L'art de l'accompagnement musical

On oublie trop souvent que la communion qui s'installe dans le récital entre le soliste et le public repose pour beaucoup sur l'art de son accompagnateur.

Au dire de Nemeitz (1727), les Français savaient accompagner « d'une façon charmante », se montrant à la fois agiles à exécuter « d'une main prompte », et discrets dans les dessins dont ils ornaient la basse sans y mettre « rien de superflu ». Tout l'art de l'accompagnement consiste donc à se mettre au service du chanteur mais sans se limiter pour autant à un accompagnement plat et stérile. L'habileté/discrétion de l'accompagnateur a atteint des sommets en Espagne, depuis environ trois siècles, avec l'essor de la guitare flamenca, et je vous livre ci-dessous un exemple d'accompagnement qui, à plus d'un titre, approche la perfection puisqu'une osmose complète s'opère entre chanteur et accompagnateur.  

D'autres exemples, aussi bien en flamenco que dans d'autres grands styles musicaux sont les bienvenus.

Bonjour Tison2feu,

Pour ma part le plus bel instrument d'accompagnement musical, c'est la voix humaine.

Merci Enchantant. 

L'accompagnement vocal a en effet l'avantage de surclasser certains accompagnements rythmiques trop froids et mécaniques (à commencer par le métronome ou tout ce qui y ressemble...). Mais certains instruments musicaux ne parviennent-ils pas à dépasser les possibilités de la voix humaine ?

Autre exemple d'accompagnement envoûtant, où les instruments d'accompagnement sont le prolongement vivant, pas seulement mécanique, de la voix humaine :

Complicité et "compenetración" très vite atteinte entre cantaor flamenco et tocaor. L'accompagnateur (de l"Ecole de Morón") entame littéralement un dialogue avec le chanteur. Cante por bulerías.

Toute la difficulté, pour un tocaor virtuose, est de ne pas trop se mettre en avant mais de suivre et d'anticiper les mouvements du cantaor. Ici accompagnement solide de Paco Cepero, qui sait malgré tout quand s'arrêter, quand intercaler une falseta (variation), et comment fondre son émotion avec celle de Rancapino Chico:

Force est de constater qu'aucun guitariste flamenco, même le plus doué en tant que compositeur soliste, ne peut faire l'économie de l'apprentissage et de la maîtrise de l'accompagnement du chant ou de la danse. Savoir accompagner est un passage obligé. 

Tel fut le cas de Paco de Lucía qui se fit connaître tout jeune en accompagnant son frère au chant et qui multipliera les enregistrements avec les plus grands cantaores de son temps. Ce sont ces séances d'accompagnement qui vont lui servir parfois de laboratoires pour ses futurs disques solos. On peut écouter la version de "Cepa andaluza" où Paco accompagne son frère Pepe de Lucía :

Ci-dessous, la version en solo de "Cepa andaluza", figurant dans Fuente y Caudal de 1973, à la 23e minute :

A l'inverse des morceaux précédents, un accompagnement sans fioritures mais très efficace.