjà comme le dit Parménide les choses existent, il y a des choses, les choses sont, c'est une tautologie pour un Grec parce que les choses sont des particularisations du fait d'être. Le mot chose, étant, est une forme du verbe être.

D'un point de vue linguistique Parménide veux dramatiser l'origine des mots. Nous les Grecs nous appelons les objets des étants. Mais pourquoi nous les appelons des étants ? Parce qu'ils existent. Mais que veut dire exister ? 

C'est à ce moment-là que la machine Parménidienne se met en marche. Tout le poème de Parménide sera une analyse approfondie de cette notion d'être, d'existence qui se trouve dans tout ce qui est, car tout ce qui est, est appelé par un participe, étant, dont l'origine est le verbe être.

A première vue c'est une lapalissade de dire qu'il y a des choses. Mais il faut entrer à travers les mots pour savoir ce que cela veut dire.
La tâche du philosophe consiste à saisir la signification du verbe être. Si nous saisissons la signification du verbe être nous saisissons la signification de chose, parce que les choses sont des étants. Une fois que sera saisi ce que veut dire être, le verbe être, nous allons trouver une manifestation de ce verbe être dans tous les étants, dans toutes les choses.


Voilà la tâche essentielle du philosophe.

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 989 messages
If you don't want, you Kant...,
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Il y a 9 heures, ArLeKiN a dit :

Bonjour, 

'je profite de cette intervention. Si combine il y a, je n'en fais pas partie. Remarquez que ma question est restée sans réponse dans l'autre sujet. 

Bien à vous

Merci pour la précision, j'avais déjà eu vent que c'était peu probable. 

 

Quelle question est restée sans réponse ? De ma part ?

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Invité
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Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)
il y a 25 minutes, deja-utilise a dit :

Merci pour la précision, j'avais déjà eu vent que c'était peu probable. 

 

Quelle question est restée sans réponse ? De ma part ?

10ème intervention à la p. 2.

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 989 messages
If you don't want, you Kant...,
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Il y a 23 heures, Blaquière a dit :

 

Que la philosophie (telle que nous la connaissons) soit née en Grèce, c'est certain. Que cette naissance soit due à la langue grecque, c'est assez vraisemblable. Qu'elle ne soit due qu'à la langue grecque c'est très possible, mais c'est une thèse.

Le cartésianisme est-il du à la langue française ? Le kantisme à la langue allemande ? On pourrait le croire. On voudrait le croire ?

J'apprécie la parenthèse !

 

Néanmoins, si la philosophie est l'art et la manière de se poser des questions, et d'y répondre ou de les réduire, alors on ne peut sans doute pas en rester à une telle position, disons plutôt que c'est une forme de philosophie qui est nait en Grèce, est-ce que tu pourrais soutenir que les mathématiques sont nées à tel endroit et à tel époque, non, tous les peuples les ont pratiquées à leur façon, sans entretenir de lien de filiation ou de communication.

De même, ce n'est pas parce que l'on n'avait certainement pas de mot pour dire inventer au début de l'humanité que nos ancêtres préhistoriques n'ont rien inventé.

Ou que monsieur Jourdain pratiquait la prose sans le savoir.

 

Sinon, comment expliquer par exemple, que je faisais enfant ( < 18ans ) déjà de la philosophie ( je rappelle que j'étais en ces temps là à moitié illettré, ne sachant pratiquement ni lire, ni écrire ou alors plus que laborieusement, et que je vivais dans une banlieue malfamée, violence et cie. ), [ mais que je n'ai pu étiqueter cette activité réflexive que très récemment , il y a entre cinq et dix ans seulement, ce qui implique que je pratiquais une chose dont je n'avais pas de mot pour le signifier ou le mettre en lumière, en sailli avec autrui, en parler directement, l'exhiber en tant que sujet/activité en elle-même, mais ai-je changé entre temps ? Non, ma plus grande évolution se situe dans le perfectionnement de faire sortir de ce que j'ai dans mon crâne pour l'inoculer dans une autre cervelle pour me faire comprendre, mais sans cette interaction avec quelqu'un je n'aurais pas eu besoin d'améliorer ma communication verbale, je n'avais pas besoin de me convaincre ou de m'expliquer ce que je savais, le plus délicat est bien la transposition d'un cerveau à un autre d'un savoir, pour plusieurs raisons que je commence à identifier aujourd'hui a posteriori. ] ?     À part que ce soit une propension humaine, aussi vieille que le monde - des humains - lui-même !

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 989 messages
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Le 05/10/2017 à 15:16, satinvelours a dit :

C'est cela. Les philosophes d'aujourd'hui ont laissé tomber cette question à partir de Heidegger, mais pendant 26 siècles les philosophes ont été obsédés par la découverte de l'être des choses.
Cette recherche commence en Grèce avec Parménide au sixième siècle avant notre ère.

Peut-être parce que la science s'est immiscée dans cette quête, et y a délogé le règne sans partage de la philosophie ?

Pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien ? La réponse la plus commune, serait donc de dire que si il n'y avait pas, nous ne serions pas là pour en parler, mais nous sommes bien d'accord que ça ne résout rien, alors à défaut de pouvoir dire pourquoi, la science va répondre comment ! Reléguant ce type de question à l'ontologie métaphysique, car insondable, inaccessible, voire irréfutable.

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il y a 15 heures, deja-utilise a dit :

Pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien ? 

" Pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien ? Car le rien est plus simple et plus facile que quelque chose." (Principe de la nature et de la Grâce).

Leibniz fait remarquer, non sans ironie, que l'on peut s'étonner qu'il existe quelque chose. Pourquoi l'être plutôt que le néant. S'il y a  quelque chose plutôt que rien, c'est que forcément il y a une raison suffisante à l'existence du monde.

C'est un argument à développer.

  • Confus 1
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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Parménide conscient du fait qu'il est très difficile de saisir ce qu'il va dire, invente une mise en scène. Il présente ce qu'il veut dire comme  un cours de philosophie, comme une leçon, comme un chemin à parcourir. Il y a une petite histoire dans son poème, comme dans les dialogues de Platon. 
Platon pour dire des choses  invente une histoire pour rentrer ensuite dans le vif du sujet. 
Dans le cas du poème, Parménide se place dans la peau d'un jeune homme qui veut connaître la vérité des choses. Mais évidemment s'il veut connaître c'est qu'il est ignorant, il ne possède pas encore la vérité. Donc ce jeune homme entreprend un voyage le long d'un chemin à la recherche d'un maitre de vérité, quelqu'un qui va lui faire un cours de philosophie. 
Le point de départ c'est l'ignorance. On commence à marcher le long d'un chemin et les images du poème sont tout à fait homériques, hésiodiques. Un char qui se promène dans le ciel guidé par des filles du soleil qui illuminent le chemin. C'est très poétique.

Tout cela se trouve dans 28 vers. C'est un petit texte qui a été conservé en entier.
Ce jeune homme commence à voyager,  il rencontre une déesse anonyme qui reçoit de bon gré ce jeune homme et lui adresse un cours de philosophie. Puisque tu veux savoir ce qu'est la vérité, écoute moi. 

Finissent alors les images poétiques. Le cours de philosophie commence à la ligne 29.

Il y a 28 lignes qui racontent le voyage imagé, et à la ligne 29 Parménide commence à parler. C'est une mise en scène, la déesse n'a pas de nom propre, simplement Parménide fait un clin d'œil à Homère et Hésiode.
 
Mais la déesse de Parménide est une déesse rationaliste, elle oblige le jeune homme à réfléchir. Il n'y a rien de révélation dans ce poème, il s'agit de la logique pure.

Parménide souligne qu'il s'agit d'un jeune homme, un kouros. Cela veut dire que ce jeune homme n'a pas d'expérience intellectuelle, il pourrait donc être séduit par des faux discours. Il y a le chant des sirènes, comme pour Ulysse, qui pourrait tenter le jeune homme. Que fait alors cette déesse anonyme ? Elle fait un discours double. 

D'abord elle va poser la vérité. Quelle est la vérité des choses ? La première connaissance qu'il faut acquérir et qu'il faut admettre, est qu'il y a des choses. Voilà ce qu'il doit apprendre et ensuite tirer les conséquences, c'est la vérité.

Mais la déesse présente aussi un faux discours, un discours séduisant mais rempli d'opinions.  Il y a d'un côté la vérité et ce qu'il faut apprendre. Les opinions il faut les rejeter car elles sont subjectives. Le philosophe ce n'est pas les opinions, c'est la vérité. La déesse doit montrer qu'il y a aussi un discours faux, rempli d'opinions, mais très séducteur. Il faut apprendre à résister à la tentation. C'est pour cela que dans le poème de Parménide il y aura deux possibilités : la possibilité positive et le discours négatif. 

C'est tout à fait didactique. Un bon maître doit aussi suggérer à son étudiant ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Parce que, en réalité, savoir que ce qui est faux est faux est vrai. Donc démontrer que les opinions sont fausses fait partie de la vérité.
On pourrait dire que la déesse de Parménide ne va exposer que la vérité. Simplement ce sera exposé d'une manière directe, puis d'une manière indirecte. Il va démontrer de quelle manière il faut se méfier des opinions fausses.

C'est un programme d'études. A la fin de cette partie du poème la déesse dit « écoute moi je vais te transmettre quelles sont ces deux possibilités ».

On a reçu un morceau complet constitué de 32 lignes. Jusqu'à la ligne 28 il y a cette description de voyage de la ligne 29 à 32 les premiers mots de la déesse et ensuite le texte se termine. 
Heureusement on a trouvé chez un autre auteur sept lignes qui pourraient venir juste après ce que la déesse annonce. On a placé ce nouveau texte comme un fragment II. C'est presque évident que l'un vient après l'autre.

Dans ces 5 lignes nous trouvons le noyau de la philosophie de Parménide.
On sait que Parménide a dit « l'être est, le non-être n'est pas » dans ces 7 lignes se trouvent cette formule. 
Parménide a écrit son texte, mais dans la réception d'un texte philosophique de la part de contemporains, il y a une sorte de décalage. Dans ce qu'un philosophe dit, c’est comme un iceberg, il y a une partie immergée, profonde, c'est le noyau de la pensée du philosophe.
Mais peut-être que les contemporains ne le voient pas, ils ne voient peut-être que la partie émergée de l'iceberg. Et c'est à partir de cette partie émergée que ses contemporains luttent, réfutent, acceptent, combattent.
 
Peut-être que le fond de la chose n'est perçu que quelques siècles après.
Dans ces 5 lignes il y a pour les post-modernes le noyau de la philosophie de Parménide. 
Mais ces 5 lignes sont restées inconnues pendant un millénaire. 

Parménide a écrit son poème au 6ème siècle avant notre ère, et la première citation de ces 5 ou 6 lignes où se trouve le noyau de la philosophie de Parménide, se trouve chez Simplicius, 6ème siècle de notre ère. Pendant un millénaire personne n'a cru opportun de citer ce qui est le centre de la philosophie de Parménide. 

Il faut formuler des hypothèses. Pourquoi ? Peut-être que dire l'être est, le non-être  n'est pas est si évident qu'il est inutile de le citer. Mais Parménide l'a découvert et peut-être parmi ses contemporains il n'y avait pas le sens de découvrir une notion. 
Peut-être que la phrase est tellement obscure que personne ne l'a commentée. C'est un mystère ! 
Si Simplicius n'avait pas cité ces 7 lignes on ne saurait pas aujourd'hui que Parménide a dit « l'être est, le non-être n'est pas ». C'est le hasard.

Pendant mille ans personne n'a cité ces 7 lignes pour d'autres raisons. Simplicius trouve quelque chose d'intéressant il cite « car comme l'ouvrage est devenu rare je me permets de citer de longs extraits ». 
Et parmi ces extraits il y a ce fragment. 
C'est très important ! Et surtout ce qui est inimaginable, c'est l'écho, l'héritage que ces 7 lignes ont eu pour la pensée occidentale !

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 8 heures, satinvelours a dit :

Parménide conscient du fait qu'il est très difficile de saisir ce qu'il va dire, invente une mise en scène. Il présente ce qu'il veut dire comme  un cours de philosophie, comme une leçon, comme un chemin à parcourir. Il y a une petite histoire dans son poème, comme dans les dialogues de Platon. 
Platon pour dire des choses  invente une histoire pour rentrer ensuite dans le vif du sujet. 
Dans le cas du poème, Parménide se place dans la peau d'un jeune homme qui veut connaître la vérité des choses. Mais évidemment s'il veut connaître c'est qu'il est ignorant, il ne possède pas encore la vérité. Donc ce jeune homme entreprend un voyage le long d'un chemin à la recherche d'un maitre de vérité, quelqu'un qui va lui faire un cours de philosophie. 
Le point de départ c'est l'ignorance. On commence à marcher le long d'un chemin et les images du poème sont tout à fait homériques, hésiodiques. Un char qui se promène dans le ciel guidé par des filles du soleil qui illuminent le chemin. C'est très poétique.

Tout cela se trouve dans 28 vers. C'est un petit texte qui a été conservé en entier.
Ce jeune homme commence à voyager,  il rencontre une déesse anonyme qui reçoit de bon gré ce jeune homme et lui adresse un cours de philosophie. Puisque tu veux savoir ce qu'est la vérité, écoute moi. 

Finissent alors les images poétiques. Le cours de philosophie commence à la ligne 29.

Il y a 28 lignes qui racontent le voyage imagé, et à la ligne 29 Parménide commence à parler. C'est une mise en scène, la déesse n'a pas de nom propre, simplement Parménide fait un clin d'œil à Homère et Hésiode.
 
Mais la déesse de Parménide est une déesse rationaliste, elle oblige le jeune homme à réfléchir. Il n'y a rien de révélation dans ce poème, il s'agit de la logique pure.

Parménide souligne qu'il s'agit d'un jeune homme, un kouros. Cela veut dire que ce jeune homme n'a pas d'expérience intellectuelle, il pourrait donc être séduit par des faux discours. Il y a le chant des sirènes, comme pour Ulysse, qui pourrait tenter le jeune homme. Que fait alors cette déesse anonyme ? Elle fait un discours double. 

D'abord elle va poser la vérité. Quelle est la vérité des choses ? La première connaissance qu'il faut acquérir et qu'il faut admettre, est qu'il y a des choses. Voilà ce qu'il doit apprendre et ensuite tirer les conséquences, c'est la vérité.

Mais la déesse présente aussi un faux discours, un discours séduisant mais rempli d'opinions.  Il y a d'un côté la vérité et ce qu'il faut apprendre. Les opinions il faut les rejeter car elles sont subjectives. Le philosophe ce n'est pas les opinions, c'est la vérité. La déesse doit montrer qu'il y a aussi un discours faux, rempli d'opinions, mais très séducteur. Il faut apprendre à résister à la tentation. C'est pour cela que dans le poème de Parménide il y aura deux possibilités : la possibilité positive et le discours négatif. 

C'est tout à fait didactique. Un bon maître doit aussi suggérer à son étudiant ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Parce que, en réalité, savoir que ce qui est faux est faux est vrai. Donc démontrer que les opinions sont fausses fait partie de la vérité.
On pourrait dire que la déesse de Parménide ne va exposer que la vérité. Simplement ce sera exposé d'une manière directe, puis d'une manière indirecte. Il va démontrer de quelle manière il faut se méfier des opinions fausses.

C'est un programme d'études. A la fin de cette partie du poème la déesse dit « écoute moi je vais te transmettre quelles sont ces deux possibilités ».

On a reçu un morceau complet constitué de 32 lignes. Jusqu'à la ligne 28 il y a cette description de voyage de la ligne 29 à 32 les premiers mots de la déesse et ensuite le texte se termine. 
Heureusement on a trouvé chez un autre auteur sept lignes qui pourraient venir juste après ce que la déesse annonce. On a placé ce nouveau texte comme un fragment II. C'est presque évident que l'un vient après l'autre.

Dans ces 5 lignes nous trouvons le noyau de la philosophie de Parménide.
On sait que Parménide a dit « l'être est, le non-être n'est pas » dans ces 7 lignes se trouvent cette formule. 
Parménide a écrit son texte, mais dans la réception d'un texte philosophique de la part de contemporains, il y a une sorte de décalage. Dans ce qu'un philosophe dit, c’est comme un iceberg, il y a une partie immergée, profonde, c'est le noyau de la pensée du philosophe.
Mais peut-être que les contemporains ne le voient pas, ils ne voient peut-être que la partie émergée de l'iceberg. Et c'est à partir de cette partie émergée que ses contemporains luttent, réfutent, acceptent, combattent.
 
Peut-être que le fond de la chose n'est perçu que quelques siècles après.
Dans ces 5 lignes il y a pour les post-modernes le noyau de la philosophie de Parménide. 
Mais ces 5 lignes sont restées inconnues pendant un millénaire. 

Parménide a écrit son poème au 6ème siècle avant notre ère, et la première citation de ces 5 ou 6 lignes où se trouve le noyau de la philosophie de Parménide, se trouve chez Simplicius, 6ème siècle de notre ère. Pendant un millénaire personne n'a cru opportun de citer ce qui est le centre de la philosophie de Parménide. 

Il faut formuler des hypothèses. Pourquoi ? Peut-être que dire l'être est, le non-être  n'est pas est si évident qu'il est inutile de le citer. Mais Parménide l'a découvert et peut-être parmi ses contemporains il n'y avait pas le sens de découvrir une notion. 
Peut-être que la phrase est tellement obscure que personne ne l'a commentée. C'est un mystère ! 
Si Simplicius n'avait pas cité ces 7 lignes on ne saurait pas aujourd'hui que Parménide a dit « l'être est, le non-être n'est pas ». C'est le hasard.

Pendant mille ans personne n'a cité ces 7 lignes pour d'autres raisons. Simplicius trouve quelque chose d'intéressant il cite « car comme l'ouvrage est devenu rare je me permets de citer de longs extraits ». 
Et parmi ces extraits il y a ce fragment. 
C'est très important ! Et surtout ce qui est inimaginable, c'est l'écho, l'héritage que ces 7 lignes ont eu pour la pensée occidentale !

 

J'ai un peu l'impression que tu veux tester ton cours... Si c'est ça il faut le dire !

L'héritage sur la pensée occidentale ? J'ai souvent remarqué que le plus souvent, on considère que cette phrase de Parménide 'l'être est et le non être n'est pas"  comme le premier pas de la pensée rationnelle. Je l'ai longtemps cru aussi. Mais après avoir lu la description de l'être que fait Parménide, (genre : parfait, fini, sphérique... -de mémoire-) je me demande si Parménide ne serait en fait l'héritier de toutes les pensées mystiques ou théologiques précédentes et annonciateurs des suivantes.

C'est une question que je me pose.

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Il y a 15 heures, Blaquière a dit :

J'ai un peu l'impression que tu veux tester ton cours... Si c'est ça il faut le dire !

Vous êtes très clairvoyant !  :)

Je rôde ici mon sujet avant de le transmettre à mes étudiants !!! Ou, a contrario... le leur ayant dispensé j’en rapporte le contenu sur le forum !!!

Plus sérieusement, c’est un sujet complexe et long et cela demande de la rigueur.

Je réfléchis à votre question très intéressante.

Modifié par satinvelours
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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, satinvelours a dit :

Vous êtes très clairvoyant !  :)

Je rôde ici mon sujet avant de le transmettre à mes étudiants !!! Ou, a contrario... le leur ayant dispensé j’en rapporte le contenu sur le forum !!!

Plus sérieusement, c’est un sujet complexe et long et cela demande de la rigueur.

Je réfléchis à votre question très intéressante.

En tout cas j'aime bien votre cours ! Je me souviens que c'est surtout Nietzsche qui a apporté un éclairage différent sur les présocratiques.  Et aussi que c'est Héraclite qui semble s'opposer le plus clairement par sa conception de changement perpétuel au principe finalement plus statique et absolu de Parménide.

Je vais vous faire rire : Quand j'étais plus jeune  je me suis amusé un temps à traduire les présocratiques en ?...... Provençal !

ça donnait un truc du genre : "l'estre es quicon, lou noun-estre es pas rèn." (L'être est "quelque chose" (!) le non être n'est... rien du tout !!!!) Mais on sentait déjà l'interprétation ! C'était de la philosophie du point de vue d'un langage populaire !

Modifié par Blaquière
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